Faim au Sud, crise au Nord

Faim au Sud, crise au Nord

Sous la direction de J.P. Alaux et Ph. Norel, l’Harmattan, Paris, 1985.

 « Qu’y a-t-il dans la nature même du libéralisme qui le contraigne à sous-développer des périphéries proches ou lointaines ? Quelle logique implicite condamne à l’échec bien des tentatives de développement, notamment agricoles ? En clair, faim au Sud et crise du Nord n’ont-elles pas une même origine ? »: les relations Nord-Sud évoquées dans un travail collectif et pluridisciplinaire.

J.P. Alaux est journaliste, J. Berthelot est économiste rural (enseigne à l’Ecole Nationale Supérieur Agronomique de Toulouse (ENSAT)), B. Delpeuch est agronome, S. Latouche est directeur de recherche à l’Institut d’Etudes du Développement Economique et Social (IEDES), V. Leclercq est ingénieur en agriculture et chercheur à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Ph. Norel est économiste…

extraits significatifs

p. 8 ; « La malnutrition gagne du terrain dans d’autres sociétés de ce type : Chili, Argentine, Philippines qui, en compagnie du Nigéria -en faillite- et de la Corée du Sud, semblaient représenter des exemples de « décollage » économique. Dans les pays riches eux-mêmes, les soupes populaires se multiplient. »

p. 11-12 ; « En posant un voile pudique sur cet aspect de la réalité, on se condamne à perdre de vue que le capitalisme libéral est, par nature, un système en crise : la stabilité équivaut pour lui à une anémie, et sa santé exige l’entretien d’une expansion sans limite. ou bien il demeure en crise de croissance -et il se porte bien-, ou bien, s’il sort de cette crise, le voilà…en crise, mais de faiblesse.

Dans cette affaire, le tiers-monde joue les utilités ou les vases d’expansion : les conquêtes qu’il subit offrent à la boulimie de l’Occident des espaces, des ressources, des travailleurs, des clients, autant d’issues, d’échapatoires, de sursis pour une fuite en avant. L’internationalisation des échanges et l’aide incarnent leurs métamorphoses les plus récentes.

(…) En clair, la faim du Sud constitue-t-elle la contreparties des crises du Nord ?

(…) L’Occident n’a pas décidé le malheur de son environnement. Il le produit de surcroit, comme par nécessité. Aux faits, divers dans le temps et dans l’espace, de livrer des facteurs communs susceptibles d’indiquer, s’il y a lieu, la répétition d’une logique. »

p. 13 ; « Contrairement à la nature, l’expansionnisme libéral aime le vide. Il en a besoin et, s’il y lieu, le provoque. La faim compte parmi ces espaces économiques qu’il affectionne.

(…) A titre d’explication de la pauvreté, l’Occident préfère accuser une démographie dite « galopante », oubliant que sa propre histoire prouve l’existence d’une corrélation indubitable entre sécurité matérielle et chute de la natalité. »

p. 19 ; « pour acquérir ce thé sans pour autant le payer d’or et d’argent, la Compagnie anglaise des Indes orientales introduira en Chine l’opium cultivé au Bengale et en Turquie, réussissant de la sorte à déséquilibrer la balance commerciale de l’Empire céleste dès 1825. En découlent la réaction militaire des deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860) au terme de laquelle la défaite chinoise entraîne l’ouverture des ports au commerce international, puis la création de concessions pour les Puissances. »

p. 21 ; « Par contre, avec le pillage des Amériques au XVIème siècle, les indigènes sont surexploités et massacrés pour procurer des métaux précieux à l’Europe occidentale. Ces métaux fournissent la base d’accumulation primitive (ou faut-il penser « première acumulation sur le dos des sociétés primitives ») pour les premières activités manufacturières européennes, notamment celles du port d’Anvers (draps, toiles, briquetteries,etc.) devenue le nouveau centre de l’économie-monde. La fortune d’Anvers, qui durera jusque vers 1569, viendra surtout de sa situation d’intermédiaire obligé pour les besoins de l’Espagne conquérante : bois, goudrons, bateaux et céréales de la Baltique pour les Conquistadores, mais aussi toiles, draps, quincaillerie des Pays-Bas et d’Allemagne à réexporter vers les colonies américaines.

(…) Cette crise ne sera résolue qu’avec la mise en place d’un commerce fructueux entre Amérique et Europe : une nouvelle main-d’oeuvre -les esclaves de l’Afrique- remplace les autochtones américains massacrés.

(…) C’est l’époque, enfin, où Amsterdam remplace Anvers comme ville-centre de l’économie-monde utilisant, dans une logique tant commerciale qu' »industrielle », les ressources que lui procure sa pénétration dans l’océan Indien et jusqu’en Extrême-Orient. »

p. 22 ; « L’époque connaît l’apogée de la traite des Noirs et l’âge d’or du fameux commerce triangulaire -Europe-Afrique-Nouveau Monde- avec l’obtention de coton et de sucre des Amériques contre esclaves et produits manufacturés *. En Asie, la conquête de l’Inde signifie une pénétration plus avant à l’intérieur du continent, tandis que l’or et l’argent recueillis en Amérique du Sud et au Mexique fournissent les capitaux nécessaires à la révolution industrielle.

(…) Si désormais un pays (et non plus une ville) devient le centre de la nouvelle économie-monde, l’ampleur des tâches requises pour sa mise en valeur (tant pour commercer, contrôler les productions coloniales que pour produire les nouveaux débouchés coloniaux) imposait la domination d’un pays doté d’un marché national et capable de soutenir une révolution dans son propre mode de production. Ce qu’Amsterdam ne pouvait plus assumer, l’Angleterre allait désormais l’assurer avec le succès que l’on sait.

* C.f. Gunder-Frank, l’accumulation mondiale, 1500-1800, Calmann-Lévy, p. 303 à 308. »

p. 29 ; « Le génocide indien, utile à la conquête annihile une force de travail réelle qui devra être reconstituée plus tard. On ne tue pas impunément la « poule aux oeufs d’or ».

p. 67 ; « « Mêmes si les équipements extérieurs ont été, dans certains cas, rétablis, que ce soit au Pérou, en Egypte, au Portugal, au Chili, en Turquie, le coût social a été tel qu’il a pu amener un économiste égyptien à déclarer : « Il n’est plus besoin d’un mouvement révolutionnaire pour destabiliser un gouvernement car les mesures du Fonds (F.M.I.) ont le privilège de le faire en quelques heures. » *

*T. Lefranc, L’Imposture monétaire, Anthropos 1981. »

p. 89 ; « Nestlé et Unilever,

deux géants parmi les géants

Pour les dix premiers mois de 1984, le chiffre d’affaires consolidé par Nestlé, numéro deux mondial de l’alimentation derrière le groupe anglo-néerlandais Unilever, s’est élevé à 25,4 milliards de francs suisses (92,7 milliards de francs), en augmentation de 11,4 % par rapport à la même période de l’exercice précédent. La firme suisse employait en 1980, 145 815 personnes dans 302 usines de soixante-dix pays. Elle se situe au premier rang mondial pour le chocolat, les produits laitiers (les laits pour nourrissons en particulier), le café soluble (45 % du marché en 1980) et les confiseries. L’importance de ses achats de matières premières (par exemple 335 000 tonnes de café et 110 000 tonnes de cacao en 1974) lui permet d’influer directement sur les cours. La part des pays du Sud dans son chiffre d’affaires est passée de 30 % en 1975 à 40 % en 1981. Son bénéfice net consolidé égalait, en 1981, 1,7 milliard de francs suisses (6,2 milliards de francs) soit 3,5 % de son chiffre d’affaires.

Avec le rachat, en janvier 1985, d’une des premières multinationales agro-alimentaires américaines -Carnation (3,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 1983)-, pour la coquette somme de 3 milliards de dollars, l’empire Nestlé s’étend considérablement. D’autant qu’au même moment, il « avale » également la firme américaine Hills brothers Inc., de San Francisco, spécialisée dans la torréfaction et la commercialisation du café en grains (chiffre d’affaires de 350 millions de dollars).

*Pierre Harrisson, L’empire Nestlé, Ed. P.M. Favre, Genève, 1983,492 pages. »

p. 90 ; « En 1981, Unilever, autre multinationale géante de l’agro-alimentaire (son chiffre d’affaires total dépasse celui de Nestlé) employait 343 000 personnes (toutes activités confondues) dont 93 000 en Afrique. Son chiffre d’affaires s’élevait en 1978, à 10 milliards de livres sterling (110 milliards de francs environ), c’est-à-dire au produit national brut cumulé de vingt-cinq pays d’Afrique noire (de l’Angola au Sénégal). Sa plus importante filiale africaine, la United Africa Company, contrôle notamment les grands supermarchés du Nigeria et du Ghana et des plantations au Nigeria, Cameroun, Gabon et Zaïre. »

p. 93 ; « La conférence mondiale sur le commerce coopératif agricole -que préside M. Jean-Batiste Doumeng au sein de l’Alliance coopérative internationale- estimait, dans le rapport préparatoire à sa deuxième session (Moscou, 1980) que : « Il y a sans conteste des leçons à tirer du processus par lequel les firmes de l’agro-alimentaire sont devenues multinationales. La coopération doit en tirer la « substance » et définir sa pratique avec son éthique spécifique… Il serait intéressant, de ce point de vue, que les coopératives acquièrent les terminaux portuaires de réception et d’expédition, ainsi que la flotte de transport correspondante. La coopérative agricole doit aussi tendre à une diversification des approvisionnements et des ventes, de manière à pouvoir s’arbitrer géographiquement et dans le temps… » Bref, un véritable credo multinational, hymne au libéralisme néocolonial qu’aucune grande firme américaine ne saurait critiquer. »

p. 95 ; « *Ignacy Sachs, La découverte du tiers-monde, Flammarion, 1971. ce livre, méconnu, reste encore l’une des meilleures analyses du sous-développement et des conditions de développement. »

p. 101 ; « Bien que la plupart des pays en voie de développement en bénéficient, deux pays -l’Egypte et le Bangladesh- ont reçu le tiers (33,9 %) de l’aide en céréales de 1971 à 1981 ; si l’on y ajoute l’Indonésie, l’Inde et la Corée du Sud, on constate que 50,2 % de cette aide est absorbée par cinq pays seulement. Si, de 1955 à 1974, l’Asie a reçu les deux tiers du total, contre 5 à 6 % pour l’Afrique, la part de celle-ci n’a cessé de progresser pour atteindre 52 % de l’aide en céréales en 1980-1981, l’Asie comptant pour 41 % et l’Amérique latine pour 6 %. L’Egypte vient nettement en tête avec 1,9 million de tonnes par an en moyenne depuis 1977, soit 50 kg environ par habitant. »

p. 103 ; « Il en va de même pour l’Egypte, premier bénéficiaire depuis 1976. Quant au Chili, alors que l’aide lui avait été supprimée sous la présidence de Salvador Allende, il a reçu, en 1975, 633 000 tonnes de céréales, soit 60 % du total consacré à l’Amérique latine.

(…) L’aide alimentaire représente, en 1982, 700 millions d’ECU (Unités de compte européennes), soit environ 25 % de l’aide publique au développement de la Communauté. »

p. 104 ; « * Centre français du commerce extérieur, Les programmes d’aide alimentaire des pays donateurs, mai 1981.

* H. Delorme, J.P. Chabert et J. Egg, Les aides alimentaires de la C.E.E. et de la France, I.N.R.A. et F.N.S.P., septembre 1977.

* Pour une évaluation plus objective de cette opération dont on est si fier à Bruxelles, voir Solagral, L’Aide alimentaire, Syros, 1984, p. 83-98.

p. 107 ; « Il est vrai que l’aide bilatérale ne fait l’objet d’aucun suivi réel sur le terrain et que, si le P.A.M. procède à des évaluations systématiques de ses projets, elles sont généralement trop complaisantes. L’aide alimentaire ne se contente pas néanmoins d’enrichir les caisses de l’Etat ; elle contribue régulièrement aussi à la prospérité d’individus bien placés, à tous les niveaux, compte tenu des facilités de détournement qu’elle permet. »

p. 109 ; «  »Le problème de la faim n’est pas atténué par la simple fourniture d’une aide alimentaire si les produits envoyés sont écoulés sur le marché sans être accompagnés de mesures visant à accroìtre les revenus des groupes affamés. C’est le cas actuellement des deux tiers de l’aide alimentaire totale. Cette pratique tend à maintenir les prix alimentaires à un niveau peu élevé et profite aux habitants des villes. Toutefois, son coût est bien souvent élevé car elle décourage les producteurs vivriers et entraîne une croissance des importations alimentaires »

(…) * Conseil mondial de l’alimentation, Des stratégies alimentaires nationales pour vaincre la faim, Nations unies, 1982. »

p. 112 ; « * Préface de l’ouvrage de J.Bourrinet et M.Florny, L’Ordre alimentaire mondial, Economica, 1982.

* Voir D. Mas, « étude de la restructuration du marché céréalier au Mali dans le cadre de la recherche de l’autosuffisance alimentaire », D.E.A., Université des sciences sociales, Toulouse, octobre 1983, 114 pages. Lire également La lettre de Solagral, n.28, juin 1984. »

p. 132 ; « * Sur le statut de la terre en Afrique, voir Alain Husson, « A qui appartient la terre en Afrique ? », Faim-Développement, n.75, avril 1979. »

p. 160 ; « * Pour obtenir 1 kilo-calorie de viande de boeuf selon le modèle industriel, il faut compter 80 kilo-calories d’énergie fossile. C.f. D. et M. Pimentel, « Compter les kilo-calories », Revue du Cérès, n. 59, septembre-octobre 1977.

* Quelques chiffres : autour de Bamako, la forêt a reculé de 50 à 100 km, au cours des dernières années. 20 % des terres du Bangladesh sont affectées par l’érosion. Au rythme actuel de déforestation, les collines du Népal seront dénudées dans quinze ans. Les rivières emmènent chaque année 240 millions de m3 de terre vers l’Inde : I.R.F.I., les pays les plus pauvres, op. cit., 1981, p.91. »

p. 166 ; « Et M.A.W. Clausen, son président (la Banque Mondiale), d’enfoncer le clou en précisant derechef : « Les pays en développement remboursent plus aux banques que celles-ci ne leur prêtent« . »

p. 167-168 ; « Rien de nouveau dans l’énoncé de cette stratégie. Dans la réalité, on sait ce que sa mise en oeuvre implique. D’abord une mise sous tutelle des pouvoirs publics nationaux. Pour accorder ses crédits, le Fonds monétaire international, chef d’orchestre du libéralisme international, impose ce qu’il appelle une « politique de conditionnalité » : réduction des budgets sociaux, suppression des subventions aux produits de première nécessité, vérité des prix, libre concurrence, abandon des productions locales jugées peu performantes. Qu’en résulte-t-il ? A propos du Maroc, Najib Akesbi remarque : « Le pays en est à produire ce qu’il ne consomme pas (ou peu) et à consommer ce qu’il ne produit pas (ou peu). Le Maroc, qui fut jadis un des greniers céréaliers de la France, importe aujourd’hui 30 millions de quintaux de blé, au moment même où ses chemises, ses tomates et autres chemises lui restent sur les bras. Bref, promis à être une « plate-forme d’exportations », le voilà devenu un pays à « économie d’importation « .

(…) Dès lors, est-on si mal fondé à mettre en parallèle la crise du Nord et la faim du Sud jusqu’à les unir dans un titre ? Ce qui d’abord se formulait en guise d’hypothèse devient aussi l’expression synthètique de la conclusion générale. C’est l’expérience qui se charge de répondre affirmativement à une interrogation liminaire : oui, on passe de la crise au Nord à la faim au Sud. Des dizaines de révoltes populaires en témoignent, la plupart à la suite des exigences du F.M.I., à commencer par les émeutes du Maroc en juin 1981, puis en janvier 1984. Il en est d’autres : au Ghana, en Egypte, au Pérou, en Sierra-Léone, au Libéria, au Soudan, en Tunisie, etc., et, dernières en date (avril 1984, puis février 1985), en République Dominicaine qui, du coup, manifeste sa volonté de rejeter les conditions du F.M.I., comme l’Argentine, le Nigéria ou la Tanzanie. »

p. 174 ; « Du côté de sa pratique, le libéralisme fixe donc les rôles ; du côté idéologique, il se porte, au contraire, garant du changement par la libre circulation du jeu. Un seul impératif : entrer dans la partie et miser. Dans le camp des nations industrielles, on joue surplus et excédants. Mais dans celui des pays sous-développés ? Faute de superflu, le nécesssaire, c’est-à-dire le capital et jusqu’aux biens vitaux, matières premières et moyens de subsistance, l’alimentation par exemple. Nul n’a le droit de quitter la table. On n’y peut donc que perdre à son tour, le riche sa mise superfétatoire et le pauvre son âme. Mais persévérer. Les dettes s’additionnent, que les riches règlent en aidant les pauvres à poursuivre, et dont les pauvres s’acquittent en hypothèquant leur patrimoine. Ils jouent désormais sans propriété. Ils jouent sans plus pouvoir gagner puisque ce n’est plus pour leur compte. Leur jeu tient de l’esclavage. A ce stade, ils sont seuls à miser : leurs « partenaires » jouent entre eux cet endettement qu’ils ne pourront plus rembourser. Rien ne va. La roue n’a pas tourné et ne tournera pas.

Seul fait nouveau : de pauvre, le Sud devient exsanguè et manque un jour à l’appel de sa donne. Le Nord est trop victorieux ; il a ruiné son client et débiteur à la fois. C’est sa crise à lui, dernière conclusion en date d’un moment d’histoire qui en a vu d’autres, du même ordre. »

p. 189 ; « Toutes les catastrophes du tiers-monde sont-elles dues pour autant à son insertion dans l’économie mondiale, aux séquelles du colonialisme, ou à l’action actuelle des pays industrialisés ? Non. Des causes locales et nationales sont parfois déterminantes mais elles ne peuvent être analysées indépendamment, comme si l’internationalisation n’existait pas.

Même l’Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.), qui regroupe les principaux Etats partisans du libre échange, le constate : « Au cours des dix dernières années, on est arrivé à prendre progressivement beaucoup mieux conscience de l’interdépendance économique mondiale et, plus particulièrement, de l’intensification des interactions économiques et financières entre pays industrialisés et pays en développement« . »

p. 190 ; « Le Rapport sur le développement dans le monde 1982 de la Banque mondiale l’admet d’ailleurs en soulignant que les liens d’interdépendance sont tels qu’ils peuvent transmettre la crise d’une région à l’autre et d’un pays à l’autre. On sera donc fondé plus loin à s’interroger sur les conséquences qu’entraîne la dépression économique du Nord, avec son cortège de chômeurs, à l’égard du Sud où la malnutrition affecte plusieurs centaines de millions de personnes. »

p. 193 ; « Pourquoi ce qui fut vérité au Nord pour l’agriculture et vérité au Sud sur le plan industriel serait-il erreur en matière alimentaire et agricole dans les pays en voie de développement ? La protection des paysanneries du tiers-monde, une organisation des marchés faisant des villes leurs débouchés naturels permettraient de contribuer au mieux à la sécurité alimentaire du Sud en assurant à ses diverses régions une autonomie qui, même relative, apparaît comme le moteur indispensable à la création d’un décollage économique. Faute de cette capacité minimale, ces sociétés demeureront tierces dans les échanges internationaux, et le Sud un monde tiers, sorte de pion passif à la seule disposition des riches meneurs d’un jeu dont les règles impliquent le maintien des plus faibles dans la pauvreté. »

p. 197 ; « * Claude Liauzu, Aux origines des tiers-mondismes. Colonies et anticolonialistes en France, 1919-1939, L’Harmattan, 1982. Raoul Girardet, Histoire de l’idée coloniale en France, 1870-1962, Livre de poche, coll. Pluriel, 1979. »

p. 198 ; « Pourtant paternalisme et culpabilité restent les sentiments dominants. Les images d’enfants faméliques sur fond de terre craquelées permettent de collecter d’importantes sommes d’argent, notamment auprès des classes moyennes récemment urbanisées et, de ce fait, moins liées à une paroisse. Ce faisant, ces images renforcent une perception fataliste et démographique de la faim, déjà bien ancrée dans les esprits : « S’ils ont faim, c’est qu’il ne pleut pas assez et qu’ils ont trop d’enfants. » Selon ce shéma, un double remède paraît s’imposer : l’aide alimentaire et la limitation des naissances. La prise de conscience ne dépasse pas le stade individuel, le modèle de développement en vigueur dans les pays industrialisés n’est pas fondamentalement remis en cause. Le micro-projet est roi. »

p. 204 ; Information dans le Nord : volonté de changement: « La déclaration d’intenion du C.R.I.D.E.V. (Centre rennais d’information pour le développement et la libération des peuples), qui fut l’une des toutes premières O.N.G. à se consacrer exclusivement à la sensibilisation en France, résume bien la démarche : « Il faut que cesse l’exploitation du tiers-monde par les pays riches, dont la France. Mais cette exploitation ne cessera que le jour où les Français le voudront ; et, pour que les Français le veuillent, il faut qu’ils en soient informés et qu’ils en soient convaincus. Le C.R.I.D.E.V. se donne pour objectif de participer à cette information. Les gens informés, à leur tour, ont un travail d’information à faire dans leur milieu familial, syndical, politique. »

p. 206 ; « * Ecole et tiers-monde, 9, rue Delouvain, 75019 Paris.

* Solagral, 12, avenue Soeur-Rosalie, 75013 Paris. La lettre de Solagral, mensuelle, 5, rue François-Bizette, 35000 Rennes.

*Publiée en France aux Editions Maspéro sous le titre de Nestlé contre les bébés. »

 

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