Jacques Berque. En relisant le Coran

Passeur des deux rives

Jacques Berque

« Elle semble excentrée de ma personne par une dictée supérieure. C’est ainsi que les musulmans la sentent. Or je fais miennes leurs attitudes quand j’étudie leur Livre, tout en gardant la distance propre (…)

Je me mets dans leur tunique, ataqammaçu, dirait l’arabe, en restant moi-même. Comment est-ce possible ? Sympathie ? empathy ? Max Weber a démêlé ces ambiguïtés. Moi, ce que je constate, c’est que cette fusion passagère fortifie en moi tout ensemble l’identique et le différent. »

L’homme-sage du tissage et du métissage (PDF)
par Réda Benkirane, Bledmag, Casablanca, Hors-série No 4, février 2010.

 

 Jacques Berque, Relire le CoranExtrait de Le Coran, essai de traduction, par Jacques Berque, éditions revue et corrigée, Albin Michel, 1995 (Sindbad, 1990), reparu sous le titre Relire le Coran, Albin Michel, 1993.

Membre de l’Académie de langue arabe du Caire, professeur honoraire au Collège de France, sociologue et orientaliste, Jacques Berque (1910-1995), parfois dénommé « le passeur entre les deux rives », avait donné à l’Institut du monde arabe des conférences où, après la publication de son Essai de traduction du Coran, il présentait à un large public le livre fondateur de l’Islam.

Seize années de travail, et une vie tout entière consacrée à l’étude de l’Islam, avaient été nécessaires au professeur Jacques Berque pour proposer son « essai de traduction » du Coran. À la fois savante et littéraire, cette oeuvre monumentale, témoignant d’une intime familiarité avec le monde arabe et la tradition de l’Islam, fut saluée comme un événement pour l’approche de cette culture par le public francophone.

Après quatre ans de travail supplémentaires, Jacques Berque, qui fut l’infatigable explorateur des mille subtilités de la langue coranique, améliora son texte en y apportant des centaines de retouches d’après les remarques de lecteurs érudits, et particulièrement celles de cheikhs de l’Islam. Cette seconde édition, entièrement révisée, nous fait redécouvrir le Coran dans le souffle de ses origines, ouvrant les perspectives d’un Islam éclairé où foi et raison auraient toutes deux leur place.

À une apparente incohérence, Jacques Berque oppose de saisissantes régularités qui laissent entrevoir une composition en entrelacs. Le message conjugue la transmission de l’absolu et le traitement de données conjoncturelles : Ainsi les valeurs permanentes qu’il édicte s’inscriront-elles dans le temps des hommes. À l’ heure où certains prônent l’extension d’une « sharî’a » figée, ou seulement déduite, Jacques Berque souligne l’appel du texte à la raison, ses ouvertures à l’innovation. Enfin, la langue, qualifiée traditionnellement d’inimitable, illustre la transfiguration de parlers arabes réels en un système linguistique aux propriétés singulières. Relire le Coran se veut moins une introduction érudite qu’un guide pour aborder par l’intelligence et le coeur l’une des pièces de ce patrimoine universel où Jules Michelet voyait la « Bible de l’humanité ».

 


 En relisant le Coran, étude exégétique de Jacques Berque

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