Nord-Sud: un programme de survie

Nord-Sud: un programme de survie
rapport de la commission indépendante sur les problèmes de développement international

Sous la présidence de Willy Brandt, Gallimard, Paris, 1980.

 

« …des experts du monde entier (…) ont préparé pendant plus de deux ans ce rapport pour créer un nouvel ordre mondial ». En fait il s’agit de propositions visant des réformes de l’économie mondiale plutôt que des transformations à proprement parler. L’analyse du développement est éminemment économique, mêmes si certains coûts sociaux, écologiques sont évoqués dans l’ouvrage (le problème du désarmement est abordé de façon éclairante).

Un rapport de plus sur Nord et Sud, élaboré par la jet set society de la coopération internationale. Sous la présidence de Willy Brandt, on retrouve une brochette impressionnante de personnalités (O. Palme, E. Frei, E. Pisani,etc…), dont le dénominateur commun est le profil d’homme d’Etat. Leur approche du développement est donc une approche essentiellement institutionnelle de la question du développement ; Etats et grandes institutions internationales sont Les acteurs du développement. Néanmoins, la prise de conscience qui est à l’origine de ce rapport est d’une grande importance, si elle induit une réflexion autre parmi les gestionnaires de notre planète.

extraits significatifs

p. 13 ; « …ce rapport traite de quelques-uns des besoins du monde des années 80. Il examine les relations Nord-Sud dans lesquelles il voit le grand défi social de notre temps. Il nous faut souligne que les deux prochaines décennies peuvent être décisives pour l’humanité. »

p. 15 ; « …nous avons éprouvé plus fortement encore le sentiment que la révision des relations entre le Nord et le Sud à l’échelon mondial était devenue une obligation décisive pour l’humanité. C’est une tâche aussi importante que la lutte engagée contre la course aux armements et nous avons estimé qu’elle était le plus grand défi lancé à l’humanité d’ici à la fin de ce siècle.

(…) Notre rapport n’est pas un document technique. »

p. 18 ; « Le bavardage stérile ne mènera à rien, il ne gagnera pas de temps, il en fera perdre. »

p. 23 ; « Tandis que se poursuit la lutte en vue de donner une nouvelle structure aux relations internationales, on donne plus d’importance que par le passé aux considérations étrangères au domaine économique proprement dit : facteurs religieux et ethniques, instruction et opinion publique. »

p. 25 ; « La facture militaire annuelle approche actuellement du total de 450 milliards de dollars, alors que l’aide officielle aux pays en voie de développement représente moins de 5 % de ce chiffre. Quatre exemples :

1. Les dépenses militaires d’une demi-journée seulement suffiraient à financer tout le programme de l’Organisation mondiale de la santé pour éliminer la malaria. Il faudrait encore moins d’argent pour mettre fin à l’onchocercose (cécité des rivières), qui est toujours un fléau pour des millions d’hommes.

2. Un char de combat coûte environ 1 million de dollars ; ce montant permettrait d’améliorer le stockage de 100 000 tonnes de riz et l’on économiserait ainsi 4000 tonnes ou davantage chaque année : or, l’être humain peut se contenter d’une livre de riz par jour. La même somme d’argent permettrait de créer 1000 salles de classe pour 30 000 enfants.

3. Avec 0,5 % des dépenses militaires du monde entier, on achèterait tout le matériel agricole nécessaire pour accroître la production de nourriture et permettre aux pays à faible revenu, déficitaires en matière de nourriture, de se suffire à eux-mêmes, à peu de choses près. »

p. 27 ; « quand les pays producteurs d’armes seront-ils disposés, dans le cadre des Nations Unies ou directement, à accepter certaines règles d conduite ? Elles pourraient aller de la publication des chiffres d’exportations, tant pour les armes que pour la capacité de les produire…

(…) Il faut que l’opinion prenne conscience du rapport existant entre les problèmes du désarmement et du dévelopement économique. »

p. 28 ; « Le fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a estimé que dans la seule année 1978 plus de 30 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans sont morts d’inanition.

(…) L’humanité n’a jamais disposé de ressources techniques et financières aussi abondantes pour conjurer la faim et la misère.

(…) La solidarité humaine doit déborder le cadre des frontières nationales

(…) L’élimination de la faim est la tâche fondamentale de l’humanité. »

p. 29 ; « Les leaders du Sud assument la plus grosse part des responsabilités… »

p. 33 , « La « communanté internationale » continue à être trop loin de l’expérience de l’homme moyen et vice versa .

Un nombre considérable de problèmes tendent à devenir communs aux sociétés soumises à des régimes politiques différents. On pourrait dire que ce sont des traits d’union entre les systèmes : ils vont de l’énergie à l’écologie, de la limitation des armements à la redistribution de l’emploi, de la micro-électronique aux nouvelles options scientifiques… »

p. 35 ; « Allons-nous laisser à nos successeurs une planète aride aux déserts en marche, aux paysages appauvris et à l’environnement diminué ?

Les graves conséquences de l’érosion accrue du sol et de l’extension du désert nous concernent tous. A son taux actuel, le déboisement incontrôlé réduirait de moitié le stock de bois disponible à la fin de ce siècle et priverait plus d’un milliard de pauvres gens du combustible nécessaire pour leur cuisine. »

p. 37 , « L’existence de millions de chômeurs dans le Nord constitue un immense défi dont la portée est plus grande encore si l’on considère que les chômeurs sont plus nombreux dans le Sud. Le protectionnisme est certainement une solution erronée parce qu’il contribue à maintenir dans des conditions très onéreuses des structures qui deviennent périmées. »

p. 39 ; « Pourquoi serait-il chimérique de songer à imposer une forme convenable de taxation avec une échelle mobile selon la « capacité de paiement » des pays ? Il pourrait même y avoir une petite taxe sur le commerce international, ou un droit plus lourd sur les exportations d’armes. »

p. 41 ; « Cette Commission n’a pas tenté de redéfinir le développement économique, mais nous sommes tombés d’accord, entre autres, sur le fait que nous devions axer notre attention non sur les machines ou les institutions, mais sur les hommes. Il n’est pas douteux que le refus d’accepter des modèles étrangers marque en fait la deuxième phase de la décolonisation.

(…) Il faut éviter la constante confusion qui est faite entre croissance et développement… »

p. 42 ; « Les idéologies de la croissance, et pas seulement dans la partie occidentale du Nord, se sont trop peu souciées de la qualité de la croissance. Un peuple conscient de son identité culturelle peut adopter et adapter des éléments conformes à l’ensemble de ses valeurs, il peut, par conséquent, préconiser un développement économique approprié. Il n’y a pas d’approche uniforme de ce problème ; il y a des réponses différentes et particulières pour chacun, qui sont fonction de l’héritage historique et culturel, des traditions religieuses, des ressources humaines et économiques, enfin du type politique des nations en question. Mais il y a une notion commune, à savoir que l’identité culturelle confère de la dignité au peuple. »

p. 43 ; « Nous considérons comme admis que toutes les cultures méritent le même respect, la même protection, la même promotion. Plus le processus de modernisation se trouve réduit à une question purement technique, plus il importe pour les intéressés de conserver leur identité culturelle et leur indépendance. »

p. 44 ; « On ne doit pas négliger les dangers de l’impérialisme « culturel ». La solidairité entre les nations doit être fondée sur une reconnaissance mutuelle des valeurs. »

p. 45 , « Le monde justifie son inaction par des alibis. Cette remarque s’applique à tous. Nous nous jugeons en fonction de nos réussites et les autres en fonction de leurs échecs. Frustration et impasse sont les résultats de cette attitude.

(…) Nous souhaitons montrer clairement que le Nord et le Sud ne peuvent continuer à faire des affaires selon le « train-train » habituel avec quelques aménagements de détail. Ce qu’il faut, c’est une réorientation intellectuelle, ce sont des mesures sérieuses tendant à déterminer un changement structurel, une plus grande coopération pratique.

(…) Bien entendu, le système des Nations Unies devrait être développé et revu. Ses insuffisances sont bien connues et difficiles à surmonter. Néanmoins c’est le seul système dont nous disposions.

(…) (Les membres de l’ONU ont toléré une croissance excessive de la bureaucratie internationale et ils sont les seuls à pouvoir renverser la vapeur. Mais les difficultés qu’ils rencontrent en voulant freiner la croissance de leurs propres bureaucraties ne sont pas rassurantes. Il faut revoir l’état des organisations internationales, et les compléter afin de répondre à quelques-unes des questions posées). »

p. 48 ; « Je souhaite enfin parler franchement aux leaders de certains Etats et groupes de pays.

Je m’adresserai d’abord aux Etats-Unis. Je ne crois pas que le peuple américain puisse rester indifférent à la pauvreté et à la famine dans le monde.

(…) Par rapport au PNB leur aide aux pays étrangers est tombée à un niveau très bas. »

p. 50 ; « Le Japon est particulièrement à même de comprendre les problèmes du développement économique, ayant passé si rapidement, lui-même, au premier rang des nations industrialisées. »

p. 51 ; « L’élaboration de notre avenir commun est beaucoup trop importante pour être laissée aux mains des gouvernements et des experts. C’est pourquoi notre appel s’adresse à la jeunesse, aux mouvements féministes et ouvriers, aux chefs politiques, intellectuels et religieux, aux savants et aux éducateurs, aux techniciens et aux managers, aux membres des communautés rurales et commerciales. Puissent-ils tous essayer de comprendre, puissent-ils agir dans leurs affaires à la lumière de ce nouveau défi. »

p. 56-57-58 ; « Le Nord, y compris l’Est européen, possède un quart de la population mondiale et quatre cinquièmes de ses revenus, mais il dispose d’un cinquième du revenu mondial.

(…) A l’origine de ces différences il y a l’inégalité fondamentale de la force économique. Ce n’est pas seulement le fait que le Nord soit tellement plus riche que le Sud : il possède plus de 90 % de l’industrie de fabrication mondiale. La plupart des brevets et nouvelle technologie sont la propriété des sociétés multinationales du Nord qui contrôlent une grande partie des investissements et du commerce mondial de matières premières et de produits manufacturés.

(…) Il ne s’agit pas aujourd’hui d’une question d’aide, mais de changements fondamentaux à apporter à l’économie mondiale dans le but d’aider les pays en voie de développement à subvenir eux-mêmes à leurs progrès. Et, étant donné leur interdépendance croissante avec le Sud, les pays du Nord eux-mêmes ont besoin d’une réforme économique internationale pour assurer leur propre prospérité dans l’avenir. »

p. 63 ; « En 1946, l’ONU ne comptait encore que 55 membres. « 

p. 64 ; « Alors que les puissances occidentales étaient obligées d’intervenir dans leurs économies propres, elles étaient résolues à éviter le protectionnisme et la politique du « mendiant auprès du voisin », pratiquée dans les années 30. Dans ce but elles mirent au point un solide système de libre-échange qui tenait de Keynes à l’intérieur et d’Adam Smith à l’extérieur. En 1944, quand elles conférèrent à Bretton Woods, dans le New Hampshire, elles établirent deux instruments centraux de coopération financière et monétaire : 1) la banque internationale pour la reconstruction et le développement, connue sous le nom de Banque mondiale, afin de fournir des prêts pour aider à la reconstruction de l’Europe et du Japon ainsi que du monde en voie de développement ; 2) le Fonds monétaire international (FMI) qui devait être le régulateur des devises, promouvoir la stabilité des taux de change et fournir des liquidités pour une plus grande liberté des échanges. »

p. 66 ; « Les Nations Unies devinrent le principal forum du Sud. »

p. 67 ; « Bien que de plus en plus concernées par les problèmes du développement économique, la Banque mondiale et le FMI tendaient à se conformer à une approche plus conservatrice.

(…) Le Sud disposait à l’Assemblée générale d’une majorité de voix lui donnant la certitude de faire voter ses résolutions, mais la situation du Nord dans la Banque mondiale et le FMI lui conférait un contrôle des domaines clés de l’argent et des finances. »

p. 68 ; « D’une manière générale, les gouvernements occidentaux considérèrent tout d’abord le développement en termes d’aide.

p. 69 ; « Au début des années 70, le débat avait cessé d’être centré sur l’aide, il s’attaquait maintenant à la structure du système économique mondial. »

p. 71 ; « Mais un changement décisif intervint avec la hausse du prix du pétrole à la fin de 1973, qui marqua un tournant capital dans les relations Nord-Sud.

(…) L’économie mondiale n’a pu retrouver sa santé antérieure. Les nations occidentales avaient enregistré un taux de croissance de plus de 4 % par an de 1950 à 1960 et de plus de 5 % de 1960 à 1973, mais de 1973 à 1979 le taux de croissance avait été seulement de 2,5 % par an.

Dans les pays de l’Est européen, le taux de croissance marqua aussi un ralentissement, passant de 9,5 % annuellement dans la décennie de 1950 à un peu plus de 6,5 % entre 1960 et 1973 et moins de 5,5 % entre 1973 et 1977… »

p. 72 ; « …dans le Tiers Monde le chômage et le sous-emploi se calculent par centaines de millions. Et le chômage s’est aggravé également dans le monde industrialisé. En 1979, il y avait plus de 18 millions de chômeurs dans les pays de l’OCDE. »

p. 75 ; « Dans le cadre du système commercial interne des sociétés transnationales, les prix des produits manufacturés, des marchandises ou des services peuvent être ajustés au détriment des pays en voie de développement. De plus, nombre d’entre eux tablent aujourd’hui sur les salaires des travailleurs émigrés qui représentent pour eux une source précaire de devises étrangères. Le Pakistan, par exemple, reçoit de ses ouvriers à l’étranger un montant qui est presque égal au total de ses exportations. Mais les émigrés ont souvent un statut incertain et ils sont exposés à des discriminations, une récession peut mettre fin rapidement à leur contrat et entraîner leur renvoi dans leur pays d’origine où ils feront de nouveaux chômeurs. »

p. 85 , « Le développement ne pourra jamais être l’objet d’une définition qui donne satisfaction à tout le monde.

(…) On admet généralement aujourd’hui que le développement implique une profonde transformation de toutes les structures économiques et sociales. Celle-ci comprend des modifications dans la production et dans la demande aussi bien qu’une amélioration dans la distribution des revenus et dans l’emploi. Cela signifie que l’on créera une économie plus diversifiée dont les principaux secteurs deviendront plus interdépendants pour la fourniture des facteurs de production (« inputs ») et pour l’expansion des marchés où s’écoulera le rendement (« output »). »

p. 86 ; « C’est pourquoi il n’y a pas pour le développement économique une règle d’or qui puisse être universellement appliquée.

(…) Le développement, c’est beaucoup plus que le passage de la pauvreté à la richesse, le passage d’une économie rurale traditionnelle à une civilisation urbaine plus raffinée. »

p. 88 ; « On ne peut accepter aucun concept de développement qui continue à condamner des centaines de millions d’hommes à la famine et au désespoir. »

p. 100 , « Une étude récente révélait qu’un tiers de la totalité des familles vivant à Ahmedabad, Bogota, Hong Kong, Madras, Mexico City ne pouvait s’offrir le logement le meilleur marché construit actuellement. »

p. 104 ; « Aucune définition du développement ne sera complète si elle ne tient pas compte de la contribution des femmes à ce phénomène et de ses répercussions sur leur vie.

(…) Tout développement réalisé dans la justice exige d’urgence des mesures qui permettront aux femmes d’accéder à de meilleurs emplois, qui réduiront les tâches ardues que des centaines de millions d’entre elles remplissent dans leurs occupations agricoles ou ménagères. »

p. 107 ; « Dans la plupart des régions rurales où sévit la pauvreté, deux des tâches féminines les plus dures consistent à ramasser du bois à brûler et elles doivent pour cela marcher de plus en plus loin à mesure du déboisement des fôrets. Elles doivent aussi chercher de l’eau à de grandes distances. »

« Les statistiques continuent à ignorer dans une large mesure la contribution des femmes quand elle se produit à l’intérieur du foyer plutôt que sur le marché du travail. »

p. 109 ; « Les hommes tendent à considérer que les femmes menacent leurs emplois, surtout quand elles reçoivent un salaire moindre pour un travail analogue. »

p. 115 ; « Nous aspirons à un monde fondé sur la justice et les contrats plutôt que sur le pouvoir et le rang, un monde moins arbitraire, réglé davantage par des lois équitables et franches. »

p. 117 ; « Nos propositions ne sont pas révolutionnaires, quelques-une d’entre elles sont peut-être légèrement en avance sur des idées courantes, d’autres sont à l’étude depuis de nombreuses années. Nous considérons qu’elles font partie d’un processus de réforme et de restructuratiuon en cours de négociation. »

p. 123-124 ; « Pourtant le véritable protectionisme, que la recession encourage, pourrait être lui-même l’un des plus graves obstacles à la guérison.

(…) La dépendance des pays industrialisés à l’égard des marchés du Sud est considérable et continue à s’accroître. En 1977, le Japon, les Etats-Unis et la CEE ont vendu au Tiers Monde plus d’un tiers de leurs exportations, cette proportion atteignant même 46 % pour le Japon. Les exportations des Etats-Unis en direction des pays en voie de développement ont été quatre fois supérieures à celles vers le Japon et près de deux fois à celles vers la CEE. Quant aux exportations de la CEE en direction du Tiers Monde, elles ont représenté trois fois celles des Etats-Unis et vingt fois celles du Japon. »

p. 125 ; « Il ne doit pas considérer le commerce avec le Sud comme une menace, mais comme une chance. Ce ne doit pas être pour lui un élément du problème, mais un élément de la solution. »

p. 127 ; « Le Nord, et spécialement l’Europe et le Japon, dépend des pays en voie de développement pour une part très importante de marchandises primordiales. Pour le café, le cacao, le thé, les bananes, les fibres dures, le jute, le caoutchouc et le bois dur des tropiques, la CEE et l’Amérique sont totalement dépendantes des importations du Tiers Monde. Pour plusieurs minerais importants, le Japon et la CEE importent plus de 90 % de leur approvisionnements et ceux-ci viennent en grande partie du Tiers Monde. Les Etats-Unis et le Canada, qui sont eux-mêmes gros producteurs de minerais, dépendent également des pays en voie de développement pour nombre de minerais clés. 60 % des exportations mondiales des produits agricoles et miniers autres que le pétrole proviennent du Tiers Monde. »

p. 128 ; « A court terme, le pétrole représente le problème décisif. L’avenir de l’économie mondiale dépend dangereusement du succès de la coopération internationale dans le but de freiner le gaspillage de la consommation, de promouvoir une distribution équitable des marchandises à des prix prévisibles, d’accélérer l’exploration et de régler les questions financières qui en dépendent. »

p. 131 ; « Elle accroîtrait la confiance des détenteurs de capitaux, qu’il s’agisse de producteur d’excédents de pétrole ou d’autres investisseurs en puisance. Si elles sont suffisantes, les liquidités internationales peuvent contribuer à amortir les fluctuations cycliques de l’activité économique, à limiter les mesures protectionistes et à aider les producteurs de marchandises à échapper aux périodes de dépression commerciale. Les améliorations proposées pour l’ajustement de la balance des paiements pourraient contribuer à freiner la pression restrictive sur l’économie mondiale. »

p. 133-134 ; « Plusieurs thèmes que nous examinons portent sur la question de la paix dans cet ordre mondial. L’arrêt de la course aux armements doit être l’objectif fondamental de l’entreprise internationale.

(…) Le souci de l’avenir de la planète est inextricablement lié à celui que nous inspire la pauvreté. Si elle se poursuivait au cours du siècle à venir, la croissance rapide de la population pourrait rendre le monde ingouvernable…

(…) C’est vrai également pour ce qui concerne l’environnement biologique : en de nombreux pays, la destruction qui le menace est le résultat direct de la pauvreté, bien qu’ailleurs elle soit la conséquence de décisions technologiques erronées et de plans de croissance industrielle. Ces problèmes, ainsi que celui de la prolifération des armes nucléaires, ne pourront être résolus que si le Nord et le Sud agissent en coopération et, à cet égard, leurs intérêts mutuels ne sont que trop évidents. »

p. 135 ; « Les problèmes miniers, par exemple, ne peuvent être pleinement résolus sans que l’on agisse en matière financière, dans les questions affectant les sociétés transnationales et dans les accords relatifs aux marchandises.

(…) Les dettes, le système bancaire international, les marchandises, les débouchés des produits manufacturés sont étroitement liés les uns aux autres. On peut mentionner de nombreuses interpénétrations de cette sorte. L’interdépendance existe non seulement entre les pays, mais entre les idées.

Nous ne prétendons pas que les mesures proposées ne coûteront rien au Nord. Celui-ci devra partager ses ressources et le contrôle qu’il exerce sur les institutions ; il devra accepter d’élaborer un changement dans le mode de travail des marchés qui, à l’heure actuelle, est à son avantage. En revanche nous prétendons que le Nord, aussi bien que le Sud, recueillera de grands avantages en échange, à la fois du fait de bénéfices économiques directs et en raison de la réduction apportée aux incertitudes et à l’instabilité. »

p. 137 ; « Les Nations Unies ont décidé de consacrer une attention particulière aux « pays les moins développés ». Ceux-ci sont définis comme « des pays affrontant à long terme de graves obstacles à leur développement, obstacles qui sont définis en fonction de trois critères fondamentaux, à savoir un montant par tête de 100 dollars ou moins du PNB calculé d’après les prix de 1970, une part dans la fabrication de produits manufacturés de 10 % ou moins du PNB ; enfin 20 % ou moins d’habitants âgés de 15 ans ou plus sachant lire et écrire ». D’après les statistiques de 1977, ils ont une population de 258 millions, soit 13 % de celle de tous les pays en voie de développement. Leur revenu par tête en 1977 était d’environ 150 dollars équivalant à 80 en prix de 1970, et le taux de croissance de leur revenu au cours des deux dernières décennies a été inférieur à 1 % par tête. »

p. 138 ; « La plupart des pays les moins avancés -la liste actuelle de l’ONU en dénombre 29- sont contigus à deux zones que nous appelons les « ceintures de pauvreté ». L’une d’elles s’étend au travers du milieu de l’Afrique, du Sahara au nord du lac Nyassa au Sud. La seconde, partant des deux Yemens et de l’Afhanistan, s’étend vers l’est à travers l’Asie du Sud.Est. Ces ceintures se prolongent en d’autres pays , comme, par exemple, le Kenya en Afrique, et en Asie, la Birmanie, le Cambodge, le Vietnam et une partie de l’Inde. On a soulevé la question de savoir si les parties de pays possédant les mêmes caractéristiques et les mêmes handicaps que les pays les moins développés ne devaient pas être traités sur un pied d’égalité avec eux.

(…) Quelques-uns des pays se trouvant dans les ceintures de pauvreté, comme le Bangladesh, ont une nombreuse population, d’autres comme la Gambie ont une surface et une population réduites. Chacun d’eux a une approche différente en ce qui concerne le développement et leurs économies ont différents degrés d’ouverture. Mais pour tous, la marge entre la survie et le désastre est étroite, ils sont limités par leur écologie et dépendent des forces du marché international qui échappent à leur contrôle. »

p. 140 ; « Nous trouvons un encouragement dans la récente redistribution de l’aide en faveur des pays pauvres. Mais nous estimons que si leurs systèmes de production ne sont pas radicalement modifiés, ces pays resteront à la charge de l’assistance internationale qui leur permettra tout juste de survivre et ils auront un besoin d’aide toujours plus important. »

p. 141 ; « Il, faut améliorer la santé, reboiser, développer l’énergie et l’exploitation minière, organiser les transports et les communications, trouver un emploi à ceux qui sont privés de terre. Ces mesures ont des caractéristiques communes. Ce sont des mesures de longue haleine…

(…) Il leur faut un plan de travail s’étendant sur quinze ou vingt ans et le planning devrait être élaboré dès à présent.

(…) L’agriculture représente 44 % du PNB des pays les plus pauvres et 83 % de leur emploi. »

p. 142-143 ; « Dans les pays tropicaux plus humides de l’Asie méridionale, les récoltes sont endommagées par d’abondantes innondations provoquées par la mousson ; les rendements pendant la saison des pluies dans toutes les régions tropicales humides sont limités par l’opacité nuageuse du ciel, par la maladie, par la saturation des terres arables, et par le lessivage des éléments nutritifs du sol. La plupart des pays africains, mais spécialement la zone du Sahel, le Soudan, l’Ethiopie, les Somalis et la Tanzanie ont une grande partie de leur agriculture à l’intérieur d’une région tropicale semi-aride où l’évaporation est extrêmement forte et où les chutes de pluie peuvent varier de 40 % d’une année à l’autre.

L’imprévisibilité des chutes de pluie rend difficile une planification de l’agriculture, même dans les conditions les plus favorables ; mais une fois que l’eau est disponible toute l’année les cultivateurs se trouvent protégés des caprices du climat. C’est là la mesure la plus importante pour les encourager à adopter des techniques de cultures améliorées. L’irrigation avec le drainage convenable donne des rendements plus importants, elle permet un choix de récoltes plus souple et une culture plus intensive. Elle contribue également à l’énergie hydraulique. On a procédé à des études prometteuses concernant les plans d’irrigation les plus importants pour les bassins fluviaux du Sénégal, du Niger, de la Volta, du lac Tchad, du Rufigi, du Kagara, du Gange, pour les chutes d’eau de l’Himalaya et pour le Mékong. On estime que l’exploitation de tous ces bassins coûterait au moins 50 milliards de dollars au cours des 15 ou 20 prochaines années. De petits projets d’irrigation pourraient également être entrepris par des communautés locales. Nous recommandons de recourir à des organisations latérales et multilatérales pour contribuer aux études et aux enquêtes nécessaires afin d’établir les coûts et les bénéfices de ces projets d’irrigation, afin d’aider à leur financement et à leur réalisation partout où ce sera faisable.

Le développement de l’agriculture dépendra aussi très largement de la recherche

(…) La recherche doit porter sur les diverses semences qui peuvent s’épanouir dans le sol et le climat de ces régions, c’est-à-dire entre autres, le millet, le sorgho, les tubercules ; elle concerne les mesures à prendre pour sauvegarder la fertilité du sol, pour éliminer les mauvaises herbes, les maladies, les plantes nuisibles et pour prévenir l’érosion du sol. Par-dessus tout, la recherche est nécessaire, dans des zones particulières, souvent petites, où les récoltes sont liées au climat local et au type de sol, ce sont les « zones spécifiques agro-économiques ».

p. 144 ; « L’énergie humaine et le changement de méthodes dépendent d’une bonne santé. Or, dans les « ceintures de pauvreté », la plupart des habitants soufffrent à, la fois d’une malnutrition permanente et de maladies parasitaires. Certaines de ces maladies, comme la maladie du sommeil et la cécité des rivières, empêchent la population de cultiver les terres agricoles riches, freinent l’élevage d’animaux domestiques et réduisent la productivité des travailleurs. Environ un milliard d’êtres humains sont menacés par la malaria. La cécité des rivières qui chasse les habitants des régions fertiles de la Volga, du Niger, de la Gambie et du Nil supérieur affecte environ 20 millions d’êtres humains en Afrique. La maladie du sommeil, qui limite également le pâturage du bétail, touche 35 millions de victimes, enfin la bilharziose toucherait de 180 à 200 millions d’hommes. »

p. 145 ; « Ces fléaux sévissent particulièrement dans les régions tropicales et subtropicales. Mais une fois que l’on a réussi à contrôler une maladie comme la malaria ainsi qu’il a été le fait dans les monts Terai, en Inde, dans les rizières de Sri Lanka ou dans la zone du canal de Panama, des progrès décisifs peuvent être faits dans l’agriculture et les autres activités. »

p. 146-147 ; « On estime à 560 millions de dollars, les besoins de la recherche, mais le coût du contrôle sera der l’ordre de 2 milliards et demi de dollars au cours des vingt prochaines années.

Déboisement et énergie

Dans la plupart des « ceintures de pauvreté » le bois est la principale source de combustible pour les neuf dixième de la population et dans les régions montagneuses, plus froides, il est indispensable au chauffage des habitations. Une exploitation désordonnée et l’accroissement de la population ont déterminé un renchérissement des prix du bois : on dépense de plus en plus d’énergie physique pour satisfaire aux besoins fondamentaux de combustibles ; au lieu d’être utilisé comme engrais, le fumier sert à chauffer le fourneau et le déboisement s’étend davantage avec des effets désastreux pour l’écologie.

La pénurie de bois de chauffage est intimement liée au problème de l’alimentation au moins de deux manières : 1) la destruction des forêts accélère l’érosion du sol, elle accroît ainsi l’importance des inondations et l’extension des déserts, elle diminue la fertilité du sol ; 2) l’utilisation du fumier comme combustible entraîne une perte d’engrais agricoles et endommage ainsi la structure du sol.

(…) A certains égards, la crise de l’énergie est moins difficile à résoudre dans les pays pauvres que dans les pays riches. On ne peut la résoudre en limitant la demande, car les besoins sont au plus bas. Mais il existe une solution. A la différence du pétrole, les forêts peuvent se renouveler si elles sont convenablement gérées. La réponse logique à la pénurie de bois de chauffage se présente immédiatement à l’esprit. Il faut planter plus d’arbres, ce qui procurera également des avantages au point de vue écologique. En de nombreuses régions, on peut faire pousser des variétés d’arbres à croissance rapide qui peuvent fournir du bois de chauffage en moins d’une décennie. Le reboisement n’est pas une tâche aisée, mais avec une aide internationale importante, elle peut être réalisée. L’expérience de la Chine a montré qu’avec un solide engagement politique au sommet associé à une fructueuse participation populaire, on peut trouver le point de départ d’un reboisement rapide. »

p. 157-158 ; « Les enquêtes faites dans quelques-uns des pays à faible revenu ont établi que 40 % des enfants d’âge préscolaire montraient des signes cliniques de malnutrition. Personne ne peut donner le nombre exact de ceux qui à travers le monde souffrent de la faim et de la malnutrition, mais toutes les estimations font état de centaines de millions : des milions d’êtres humains qui mourront handicapés dans leur développement physique. C’est une situation intolérable. Si l’on accepte cet état de choses, si la faim est considérée comme un problème marginal dont l’humanité peut s’accomoder, alors l’idée d’une communauté des nations n’a plus guère de signification.

(…) La réduction de la pauvreté elle-même est également essentielle pour éliminer la faim. »

p. 159 ; « La production alimentaire dans les pays en voie de développement s’est accrue de plus de 2,5 % par an entre 1950 et 1975 ; mais la demande d’aliments s’est accrue de plus de 3 % par an à mesure que les populations et les revenus augmentaient. En conséquence, les pays en voie de développement ont rapidement accru leurs importations de céréales. De quantités relativement basses dans les années 50, elles ont passé à 20 millions de tonnes en 1960 et 1961 pour dépasser 50 millions de tonnes dans les premières années de la décennie de 1970 et approcher de 80 millions en 1978-79. Si la tendance actuelle se confirme, le Tiers Monde pourrait d’ici à 1990 importer 145 millions de tonnes de produits alimentaires , dont 80 millions seraient nécessaires aux pays les plus pauvres d’Afrique et d’Asie. »

p. 161-162 ; « En moyenne, l’Inde a réussi au cours des trente dernières années à maintenir une croissance de la production alimentaire plus rapide que celle de sa population, alors que le Bangladesh a connu récemment et la famine et la surabondance.

(…) Dans les années 50 et 60, on a souvent fait preuve d’une relative négligence à l’égard de l’agriculture ; dans leurs efforts pour s’industrialiser, de nombreux pays en voie de développement n’ont pas considéré tout d’abord les fonctions complémentaires dévolues à l’agriculture. »

p. 164 ; « FIDA représente une importante innovation en matière de financement car il détient des fonds qui lui ont été confiés à la fois par les pays de l’OPEP et par les pays industrialisés. En outre, avec 124 pays membres, sa structure traduit la pleine participation des pays développés et des pays en voie de développement. Aussi toutes ses décisions sont-elles prises par consensus. »

p. 166 ; « Des systèmes d’agriculture appropriés

Il importe de se rendre compte que le développement agricole du Tiers Monde exige de nouveaux modèles. Le modèle occidental, avec sa mécanisation très poussée et son utilisation de produits chimiques, ne peut être simplement transféré dans des pays en voie de développement. De nombreux exemples montrent que la mécanisation augmente la production et l’emploi, d’autres prouvent que les engrais chimiques et les insecticides ont contribué de façon importante à améliorer les rendements, surtout quand il s’agissait de nouvelles variétés de plantes. Mais il y a aussi des exemples de transfert irréfléchis de techniques inappropriées, de mécanisation ayant abouti à des suppressions d’emplois à l’échelon local, ailleurs on s’est servi mal à propos de produits chimiques. »

p. 168 ; « Il y a encore plusieurs améliorations internes essentielles : le stockage des céréales, les conditions de transport et de communication en vue d’une distribution mieux organisée des produits alimentaires »

p. 169 ; « L’importance du poisson

Une consommation plus abondante de poisson pourrait également contribuer à réduire la faim et la malnutrition. Mais pour cela, il faudrait augmenter les approvisionnements et, souvent, créer de nouvelles habitudes alimentaires. La plupart des pays en voie de développement ont par habitant une consommation de protéine de poisson très inférieure à celle de la moyenne mondiale

(…) De plus, l’élevage de poisson d’eau douce peut être considérablement développé en de nombreux pays. Grâce à cet élevage, les pays situés à l’intérieur des terres pourraient améliorer leur régime alimentaire. »

p. 170-171 ; « Actuellement la pêche océanique est en grande partie aux mains des pays industrialisés. Si les pays en voie de développement veulent y participer équitablement, ils devront organiser la coopération entre eux. Leur effort devra s’adresser plus spécialement aux petits Etats insulaires qui pourraient disposer des plus grandes « zones économiques exclusives », mais sont incapables de développer à eux seuls une industrie efficiente de la pêche. De tels efforts méritent d’être soutenus par les institutions multilatérales et par les pays évolués.

(…) De plus, il faut se souvenir que dans cette lutte contre la faim, les femmes jouent un rôle clé qui mérite d’être reconnu, soutenu et récompensé. Car elles nourissent les enfants et prennent soin d’eux au moment où leur santé est particulièrement vulnérable, et c’est là un fait dont les programmes ne tiennent pas suffisament compte. Enfin, comme nous l’avons souligné plus haut, elles jouent un rôle de première importance dans la production agricole, travaillant souvent selon une technologie inadaptée, pour un salaire inférieur et dans de mauvaises conditions. La tâche de satisfaire les besoins alimentaires, celle de promouvoir le développement et le progrès agricole, comportent à elles deux un vaste réseau d’activités plus nombreuses encore que celles que nous avons mentionnées : l’entretien du sol, la sauvegarde de l’équilibre écologique ou son rétablissement, le développement de technologies adaptées aux sols locaux, au climat, aux conditions économiques et sociales, la planification et la décentralisation, en vue de faciliter une active participation des travailleurs ruraux et de leurs organisations ; l’instruction et la formation professionnelle à tous les échelons. Ce ne sont là que quelques-unes des priorités internes qui n’ont pas été examinées ici mais qui sont essentielles pour éliminer la faim et assurer un bon fonctionnement du système alimentaire mondial. »

p. 172 ; « Il s’agit plutôt de trouver un équilibre entre l’industrie et l’agriculture et d’encourager les composantes de la croissance industrielle qui peuvent aider au développement agricole. »

p. 174-175 , « Un commerce des produits alimentaires plus libre

Le réseau des contrôles institués sur les échanges commerciaux par les producteurs excédentaires -pour la plupart des pays riches de l’Amérique du Nord et ceux de la Communauté européenne- a contribué à accroître l’instabilité des marchés alimentaires mondiaux. Ils restreignent les importations de la plupart des produits alimenatires et restreignent périodiquement les exportations au moyen de contrôles et de taxes. Leur but est de maintenir une abondante production intérieure en vue de se suffire à eux-mêmes au maximum, ils veulent aussi assurer des revenus élevés à leurs agriculteurs et mettre les marchés intérieurs à l’abri des fluctuations internationales. Mais leur politique a souvent abouti à produire des excédents onéreux qui sont fréquemment vendus au-dehors à l’aide de subventions. De la sorte, ils aident quelques pays en voie de développement, mais ils concurrencent les exportations des autres.

(…) Il faut agir dans deux directions : des réserves adéquates et un peu moins de restrictions commerciales. »

p. 177 ; « Pour un avenir plus proche, il est intéressant de noter qu’en augmentant la production alimentaire dans les pays en voie de développement, qui utilisent surtout la main-d’oeuvre humaine et la traction animale, on mettra moins à contribution les ressources épuisables du monde que si l’on produit plus de nourriture dans les nations riches. De même, en produisant de la nourriture dans la région où elle est consommée, on réduit les coûts de transports qui eux-mêmes dépensent de l’énergie. Enfin, le rendement d’une quantité supplémentaire d’engrais est plus élevé aujourd’hui dans le Sud que dans le Nord où les engrais sont déjà utilisés au maximum. A mesure que s’accroissent les prix des facteurs de production, le coût relatif de la production alimentaire tendra à être plus avantageux dans le Sud. Mais dans le Sud comme dans le Nord, il faudra veiller à ne pas occasionner de dommages écologiques par une utilisation excessive des engrais.

S’ils utilisaient moins d’engrais à des fins non alimentaires, les peuples riches du monde pourraient contribuer à accroître les approvisionnements en denrées. Il en serait de même s’ils mangeaient moins de viande : pour produire une unité de protéine de viande, il faut huit unités de protéine végétale qui pourraient être consommées directement. Alors que le bétail nourri d’herbe ne diminue pas les céréales disponibles, la volaille et les animaux nourris de céréales en consomment une grosse quantité qui va de 3 à 9 kilos pour chaque kilo de volaille ou de viande. Ce serait suffisant pour approvisionner en produits céréaliers une grande partie de ceux qui souffrent de la faim dans le monde.

De tels changements d’habitudes peuvent être lointains. »

p. 185 ; « De nombreux pays témoignent que le développement tant économique que social tend à limiter l’accroissement d’une population, et que des mesures d’ordre social contribuent directement à diminuer le taux des naissances. Les nations qui ont enregistré récemment les plus fortes diminutions de la natalité sont généralement celles qui ont réussi à répandre largement chez elles les bénéfices du développement. »

p. 186-187 ; « La Chine, qui compte déjà un milliard d’habitants, a, au cours des années 1970, réduit son taux de croissance de 2,3 à un peu plus de 1 %, et elle tend à une croissance zéro pour l’an 2000.

(…) L’enquête mondiale sur la fertilité a procédé récemment à l’analyse des renseignements considérables fournis par quatorze pays en développement : chez la plupart d’entre eux, la fertilité décroît à une allure dramatique.

(…) En résumé, sauf en Afrique et dans quelques-uns des plus pauvres pays de l’Asie, comme le Bangladesh et la Pakistan, le taux de natalité est en train de baisser de façon importante dans la plus grande partie du Tiers Monde. »

p. 191 ; « Les contributions des migrants

Un second courant de migration très différent est « l’exode des cerveaux ». Au début des années 1960 et 1970, plus de 400 000 médecins et chirurgiens, ingénieurs, savants et autres personnes compétentes ont quitté des pays en développement pour d’autres plus développés. L’Inde, le Pakistan, les Philippines et le Sri Lanka sont ceux qui sont le plus touchés par cette émigration. La plupart de ces migrants ont gagné les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne, d’autres le reste de l’Europe, l’Australie et le Moyen-Orient. Comme presque toute autre migration, ce genre de mouvement a une longue histoire : il remonte au moins à l’exode des cerveaux grecs vers Alexandrie aux alentours de 300 av. J.-C- Mais jamais il n’a été aussi puissant et ne s’est fondé aussi largement sur des motifs économiques. Cet exode s’explique un peu par le fait que beaucoup d’étudiants et de professionnels formés dans les pays développés ont préféré ne pas retourner chez eux. »

p. 195 ; « On estime qu’au cours de ce siècle quelque deux cent cinquante millions d’êtres humains ont fui leur pays

(…) Pendant les trois dernières années, on compte qu’il y a eu dans le monde, en moyenne, de deux à trois mille réfugiés par jour. Sur tous les continents, on a vu se développer des situations qui ont suscité d’énormes et brusques mouvements de population. Rien qu’en Afrique, il y a quelque quatre millions de réfugiés et de personnes déplacées pour lesquels on n’a encore trouvé aucune solution permanente, et ce chiffre est encore plus élevé dans certaines parties de l’Asie. Leur nombre total est de l’ordre de dix millions. »

p. 196 ; « Les problèmes que posent les réfugiés ne sont pas dus à une pression démographique. Leurs racines profondes sont l’intolérance, l’instabilité politique et la guerre. »

p. 197-198-199 ; « Il est une question que nous ne pouvons ignorer : les ressources et le système écologique de la Terre suffiront-ils pour répondre aux besoins d’une population mondiale qui aura considérablement augmenté, et cela au niveau économique qu’on espère atteindre ? Pour l’instant, l’épuisement des ressources non renouvelables et les dégâts constatés dans l’océan et dans l’atmosphère, sont dus à la croissance spectaculaire de l’industrie dans les pays développés où vit seulement un cinquième de la population du globe. Or, dans certaines parties du Tiers Monde, l’accroissement démographique constitue déjà une source de changements alarmants au point de vue écologique, et leur industrialisation entraînera nécessairement une pression encore plus grande sur les ressources et sur l’environnement.

(…) Toutefois, les ressources renouvelables peuvent être soumises à des limites plus étroites. Les systèmes biologiques du monde commencent à montrer des signes de surmenage. Ainsi, en dépit de grands investissements dans les flottes modernes de pêche, les quantités de poissons pêchés dans l’océan ont diminué.

(…) Les forêts qui recouvrent maintenant environ un cinquième de la superficie du sol de notre planète sont d’une importance cruciale pour la stabilité géologique et pour la survivance d’innombrables espèces animales et de millions d’êtres humains. Elles contribuent également à absorber le surplus d’oxyde de carbone produit par la combustion des carburants fossiles, processus qui menace de réchauffer l’atmosphère et qui pourrait provoquer des changements de climat aux conséquences potentiellement catastrophiques. L’ensemble de la demande de bois de chauffage et de terre à cultiver, et les exportations accrues de produits forestiers vers les pays industriels sont la cause d’un déboisement qui touche chaque année, dans le Tiers Monde, onze millions d’hectares, soit la moitié de la superficie du Royaume-Uni. Ce déboisement suscite aussi un appauvrissement et une érosion du sol, avec des inondations en augmentation constante, et un envasement des cours d’eau, des réservoirs et des ports, comme on le constate au Panama, au Bangladesh, au Nigéria et dans beaucoup d’autres pays. »

p. 200 ; « Les banques qui financent le développement ne devraient pas perdre ces facteurs de vue dans la mise au point de leurs projets, et il leur faudrait se tenir prêtes à financer les études concernant les répercussions de leurs plans sur l’environnement, afin d’incorporer dans chacun d’eux une perspective écologique.

Le besoin de régimes internationaux

La préservation des biens mondiaux -spécialement des océans, de l’atmosphère et de l’espace extérieur- et le contrôle de leur utilisation toujours plus grande exigent qu’ils soient soumis à des régimes internationaux. »

p. 205 ; « Une nouvelle conception de la politique de défense et de sécurité est indispensable. »

p. 206 ; « Comparées aux dépenses militaires mondiales, celles qui sont engagées pour le développement sont insignifiantes. Au total, les premières approchent de 450 milliards de dollars par an, dont la moitié est à mettre au compte de l’Union Soviétique et des Etats-Unis, alors que l’aide officielle au développement n’est que de 20 milliards de dollars.

(…) En tout cas, il existe un lien moral entre l’énormité des dépenses pour l’armement et l’insuffisance honteuse du financement des mesures destinées à supprimer la faim et à améliorer la santé du Tiers Monde. Le programme de l’Organisation mondiale de la santé pour abolir le paludisme manque de fonds : on estime que son coût sera éventuellement de 450 millions de dollars, ce qui représente seulement un millième des dépenses militaires mondiales pendant une année. Le programme établi pour dix ans afin de couvrir les besoins essentiels en nourriture et en soins médicaux des pays en développement n’atteint pas la moitié du budget annuel de l’armement mondial. De plus, la production d’armes n’est pas qu’une question d’argent, mais aussi de main-d’oeuvre et de connaissances professionnelles. Il est profondément troublant de constater qu’à l’Est comme à l’Ouest, une très forte proportion de savants et une grande quantité des ressourcess scientifiques qu’offrent les universités sont affectées aux armements. »

p. 208-209 ; « Et il existe un nombre beaucoup plus élevé d’armes nucléaires qu’on appelle tactiques, y compris les missiles à portée moyenne, qu’aucune restriction ne touche jusqu’ici. Leur puissance de destruction est égale à celle d’un million de bombes de type Hiroshima. Aussi est-il extrêmement urgent de conclure un accord sur ces armes qui menacent particulièrement l’Europe centrale, d’autant plus qu’on parle déjà d’en créer de nouveaux modèles.

Cette concurrence en matière d’armes entre les plus grandes puissances militaires se poursuit sur le plan de la qualité plutôt que celui de la quantité ; chaque génération est plus destructive que la précédente. »

p. 210 ; « …les armes non nucléaires, dites « conventionnelles », n’en coûtent pas moins de 80 % de toutes les dépenses militaires. En fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, toutes les guerres ont eu lieu avec cet armement traditionnel, et dans le Tiers Monde où elles ont tué plus de dix millions de personnes.

(…) La guerre civile libanaise, par exemple, a causé plus de morts que les quatre conflits israélo-arabes. Et un second exemple, celui du Cambodge, est encore plus tragique.

Les ventes d’armes conventionnelles faites par le Nord au Sud augmentent constamment. Elles représentent 70 % de toutes les exportations d’armement.

Suivant l’annuaire 1979 de l’Institut de recherche pour la paix internationale de Stockholm, les importations du Tiers Monde, en dollars 1975, étaient en 1978 de 14 milliards, dont 8,7 milliards pour sept pays, Irak, Iran, République de Corée, Arabie Séoudite, Inde, Israël et libye. Les cinq pays du Moyen-Orient, à eux seuls, avaient acheté pour 6,6 milliards de dollars. Certains pays du Tiers Monde, le Brésil en tête, sont en train de développer une production d’armes importante et commencent également à en exporter. Mais 70 % de toutes les importations d’armes du Tiers Monde provenaient des Etats-Unis (5,8 milliards de dollars) et de l’Union soviétique (4 milliards), avec la France (2 milliards), le Royaume-Uni (660 millions) et l’Italie (620 millions) comme autres grands fournisseurs. »

p. 212 ; « On ne peut accepter la justification traditionnelle des vendeurs : « si nous ne vendons pas, d’autres le feront à notre place. » »

p. 213 ; « Nous croyons aussi que toutes les exportations d’armes et de moyens de production d’armes devraient être rendues publiques. »

p. 214 ; « Toutefois, fabriquer un engin nucléaire explosif est une chose et savoir l’utiliser efficacement dans un but militaire est une autre.

(…) On ne peut dénier aux pays en développement le droit de s’équiper en centrales nucléaires. Pour éliminer leur mauvais usage dans des buts militaires, le système d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique devrait être renforcé et accepté par tous les pays. »

p. 216 ; « Des renseignements arrivés récemment des Etats-Unis, ainsi que d’autres études dont l’une provenant de la Fédération internationale des métallurgistes, confirment que les investissements dans l’industrie des armements créent moins d’emplois que dans les autres industries et les services publics. De nombreuses études ont montré qu’il n’y a aucune raison de douter qu’une grande partie des capitaux et de la main-d’oeuvre utilisés actuellement pour produire des armes ou pour les besoins militaires, pourrait être reconvertie et servir à la production d’équipements pacifiques indispensables au développement, ainsi qu’à celle de biens d’investissement.

p. 217 , « Si les contribuables payaient moins d’impôts -et un dollar sur six est consacré dans le monde, en moyenne, aux dépenses militaires- ils ne seraient nullement embarrassés pour trouver d’autres biens à acheter avec leur argent.

(…) Une politique internationale constructive aura entre autres tâches importantes celle d’apporter une conception nouvelle, élargie, de la « sécurité », moins limitée à ses aspects purement militaires. »

p. 223 ; « Mais un problème tout aussi fondamental se pose : ceux qui bénéficient le plus de la distribution actuelle des richesses et de la puissance économique, au Nord comme au Sud, omettent généralement d’accorder une priorité absolue à la responsabilité qu’ils partagent dans l’amélioration du sort des plus miséreux de ce monde.

(…) Une diminution rapide de la misère ne s’obtiendra qu’en modifiant le système économique mondial, mais aussi les modèles nationaux de croissance. »

p. 224 ; « Une même série de mesures ne peut donc convenir à tous. Néanmoins, l’expérience des deux dernières décennies montre que beaucoup d’entre eux doivent affronter des problèmes similaires, ce qui laisse croire qu’un certain nombre de dispositions semblables leur est dès lors applicable.

(…) Mais si nous nous refusons à prescrire des remèdes pour des pays particuliers, on peut néanmoins affirmer qu’une large participation politique et un gouvernement énergique sont les meilleures garanties des mesures que nous recommandons. »

p. 227-228-229 , « …en négligeant l’agriculture, ils ont souvent provoqué une stagnation et même une chute de la production alimentaire par tête d’habitant, et une augmentation du prix des vivres.

(…) Nous croyons qu’une augmentation continue de la production agricole, spécialement des récoltes vivrières, est la condition nécessaire de toute croissance d’ensemble. C’est-à-dire qu’une grande proportion des fonds de développement devra être affectée aux zones rurales, pour leur infrastructure, les crédits, le stockage, le marketing, les services d’aggrandissement, la recherche, le matériel agricole, et les moyens de pousser la production tels qu’engrais, semences améliorées et insecticides.

(…) Dans de nombreux pays, il existe des inégalités énormes dans la propriété du sol : une minorité de gros propriétaires fonciers et de grands fermiers, souvent 5 à 10 % du nombre des ménages ruraux, peut posséder 40 à 60 % du sol cultivable. Le reste de la population s’entasse sur de petites parcelles, souvent séparées, de terrain , beaucoup n’ont pas de terre du tout. Dans bien des cas, une proportion élevée de domaines est exploitée sur la base du fermage ou du métayage, où le propriétaire prélève une large part du total de la récolte. De telles structures sont à la fois injustes et inefficaces.

(…) L’assistance au « secteur marginal »

En dehors des pauvres du secteur agricole, d’autres souffrent d’une misère extrême : ils font partie de qu’on appelle le « secteur marginal » de l’économie. Là, les travailleurs, pour gagner souvent maigrement leur vie, se livrent à toutes sortes d’activités : réparations, fabrications diverses, constructions, petits commerces, approvisionnements, et tous autres services. Ce secteur marginal s’est développé rapidement du fait de l’augmentation insuffisante des possibilités d’emploi dans le secteur moderne. Ses caractéristiques sont la facilité d’y entrer, des processus de production et de distribution qui demandent une main-d’oeuvre intense, un tour de main traditionnel ou aisément acquis, des bas salaires, l’utilisation de matériaux locaux et d’outils ou de machines très simples. Dans beaucoup de pays, la politique officielle tend à ignorer ce secteur, et même à user contre lui de discrimination.

Pour utiliser le potentiel du secteur marginal et aider ainsi au développement, il faut l’assister en lui facilitant l’accès au crédit, en mettant à sa disposition une formation à des métiers d’ordre supérieur, des conseils techniques pour améliorer ses productions, et enfin un outillage meilleur et une infrastructure de services. En encourageant la sous-traitance offerte par de grandes firmes et des achats provenant du secteur public, on pourra créer de nouvelles sources de demande. Des achats collectifs d’outillage et une assistance commerciale pourront développer la force de négociation de ces entreprises individuelles en les mettant à même de concurrencer plus efficacement de grandes firmes nationales et étrangères.

Dans quelques pays, l’énormité du problème de la misère est telle que ces mesures devront être complétées par des programmes spéciaux de création d’emplois à base de projets gouvernementaux.

(…) De tels programmes peuvent comprendre la conservation du sol, de drainage et de contrôle des inondations, des routes également. »

p. 230 ; « La plupart des pays en développement se caractérisent par un dualisme technologique : alors que l’industrie et l’agriculture moderne utilisent une technologie des plus avancées, les paysans et les ouvriers du secteur traditionnel se contentent souvent de techniques centenaires. Peut-être le plus grand problème technologique que doivent affronter les pays en voie de développement est-il le besoin essentiel qu’ils ont d’élever le niveau de l’agriculture traditionnelle et du secteur marginal. »

p. 235-236 ; « Depuis longtemps, on s’efforce de mettre au point des plans d’intégration et de développement régionaux.

(…) L’échec de la croissance économique du Nord en tant que moyen important d’impact sur le Sud, les maigres résultats de plusieurs années de dialogue et de négociations intensives entre les deux parties, la persistance de la récession économique dans les pays industrialisés, et le peu de vraisemblance, dans un avenir prévisible, d’un retour aux taux de dcroissance des années 1960, tous ces facteurs confirment le point de vue selon lequel les processus économiques purement nationaux et les mesures de coopération mutuelle prises entre les pays en développement doivent désormais contribuer davantage à leur progrès.

p. 237 ; « Coopération régionale

Le commerce entre pays en développement augmente plus vite que leur commerce avec le Nord. En 1976, 22 % des exportations totales de ces pays et 32 % de leurs exportations de biens manufacturés allaient au Sud.

(…)Si les pays développés n’arrivent pas à mettre un terme au protectionnisme et continuent à connaître une croissance lente, les pays en développement se verront dans l’obligation d’accélérer encore entre eux le rythme de leurs échanges.

p. 238 , « Ces projets d’intégration subrégionale soulignent la nécessité de libérer le commerce régional et de conclure des accords commerciaux préférentiels en vue d’aider au développement par un accroissement de la spécialisation et en tirant avantage des économies d’échelle.

Cette forme de coopération est particulièrement utile aux pays dont le marché intérieur est trop petit pour soutenir seul l’effort d’une industrialisation efficace dans une large gamme d’activités. »

p. 244 ; « Dans les pays où ces réformes fondamentales n’ont pas encore été réalisés, une redistribution des ressources productives et des revenus est nécessaire. Une politique plus large d’amélioratrions doit comporter une expansion des services sociaux pour les pauvres, une réforme agraire, un accroisement des dépenses de développement pour les zones rurales, la stimulation des entreprises de petite dimension et une meilleure administration fiscale.

(…) Le secteur privé ne pourra contribuer pleinement au développement économique qu’avec un apport plus important de ressources, c’est-à-dire un accès plus aisé au crédit et un élargissement de la formation pratique et de la vulgarisation des techniques. »

p. 247 ; « La plupart des profits que réalise le Tiers Monde avec ses exportations sont dus à des produits de base -57 % en 1978 ou 81 % si l’on inclut le pétrole- et c’est dans la mesure de 50 % ou 60 % que ces produits contribuent au Produit national brut de très nombreux pays. Ces profits, dans beaucoup d’entre eux, dépendent souvent d’un très petit nombre de produits exportés. »

p. 248 ; « Le Secrétariat de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développment) a estimé récemment, sur la base des chiffres de 1975, qu’une semi-transformation locale de dix produits de base fournirait aux pays en développement un supplément de revenus bruts à l’exportation d’environ vingt-sept milliards de dollars par an, plus d’une fois et demie ce qu’ils rapportent actuellement. Bien entendu, il faudrait pour cela procéder à des investissements substantiels. Et en participant davantage à la commercialisation, au transport et à la distribution de leur production, les pays en développement bénéficieraient d’autres revenus importants. »

p. 249-250 , « Mais le développement de cette industrie nationale de transformation est également gravement gêné par les obstacles tarifaires et non tarifaires imposés par les pays industrialisés. Les pays en développement peuvent exporter du riz exempt de droits dans la Communauté européenne, mais ils se heurtent à un tarif de 13 %, ou à différentes taxes d’importation, quand il s’agit de nombreuses formes de riz travaillé et de produits à base de riz ; les Etats-Unis ont un tarif de presque 15 % pour le riz moulu. Le bois brut entre librement en Australie, mais le bois scié est assujetti à une taxe qui a passé récemment de 7 à 14 %. Dans la CEE, l’huile de palme brute est soumise à un droit de 4 % ; semi-raffinée, elle paye 12 %. Et de nombreux obstacles non tarifaires et règlements techniques s’opposent aux transformations dans le pays d’origine.

Même là où le tarif douanier sur les produits transformés peut sembler bas, il n’en est pas moins élevé par rapport à l’augmentation de la valeur ajoutée par la transformation. Cette « protection effective » contre les produits transformés constitue une entrave sérieuse aux exportations des pays en développement.

(…) Une autre entrave au développement des industries de transformation est la tendance qu’ont les taux de fret à s’élever quand il s’agit de transporter des produits transformés. Du fait que, pour certains de ces produits, les taux de fret sont aussi lourds que les droits de douane, une escalade de ces taux pourrait poser -pour ces produits- un problème aussi grave que l’escalade des tarifs. »

p. 252 ; « Une part plus importante pour les producteurs

Les renseignements disponibles montrent que les pays en développement reçoivent actuellement moins de 25 % des prix terminaux à la consommation. Le fait que les importateurs, les transformateurs et les distributeurs gouvernent le marché est l’une des raisons de la réduction de la part des producteurs.

(…) Certes, un accroissement des transformations sur place entraînerait une participation plus grande de ces pays dans la commercialisation, mais les efforts faits pour améliorer la situation sur ce point, mais aussi sur la promotion du marché et une réforme de ses structures. »

p. 257 ; « En dehors du problème des fluctuations, les pays en développement s’inquiètent énormément du niveau des prix. Les pays producteurs soutiennent qu’il existe une tendance à une diminution à long terme du prix de leurs produits de base par rapport à celui des produits manufacturés. Ils constatent aussi une pression constante, parfois considérable, dans le sens d’une élevation des coûts unitaires de tous les objets fabriqués dans les pays développés. »

p. 259 ; « Les pays industrialisés ont deux grands intérêts : plus de sécurité dans leurs approvisionnments et plus de stabilité dans les prix. Nombreux sont ceux qui dépendent des importations des produits de base provenant du Sud. Citons par exemple, en dehors du pétrole, le café, le thé, le cacao, le caoutchouc naturel, le jute et les fibres dures et beaucoup de minéraux comme le nickel, le cuivre, le manganèse et l’étain. Cette dépendance touche particulièrement l’Europe et le Japon. A l’avenir, les pays industrialisés de l’Ouest et de l’Est dépendront probablement davantage des importations des minéraux et des matières premières provenant des pays en développement… »

p. 260 ; « Le grand souci des pays industrialisés est désormais la maîtrise de l’inflation. La baisse des taux de croissance est étroitement liée à l’adoption de mesures anti-inflationistes. »

p. 264 ; « Nous avons mentionné un certain nombre d’imperfections et d’aberrations dans le fonctionnement de ce marché. Elles se manifestent fréquemment là où le marché est libre. »

p. 265-266 , « Les Accords internationaux sur les produits de base comportent des dispositions concernant la coopération entre producteurs et consommateurs. il s’agit là d’un progrès institutionnel précieux, qui pourrait constituer un moyen de promouvoir les intérêts mutuels des parties dans ce commerce international. Bien entendu, les bénéfices à attendre d’un nouveau régime de ces produits devront toucher les vrais producteurs primaires, c’est-à-dire les hommes et les femmes qui travaillent sur les plantations et dans les mines. Quelques-uns de ces accords comportent des dispositions sur les conditions de vie de la main-d’oeuvre. Il faut veiller à ce que ces conditions soient respectées.

(…) Stocks nationaux

Là où il y n’y a pas encore d’accords internationaux ou lorsque leur conclusion s’est avérée par trop difficile, le stockage sur place de certaines denrées pourrait être avantageux pour les pays producteurs en leur évitant de vendre à un moment défavorable. Plusieurs pays ont déjà entrepris de tels stockages pour leur propre compte, mais les Etats les plus pauvres en sont incapables. Dans des conditions particulières, un soutien financier, soit interne, soit externe, spécialement aux pays les plus pauvres, les encouragerait à constituer des stocks nationaux, et tous les intéressés tireraient un bénéfice important de cette aide à cause de la hausse des prix qui en résulterait. »

p. 270-271 ; « Les pays industrialisés produisent par tête d’habitant deux fois et demie plus de minéraux, y compris les carburants, que les pays en développement, mais ils en consomment seize fois plus, ce qui explique pourquoi ils dépendent tellement de leurs importations .

(…) Diminution de la recherche minérale dans le Sud

Un épuisement général des ressources mondiales n’est pas prévu pour ce siècle, bien que les gisements de pétrole auront gravement diminué. L’étude des Nations Unies sur l’avenir de l’économie mondiale (le rapport Leontief publié en 1977) suggère que le plomb et le zinc, et peut-être le nickel et le cuivre, pourraient se raréfier à la fin du siècle. D’autres inquiétudes se sont fait jour au sujet des approvisionnements de certains minéraux, mercure, phosphore, étain et tungstène ; mais pour ceux-là comme pour d’autres, l’amélioration continue des techniques d’extraction, de nouvelles découvertes et le recyclage peuvent conjurer cette pénurie. Toutefois, le monde devra s’intéresser beaucoup plus à l’emplacement des sources les plus économiques des matières premières, ce qui implique qu’il faudra faire porter aux endroits les mieux appropriés l’effort de recherche qui doit précéder d’au moins dix ans l’exploitation d’un gisement. Actuellement, la répartition de ces recherches est très déséquilibrée. Au cours des dernières années, 80 à 90 % des dépenses engagées à ce titre l’ont été dans un très petit nombre de pays développés ou récemment industrialisés ; en revanche, les recherches ont presque cessé sur de vastes territoires du Tiers Monde.

Traditionnellement, les recherches dans les pays en développement étaient effectués par les sociétés minières internationales qui fournissaient les capitaux, les connaissances techniques et les services de ventes, et qui supportaient elles-mêmes tous les risques. Entre les coûts et les avantages, il y avait souvent un profond déséquilibre en ce qui concerne les pays en développement. Ce type d’exploration et d’investissement s’est effondré. Les compagnies minières, face à cette situation, en rejettent principalement la cause sur l’instabilité des cessions accordées par les pays du Tiers Monde, et sur l’érosion de ce qu’ils considèrent comme leurs droits contractuels, à la suite des nationalisations ou de nouvelles négociations forcées. »

p. 273-274 ; « En effet, dans le cas traditionnel, chaque fois qu’on découvre un gisement qui s’avère très riche, le pays où il se trouve a ensuite l’impression d’avoir vendu à vil prix des ressources non renouvelables, et le mécontentement populaire acquiert alors une force irrésistible.

Il est donc nécessaire de disposer d’un service multilatéral de finacement, capable d’assurer des ressources qui seront converties peut-être en un prêt et en parts du financement initial du projet, si l’on découvre un gisement commercialement viable, susceptible d’être mis en oeuvre et exploité. L’existence de ce service multilatéral reflèterait la responsabilité internationale et l’intérêt commun porté à ces recherches minérales. »

p. 279-280 ; « Tous les pays dépendent aujourd’hui des produits du pétrole pour assurer le fonctionnement de leurs systèmes de transports, de leur production industrielle et agricole, de leur défense nationale et de toutes leurs autres activités.

(…) La pénurie énergétique prend de nombreuses formes. Une élevation soudaine des prix du pétrole affecte tous les pays, mais alors que le tourisme automobile continue sur une grande échelle, les pêcheurs des pauvres communautés insulaires, comme les Maldives, peuvent manquer totalementt de carburant pour leurs bateaux, ainsi que les agriculteurs de l’Inde et du Pakistan pour leurs pompes d’irrigation. Dans de grandes parties de l’Afrique et de l’asie, la crise de l’énergie signifie une pénurie de bois de chauffage : les familles pauvres doivent aller chercher toujours plus loin le bois nécessaire à la préparation de leur riz ou de leur blé, parce que les surfaces déboisées s’aggrandissent sans cesse. De nombreux pays en développement éprouvent des difficultés dans leur balance des paiements, ou sont en proie à une régression économique, du fait que l’augmentation de leurs dépenses de carburant les oblige à recourir par ailleurs à des suppressions d’activités. Les solutions à long terme consistent à développer d’autres sources d’énergie qui soient renouvelables ; mais à court terme, la situation s’aggrave. Ces deux aspects de la crise n’exigent rien moins qu’une stratégie mondiale en matière d’énergie.

(…) Le pétrole est le prosuit de consommation le plus important du commerce mondial, dont il représente en fait le huitième. »

p. 281 , « En 1970, le pétrole était, par rapport à toutes les autres marchandises, 25 % moins cher qu’en 1955.

(…) depuis la première grève commerciale concernant le pétrole, en 1857, dans l’Etat de Pennsylvanie, l’économie de ce produit a toujours été un sujet de controverses. »

p. 282 ; « Dans un avenir immédiat, le pétrole demeurera le sang vital de la société industrielle. »

p. 283 ; « Un Américain utilise autant d’énergie commerciale que 2 Allemands ou Australiens, 3 Suisses ou Japonais, 6 Yougoslaves, 9 Mexicains ou Cubains, 16 Chinois, 19 Malais, 53 Indiens ou Indonésiens, 109 Sri-Lankais, 438 Maliens et 1072 Népalais. L’ensemble du carburant que le Tiers Monde emploie pour tous ses besoins ne dépasse que légèrement la quantité d’essence que le Nord brûle pour faire rouler ses automobiles.

(…) Le Nord est plus en mesure d’économiser l’énergie au moyen d’ajustements relativement peu pénibles ou grâce à de nouvelles technologies. La plupart des pays du Sud ont une consommation modeste de pétrole, mais au fur et à mesure qu’ils en fournissaient à leurs industries et à leurs communautés rurales, et abandonnent leurs carburants traditionnels, leur consommation ne pourra qu’augmenter considérablement, que ce soit en pétrole ou en d’autres formes commerciales d’énergie. Cependant, au cours des dernières années, un certain nombre de pays en développement ont éprouvé des difficultés à se procurer jusqu’aux petites quantités de pétrole dont ils ont couramment besoin.

Tandis que la consommation d’énergie commerciale a doublé dans le Nord entre 1960 et 1976, celle des pays en développement a triplé ; mais elle est encore quinze fois moins importante que celle de l’Ouest, et douze fois moins importante que celle de l’Europe de l’Est. Les pays en développement n’importent que 10 % de tout le pétrole commercialisé. A juste titre, on s’intéresse beaucoup aux autres sources d’énergie, l’énergie solaire, par exemple, qui finalement peut convenir particulièrement aux pays en développement ; mais ces pays ne devraient pas être obligés d’adopter prématurément de nouvelles technologies par trop coûteuses. Ils ont légitimement besoin, dans les années qui viendront, d’une part grandissante de pétrole.

Portée des mesures de conservation

Les pays industriels devront donc modifier leur style de vie qui est fondé sur une abondance d’énergie.

(…) Dans les pays industriels, des études récentes ont établi qu’il suffit de quelques changements modérés dans le comportement et les pratiques des habitants pour que la consommation d’énergie par tête diminue substantiellement, sans avoir à sacrifier pour cela une grande partie de la croissance économique. »

p. 285 ; « Nous croyons qu’il est temps que ces grands consommateurs de pétrole (la consommation mondiale incombe pour 85 % aux pays industrialisés) s’imposent des objectifs ambitieux pour faire durer les réserves existantes.

(…) Il existe plusieurs moyens de réagir, par exemple fixer des limites à la consommation générale et des normes dans différents secteurs, tels le kilométrage des véhicules et l’isolation des bâtiments.

(…) Environ un quart de l’énergie commerciale du monde est aujourd’hui produite par le pétrole extrait dans les pays de l’OPEP. Pour toute augmentation importante, dans un avenir proche, de la production à partir des réserves connues et certaines, la source principale demeurera le Moyen-Orient.

(…) Cependant, un certain nombre de facteurs reposent sur la planification de cette production du Moyen-Orient. »

p. 286 ; « Il est vraisemblable que plus on exploite rapidement un puits de pétrole, plus le volume qu’on en extrait est finalement réduit. Et cette extraction s’accompagne d’un dégagement de gaz qu’il faut brûler, ce qui est un gaspillage. Et bien entendu, à cela s’ajoutent des considérations d’ordre économique : quand on se sert du pétrole dans un moteur à explosion, son rendement énergétique est le plus bas de tous , le convertir en produits pétrochimiques est bien plus important et plus avantageux, et cette tendance s’affirme de plus en plus chez les producteurs du Moyen-Orient.

Pour les exportateurs de pétrole qui disposent d’excédents de capitaux, une des questions les plus graves est la valeur de ce qu’ils encaissent en échange de leur produit : tant que son prix sera fixé et payé en dollars, la santé du dollar sera un facteur critique.

(…) Nouvelles sources de pétrole ?

Pour toutes ces raisons, des augmentations importantes de la production de pétrole du Moyen-Orient, sont problématiques. De plus, elles exigeraient d’énormes investissements de plusieurs milliards de dollars. »

p. 287 , « La densité des forages dans les zones de prospection des pays industrialisés est environ quarante fois plus forte que dans les pays en développement importateurs de pétrole. Ici, le besoin d’améliorer les relations Nord-Sud est fondamental. La méfiance réciproque des deux parties, grandes compagnies pétrolières et pays en développement, constitue un sérieux obstacle à la mise en train des recherches. »

p. 289 ; « Passer du pétrole à une autre source d’énergie est difficile à cause de son universalité extraordinaire d’emploi, et du fait qu’il peut satisfaire toutes demandes de puissance hautement concentrée que suscitent l’urbanisation et l’industrialisation. »

p. 292 ; « Cependant, l’énergie solaire ne semble vraiment économique que dans des domaines limités, tels le chauffage ou la production d’électricité dans des lieux retirés. On a rapporté que de grands progrès ont été réalisés en matière de piles photovoltaïques et de conversion thermique, mais on a surtout un besoin urgent d’un progrès décisif dans le stockage de l’électricité. »

p. 296 ; « Nous recommandons la fondation d’un centre mondial de recherches pour l’énergie, sous les auspices de l’ONU. Cet organisme pourrait en premier lieu servir de centre d’informations, de recherches et de projets, qui pourrait subvenir aux besoins des recherches à effectuer dans le domaine des sources renouvelables d’énergie. »

p. 298 , « L’Union soviétique produit plus de pétrole que tout autre Etat, et elle est le second exportateur mondial après l’Arabie Saoudite. Le pétrole constitue aussi la moitié de ses recettes en devises fortes. Elle possède les plus grandes réserves mondiales de gaz naturel, dont elle est le second producteur (après les Etats-Unis) et le troisième exportateur. »

p. 299 ; « On pense que la Chine aurait des réserves de pétrole au moins deux fois plus importantes que celle des Etats-Unis, et ce produit représente déjà 15 % des exportations chinoises aux Etats-Unis. La Chine est également le troisième producteur mondial de charbon. »

p. 302 ; « En 1975, la Conférence générale de l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) a adopté la Déclaration de Lima, qui avait fixé le but que les pays en développement devaient atteindre d’ici à l’an 2000 : ils devaient représenter d’ici là au moins 25 % de la production industrielle mondiale. »

p. 306 ; « En 1976, 22 % de la totalité des exportations des pays du Sud et 32 % de leurs exportations de produits manufacturés se faisaient entre eux-mêmes. Au cours de la première moitié des années 1970, ces exportations ont augmenté plus vite que celles qui se faisaient vers le Nord ; c’était là un renversement des tendances des années 1960. Le commerce Sud-Sud prendra une importance particulière si, dans les décennies qui viennent, le marché des pays industrialisés se développe trop lentement pour satisfaire les besoins qu’a le Sud d’exporter et d’importer. Si, par exemple, le produit national brut des pays en développement s’accroît de 6 à 7 % par an contre 3 ou 4 % dans les pays industrialisés, il faudra que les premiers couvrent entre eux une part plus grande de leurs besoins commerciaux.

Toutefois, pendant longtemps encore, les pays industriels demeureront le marché principal des produits manufacturés du Sud. »

p. 307 ; « L’Union soviétique et les autres pays du Comecon absorbent environ 6 % des exportations des pays en développement, mais la proportion de leurs importations en produits manufacturés des pays en développement autres que ceux de l’OPEP, environ 15 %, est beaucoup moins élevée que pour les Etats-Unis (environ 40 %), le Japon (24 %), et la CEE (environ 29 %). »

p. 311 ; « Dans le Nord, les demandes de protection et de subventions proviennent des partis politiques, des organisations commerciales, du patronat et des syndicats professionnels dans les industries menacées par les mises à pied, les faillites et le chômage, principalement lorsque ces emplois sont concentrés dans des régions qui n’offrent pas de perspectives immédiates de reconversion. »

p. 315 ; « Les abus du système des sauvegardes

Les articles du GATT se fondent sur le postulat que tous les pays ne s’engageront à libéraliser leur commerce que s’ils sont autorisés à prendre d’urgence des mesures de restrictions, quand cela leur sera nécessaire. La sauvegarde la plus importante permet à un pays de restreindre ses importations si leur augmentation a causé, ou menace de causer, un « préjudice grave » aux producteurs nationaux. Le pays importateur doit d’abord prévenir et consulter les pays exportateurs intéressés et il ne peut maintenir ses mesures de restriction que « dans la mesure et pour le temps qui peuvent être indispensables pour prévenir ce préjudice ou y remédier »:

De nombreux pays ont recours à l’article XIX, mais le plus souvent ils élèvent des barrières non tarifaires et violent ainsi ses dispositions, soit unilatéralement, soit en imposant de prétendues « restrictions volontaires à l’exportation » ou des « accords sur la régularisation de la commercialisation » que les pays en développement ne peuvent qu’accepter. »

p. 322-323 ; « Coopération internationale : GATT et CNUCED

« Deux organismes internationaux, le GATT et la CNUCED, détiennent maintenant un mandat dans le domaine du commerce international. La CNUCED a été créée en 1964, en partie parce que les pays en développement avaient l’impression que le GATT ne parvenait pas complètement à changer le système commercial. En fait, ils avaient déjà exprimé quelques-unes de leurs réserves seize ans plus tôt à la Conférence de la Havane, alors que les négociations portaient sur l’Organisation du commerce international, mais sans pouvoir obtenir ensuite la ratification du Congrès des Etats-Unis.

La plupart des pays en développement sont en train de rejoindre le GATT qui, malgré ses insuffisances, est fondé sur des principes de droit et d’ordre économique entre des pays qui doivent s’accorder et se mettre au service d’un système commercial plus équitable et plus rationnel. Certains pays en développement, parmi ceux qui ont adhéré au GATT, espèrent qu’ils pourront participer de façon significative à ses travaux et auront une plus grande influence sur les concessions commerciales consenties par les pays industrialisés ; mais nombreux sont ceux qui s’inquiètent de constater que le GATT se préoccupe par trop des intérêts des pays du Nord, et ils le critiquent pour sa mollesse quand il s’agit de faire obstacle au protectionnisme. De plus, le GATT ne comprend pas tous les pays de l’Europe de l’Est ni la Chine, et, comme nous l’avons noté plus haut, certains grands mouvements du commerce mondial demeurent en dehors de son rayon d’action.

D’autre part, la CNUCED est devenue le grand forum où se déroulent d’importants débats internationaux et où l’on négocie les changements à opérer dans le système économique mondial. Contrairement au GATT, elle a pour membres toutes les nations.

(…) La CNUCED a été le centre des négociations sur bien d’autres problèmes, y compris les transferts de technologie. Et il y a au moins un changement international d’importance, le Système préférentiel généralisé, qui, mis au point par la CNUCED, a été ensuite incorporé dans les statuts et les procédures du GATT. »

p. 329 ; « Elles contrôlent entre un quart et un tiers de la production mondiale, et déploient particulièrement leur activité dans les industries de transformation et la commercialisation. En 1976, on a évalué à 830 milliards de dollars le montant total des ventes de leurs filiales étrangères, soit à peu près le produit national brut de tous les pays en développement, abstraction faite des exportateurs de pétrole. »

p. 331 ; « Une grande partie du commerce international que contrôlent ces sociétés se déroule dans le cadre de leur organisation, entre l’entreprise-mère et ses filiales, et ce commerce « intérieur », suivant une estimation particulière, constitue plus de 30 % de l’ensemble du commerce mondial. D’autres transactions très nombreuses prennent également place entre les différents secteurs de ces entreprises, par exemple l’octroi d’un prêt, les cessions de licences concernant la technologie ou une fourniture de services. »

p. 332 ; « De telles différences peuvent refléter les préoccupation commerciales légitimes des sociétés, mais elles peuvent aussi servir à des transferts de bénéfices d’un pays à un autre suivant leur fiscalité, comme à tourner un contrôle des changes ou des prix, ou à éviter des droits de douane. Cette capacité qu’ont les sociétés multinationales de manipuler les courants financiers par des prix artificiels de transfert devient obligatoirement un sujet de préoccupation pour les gouvernements.

(…) Les sociétés transnationales ont été sévèrement critiquées aussi pour l’immoralité de leurs activités politiques et commerciales. Leur tentative de renverser au Chili le régime d’Allende ; les versements illicites pratiqués par des compagnies pétrolières à des gouvernements dans différentes parties du monde ; le soutien que certaines d’entre elles accordent en Afrique à des régimes illégaux… »

p. 333 ; « Sous les nombreuses craintes qu’inspirent, tant au Nord qu’au Sud, ls sociétés multinationales, on perçoit une inquiétude : n’ont-elles pas été capables de prendre, dans les opérations mondiales, une telle avance qu’elles échappent maintenant à tout contrôle efficace des Etats nationaux et des organisations internationales ? N’ont-elles pas tiré un profit des désordres économiques à une époque où de nombreux pays en souffraient ? Ne constituent-elles pas un réseau transnational dont la puissance apporte un élément nouveau dans le conflit des forces politiques et économiques ? »

p. 334 ; « Nécessité d’un règlement

Il s’établit toujours un rapport triangulaire entre le pays d’origine, le pays d’accueil, et la société transnationale qui, établie dans le premier, opère dans le second. Manifestement, une grande société qui a tendance à minimiser ses profits mondiaux n’a pas les mêmes objectifs qu’un Etat qui cherche à obtenir pour son pays le maximum de bénéfices. »

p. 341 ; « Le Nord couvre environ 96 % des dépenses engagées mondialement pour la rrecherche et le développement. »

p. 342 ; « Intérêt général et utilisation des brevets

Presque tous les brevets du monde sont enregistrés dans les pays industriels, et la plupart sont détenus par les grandes sociétés multinationales. »

p. 343 ; « Des technologies appropriées peuvent comporter des sources d’énergie moins coûteuses, un équipement agricol plus simple, des techniques dans la construction, les services et les procédés de fabrication, qui économisent du capital ; des usines plus petites et une échelle réduite de fonctionnement qui permettent de répartir plusieurs activités. »

p. 345 ; « Il est tout à fait possible que la hausse du coût de l’énergie, qui frappe le Nord comme le Sud, oblige les grandes sociétés du Nord à concentrer leurs efforts sur de nouvelles sortes de techniques qui pourront convenir à de nombreuses régions du monde entier.

(…) Tout d’abord, il est essentiel que l’information technologique se répande plus librement entre les nations et à l’intérieur de chacune d’elles. »

p. 347 ; « La situation selon laquelle, d’après les études de l’ONU, 1 % à peine des dépenses et des recherches du Nord est affecté spécifiquement aux problèmes du Sud, alors que 51 % sont employés aux questions de défense et à la recherche atomique et spatiale devrait changer. L’importance du désarmement, en tant que moyen possible de promouvoir le développement, n’est nulle part plus évidente que dans le domaine de la recherche.

Les organismes d’aide devraient utiliser davantage les conseillers locaux et autres gens compétents pour préparer leurs projets et leurs programmes. Pour l’instant, ils se reposent en grande partie sur les experts des pays avancés. »

p. 387 ; « Les fonds obtenus par les pays en développement proviennent d’un certain nombre de sources : programme d’aide directe de gouvernement et organismes de crédit à l’exportation ; institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international, les agences de l’ONU et autres fonds multilatéraux ; investissement privé, principalement par le canal des sociétés multinationales ; banques commerciales.

(…) Durant les prochaines décennies, les besoins financiers du Tiers Monde seront énormes. »

p. 389 ; « Pour de nombreux pays, le fardeau de la dette est devenu très lourd. Le montant des crédits accordés et les types de financement pratiqués sont de toute évidence inadéquats. Et l’incertitude quant aux crédits futurs menace les progrès du développement. »

p. 390 ; « Pour les trois ans de la période 1979-1981, le seul service des dettes pour l’ensemble des pays en développement -non compris l’OPEP- est estimé à 120 milliards de dollars, à ajouter aux déficits du commerce qui s’accroissent rapidement. »

p. 392 ; « Les relations

Le volume des prêts et les types de financement ne sont pas les seuls à être inadéquats, les relations entre emprunteurs et prêteurs le sont aussi. La part de responsabilité des pays en développement dans les processus de décision, de contrôle et de direction des institutions financières et monétaires internationales n’est pas ce qu’elle devrait être.

(…) L’URSS et la plupart des pays de l’Europe orientale n’en font pas partie, et la République populaire de Chine n’y a jusqu’à présent pas pris sa place. Outre son coût politique, l’absence d’universalité de ces organismes empêche les pays de tirer profit de leurs expériences respectives de développement et restreint la portée de l’aide internationale. »

p. 404 ; « Industrie

Pour atteindre l’objectif fixé à Lima en ce qui concerne l’industrialisation du Tiers Monde, un taux de croissance annuelle de 10 à 11 % en valeur industrielle ajoutée serait nécessaire. D’après l’ONUDI, ceci impliquerait un investissement annuel total de 40 à 60 milliards de dollars entre 1980 et 1990, et de 120 à 140 milliards de dollars entre 1990 et 2000. 60 % de ces sommes serviraient à financer les importations de biens d’équipement, de technologie et de services d’ingénierie. Pour que le financement étranger couvre pleinement les dépenses en devises des projets, l’industrie du Tiers Monde aurait besoin de 25 à 35 milliards de dollars par an de capitaux étrangers durant la prochaine décennie. Selon les estimations de l’ONUDI, elle en reçoit actuellement 10 milliards par an, environ. »

p. 406 ; « Un investissement de très grande envergure serait également nécessaire pour développer les sources renouvelables d’énergie, particulièrement l’énergie hydro-électrique et l’énergie solaire. »

p. 407 ; « Les types de financement faisant défaut

Pour des raisons partiellement historiques, partiellement fondées sur l’intérêt égoïste des pays donateurs et partiellement dues à un mauvais entendement du rôle que doivent jouer les ressources extérieures pour aider au développement, la plus grande partie des capitaux publics que reçoivent les pays en développement est affectée, au départ, à l’achat de biens d’équipement à l’extérieur. »

p. 408-409 , « Les prêts-programmes

Le type de financement qui fait particulièrement défaut est le prêt de programme, c’est-à-dire un prêt apportant des capitaux à utilisation flexible et dont l’emploi n’est pas lié à des projets d’investissement spécifiques. Comme nous l’avons dit, la plupart des financements bilatéraux et multilatéraux ne sont accordés que pour des projets définis , mais ces prêts-projets ne constituent pas un moyen efficace de faciliter un transfert adéquat de ressources. Ils ne sont versés que très lentement. Pour ce qui est de la Banque mondiale, l’expérience démontre que le cycle conduisant de la première identification du projet à sa réalisation finale prend en moyenne dix ans.

Par ailleurs, ne compter que sur le prêt-projet conduit à certaines distorsions graves. En premier lieu, ce type de prêt favorise les grands projets par rapport aux petits, car les organismes prêteurs, qui cherchent à limiter leurs frais administratifs, donnent la préférence aux opérations dont la dimension se situe au-dessus d’un seuil minimum. Deuxièmement, il favorise les investissements nouveaux, plutôt que l’amélioration du rendement des structures existantes, car le financement d’un projet ne s’applique pas en principe au capital d’exploitation (travail et matières premières). Troisièmement, la spécification des projets et les procédures des organismes ayant pour effet de lier les bénéficiaires peuvent encourager le choix de projets à forte proportion de capital, qui ne seront pas toujours ce qui conviendrait aux pays en développement. Quatrièmement, il arrive que les pays industrialisés et les organismes prêteurs changent d’avis sur les priorités du développement, ce qui les amène à changer de préférences quant aux types de projets qu’ils entendent financer, et souvent sans se préoccuper des propres priorités des pays en développement.

En fait, le prêt-projet et le prêt-programme sont complémentaires. Le prêt-programme corrige certaines des distorsions résultant du recours exclusif au prêt-projet. Tout d’abord, les prêts-programme sont versés rapidement, normalement en deux ou trois ans. »

p. 413 ; « L’intégration économique

Les pays en développement ont besoin de soutien financier pour accroître leurs échanges entre eux.

(…) Cependant, les nombreux plans d’intégration n’ont guère progressé, quand encore ils n’ont pas marqué un recul. Cette situation s’explique en partie par des causes politiques, mais les difficultés de balance des paiements des participants n’y sont pas non plus étrangères. La libéralisation des échanges prévue par ces différents plans crée souvent des difficultés de paiement pour un ou plusieurs pays membres vis-à-vis des autres partenaires. Le problème peut être résolu en élargissant le crédit mutuel par des arrangements de paiement, toutefois une aide extérieure est nécessaire lorsque les partenaires, bien qu’ayant des excédents de balance au sein du groupe et pour effectuer ces paiements se trouvent en difficulté pour équilibrer leur balance dans son ensemble et n’ont individuellement qu’un accès limité aux capitaux extérieurs. »

p. 415 ; « La qualité des relations entre emprunteurs et prêteurs est d’une importance vitale pour le rôle que doivent jouer les institutions financières et pour leur aptitude à répondre aux besoins de leurs clients , l’inégalité entre emprunteurs et prêteurs a rendu l’entente commune plus difficile et a engendré la méfiance réciproque. »

p. 419 ; « Selon la Commisssion des Communautés européennes :

« Si les pays en développement avaient suivi l’exemple des pays industrialisés, après 1973, en réduisant à la fois leur croissance et leurs importations, afin de s’ajuster à la hausse du prix du pétrole, la récession dans le monde industrialisé aurait été bien plus grave. Les chiffres pour l’année 1975, durant laquelle les économies de la communauté ont atteint leur plus bas niveau, sont particulièrement frappants. Alors que les exportations de la Communauté vers les Etats-Unis s’effondraient de 17 % et les exportations vers les pays de l’AELE de 3 % , les exportations de la communauté vers les pays en developpement ont augmenté de 25 % et les exportations vers les seuls pays de l’ACP de 33% . »

(…) Si les pays en développement n’appartenant pas à l’OPEP avaient réduit leurs importations de produits manufacturés pour faire face à la hausse des prix du pétrole durant l’année 1973-74, il y aurait eu 3 millions de chômeurs de plus dans les pays de l’OCDE. En fait, grâce au maintien de leurs échanges sur les produits manufacturés avec les seuls pays qui ont récemment commencé à s’industrialiser, les pays industrialisés ont, selon les estimations de l’OCDE, gagné en moyenne 900’000 emplois par an durant la période 1973-77. Cela montre à quel point le Nord dépend aujourd’hui du Sud pour ses marchés. »

p. 422. En outre 1973 et 1978, plus de la moitié des pays en développement importateurs de pétrole ont vu leur dette augmenter deux fois et demie plus vite que leurs exportations.

p. 428 . Nous n’ignorons pas que de nombreuses personnes soutiennent que les pays à faible revenu et les pays les moins développés seraient dans l’incapacité d’absorber des quantités plus importantes de capitaux ou d’aide et qu’en conséquence ces fonds seraient gaspillés. Mais une  » capacité d’absortion » insuffisante devrait être regardée comme un problème de développement en soi.

p.429 « Les avantages des « revenus automatiques » « 

Une notion importante, qui suscite de plus en plus l’intérêt, est celle de l’utilisation de mécanismes « automatiques » pour lever les capitaux nécessaires au développement, mécanismes fonctionnant autrement dit sans que les gouvernements aient besoin d’intervernir constamment. Nous pensons qu’avec le temps le monde va nécessairement évoluer vers un système financier où les revenus perçus par ces moyens tiendront une place de plus en plus grande.

p. 431 « une taxe sur le commerce international? »

Il a été suggéré notamment d’imposer une taxe sur divers aspects de la vie économique internationale, au choix : le commerce international, le commerce des armes, l’investissement international, les hydrocarbures et les ressources minières épuisables, les produits de luxe durables, les dépenses militaires, la consommation d’énergie, le pétrole brut vendu sur les marchés internationaux, le transport aérien international des passagers et des marchandises, l’utilisation des « communs internationaux »- pêche au large dans les océans, extraction du pétrole ou du gaz off-shore, extraction minière dans les fonds marins , utilisation des orbites spatiales, des fréquences et des canaux de radio et de télécommunication.

(…) Parmi ces propositions, le commerce international retient plus particulièrement l’attention comme base d’imposition, d’une part en raison de son volume -1300 milliards de dollars actuellement- et, d’autre part, parce que l’imposition et la collecte d’une surcharge minime sur les importations ne serait pas trop difficile à administrer et que la participation de tous les pays serait possible. »

p. 434 ; « Le fardeau doit être supporté par tous les pays

La Commission est convaincu qu’avec toutes ces possibilités, on doit pouvoir trouver des méthodes efficaces et équitables de lever des fonds en appliquant une petite surcharge ou une taxe, soit sur des postes de revenu, soit sur la production, soit sur la consommation, soit sur le commerce. Si la volonté y est, les moyens peuvent être trouvés. Toute taxation internationale de ce type doit être universelle : tous les pays doivent porter ensemble le fardeau.

(…) Cependant, ceux qui soutiennent que la notion d’impôt international est irréaliste, compte tenu de l’opinion publique, devraient se rappeler qu’on disait la même chose de l’impôt national sur le revenu dans presque tous les pays occidentaux il y a un siècle. »

p. 437 ; « La Banque mondiale : responsabilités et réformes

La Banque mondiale est l’institution clé du prêt au développement.

(…) D’aucuns, aujourd’hui, se demandent si la Banque mondiale n’est pas devenue un organisme trop important et trop centralisé : son personnel spécialisé est actuellement de 2400 personnes, environ, dont plus de 95 % travaillent au siège, à Washington. Cette concentration permet peut-être d’avoir une approche unifiée, mais elle tend à éloigner ce personnel des problèmes et des comportements tels qu’ils se présentent dans les pays emprunteurs.

La charte de la Banque prévoyait une décentralisation de ses activités, mais celle-ci n’a pas eu lieu. »

p. 438 ; « Les pays en développement ont droit à ce qu’on tienne compte de leur avis et de leurs préférences dans des opérations qui les concernent aussi directement, qu’il s’agisse de la Banque mondiale ou du FMI, et leurs resssortissants devraient être plus nombreux dans ces institutions. »

p. 441 ; « L’objectif devrait être, durant la prochaine décennie, de donner aux banques régionales une position d’égales vis-vis de la Banque mondiale, pourvu qu’elles soient convenablement réformées.

(…) Plus d’égalité dans l’association

Les rapports entre emprunteurs et créditeurs et entre membres des institutions financières internationales sont d’une importance capitale. Le caractère de ces relations se réflète dans les modalités de vote adoptées par ces institutions. »

p. 442 ; « La situation étant ce qu’elle est , il conviendrait donc avant tout d’évoluer vers une plus grande égalité et une véritable association, ce qui devrait se traduire par une révision des modalités de scrutin et de la structure de la direction au sommet. »

p. 446 ; « Et assurément, la logique d’un système nouveau de revenus universels et automatiques pour financer le développement mondial appelle une institution créée d’emblée par tous les pays -de l’Ouest, de l’Est et du Sud- et pouvant canaliser ces revenus. »

p. 447 ; « La nouvelle institution n’aurait pas besoin d’un personnel important, bon nombre de ses opérations pouvant se faire par accords de cofinancement avec la Banque mondiale et les banques de développement régionales. »

p. 449 ; « Le transfert de ressources aux pays en développment doit être accru substantiellement pour financer .

1) les projets et programmes visant à soulager la pauvreté et à accroître la production alimentaire, particulièrement dans les pays les moins développés;

2) la prospection et le développement des ressources énergétiques et minières;

3) la stabilisation des prix et des bénéfices à l’exportation des produits de base et une expansion du traitement des produits dans les pays producteurs eux-mêmes. »

p. 450 ; « II) l’adoption de calendriers définis en ce qui concerne l’accroissement de l’aide officielle au développement (AOD) fournie par les pays industrialisés, qui devrait atteindre le niveau de 0,7 % du PNB en 1985, et de 1 % du PNB avant la fin du siècle ;

III) l’introduction d’un transfert automatique des revenus par des prélèvements fiscaux internationaux sur quelques-uns des postes suivants : le commerce international, la production d’armes, les voyages internationaux, les « biens communs mondiaux », notamment les ressources minérales des fonds marins.

Le crédit dispensé par les institutions financières internationales devrait être amélioré par :

(…)

II) le doublement du rapport emprunts/capital de la Banque mondiale, qui pourrait passer du rapport actuel 1/1 au rapport 2/1 ; et le doublement similaire du coefficient de liquidité des banques régionales de développement … »

p. 451 ; « (…) VII) l’attribution aux pays emprunteurs d’un rôle plus important dans les mécanismes de décision et de direction. »

p. 454 ; « … on ne saurait sous-estimer la tendance des grandes bureaucraties internationales à acquérir et développer un style qui leur est propre, en perdant progressivement contact avec le monde réel. Cela est d’ailleurs également vrai des bureaucraties nationales importantes. »

p. 456-457 ; « Il est impératif que les simples citoyens comprennent ce que veut dire pour eux-mêmes l’interdépendance et qu’ils s’identifient aux organisations internationales qui ont mission de l’administrer. Ce n’est pas un hasard si, au Nord, les pays qui viennent en tête de liste en ce qui concerne l’aide officielle au développement sont aussi ceux qui donnent à leurs citoyens, et en particulier à la jeune génération, une éducation tournée vers l’extérieur.

De même, les institutions internationales devraient pouvoir s’adresser à une audience plus large que celle des participants aux discussions et négociations. Il convient de rappeler que les résolutions et les déclarations ne seront efficaces que si elles influencent le public. Les institutions internationales devraient notamment intensifier leurs contacts avec les jeunes et leurs organisations, particulièrement importantes parmi les organisations non gouvernementales. »

p. 461-462-463 ; « …le système de coopération international doit comporter un système de contrôle et d’évaluation, et c’est pourquoi nous souscrivons à l’idée d’un organe indépendant de haut niveau pour ce rôle.

Améliorer le cadre des négociations

Le cadre des négociations du dialogue Nord-Sud doit également être amélioré. La CNUCED et de nombreux autres organismes internationaux ont été modelés en fonction du système des groupes, système qui comprend trois groupes -les 77, le groupe B et le groupe D, plus la Chine. Le groupe des 77 (qui aujourd’hui compte 117 membres) est composé des pays en développement. Le groupe B est composé des pays industrialisés occidentaux et le groupe D des pays de l’Europe de l’Est. Cette division s’est consolidée en un shéma d’alignement et le groupe des 77 traduit la solidarité des pays en développement, laquelle a une importance historique, car elle leur permet de présenter un front commun et de faire porter leur force combinée dans les négociations Nord-Sud. Le système de groupes a ses mérites dans les délibérations où le Sud a besoin d’articuler ses problèmes et ses positions et de leur donner une certaine publicité , et notre Commission reconnaît pleinement sa validité et sa valeur.

Toutefois, les délibérations de ce type se sont souvent terminées par des résolutions qui exhortent tout le monde, sans lier ni engager personne , on écarte les différences , pour donner une apparence d’accord, mais en réalité les différences sont toujours là. Un des résultats de ce procédé est que le langage des résolutions internationales est devenu un langgage exclusif, spécialisé et codé.

Il n’y a de véritables progrès dans les relations internationales que grâce aux négociations, si difficiles soient-elles, où l’on s’efforce de formuler des principes ou des instruments acceptés par tous les participants, et seules des négociations comme celles-là peuvent faire naître un langage commun sur lequel puisse se fonder l’action. Et c’est sur ce point, justement, que le système de groupes a été critiqué comme tendant à cristalliser des positions extrêmes de part et d’autre, ce qui ralentit et parfois empêche les progrès concrets dans l’harmonisation des intérêts en conflit. Le processus de réconciliation des différences au sein du groupe a souvent conduit à écarter les positions modérées au bénéfice des positions extrêmes. Or les exigences maximales ne s’attirent en réponse que des propositions minimales. L’on veut aujourd’hui entraîner le groupe tout entier, à chaque stade des négociations, sans négliger les différences, ce qui fait que le processus de négociation est en train de devenir très lourd, encombrant et très long. Le temps est venu de voir s’il ne serait pas possible d’imaginer un format plus fonctionnel des négociations, sans pour autant ignorer le souci des pays en développement de maintenir leur solidarité. »

p. 472 , « Par quoi est limitée notre réponse à ce défi dont dépend le destin de l’humanité ? Non pas fondamentalement par les solutions techniques, qui nous sont déjà bien connues, mais par le fait que nous n’avons pas une conscience claire et généralisée des réalités et des dangers, et par le manque de volonté politique pour faire face à ces dangers et ces réalités et opérer les corrections nécessaires. »

p. 478 ; « Le monde doit viser à abolir la faim et la malnutrition d’ici la fin du siècle, en éliminant la pauvreté absolue. L’accroissement de la production alimentaire, l’accélération du développement agricole et un certain nombre de mesures pour assurer la sécurité alimentaire internationale sont des conditions essentielles. »

p. 479 , « Le Nord devrait renverser la tendance actuelle à protéger ses industries contre la concurrence du Tiers Monde et promouvoir au lieu de cela un processus de restructuration positif et anticipatoire. »

p. 480 ; « Le désordre du système monétaire international est un des principaux problèmes de l’économie mondiale. »

p. 483 , « Un objectif a déjà été fixé en ce qui concerne l’aide fournie par les pays riches : 0,7 % du produit national brut, ce qui représente pour un pays dont le revenu moyen par tête est de 6000 dollars, une somme de 42 dollars par personne. Les pays riches devraient s’engager à respecter un calendrier défini pour atteindre l’objectif en question et passer même à 1 % d’ici à l’an 2000. »

p. 486-487 ; « …les banques régionales et sous-régionales devraient jouer un rôle de plus en plus important dans le financement du développement et seraient tout à fait qualifiées pour maintenir des liens étroits dans les pays appartenant à leur continent respectif ; aussi devraient-elles disposer de fonds suffisants et être gérées toutes par un personnel hautement compétent.

(…) Tout comme la Banque mondiale, le FMI devrait veiller à donner au Tiers Monde une représentation adéquate au sein de sa direction et aux échelons supérieurs de son personnel. »

p. 494 ; « A titre de démarrage du programme de sécurité internationale en matière alimentaire, nous préconisons de conclure aussi vite que possible l’Accord international sur les grains, de même qu’un accroissement des livraisons alimentaires d’urgence. »

p. 496-497 ; « Quelle que soit la nature et la profondeur des différences entre le Nord et le Sud, il existe une mutualité d’intérêts entre eux. leur sort est étroitement lié. La recherche de solutions n’est pas une question de charité, mais une condition de mutuelle survie. »

p. 499 ; « Les pays les plus pauvres

(…) Ces mesures devraient comprendre de grands projets régionaux de gestion des eaux et du sol , la fourniture de soins médicaux et la liquidation de maladies telles que la cécité des rivières, la malaria, la maladie du sommeil et la bilharziose ; des projets de reboisement ; le développement de l’énergie solaire , la prospection minière et pétrolière ; un soutien à l’industrialisation, au développement des transports et autres éléments de l’infrastructure. »

p. 502 ; « Il conviendrait de développer la recherche sur les moyens de convertir la production d’armes en une production civile susceptible d’utiliser le personnel scientifique et technique hautement qualifié actuellement employé dans les industries d’armement. »

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