Swissmetro, « l’avion souterrain » des Helvètes

Swissmetro, « l’avion souterrain » des Helvètes*

 
Par Jean-Bernard Desfayes
Jean-Bernard Desfayes, journaliste indépendant à la Radio romande et au « Nouveau Quotidien » (Lausanne), ancien rédacteur en chef du « Matin » (Lausanne), est connu notamment pour ses ouvrages de vulgarisation de la conquête de l’espace, Espace Nicollier (Lausanne, Desfayes, 1992) et L’Année Hubble (Lausanne, LEP, 1994).

 Tout le monde a un petit train dans sa vie. Un « Märklin » de préférence. Mais Rodolphe Nieth, fils de cheminot, ancien ingénieur CFF (Chemins de fer fédéraux suisses), ne s’est pas contenté de jouer avec un petit train électrique: il en a rêvé un, le plus rapide de tous, le moins gourmand en énergie, le plus écologique… Mais, horreur: sans roues, filant sans bruit, et dans un tunnel sous vide partiel!

L’ingénieur aurait pu s’en tenir au rêve. Or il a choisi d’aller jusqu’au bout de son idée et de se battre pour elle ausssi longtemps qu’on ne lui aura pas démontré qu’elle est mauvaise et qu’il a tort. Ce combat titanesque dure depuis plus de vingt ans et se poursuivra sans doute loin dans le XXIe siècle.Le maître de « prim’sup » (primaire supérieure) de Rodolphe Nieth, à Lausanne, dans les années 50, était peut-être un bon pédagogue, mais sûrement pas un fin psychologue: « Il m’avait fait une longue liste de métiers pour lesquels j’avais quelques prédispositions, raconte Nieth. Y manquaient pianiste de bar, et tous les métiers exigeant des études universitaires. Malgré cela, j’ai choisi de faire des études. Parce que j’étais paresseux. »

C’est ainsi que, par provocation déjà, le fils de cheminot et futur inventeur de Swissmetro devient ingénieur. Il est vrai que sa formation suit un itinéraire sinueux, comme celui des tortillards de l’Entlebuch ou de la Broye: d’abord le « Tech » à Genève, puis des travaux pratiques dans un bureau d’études dirigé par un ancien cheminot, enfin l’EPUL, l’ancêtre de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne: il y entre dans le département de génie civil où il rencontre le professeur David Genton, un ancien des CFF, dont il sera plus tard, brièvement, l’assistant à l’Institut de technique des transports. Sa voie est toute tracée, si l’on ose dire. Après onze semestres et un projet de saut-de-mouton ferroviaire à Giubiasco, au Tessin, le voici ingénieur diplômé spécialisé dans le rail.

Alors, pendant quatre ans, il travaille chez Sarrasin, un grand bureau vaudois d’ingénieurs où on lui confie la réalisation de plusieurs ponts d’autoroute dans Lavaux – c’est le boom autoroutier – , du parking de la Riponne en plein centre de Lausanne, de l’épuration des eaux de St-Prex. « Certains ingénieurs attendent toute leur vie avant de pouvoir construire un pont, dit-il. Moi, c’est le premier ouvrage qu’on m’a demandé de réaliser. » Loin d’en tirer vanité, Nieth postule à Berne, « pour apprendre l’allemand » un emploi d’ingénieur à la section Essais et Mesures des CFF à Berne, et le décroche.

On est en 1972, Rodolphe Nieth a 30 ans. Pendant huit années, il va faire tous les jours le trajet Lausanne-Berne en train, pour ne pas imposer à sa petite famille (sa femme est française) un changement radical de culture. La durée des trajets, une bonne heure, n’est pas étrangère à la réflexion qui le conduit à imaginer des liaisons plus rapides. A cette époque, d’ailleurs, on parle beaucoup de vitesse aux CFF, puisque les trains des nouvelles transversales suisses sont censés faire presque aussi bien que le TGV français ou l’ICE allemand, puisque leurs ouvrages d’art seront dimensionnés pour des vitesses de 250 km/h…

Mais de telles vitesses sont peu réalistes en Suisse: le pays a un relief trop tourmenté. Nieth le sait mieux que personne puisque, dans son travail, il est amené à calculer la déformation des voies au passage des trains: « La déformation augmente avec le cube de la vitesse. Plus on va vite, plus l’entretien est fréquent et plus il est coûteux. C’est une spirale infernale… » Comment aller plus vite sans que les coûts deviennent prohibitifs?

Le jeune ingénieur se documente. Il a l’intuition qu’une partie de la solution se trouve dans les tunnels, qui permettent de s’affranchir de la géographie, ainsi que des expropriations et des indemnisations financièrement douloureuses et sujettes à mille oppositions. « La Suisse est une grande ville, analyse Nieth. On ne peut donc plus y construire en surface. Il faut donc aller en sous-sol et relier les régions comme on relie les quartiers d’une grande ville, à l’image du RER à Paris. »

En 1890 déjà, certains trains roulaient à 160 km/h mais, mais ils étaient obligés, comme aujourd’hui, de réduire leur vitesse à 125 km/h au passage des tunnels, à cause de la résistance de l’air. Or Nieth lit dans un ouvrage qui lui tombe sous la main par hasard qu’il devrait être théoriquement possible d’augmenter la vitesse dans les tunnels: il suffirait de créer une dépression à l’avant du convoi et de chasser l’air à l’arrière, pour provoquer une surpression comme dans un réacteur d’avion. Pour Rodolphe Nieth, ce n’est pas encore la révélation, mais presque.

« Le [vrai] déclic me vint de la lecture de l’article d’une revue technique sur l’ancêtre du Transrapid allemand, le premier projet de train à moteur électrique linéaire et sustentation magnétique, circulant en plein air sur un viaduc en béton. L’auteur de l’article était de toute évidence un adversaire de cette solution, et énumérait les points faibles du projet: l’effet de traînée du véhicule, la résistance de l’air, la consommation énergétique, etc. Comme tous ses arguments négatifs étaient liés à l’air, je me suis dit: pourquoi ne pas supprimer l’air? Il suffirait pour cela de creuser des tunnels dans lesquels on ferait le vide d’air et la solution Transrapid trouverait alors toute sa justification et son efficacité… Quand suis arrivé au terme de l’article, Swissmetro était né. » C’était en 1974.

Le lendemain de cet « eurêka! », Nieth apostrophe, dans le train de Berne qu’il prend chaque jour avec une cohorte de fonctionnaires et de cadres, son vieux copain Jean-Charles Aquarone, comme lui ancien assistant du professeur Genton et ingénieur à la Conception globale suisse des transports (CGST): « J’ai trouvé la vraie solution au problème de la vitesse… » Ce jour-là, Aquarone accompagne Nieth jusqu’à son bureau. Homme de la technique, il est dificile à convaincre. On ne la lui fait pas avec des projets qui ne tiennent pas la route… ou plutôt le rail. Ce n’est donc que deux ans plus tard qu’il lâche: « Je crois que tu as raison… »

Des TGV en Suisse
filant à 250 km/h?
Impossible. Le pays
est trop accidenté

Depuis cette époque, le concept Swissmetro repose pour l’essentiel quatre techniques dont trois au moins sont d’avant-garde:

* une infrastructure entièrement souterraine comprenant deux tunnels parallèles de diamètre relativement faible, solution idéale pour la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire;

* un vide d’air partiel dans les tunnels, permettant à la fois des vitesses élevées et des économies d’énergie;

* une propulsion par moteurs électriques linéaires;

* une sustentation magnétique des véhicules supprimant l’usage des roues, assurant un guidage économique et évitant toute usure et tout bruit de contact.

Au printemps 1977, ses amis pressent Rodolphe de rédiger un argumentaire de son projet, « pour voir comment il vend l’idée et comment les gens réagissent ». Nieth profite d’un été pluvieux pour écrire une vingtaine de pages, mais il lui faut encore attendre trois ans, jusqu’au 24 novembre 1980, pour que soient mis en forme définitive et imprimés… 100 exemplaires du premier document Swissmetro, en allemand et en français, co-signé par Jean-François Braillard, collaborateur de l’OFIAMT, l’Office fédéral de l’industrie des arts et métiers et du travail, et Martin Steiger, aménagiste et architecte à Zurich.

La plaquette propose Swissmetro comme solution de rechange aux nouvelles transversales ferroviaires (NTF) prévues alors par la Conception globale suisse des transports (CGST). Elle suggère une double transversale en croix, de Genève à Saint-Gall par Lausanne, Berne, Lucerne et Zurich, et de Bâle à Milan, par Lucerne et Bellinzone. Temps de parcours entre les stations: 9 minutes, impliquant des vitesses de pointe de 950 km/h… Bel optimisme, que la raison économique obligera très tôt Nieth à modérer: il ramène la durée du voyage Lausanne-Berne à 12 minutes, contre 67 actuellement, ce qui n’est déjà pas si mal.

« La finalité de cette étude est triple, peut-on lire dans l’introduction du document. Premièrement, rechercher un moyen de transport en commun apte à répondre aux exigences d’aujourd’hui et surtout du siècle prochain; deuxièmement, proposer une solution de rechange à un double problème: d’une part, la saturation naissante des autoroutes sur certains grands axes; d’autre part, les obstacles multiples et majeurs à la réalisation de chemins de fer conventionnels rapides (NTF); troisièmement, accorder une attention accrue aux principaux impératifs de la politique nationale et régionale, notamment à la protection de l’environnement, l’indépendance énergétique, l’équilibre régional, la mobilité géographique et le marché du travail. »

Les trente pages de Nieth n’auraient dû avoir, en toute logique, d’autre effet que de rider la mare dans laquelle ne cessent de barboter les transports publics suisses. Or, voici qu’elles provoquent une vague de fond! Avant même leur publication, elles suscitent une première alerte lorsqu’Aquarone et son collègue Kuster présentent le projet et la plaquette à leur patron de la CGST, le conseiller national démocrate-chrétien Aloys Hürlimann. L’homme politique prend peur: il y voit une concurrence directe aux transversales ferroviaires alpines. Il impose à ses deux collaborateurs de retirer leurs signatures.

Comme il ne peut imposer aussi le silence à Nieth, Braillard et Steiger, il les convoque au Buffet de la Gare de Berne, et leur promet de les aider à trouver des personnes intéressées à soutenir le projet Swissmetro s’ils s’engagent à éviter des éclats médiatiques. « Nous nous sommes hélas vite aperçus, raconte Nieth, que Hürlimann passait avant nous dans les milieux susceptibles de nous aider, pour leur dire de ne pas le faire. »

Ce n’est qu’un avant-goût de ce qui attend le créateur de Swissmetro et ses amis. Mais Rodolphe Nieth a de la chance: il ne travaille plus à Berne, mais en Suisse romande, où il dirige les travaux du raccordement ferroviaire avec Cointrin, l’une des rares réalisations de cette dimension qui se soit terminée dans les délais et sans dépassement budgétaire, si bien que les échos du tumulte provoqué par son brûlot, distribué stratégiquement au Département fédéral des transports et communications et de l’énergie – dont le chef, le conseiller fédéral grison Léon Schlumpf, aurait à cette occasion piqué une colère mémorable – et à la Direction générale des CFF, ne lui arrivent que très atténués. Seul un ancien collègue de Berne lui téléphone: « – Un conseil d’ami, Nieth, enlevez tout de suite votre nom de cette plaquette. – Si c’est un conseil d’ami, je vous en remercie, répond l’ingénieur vaudois; mais si c’est du chantage, vous savez le cas que j’en fais… » Plus tard, lors de l’inauguration de la bretelle Cornavin-Cointrin, le président des CFF Werner Latscha adressera furtivement à son subordonné un grinçant: « Voilà celui qui veut tous nous enterrer?! » D’évidence, à Berne, tout le monde ferroviaire est contre le projet.

A Lausanne, en revanche, à la direction régionale des CFF, la réaction est plus que favorable. M. André Brocard, alors directeur, adresse à son subordonné une lettre de félicitations pour la qualité de son travail. Hélas, ce geste sympathique et frondeur d’un cadre de la grande régie ne fait pas avancer beaucoup les affaires.

Le coup de pouce du destin vient d’un groupe d’amis de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), les professeurs François Descoeudres du Laboratoire de mécanique des roches, Willy Benoît de l’Institut de génie atomique et Francis-Luc Perret de l’Institut des transports et de planification, à qui Rodolphe Nieth a envoyé une plaquette.

« Il faut mettre Jufer dans le coup », décrète Descoeudres. Marcel Jufer, professeur au Laboratoire d’électromécanique et de machines électriques de l’EPFL, est en effet l’homme qui conçoit les moteurs des disques durs d’ordinateur Seagate, numéro un mondial; il a acquis en outre une belle expérience dans le domaine des moteurs linéaires avec un petit bolide expérimental sur rail qui, dans les années 1970, mettait de l’animation dans le parc de l’avenue de Cour à Lausanne.

Voilà pourquoi un ingénieur
s’est pris à rêver d’un train
souterrain, sans roues,
sans bruit et sous vide!

Le quatuor se retrouve le soir au domicile de Nieth. « Nous étions comme des conspirateurs autour de quelques bouteilles de vin blanc », se souvient l’hôte de ces curieuses séances de travail. Les cinq ingénieurs, spécialistes dans des domaines très différents, mettent le projet à plat… sur la table du salon, et en analysent la faisabilité. « Je ne voyais a priori pas de difficultés majeures pour la propulsion et la sustentation, ce qui ne voulait pas dire que tout était résolu, raconte Marcel Jufer. Mais, comme les autres, j’avais un certain nombre de réserves et de doutes. Ils se manifestaient dans les secteurs où nous n’étions pas compétents, ce qui était curieux et rassurant à la fois. »

Très vite, le petit cénacle arrive à la conclusion que le problème crucial, c’est l’aérodynamisme dans des tunnels sous vide partiel -étant entendu que le vide lui-même n’est pas sorcier à réaliser, parce que les machines existent, et qu’il n’y a pas besoin d’en développer de nouvelles, ainsi que le démontre Willy Benoît.

De retour dans leurs laboratoires ou instituts, les scientifiques continuent à déblayer le terrain avec leurs élèves qui s’enflamment à leur tour pour le projet. Ils effectuant des études partielles, prometteuses, mais qui, évidemment, ne suffisent pas. Bernard Vittoz, alors président de l’EPFL, est enthousiaste. Il parle de Swissmetro à Maurice Cosandey, son prédécesseur, qui préside le Conseil des Ecoles polytechniques. Ce dernier téléphone à Jufer: « Le Conseil voudrait financer en priorité des projets d’étude communs aux deux Ecoles polytechniques fédérales; tu devrais m’adresser une demande pour Swissmetro. » Aussitôt dit, aussitôt fait: Jufer demande 108’000 francs, ce qui, en 1983, n’est pas la mer à boire pour une étude de cette dimension.

Quelque temps plus tard, il reçoit réponse: c’est refusé! Cosandey se justifie aujourd’hui: « A la place que j’occupais, il y avait souvent des contraintes politico-économiques. Je m’en suis rendu compte après coup… » Les contraintes en question viennent bien sûr des CFF, qui financent en effet un demi-poste de professeur à l’EPFL. Le directeur du marketing de la régie, Michel Crippa, aujourd’hui reconverti dans le transport routier, aurait menacé de supprimer ce demi-poste au cas où la subvention serait accordée.

Pour en avoir le cur net, Nieth sollicite le Neuchâtelois Carlos Grosjean, conseiller aux Etats et président du Conseil d’administration des CFF. Ce dernier lui répond: « Swissmetro ne présentant, sous l’angle du coût de construction, pas d’avantages par rapport aux nouvelles transversales ferroviaires, un soutien financier de votre projet par les CFF ne peut entrer en ligne de compte. » Pingre et mal informé.

L’Office fédéral des transports, qui dépend du Conseiller fédéral Léon Schlumpf, examine la demande lausannoise avec des pincettes, mais décide finalement d’accorder… 10’000 francs, afin de soutenir, écrit-il, « une fois aussi un projet utopique ». La somme ne sera jamais transférée.

Pour Nieth est ses amis, c’en est trop. Leur dernier espoir, ce sont les politiques. Premiers à dresser une oreille bienveillante, Sergio Salvioni, conseiller national radical tessinois, et Robert Ducret, lui aussi radical et conseiller aux Etats genevois. En juin 1986, devant leur Chambre respective, les deux députés plaident la cause de Swissmetro en l’opposant non pas aux nouvelles transversales ferroviaires, qui sont passées l’année précédente aux oubliettes, mais à Rail 2000, qui est venu les remplacer. En faisant adopter son postulat par le Conseil des Etats, Robert Ducret oblige le Conseil fédéral à se pencher sur le projet, qui reçoit par la même occasion une formidable publicité médiatique.

« Le lendemain fut l’un des jours les plus difficiles de ma vie aux CFF, se souvient Rodolphe Nieth. La presse était déchaînée. Mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Par précaution, j’ai demandé à mon secrétaire de noter tout ce que je disais. La direction du 1er Arrondissement [des CFF] me soutenait, et la notoriété acquise à Genève me mettait à l’abri des foudres de la direction générale. J’ai pu faire face sans trop de difficultés. »

Sans avertir les concepteurs de Swissmetro et, sur la base d’un rapport technique déjà dépassé, l’Office fédéral des transports, qui doit préparer la réponse du gouvernement, mandate, au mois d’août 1987, la société allemande Dornier pour effectuer une étude de faisabilité. Dornier n’est pas neutre: il travaille depuis des années sur le programme Transrapid, mentionné plus haut. Pourtant, à la surprise générale, son rapport, remis en avril 1988, est très favorable, si favorable même que Dornier en fera une publication pour son compte… sans mentionner le nom de Swissmetro. On ne fait pas plus élégant.

Mais qu’importe. Ce premier signal positif sur le plan technique coïncide avec une autre bonne nouvelle, plus politique: le remplacement, à la tête du Département des transports, de Léon Schlumpf par Adolf Ogi. Ogi est sportif, jeune, et n’a pas besoin de mille dessins pour comprendre l’intérêt de Swissmetro; le simple bon sens lui fait dire qu’on ne peut pas condamner un projet – ni l’encenser, du reste – sans étude préliminaire. Après bien des discussions, le financement d’une telle étude paraît presque assuré: l’Office fédéral des transports s’engage à verser 500’000 francs, à condition que les auteurs du projet trouvent un montant équivalent chez d’éventuels partenaires industriels. L’EPFL promet 250’000 francs, en raison de l’intérêt interdisciplinaire du projet.

La direction de l’étude est confiée à Jufer, mais c’est l’ensemble du quatuor de professeurs qui contacte les industriels en leur proposant un contrat-type du genre: « Nous comptabilisons vos prestations mais nous ne vous les payons pas. Vous récupérerez ces sommes si l’affaire évolue favorablement. » Ils décrochent de la sorte des prestations pour une valeur de 800’000 francs.

Tu parles d’un pavé
dans la mare des chemins
de fer fédéraux -qui ont
actionné le frein d’urgence

L’étude préliminaire dure trois ans et trois mois; elle se déroule dans un climat inhabituel d’émulation et de collaboration entre étudiants, professeurs et industriels. Les résultats font l’objet d’un petit congrès qui se tient dans les bâtiments de l’EPFL, près de Lausanne, les 25 et 26 avril 1993. C’est la fête, comme des promotions lorsque tout le monde a bien travaillé. Il est en effet convenu avec le chef du Département des transports que l’étude principale, devisée à 14 millions de francs répartis à égalité entre pouvoirs publics et économie privée, doit démarrer sans délai après l’étude préliminaire. Tout va donc bien.

Jusqu’à ce qu’une nouvelle douche froide vienne glacer les naïfs scientifiques, qui sont convoqués par Ogi: « Nous vivons une période difficile, leur dit-il. Il n’y a plus d’argent. Je suis sincèrement désolé. »

Pour le professeur Jufer, tout est à recommencer: la tournée des industriels et des financiers, les requêtes au Fonds national de la recherche scientifique, les implorations au Conseil des Ecoles polytechniques, les négociations tous horizons, la recherche de financement pour maintenir intacte l’équipe scientifique en place.

Et puis, vers la fin de l’année 1993, la tempête se calme aussi vite qu’elle s’était levée, à la suite d’un hasard quasi miraculeux. Heinrich Ursprung, ancien président des Ecoles polytechniques fédérales et secrétaire d’Etat au Département de l’Intérieur, effectue une visite au Japon en tant que ministre suisse de la recherche. On lui fait visiter les grands projets nippons, dont le chantier du Maglev, le train du futur au Pays du Soleil Levant, équivalent nippon du Transrapid germanique. Les Japonais, qui sont allés plus loin que les Allemands dans leur choix technologique, puisqu’ils utilisent la supraconduction pour la sustentation et le moteur linéaire pour la propulsion, espèrent mettre en service un premier tronçon du Maglev vers 2005. Ursprung est assailli de questions: « Alors, Swissmetro? Ça avance? Où en êtes-vous? Qu’est-ce qui se passe? »

Mais les ingénieurs
peuvent être têtus.
Voyez-les conspirant
autour d’un petit blanc…

L’Helvète tombe de la Lune. Swissmétro? Il en a vaguement entendu parler, mais ne connaît pas suffisamment le projet pour répondre à ses hôtes nippons. Il fait expédier un fax à Jufer, lui demandant d’envoyer par la valise diplomatique, toutes affaires cessantes, des documents, si possible en anglais. L’intérêt manifesté par les Japonais pour le projet suisse arrache la conviction d’Heinrich Ursprung. De retour en Suisse, il entreprend donc de se battre pour obtenir un financement pour l’étude en rade, en forçant notamment la main (et le portefeuille) de certains adversaires résolus du projet, Roland Crottaz notamment, ancien vice-président de l’EPFL, devenu entre temps président du Conseil des Ecoles polytechniques.

En quelques semaines, le montage financier est trouvé. Le Crédit Suisse s’engage comme chef de file bancaire; sa filiale d’ingéniérie-conseil, Elektrowatt, coordonnera l’étude principale, étape indispensable avant le passage au développement et à la réalisation. Sergio Salvioni, président du Conseil d’administration de Swissmetro S.A., jubile: « Le Crédit Suisse ne vient pas pour parrainer une équipe de football. D’abord, il engage 500’000 francs dans l’étude. Ensuite, il a l’intention de réunir un pool d’investissseurs capables, au tournant du siècle, de financer la première étape de la construction. Parce que là, il faudra trouver des milliards. »

C’est ici qu’il faut placer l' »épisode Bovy », quand bien même la querelle est très antérieure à son explosion sur la place publique. Le professeur Philippe H. Bovy enseigne à l’Institut des transports et de planification de l’EPFL. Bien que son supérieur direct, Francis-Luc Perret, soit l’un des pères-fondateurs du projet Swissmetro, Bovy est un partisan convaincu du rail classique dans ses versions modernes: TGV français, ou TSOL lausannois dont il est l’inspirateur. Il est aussi l’un des huit experts mandatés par Adolf Ogi pour affiner Rail 2000 et le projet de nouvelles liaisons ferroviaires alpines (NLFA).

Or, dans un article publié le 19 janvier 1994 dans la revue « Ingénieurs et Architectes Suisses », Bovy démolit Swissmetro en huit pages « sanglantes ».

Sur le plan technologique, écrit-il, la propulsion par moteur linéaire n’a, pas plus d’ailleurs que la sustentation et le guidage magnétiques, démontré sa fiabilité, ni sa maturité opérationnelle, et donc commerciale, à l’inverse du train classique, dont la vitesse peut être poussée jusqu’à 500 km/h. Quant à la circulation sous vide, ajoute-t-il, elle est un domaine inexploré, à très haut risque potentiel. Il soutient en outre que les promoteurs de Swissmetro, en affirmant que les arrêts en station se limiteraient à 3 minutes, sont trop optimistes, estimant que la durée des escales serait plus vraisemblablement de 15 à 20 minutes, ce qui annihilerait l’intérêt de la haute vitesse. Enfin, conclut-il, « la combinaison de technologies non éprouvées dans des tunnels à faible gabarit pose des problèmes de sécurité du système et des passagers d’une gravité insoupçonnée ».

Sur le plan de l’intégration, Bovy soutient que Swissmetro n’est pas eurocompatible, et qu’il représente en outre un investissement monolithique énorme sans offrir de « synergie de croissance » avec les systèmes ferroviaires existants.

 

Réseau Swissmetro programmé en trois étapes, connexions prévues avec l’axe ferrovaire de grans vitesse Paris-Milan

Sur le plan fonctionnel, enfin, Bovy considère que Swissmetro, en se limitant au transport de personnes entre grands centres urbains, « écrèmera » le marché, ne laissant aux CFF que les trafics non rentables et polluants. L’utilité de Swissmetro est douteuse, insiste-t-il, puisqu’en définitive sa vitesse commerciale utile sera inférieure à 200 km/h, et qu’il n’y a pas, en Suisse, un marché de voyageurs suffisant pour faire vivre deux systèmes ferroviaires.

Bref, conclut Bovy, Swissmetro serait moins rapide qu’annoncé, beaucoup plus coûteux et pas aussi écologique. Il contribuerait en outre à isoler la Suisse. Le consultant des CFF montre à ce point le bout de l’oreille: « Aussi longtemps que l’on poursuivra la promotion excessivement médiatisée de cette technologie futuriste de transport, écrit-il en effet, Swissmetro fera un tort considérable aux projets Rail 2000 et AlpTransit. »

Hélas, le génie technique
ne sert à rien si la politique
reste en panne

Par bonheur pour elle, la jeune société Swissmetro vient de passer un cap important pour sa survie puisque la Confédération et l’une des trois grandes banques suisses lui ont accordé leur soutien. La critique de Bovy aurait-elle déboulé sur la place publique quelques mois plus tôt, que les partisans de l' »avion souterrain » n’auraient sans doute pas réussi à financer leur étude principale.

Il n’empêche: les voici contraints de réfuter point par point l’argumentaire de Bovy. Voici, très résumée, la substance de leur réponse.

La fiabilité et la maturité de la propulsion et de la sustentation sont assurées, disent-il. Preuve en est que le Transrapid allemand a reçu le feu vert pour le tronçon Hambourg-Berlin. Quant à la haute vitesse de type TGV, les frais d’entretien qu’elle occasionne sont disproportionnés par rapport à son intérêt. Au demeurant, elle est économiquement irréalisable en Suisse.

Quant à la circulation sous vide, elle est certes une technologie complexe, admettent-ils. Mais des avions volent tous les jours dans des conditions identiques. Et la Suisse a une solide expérience en matière de vannes hydrauliques fonctionnant à des pressions beaucoup plus élevées. La sécurité de Swissmetro est une question sérieuse, admettent-ils également, mais pas plus que sur les avions et plutôt moins puisque, en cas de panne générale par exemple, Swissmetro « tombera » au pire de 10 cm de hauteur, sans aucun dégât.

Ils admettent également que Swissmetro ne sera ni euro- ni helvéto-compatible, mais disent s’en réjouir. Quel intérêt y aurait-il en effet à rendre Swissmetro compatible avec un réseau ferroviaire suisse surchargé? Quant au trafic international, il représente à peine 3% du total transporté en Suisse.

Ils contestent en revanche que les durée de trajet a été sous-évaluée. La sortie et l’entrée d’une partie des passagers par les 4, 8 ou 16 larges portes de Swissmetro sera autrement plus rapide, argumentent-ils, qu’elle ne l’est sur des avions dont une seule porte est abouchée à la galerie d’accès télescopique. Quant à la pressurisation des stations, elle se fera en 30 secondes et la dépressurisation par simple mise en communication avec le tunnel.

Ils contestent également que Swissmetro fasse de l' »écrémage pernicieux ». Le système, disent-ils, répond de manière économique et écologique à la demande de mobilité sur les axes les plus chargés de Suisse. Les investissements, ainsi que les coûts d’entretien et d’exploitation, seront moins élevés qu’avec tout autre mode de transport existant. Combiné aux trains régionaux, Swissmetro supprimera les disparités d’accès des régions. Grâce au gain de temps, il facilitera le transfert de trafic de la route aux transports publics. Etc.

N’empêche que l’attaque de Bovy, venant de Suisse romande et, qui plus est, de l’intérieur même de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, berceau du projet, « fait un peu désordre ».

Marcel Jufer reconnaît certes que « l’opposition venant de gens compétents dans leur domaine est salutaire, parce qu’elle permet de mettre plus vite le doigt sur les points faibles d’un projet radicalement nouveau » et que Bovy avait raison sur un point: le trop grand optimisme des promoteurs du projet dans sa phase de lancement. Mais, dans la phase de démarrage, « il faut y croire, sinon ça ne passe pas », dit-il. « Ce qui me paraît contestable dans l’attaque de Bovy c’est, en revanche, ajoute-t-il, qu’il s’en prend au projet sur le plan technique en refusant de prendre connaissance des documents techniques où sont présentées par le menu les réponses et les solutions préconisées aux questions soulevées. J’ai écrit à plusieurs reprises à mon confrère pour qu’il participe au projet, même pour le critiquer. Il ne m’a jamais répondu. »

L’étude principale se poursuit aujourd’hui dans une relative sérénité. Commencée en 1993, elle devrait aboutir fin 1997-début 1998 à la définition d’une solution économiquement et techniquement réaliste.

D’autant qu’en cette fin d’année 1996, deux questions importantes, encore en suspens six mois plus tôt, sont en passe d’être résolues: l’aérodynamique et la filière sustentation-propulsion.

Voilà pourquoi tout
a démarré vraiment
le jour où les Japonais
(inquiets) ont demandé
des nouvelles de Swissmetro…

Pour ce qui est de l’aérodynamique: lorsqu’un convoi se met en marche, il pousse devant lui une colonne d’air (fût-il raréfié) parce que la section du véhicule est à peine inférieure à celle du tunnel, alors que seule une partie de l’air (tout de même plus de 50% ) est évacuée vers l’arrière. Il en résulte des écoulements d’air très rapides, probablement transsoniques (environ 300m/s) le long du véhicule, qui pourraient provoquer des vibrations importantes. Une solution à ce problème consisterait à creuser deux tunnels parallèles avec, à intervalles donnés, des galeries de liaison qui faciliterait la recirculation de l’air, comme dans le tunnel sous la Manche.

L’EPFL a mis au point un bon modèle informatisé pour étudier l’écoulement dans le temps et un autre modèle en trois dimensions pour étudier l’écoulement à l’avant, le long et à l’arrière du véhicule. « Il faudrait [cependant] que nous puissions vérifier ces modèles à la vitesse prévue avec des maquettes au vingtième, explique le professeur Jufer. Ce serait coûteux, de l’ordre de 2 millions de francs. Nous cherchons pour ces vérifications un financement [complémentaire] suisse -ou européen, beaucoup de constructeurs étant intéressés: GEC-Alsthom, par exemple, qui est toujours obligé de faire ralentir ses TGV à l’entrée et à la sortie des tunnels. En Suisse, pour les NLFA, les CFF souhaitent augmenter le rapport de blocage, c’est-à-dire diminuer le gabarit du tunnel et augmenter la vitesse des convois; le conseiller fédéral Leuenberger, nouveau chef du Département des transports, est d’avis, comme il l’a dit à Sergio Salvioni, que les CFF doivent trouver là une synergie avec l’étude de Swissmetro. »

Pour ce qui est de la sustentation-propulsion, il y a deux filières possibles, mais le choix ne se fera qu’en 1997, à la fin de l’étude principale.

La première filière, c’est de construire un fuselage d’avion de 200 m de long, un tube relativement souple et déformable capable de s’inscrire sans problème dans un virage de 5 km de rayon à haute vitesse et dans une courbe cinq fois plus prononcée à vitesse réduite. Le problème de l’étanchéité entre les éléments du convoi serait ainsi résolu de manière élégante puisqu’il n’y aurait qu’un seul élément. Ce véhicule serait combiné avec des moteurs linéaires de 3 m de long, fixés au sol tous les 200 m. La technologie serait à développer et la construction du véhicule pas simple.

La seconde filière reprend purement et simplement la solution du Transrapid avec ses véhicules articulés et son moteur combinant sustentation et propulsion qui couvre toute la voie. L’avantage de la filière allemande est qu’elle existe, qu’elle a été testée sur un demi-million de kilomètres et qu’elle pourrait être opérationnelle très vite. Elle est moins efficace, en revanche, sur les plans de la consommation d’énergie et du rendement.

Par ailleurs, quatre programmes de tests sont en voie de réalisation: des tests de la manière dont le béton se comporte sous vide (vieillissement, perte d’humidité interne et d’éléments de cohésion); des essais de sustentation magnétique avec une maquette à l’échelle 1:1; l’analyse, à l’échelle 1:1, d’un élément de sustentation capable de circuler à 400 km/h, dans la perspective de minimiser les pertes de rendement provoquées par la traînée électro-magnétique; et enfin le test d’un système de transmission d’énergie sans contact, capable de fonctionner avec des véhicules roulant à 400 km/h.

Les promoteurs de Swissmetro n’entendent pas attendre la fin de l’étude principale pour franchir une étape importante, celle de la demande de concession. D’ici quelques semaines ou quelques mois, ils remettront leur dossier à la Confédération, en lui demandant de les autoriser à exploiter le tronçon Genève-Lausanne, qui servira à la fois de test et de première étape du réseau Swissmetro. Les concessions sont octroyées en effet par le Conseil fédéral et non par le Parlement, ce qui ne veut pas dire d’ailleurs qu’elles sont octroyées plus facilement.

Mais l’os véritable reste à venir: le financement. Il faudra en effet trouver l’argent nécessaire au développement, aux études de détail et, dans le plus long terme, à la mise en place de l’axe Genève-Lausanne-Berne-Zurich-St-Gall, dont le coût est évaluée à quelque 14 milliards de francs. Même s’il est impossible, dans les circonstances actuelles, de demander à l’Etat de financer seul une telle opération, il ne faut pas qu’il s’en désintéresse. Si le gouvernement fédéral finance ne serait-ce que 10 ou 20% du coût total du projet, cela signifiera en effet qu’il n’entend pas faire obstacle à son exploitation. Un signe déterminant pour les investisseurs privés qui devront avancer l’essentiel de la somme. Tout cela prendra du temps. Aucun coup de pioche ne sera donc donné avant le siècle prochain.

Cela donne le temps aux détracteurs du projet d’y aller de leurs couplets, plus sociologiques souvent qu’analytiques ou techniques. Yvette Jaggi, syndique de Lausanne, met ainsi en garde, dans « Domaine Public », l’organe de l’intelligentsia de la gauche suisse-romande (22 février1994), contre l’excès d’enthousiasme qu’elle perçoit dans les médias romands: « Ni l’indispensable part de rêve collectif ni l’utopie d’aujourd’hui ne se jugent en terme de faisabilité, écrit-elle. Ceux qui s’interrogent, avec un scepticisme souvent bienveillant, ne méritent pas de passer pour des ploucs. Ceux que l’enthousiasme n’emporte pas (encore) ne sont pas forcément des coupeurs de cheveux en quatre […] ni des liliputiens aspirant à transformer la Suisse en Ballenberg. […] Se réfugier dans la technique pour éviter la philosophie: voilà le vrai danger pour une société. Bien plus grave qu’égratigner une part de rêve collectif. Tellement plus facile d’étudier des variantes techniques plutôt que de développer des visions à long terme. »

A quoi le professeur Jufer répond: « Je ne sais pas si Swissmetro doit se faire, ni s’il se réalisera un jour. Mais je suis persuadé de la nécessité d’aller jusqu’au bout des recherches. Il s’agit d’un projet interdisciplinaire utile à l’Ecole [polytechnique fédérale de Lausanne], à ses étudiants, à ses chercheurs: on y trouve du génie civil, de la mécanique des fluides, de la construction mécanique, des problèmes d’énergie à distribuer en tunnel… Et il y a forcément des retombées de ces études de Swissmetro: c’est déjà le cas avec ce plateau tournant de machine-outil que nous venons de développer et dont l’énergie et l’information sont transmises sans contact. Si je conserve mon enthousiasme pour Swissmetro, c’est aussi et surtout parce que c’est un grand projet. Il est important pour la Suisse d’en avoir, de croire en l’avenir, de s’investir dans quelque chose qui peut donner une image de marque à l’industrie et, finalement, au pays. Autrefois, on ne pouvait pas parler de chemins de fer dans le monde sans faire référence à BBC ou à Sulzer. Mais, petit à petit, cette image s’estompe. Je suis convaincu, et beaucoup d’autres avec moi, que Swissmetro permettrait une relance de l’industrie suisse de pointe. »

Gagné, Swissmetro?
Non, bien sûr. Mais
l’étude principale est lancée.
C’est déjà ça de pris

En attendant, il faut que Swissmetro trouve son second souffle. Or le responsable d’Elektrowatt à qui a été confiée la direction du projet est un ingénieur à temps partiel, habitant Lucerne, travaillant à Zurich, alors que le secrétariat de Swissmetro est à Genève et les chercheurs sont en majorité à Lausanne. Il faut d’évidence à ce poste un homme qui ait la foi et se voue corps et âme à sa tâche de catalyseur de toutes les énergies. Cette perle rare n’a pas encore été trouvée.

« Nous avons un problème d’organisation, reconnaît Rodolphe Nieth, un peu las après vingt ans de lutte. Le bilinguisme helvétique nous coûte une fortune. On s’aperçoit tous les jours qu’en Suisse alémanique, les personnes censées développer le projet n’ont pas lu le rapport de synthèse de l’étude préalable et recommencent tout à zéro. Depuis qu’il y a des financiers à bord et toute sorte d’intérêts en jeu, l’opération s’est bureaucratisée. Pour développer Swissmetro, il faudrait un système autoritaire. Il faudrait Thomke… ou Nieth. »

Une chose est sûre, en tout cas: cet homme providentiel, quel qu’il soit, devra faire preuve de beaucoup de persévérance et d’efforts s’il veut tenir le calendrier prévu: construction du premier tronçon Genève-Lausanne en 2001-2005; mise en exploitation en 2006; réalisation de l’ensemble du réseau Swissmetro d’ici 2020. Un sacré défi.

* Cet article est paru dans Le Temps stratégique, No 73, décembre 1996.

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