Entendre la voix du Hamas

« On s’acharne à nous reprocher la fameuse « non-reconnaissance de l’Etat d’Israël »… Avant d’affirmer cela, il serait bon de définir ce qu’est cet Etat ! Un Etat qui n’a pas de frontières définies et qui refuse même l’existence de ces dernières puisqu’il repousse l’étendue de ces dernières à coups de canon ! Quel Etat d’Israël ? Celui qui n’a pas de Constitution ! Cette absence est d’ailleurs bien regrettable, car une Constitution aurait interdit la promulgation de toute une série de lois inégalitaires, racistes, qui n’auraient jamais été validées dans un pays doté d’un vrai cadre juridique. Et l’apartheid, à ma connaissance, n’est plus admis dans aucun pays démocratique ! Pour le Hamas, reconnaître Israël c’est donner une existence à ce pays qui n’a lui-même ni droit ni frontières ! »

* Médecin palestinien, frère d’Abdelaziz Al-Rantissi, cofondateur du Hamas assassiné en 2004 par un missile tiré d’un hélicoptère israélien.

Mohamed Al-Rantissi, Survivre à Gaza, Editions Koutoubia, Paris, 2009Mohamed Al-Rantissi, Survivre à Gaza. Récit
propos recueillis par Christophe Oberlin et Jacques-Marie Bourget

« Le Hamas demande avec constance des négociations directes avec les Israéliens. Jusqu’à présent, nos ennemis y opposent un refus total. Les conversations, celles dont on parle à la télévision, n’ont été que des mises en scène : l’exécution d’ordres donnés par les Israéliens à l’Autorité palestinienne, priée de jouer son rôle dans la comédie. Si une négociation est susceptible d’apporter le moindre bénéfice au peuple palestinien, le Hamas se tient prêt… Mais à sa manière : des conversations directes, sans conditions préalables.

Face à Israël qui refuse, depuis toujours, toute négociation sur le problème crucial, celui des frontières, il faudra donc imposer cette discussion dans l’ordre du jour. Le jour où Tel Aviv, et le monde occidental qui sont leur soutien, accepteront la réalité, c’est-à-dire la représentativité du Hamas, et de discuter sur la définition du territoire, un vrai pas sera franchi sur le chemin de la paix… La position du mouvement islamique est simple : oui à de vraies négociations, non au théâtre d’ombres.

Je n’ignore pas que nous sommes victimes de la plus écrasante des propagandes. Que, sur notre compte, chacun s’exprime sauf nous ! Notre programme tient sur trois pages dactylographiées. Il a été distribué dans les rues de Gaza, mais son contenu a bien du mal à franchir les frontières. Alors en Occident, dans les journaux, les radios et les télés, on continue sciemment à faire de la désinformation, à nous diaboliser, ce qui évite l’échange d’arguments. Un exemple, on s’acharne à nous reprocher la fameuse « non-reconnaissance de l’Etat d’Israël »… Avant d’affirmer cela, il serait bon de définir ce qu’est cet Etat ! Un Etat qui n’a pas de frontières définies et qui refuse même l’existence de ces dernières puisqu’il repousse l’étendue de ces dernières à coups de canon ! Quel Etat d’Israël ? Celui qui n’a pas de Constitution ! Cette absence est d’ailleurs bien regrettable, car une Constitution aurait interdit la promulgation de toute une série de lois inégalitaires, racistes, qui n’auraient jamais été validées dans un pays doté d’un vrai cadre juridique. Et l’apartheid, à ma connaissance, n’est plus admis dans aucun pays démocratique ! Pour le Hamas, reconnaître Israël c’est donner une existence à ce pays qui n’a lui-même ni droit ni frontières !

Lisez donc quelle est la position du Hamas. Je ne parle pas de la charte du Hamas, écrite en 1987, qui est caduque aujourd’hui. C’est un vieux texte qui ne nous lie absolument plus. Ce dont je parle ici, c’est la position actuelle du parti politique Hamas. Elle n’a rien de caché, on peut facilement la découvrir dans nos programmes électoraux : « Nous affirmons que la solution majeure pour notre nation, que l’intérêt de tout notre peuple, passent par la reconnaissance du droit au retour pour nos réfugiés, par la libération de notre Lieu saint, la libération de nos prisonniers et passe aussi par l’établissement d’un Etat indépendant ayant Jérusalem pour capitale. Cette solution doit s’achever par l’affirmation de nos droits et d’un destin conduit sans aucune pression extérieur. » Où trouvez-vous ici la volonté de « jeter les Israéliens à la mer », selon le trop célèbre mythe véhiculé en Occident ? »

Extraits de Mohamed Al-Rantissi, Survivre à Gaza, éditions Koutoubia, Paris, 2009, pp. 189-191.

 

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