Christopher Langton. Bio-logiques

 « La biologie est beaucoup plus difficile que la physique, mais aussi infiniment plus riche dans ses potentialités, pas seulement pour comprendre la vie et son histoire mais aussi pour comprendre l’univers et son futur. Le passé appartient à la physique mais le futur appartient à la biologie. »

« Biology is consequently much harder than physics but also infinitely richer in its potential, not just for understanding life and its history but for understanding the universe and its future. The past belongs to physics, but the future belongs to biology. »

Christopher Langton, The Third Culture

 

Bio-logics or Life As It Could Be 
Conversation between Reda Benkirane and Chris Langton, Founder of Alife, EPFL, Lausanne, September 1999, 1h 12 mn.
Bio-logics or Life As It Could Be  Conversation between Reda Benkirane and Chris Langton, Founder of Alife, EPFL, Lausanne, September 1999, 1h 12 mn.

 

Christopher Langton. Les « bio-logiques », ou tout ce qui pourrait être

Le chercheur américain Christopher Langton est le fondateur d’une nouvelle discipline scientifique : Alife, la vie artificielle, à
qui certains prédisent un développement exponentiel susceptible de menacer jusqu’à l’existence humaine… Il avait organisé, en 1987, avant même d’avoir achevé son doctorat, la première conférence internationale sur le sujet et réuni une centaine de scientifiques au Laboratoire national de recherche de Los Alamos (Nouveau-Mexique). Cet acte de création, qui lui valut le titre de « père de la vie artificielle », avait aussi valeur de symbole : Los Alamos représente non seulement une terre sacrée pour les Amérindiens mais fut aussi le lieu où fut conçue la bombe nucléaire qui décima la population de Hiroshima.

Langton a étudié l’anthropologie et la philosophie avant de terminer, à l’âge de 39 ans, sa thèse de doctorat en informatique sur le « calcul en bordure du chaos ». Après l’avoir médiatisé à l’extrême, la presse scientifique américaine le lâcha tout aussi brusquement au milieu des années quatre-vingt-dix lorsqu’il quitta le Santa Fe Institute, dont il avait été l’une des figures de proue. Ce chef de file des études de la complexité dirige aujourd’hui une entreprise, la Swarm Corporation, qui mène des simulations de systèmes complexes dynamiques pour le compte de grandes entreprises privées et d’institutions étatiques américaines.

D’allure plus que décontractée, cheveux longs, bottes de cuir, jeans, chemise de cow-boy et bijoux indiens – survivance, peut-être, de la mode hippie –, l’homme ne répond jamais au courrier électronique, est insaisissable et, d’après tous ceux qui ont tenté d’organiser ses participations à des rencontres internationales, son rythme de vie est totalement erratique.

Enfant de parents engagés dans la lutte pour les droits civiques, il fut dans les années soixante de toutes les manifestations. Issu du milieu de la contre-culture, il refusa de partir pour la guerre du Vietnam et devint objecteur de conscience. Passionné de guitare et de pop music, il fut aussi l’un des premiers à découvrir l’informatique, alors naissante.

C’est en travaillant sur un ordinateur dans un hôpital de Boston que tout commença réellement. Il dit avoir, face à ces écrans et alors qu’il faisait tourner le programme d’automates cellulaires. Le Jeu de la vie inventé par le Britannique John Conway, intimement senti une présence autour de lui et avoir eu l’intuition qui décida de sa carrière de
chercheur. Dans cette grande pièce, seuls les automates cellulaires du Jeu de la vie étaient virtuellement présents mais encore fallait-il préciser cette analogie profonde avec la vie réelle que Langton avait ressentie intuitivement, et il lui fallut une quinzaine d’années pour formuler le concept de « vie artificielle » et décrire « les études théoriques et empiriques, mathématiques et informatiques de phénomènes communément associés à la vie tels que réplication, morphogenèse, métabolisme, apprentissage, adaptation et évolution ». Au fond, c’est à une étude abstraite de la logique du vivant, indépendante de tout support matériel,
que s’est intéressé Christopher Langton, considérant que « la vie artificielle est à la vie ce que l’intelligence artificielle est à l’intelligence ».

De son passé hippie et hacker, Langton conserve un souci de vigilance vis-à-vis de Big Brother. Il se dit extrêmement préoccupé par les questions liées au contrôle de l’information et au non-respect de la vie privée et pressent que de nouvelles luttes mondiales pour les droits civiques s’organiseront autour d’un droit à l’information. Et puis, off the record, l’homme explique que les études de la complexité qui, depuis les débuts du Santa Fe Institute, ont été financées par l’armée américaine, peuvent certes servir à l’étude de systèmes physiques et biologiques mais aussi contribuer à perfectionner des missiles balistiques et autres armes de guerre sophistiquées. Pour lui, le terrain de la complexité et de la vie artificielle n’est pas sans risques, mais la simulation du danger pourrait justement permettre de l’éviter.

 Réda Benkirane

Christopher Langton a organisé les trois premières conférences internationales sur la vie artificielle, il édite le journal Artificial Life et a dirigé l’ouvrage Artificial Life, an Overview (Cambridge, MIT Press,1995).

 

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Réda Benkirane, La Complexité, vertiges et promesses. Dix-huit histoires de sciences.Paris, Le Pommier, 408 pages, 2013.Réda Benkirane, La Complexité, vertiges et promesses. Dix-huit histoires de sciences.Paris, Le Pommier, 408 pages, 2013.

 

 

 
 
 
 
 
 
 

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