Au commencement était le cri

SCIENCE

Au commencement était le cri

Note sur la voix humaine,
son importance et ses infinies subtilités

Par Branka Zei

Branka Zei, docteur en psychologie, linguiste, phonéticienne, directrice du VOX Institute de Genève, chercheur à la Division de médecine psychosomatique des Institutions universitaires de psychiatrie de Genève, auteur de nombreuses publications dans le domaine de la psycholinguistique, est spécialisée dans l’analyse de la voix par ordinateur et l’application des sciences du langage à la communication orale normale et pathologique.

Le Temps stratégique, No 66En Occident, vérité et preuves ne euvent avoir aujourd’hui de forme qu’écrite. La preuve que nous existons n’est pas dans notre chair et dans nos os, mais dans les papiers que nous pouvons montrer. Dites la vérité à haute voix, et l’on vous rétorquera: « Mettez moi ça par écrit! » Écrivez en toutes lettres un mensonge, et chacun vous croira. Jamais on ne vous demandera: « Dites cela à haute voix ». C’est que la vive voix, jugée trop subjective, trop éphémère, n’a aujourd’hui qu’à moitié voix au chapitre.

Pourtant, elle a toujours eu une importance capitale dans les relations humaines. Les négociations de paix (ou de guerre) se font de vive voix. L’ouverture et la clôture des grandes assemblées ne sont effectives qu’une fois annoncées de vive voix. Au tribunal, le plaidoyer sera plus ou mois décisif selon la voix et le style vocal de l’avocat.

Mais qu’est-ce qu’un style vocal?

La diversité des définitions est embarrassante. Le Larousse définit le style vocal comme une « façon particulière dont un écrivain, un orateur exprime sa pensée ». Mais les termes « façon de s’exprimer » ou « manière de parler » sont si communs qu’ils ne signifient plus grand chose.

J’aimerais donc jeter ici un peu de lumière sur le rôle de la voix, évident et pourtant occulté par notre civilisation de l’écrit.

Au commencement était le cri. C’est par le cri que le nouveau-né annonce son arrivée. Sa première signature est une empreinte vocale. Sa voix le singularise dès sa naissance et continuera à le singulariser toute sa vie. Elle lui appartient en propre, son corps la produit. Mais d’emblée, elle est donnée aux autres. En pénétrant dans leurs oreilles, elle entre chez eux, dépose là son empreinte, et s’évade aussitôt. La voix est éphémère.

Du point de vue acoustique, le cri néonatal est un phénomène sonore d’une durée de 1 à 4 secondes, d’une intensité de 82 décibels environ, et d’une hauteur fréquentielle plutôt aiguë de 350 à 500 Hz (à titre de comparaison, la fréquence fondamentale moyenne de la parole des femmes est de 200 à 250 Hz.)

Du point de vue médical, le cri permet au nouveau-né d’expulser certaines substances obstruant ses voies respiratoires, et d’augmenter la ventilation et la température de son corps. Le cri du nouveau-né indique le changement de son mode respiratoire et circulatoire, conséquence de son passage du milieu aquatique maternel à un milieu aérien.

Ontogénétiquement, le cri de naissance et la voix des pleurs constituent, semble-t-il, un des premiers mécanismes de survie de l’enfant. Un mécanisme greffé sur la respiration, mais qui fonctionne comme une sorte de cordon ombilical auditif assurant le contact entre l’enfant et son environnement, afin qu’il soit protégé des prédateurs ou de l’abandon. Le petit, même perdu de vue, reste localisable par sa mère, et reconnaissable par elle comme étant sien.

D’un point de vue psychologique, enfin, les cris et les pleurs du nouveau-né provoquent des échanges sensoriels qui fondent les premières interactions entre la mère et l’enfant. Ils « représentent pour les parents, comme le dit Cismaresco, la première véritable demande de la part du nouveau-né, les premières décisions à prendre, les premières joies, le premier stress… »

Le cri du bébé est une sirène de brume. La mère interprète les cris et les pleurs de son enfant comme exprimant ses besoins et ses états émotionnels. Ainsi le cri du nouveau-né est-il un signal d’alarme auquel certaines mères, les mères Bushmen du Kalahari par exemple, répondent dans un délai moyen de six secondes. Dans les sociétés occidentales, ce délai varie de 5 à 30 minutes. Les chercheurs ont même pu montrer qu’il existe un lien entre le cri du bébé et la température cutanée du sein maternel. La température du sein augmente sept minutes environ après le début des cris, de manière à être prêt pour la tétée. Les mères et les sages-femmes acquièrent la capacité de distinguer les cris du nouveau-né dus à la douleur, à la faim ou à l’inconfort. (Les hommes semblent moins doués.)

Depuis quelques années, les médecins et les phonéticiens analysent les cris des bébés afin de dresser une symptomatologie acoustique des différentes pathologies. Une équipe finlandaise a répertorié par exemple les caractéristiques acoustiques des cris du nouveau-né dans le cas d’une perturbation métabolique telle que l’hyperbilirubinémie [qui se traduit par un excès de pigment rouge dans la bile et dans le sang] et montré que les cris se modifient un ou deux jours déjà avant que le taux de bilirubine ne s’élève. Une meilleure connaissance de la voix du nouveau-né pourrait sans doute aider à établir, ou à affiner, un diagnostic précoce permettant d’éviter des traitements tels que la photothérapie ou les transfusions sanguines.

ET LA VOIX FUT. L’appareil qui produit la voix, composé d’éléments disparates empruntés aux système respiratoire et digestif, n’est pas spécifiquement destiné à produire des sons. Son fonctionnement ressemble à celui d’un instrument à vent, avec une soufflerie (les poumons), un vibrateur (les cordes vocales) et un résonateur (la cavité pharyngo-buccale). Le souffle provenant des poumons s’engage dans la trachée en haut de laquelle il se heurte aux cordes vocales (muscles thyro-aryténoïdiens). A chaque ouverture des cordes vocales, l’air pulmonaire est débité en bouffées qui se succèdent plus ou mois rapidement au rythme des vibrations des cordes vocales.

Ainsi naît le son laryngé, matière première de la voix humaine, de cette voix qui sera le messager de nos émotions.

Avant de devenir notre « vraie voix », le son laryngé est encore modifié au passage des différentes cavités supra-glottiques (pharyngale, buccale, labiale et nasale). Le produit final – la voix de la parole – est donc un son complexe composé d’un ton fondamental (F0), d’harmoniques, et de bruits couvrant un spectre de fréquences qui peuvent dépasser 20’000 Hz.

Bien que l’homme n’ait probablement pas été créé pour parler ou chanter, il a réussi, au cours de son évolution, à faire un usage de plus en plus sophistiqué de sa voix, jusqu’à maîtriser parfaitement les 196 muscles sollicités par la parole et le chant.

LA VIVE VOIX CONTRE LA LETTRE MORTE. La voix, parce qu’elle est le produit acoustique d’un comportement sensori-moteur, porte l’empreinte corporelle des trois systèmes (respiratoire, phonatoire, articulatoire) impliqués dans sa production. Or, le fonctionnement de ces systèmes est influencé par l’état émotionnel du sujet. C’est pourquoi l’isomorphisme voix-émotion est presque parfait: à l’intensité de l’émotion correspond une modification d’intensité de l’activité phonatoire et articulatoire.

Ainsi, en cas de stress, l’action accrue du système nerveux sympathique conduit à une phonation tendue, qui se manifeste dans l’intensité de la voix, sa hauteur, et la façon d’articuler les sons du langage. Les émotions tendres provoquent, par exemple, le prolongement des voyelles, les émotions agressives celui des consonnes. A tout moment, la voix reflète l’état d’âme du locuteur, car elle est à la fois dedans et dehors. Elle la fenêtre à travers laquelle on « espionne » les sentiments.

La configuration glottale et l’accolement des cordes vocales diffèrent selon le type d’émotion exprimée:

[figure 1, Fonagy p 44]

Les changements phoniques résultant des ces différentes configurations glottales sont faciles à percevoir par l’oreille humaine. Les spectres fréquenciels de la tendresse et de la colère donnent ceci, représentés sur des spectrogrammes tridimensionnels:

[figure 2]

Ces différences phoniques sont de véritables codes, parallèles au code linguistique, mais des codes spontanés. Elles élargissent le cadre interprétatif du discours en donnant aux propos un sens spécifique au moment de l’énonciation. C’est pourquoi la communication orale est moins ambiguë que la communication écrite. La lettre « morte », lorsqu’elle est interprétée vocalement, s’enrichit des vibrations de l’âme de celui qui parle.

UNE DETTE ENVERS FERDINAND DE SAUSSURE. Ferdinand de Saussure (1857-1913) a été le premier à distinguer la langue de la parole. La langue est un système de signes servant à la communication. La signification de chaque signe est conventionnellement fixée car les sons qu’on utilise pour signifier une idée sont arbitrairement choisis par la communauté parlante. Nombreux sont les exemples, où la même suite de sons signifie autre chose dans une autre langue. La parole est l’ensemble des choix lexicaux, articulatoires et acoustiques réalisés lors d’une communication orale dans une langue donnée. L’acte de parole est destiné à satisfaire les besoins communicatifs d’un sujet parlant dans une situation concrète.

C’est justement cette situation concrète qui détermine l’état émotionnel de l’organisme produisant la voix, les sons du langage et un style vocal correspondant aux intentions communicatives du locuteur. Ce style vocal porte à haute voix la signature de son interprète. Le style vocal a donc sa place dans la parole, et non pas dans la langue. Il donne un ensemble d’indices qui se coordonnent avec le langage pour exprimer d’infinies nuances de sens.

IL Y A 2000 ANS C’ÉTAIT DEJA TARD. Cicéron (106-43 av. J.-C.) s’étonnait de ce que l’étude de l’art oratoire fût arrivé à Athènes, cité-mère de l’éloquence, au VIe siècle av. J.-C. seulement, c’est-à-dire au temps de Solon et de Pisistrate, époque à laquelle Athènes avait une existence déjà plus longue que Rome au moment où Cicéron parlait. Pourtant la façon de parler devait occuper depuis longtemps une place importante, plaidait-il, sinon pour quelle raison Homère aurait-il loué l’éloquence d’Ulysse et de Nestor?

Dans De Oratore (55 av. J.-C.), Cicéron donne des explications très précises sur les styles vocaux et l’utilisation de la voix dans l’art de la persuasion. Pour lui, comme pour Aristote, un bon orateur doit être capable d’instruire (chose due), de donner du plaisir (chose gracieusement offerte) et d’émouvoir (chose franchement nécessaire). La voix est le support du plaisir et de l’émotion. Entendre une voix est une émotion.

On sait, dit Lucrèce (98-53 av. J.-C.) dans De natura rerum, que le cri d’un seul messager frappe les oreilles d’une foule entière: sa voix unique se scinde en autant de voix qu’il y a d’oreilles pour l’entendre. Elle contourne les obstacles, elle passe à travers les murs, elle va droit au coeur.

Pour saint Augustin, dans ses Confessions (397-401), la voix qui entre dans le corps donne du plaisir sensuel. Elle enchante et séduit sans que l’on s’en rende compte, en tout cas dans l’immédiat.

Les orateurs et des philosophes de l’Antiquité connaissaient bien le pouvoir de séduction et de persuasion de la voix. Platon et Aristote disaient que le style vocal suffit à rendre les faits et les arguments crédibles et convaincants, et à infléchir le sens des mots en renforçant ou en diminuant leur effet sémantique. Démosthène (384-322 av. J.-C.) et Quintilien (30-100 ap. J.-C.), orateurs célèbres, donnaient des indications très détaillées sur l’utilisation de la voix à des fins de persuasion.

Comment se fait-il, dès lors, qu’aujourd’hui, 2000 ans plus tard, l’école n’enseigne systématiquement ni le style vocal, ni l’art oratoire? Les élèves s’exercent pour l’essentiel à écrire des textes. Ils apprennent, au mieux, à réciter un poème par coeur, mais ce qui compte, souvent, c’est le par coeur et non l’interprétation orale du poème. Or le sens du poème dépend du ton qu’on lui prête. Le ton peut démentir une déclaration d’amour, comme il peut raviver une expression banale. Pourquoi enseigner l’art d’argumenter par écrit et négliger l’art d’argumenter en utilisant sa voix? Quiconque sort aujourd’hui de l’école sait tout des styles écrits, rien des styles vocaux. En cette fin de XXe siècle, le style vocal n’est pas à l’ordre du jour.

INTERMÈDE MUSICAL. Dans la musique vocale et instrumentale européenne, la tristesse et l’angoisse s’expriment souvent par une forte réduction de la gamme mélodique.

[Mozart: Fonagy page 128]

La transcription musicale d’une expression verbale de l’angoisse ou de tristesse montre la même tendance à la monotonie.

[page 128]

La mélodie de la phrase semble refléter directement l’état émotionnel du sujet parlant. De ce fait elle fonctionne, indépendamment de la langue, comme indice musical de l’affectivité. On est tenté de se demander si la composition musicale ne s’inspire pas de la musicalité de la voix.

DEPUIS QUE LES ORDINATEURS PARLENT. Les connaissances scientifiques à propos de la voix avancent à pas de géant depuis que la phonétique acoustique s’est dotée de moyens informatiques. Les logiciels spécialement conçus pour le traitement du signal acoustique dévoilent les secrets les plus subtils de la voix humaine.

Si les rhétoriciens de l’Antiquité avaient un savoir et un savoir-faire intuitifs, les phonéticiens de la fin du XXe siècle disposent de données scientifiques qui leur permettent de comprendre la structure fine de la voix et de conduire des expériences dans de nombreux domaines touchant à la communication, à l’émotion ou à la gestion.

Les analyses informatisées permettent de mesurer les principaux paramètres de la voix et de déterminer ainsi, par exemple, les attributs les plus importants de la personnalité, de l’affectivité, des attitudes, etc. La plupart de ces attributs dépendent de quatre dimensions vocales: la fréquence fondamentale (F0), responsable de la hauteur de la voix; l’intensité; le spectre (distribution de l’énergie dans le champ fréquentiel); et la vitesse d’élocution (mesurée en nombre de syllabes prononcées par seconde).

On constate par exemple qu’un débit rapide et une voix forte caractérisent souvent une personnalité extravertie; qu’une parole lente, couplée avec une voix de faible intensité et monocorde, caractérise volontiers un locuteur triste, manquant d’énergie, apathique. Telle configuration des paramètres vocaux caractérisera un locuteur stressé, telle autre révélera une personnalité active, indépendante, dominante, telle autre fera ressortir la passivité ou la soumission du locuteur.

Le maniement informatisé du signal acoustique a également ouvert une voie prometteuse à la synthèse de la parole. Les ordinateurs parlent déjà. Mais leur voix est étrange, et même déplaisante, car elle manque de couleur émotionnelle.

LA VOIX SYMPTÔME. De nombreux travaux démontrent qu’il y a relation entre les troubles affectifs et les caractéristiques acoustiques de la voix. La monotonie de la voix et une faible intensité vocale constituent les symptômes vocaux de la dépression. Des chercheurs londoniens ont même réussi, en analysant les voix de leurs patients, à différencier deux types de schizophrénie.

L’analyse informatisée de la voix aide également au raffinement du tableau clinique des patients somatiques, elle permet d’évaluer par exemple les conséquences de la neuropathie du système nerveux autonome chez les diabétiques; elle aide au diagnostic et au suivi des patients souffrant de divers troubles affectifs, comme la présence de l’angoisse ou de la colère comme sentiments non verbalisés; elle facilite le diagnostic des troubles d’aprosodie chez les patients cérébrolésés; elle facilite le diagnostic de la dépression chez l’enfant; elle permet de contrôler les effets des psychotropes chez les patients; etc.

Une technique couramment utilisée consiste à récolter des échantillons de la voix du patient lorsqu’il évoque des situations émotionnelles vécues. L’enregistrement de sa voix est alors digitalisé et analysé. De cette façon, les émotions deviennent mesurables.

LA VOIX INDIQUE LA TAILLE DE L’ANIMAL. Lorsqu’ils se sentent en danger, les oiseaux et les mammifères ont un cri plus grave qu’à l’ordinaire. Une voix basse étant produite par des cordes vocales longues et épaisses, elle évoque en effet un animal puissant et de grande taille: en lançant un cri grave, l’animal en danger semble essayer d’intimider son ennemi en faisant illusion sur sa taille.

Il en va de même chez l’homme. Une voix aiguë suggère la petite taille du locuteur, c’est pourquoi l’on tend à utiliser des vocalisations plus aiguës que d’habitude lorsque l’on essaie de décourager l’agressivité de quelqu’un, de lui faire entendre que l’on se subordonne ou que l’on se soumet à lui, ou que l’on désire coopérer avec lui. Une voix grave a des connotations inverses, de confiance en soi, d’affirmation, de domination, d’autosuffisance, etc.

LA VOIX DU DIALOGUE. La voix joue un rôle important dans la régulation de l’interaction verbale. La voix du dialogue diffère de celle du monologue, car les interlocuteurs s’influencent mutuellement. Les façons de parler sont d’ailleurs contagieuses. A un ton de confiance répond un ton de confiance. Les amoureux parlent souvent de la même manière. Un enfant bègue peut « contaminer » un petit camarade.

L’étude de la voix est d’un intérêt particulier pour le management: comment l’utiliser en situation de compétition, de prise de décision, de conflit?

Le comportement vocal des interlocuteurs joue un rôle important dans une négociation. Les locuteurs seront perçus comme collaborants ou hostiles, selon le degré d’adaptation de leurs styles vocaux. L’adaptation peut être bilatérale ou unilatérale. La position hiérarchique détermine souvent, si ce n’est toujours, quel locuteur va s’adapter à l’autre. Mais il arrive aussi, lorsqu’un personnage dominant s’adresse à un dominé avec une intensité vocale accrue, que le dominé renonce à augmenter l’intensité de sa propre voix, pour signaler qu’il accepte la répartition des rôles qui lui est imposée. Le principe psychologique qui sous-tend l’adaptation langagière est le principe de l’attirance par la ressemblance: le ressemblant étant plus prévisible, paraît en effet moins dangereux.

La manière de s’exprimer vocalement est influencée aussi par des données géographiques et culturelles.

Les habitants des régions chaudes, exposées aux vents violents, ont l’habitude de parler plus fort. Les locuteurs venant de lieux où la vie sociale se déroule souvent à l’extérieur, sur les places ou dans les rues, ont des habitudes vocales très différentes de locuteurs habitués à communiquer dans des lieux fermés. C’est l’une des raisons sans doute pour lesquelles les voix des locuteurs de certaines régions méditerranéennes paraissent criardes, voire agressives, aux oreilles de personnes venant de régions plus septentrionales.

Quant à la culture, elle influe surtout sur la censure tacite de l’expression émotionnelle: dans certaines cultures, les expressions de colère ou de joie sont réprimées, dans d’autres elles ne le sont pas.

UN « LIFTING » POUR LA VOIX. Des professionnels de plus en plus nombreux se préoccupent de soigner leur image de marque vocale. Tel ex-premier ministre britannique, dont la voix était trop haut perchée pour qu’il puisse assumer ses fonctions de femme d’État, procéda à un « lifting » de sa voix. Les chasseurs de têtes se mettent à analyser la voix des personnalités auxquelles ils s’intéressent. Les enseignants prennent conscience que leur voix est leur principal outil de travail; monotone, elle risque d’endormir l’auditoire, aiguë, avec de fréquentes intonations montantes, elle risque de l’irriter. Les entreprises adhérant à l’idée de la « qualité totale » organisent des cours pour leurs téléphonistes ou leurs secrétaires, dont la voix est souvent le premier contact du client.

Dans la pratique, avant de « lifter » une voix, il faut déterminer pourquoi on veut le faire; il n’y a pas, en effet, de voix universellement bonnes, ou efficaces en toutes circonstances.

Après quoi, la personne intéressée livre plusieurs échantillons de sa voix à un spécialiste qui, par une analyse informatisée, en révèle les principales caractéristiques. Un programme de travail sur la voix peut alors être établi.

L’intéressé détermine sa « nouvelle » voix à l’avance. La technologie permet en effet de « maquiller » un enregistrement original en en modifiant artificiellement certaines caractéristiques, de telle sorte qu’une voix aiguë devienne grave ou qu’une élocution lente s’accélère (sans changement de qualité vocale). La « nouvelle » voix ainsi élaborée sera le modèle que le locuteur s’exercera à reproduire.

Que la vive voix retrouve, en cette veille de troisième millénaire, voix au chapitre!


© Le Temps stratégique, No 66, Genève, octobre 1995.

 

ADDENDA

De quelques termes médicaux…

Neuropathie
Toute affection du système nerveux central ou périphérique

Système nerveux autonome
Ensemble des structures nerveuses centrales et périphériques (ganglions et nerfs) qui règlent le bon fonctionnement de tous les organes et tissus, et assurent la coordination et l’harmonisation des différentes fonctions.

Système nerveux sympathique
Partie du système nerveux autonome dont les centres périphériques se situent dans les ganglions. Le système nerveux sympathique accélère le rythme cardiaque, provoque la constriction des vaisseaux, diminue le péristaltisme du tube digestif et augmente le tonus des sphincters. Son médiateur chimique est l’adrénaline.

Isomorphisme
Propriété de certaines substances qui possèdent des structures cristallines identiques ou très voisines. Par extension, l’isomorphisme définit également ce qui se présente sous la même forme.

Ontogenèse
Développement d’un organisme animal ou végétal depuis la fécondation de l’oeuf jusqu’à l’âge adulte.

Aprosodie
Incapacité d’effectuer correctement l’accentuation tonique et intensive du langage.

 

…et du nom d’un linguiste célèbre

Ferdinand de Saussure (1857-1913)
Linguiste suisse, Ferdinand de Saussure fonda la linguistique et révolutionna la pensée de son temps. Il montra en effet que la langue, fait social, se distingue de la parole, réalité concrète, mouvante et individuelle. En définissant le signe par rapport au symbole, puis en distinguant le signifiant du signifié, il jeta les bases de la théorie générale du signe que sera la sémiotique. La publication posthume de Ferdinand de Saussure, son Cours de linguistique générale (1916) exerça une influence déterminante sur les autres penseurs majeurs de ce siècle, dont Benveniste, Lévi-Strauss, Merleau-Ponty et Lacan.

 

Comme des rides
à la surface de l’eau…

 

Note factuelle sur le son

La production et la propagation des sons est le résultat d’un mouvement vibratoire, consécutif à un choc ou à une compression. La propagation du son ressemble aux rides se déplaçant sur l’eau dans laquelle on a jeté une pierre. Chaque cercle correspond à une onde: il n’y a pas transmission de matière, mais propagation du mouvement d’une molécule à l’autre. La distance entre deux crêtes ou deux creux successifs est la longueur d’onde et la distance parcourue par une ride pendant un temps donné est la célérité de l’onde. La vitesse du son dépend du milieu: dans l’air, le son se déplace à 340 mètres par seconde. Dans l’eau, il se déplace plus vite, à 1340 mètres par seconde. Le son ne se déplace pas dans le vide.

Le son est caractérisé par sa hauteur, son intensité et son timbre.

La fréquence
La hauteur est donnée par la fréquence. Elle se mesure en hertz (Hz) et correspond au nombre d’oscillations par seconde de la vibration sonore. Plus la fréquence est élevée, plus le son est aigu. Une corde qui vibre 11 fois par seconde produit un son grave; si elle vibre 3000 fois par seconde elle produit un son aigu. Le la du diapason vibre 440 fois par seconde.

L’intensité
Deuxième caractéristique du son, l’intensité acoustique se mesure en décibels (Db). Une échelle, graduée de 0 (le seuil de perception de l’oreille humaine) à 200, illustre les niveaux de pression sonore auxquels l’être humain est soumis. Le décibel est basé sur une échelle logarithmique: l’intensité sonore d’une navette spatiale au décollage (plus de 180 Db à cent mètres de la rampe de lancement) est environ un million de fois plus forte que le bourdonnement d’une abeille (moins de 20 Db à quelques centimètres de l’oreille). La distinction entre sons forts ou faibles est liée à l’amplitude des vibrations de l’air transmettant les sons à l’oreille: certains haut-parleurs à pleine puissance dégagent un souffle qui peut éteindre une allumette, alors que devant une personne parlant normalement, la pression de l’air ne varie pas plus d’un millionième de la pression atmosphérique.

Le timbre
La plupart des sons étant composés de plusieurs fréquences, on les appelle sons complexes. C’est un mathématicien français, Joseph Fourier (1768-1830), qui prouva qu’un son complexe peut être décomposé en plusieurs sons purs, et forme un spectre composé d’un son fondamental et d’un nombre variable de fréquences harmoniques. C’est le spectre de chaque son qui détermine le timbre. Le timbre est une notion subjective permettant de qualifier et de distinguer des sons de hauteur et d’intensité identiques. Un son pauvre en harmoniques paraît terne et, à l’inverse, un son riche en harmoniques dans les graves paraît riche.

L’enveloppe
Le son est également défini par son enveloppe. Celle-ci comprend trois étapes: l’attaque, le maintien et la chute, les durées de ces trois étapes étant variables en fonction de chaque son. L’attaque du piano est rapide, son maintien très court et la chute varie selon l’emploi des pédales. C’est l’attaque du son qui caractérise la signature sonore d’un instrument, au même titre que le timbre, car on s’est aperçu qu’il suffit de couper (à l’enregistrement ) les quelques centièmes de secondes correspondant à l’attaque d’un piano pour qu’il sonne comme un accordéon!

Source: Les mondes sonores, par Denis Fortier. Paris, Presse Pocket, 1992.

Pour mieux écouter

La vive voix, par I. Fonagy. Paris, Payot, 1983.

« Le cri néonatal et ses fonctions », par A.S. Cimaresco. In: Le langage des bébés, savons-nous l’entendre? M. Cl. Busnel (éd). Paris, Grancher, 1993.

« Crying during the first ten days of life and maternal responses », par J. Bernal. In: Developmental Medicine and Child Neurology, No 14, 1972.

« Crying in Infancy », par T.B. Brazelton. In: Pediatrics, No 29, 1962.

Ancient Literary Criticism, par D.A. Russel. Oxford, Clarendon Press, 1972.

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