Conditions d’habitat

1. A karyan Ben M'sik et karyan El Massira
Lorsque nos interviewés parlent de leurs conditions d'habitat, ils les relient forcément aux effets de l'intervention du recasement. Même pour la moitié de la population non recasée, l'intervention en question interfère à un moment donné sur les conditions d'habitat. Parfois elle se croise et annule les autres types d'action que la préfecture est en mesure d'engager. Verra-t-on à karyan Ben M'sik une action importante en vue d'améliorer la situation sanitaire, quand par ailleurs le dernier volet du recasement n'est pas prêt d'être fini ? Depuis maintenant dix ans, karyan Ben M'sik vit une situation transitoire. Une tranche de vie de dix ans, c'est bien-sûr plus que du provisoire, et en ce sens, l'opération de recasement a eu des retombées négatives sur les bidonvillois restants. Lorsqu'il y a dégradation de certains équipements (fontaines, W-C.), les habitants doivent se débrouiller entre eux. Sinon la situation empire, d'autant que la préfecture ne va pas se mobiliser pour entretenir l'espace bidonvillois. Nous avons par exemple constaté que des fontaines étaient détruites sans être remplacées ailleurs, probablement en raison de la proximité d'une avenue refaite à neuf le long des blocs 16 et 21. Les femmes des ruelles avoisinantes vont chercher l'eau dans le W-C. le plus proche. La tendance générale est à un certain découragement. La "temporalité projective" du recasement, selon l'expression d'Arrif, entraîne une perte de motivation de la part des autorités quant à agir sur le quartier bidonvillois, et en seconde retombée chez les habitants eux-mêmes car il constatent qu'ils sont placés en situation d'attente du recasement. Ce qui expliquerait que ce règne provisoire de dix ans puisse affecter profondément les conditions d'habitat.

Dans le passé, les conditions d'habitat pour les bidonvillois de la préfecture Ben M'sik-Sidi Othman avaient dans l'ensemble entraîné une bonne adaptation des habitants. Il existe des familles bidonvilloises de troisième et quatrième générations. Aussi la vie en bidonville n'est pas perçue forcément de façon négative, surtout pour ceux qui n'ont de toute les façons pas les moyens d'accéder au logement formel :

(2) affirme "avoir pris l'habitude de la vie dans le bidonville ; si mes parents ont vécu 35 ans dans cette situation, je peux moi aussi vivre cette vie".

Plutôt que de considérer arbitraire le fait de vivre encore et toujours dans des baraques, certains habitants considèrent cela plutôt comme une faveur, vu qu'ils n'ont pas de charge à payer, ni pour la location du sol, ni pour l'eau qu'ils extraient de la fontaine publique :

(29) : "parmi les avantages de la vie en bidonville, il y a le fait que l'eau est gratuite (même si ce n'est pas de l'eau courante) et que l'alimentation reste bon marché. Parmi les inconvénients, il y le manque d'électricité, la menace du feu (d'où une peur permanente) et enfin le fait que les enfants grandissent dans un milieu de drogue et de délinquance".

Pour certains habitants, en général faiblement intégrés au milieu urbain par leurs activités et non alphabétisés, le fait de bénéficier d'une eau municipale revient en quelque sorte à bénéficier d'une "eau courante" dont la principale caractéristique est sa gratuité. Pour cette catégorie d'habitants, la perspective d'une eau courante à domicile est rendue moins attrayante par la charge financière qu'elle suppose : (65), vendeuse de volaille, est divorcée et vit avec le cadet de ses fils. Elle dit préférer vivre dans le bidonville plutôt qu'à Moulay Rachid, pour ne pas avoir à payer l'eau et l'électricité étant donné ses modestes revenus. "L'eau est là à disposition, et on ne la paye pas, on remercie notre roi".

Il est intéressant de faire un détour vers le bidonville de Sidi Moumen, où on retrouve le cas de personnes qui bénéficient d'un niveau de vie élevé et qui préfèrent habiter dans le bidonville. Là aux abords des carrières Lafarge, les vastes parcelles font que les conditions d'habitat sont parfois plus décentes que dans certains quartiers en dur de Casablanca :

(27), jeune ouvrier élevé à l'orphelinat de Aïn Chock ; son père (décédé) avait vendu en 1964 sa maison en dur à El Bernoussi pour s'installer dans le bidonville. (27) dit que jusqu'à présent les habitants n'ont pas encore connaissance d'un projet précis de recasement. Ici, raconte-t-il, l'implantation du bidonville s'est faite de la manière suivante : "au début tu choisissais une parcelle de terrain, puis tu l'agrandissais en installant un grillage. Par la suite, le caïd vient te voir, tu le "graisses" (dahnou). Tu poses de la tôle et tu fait monter un mur. Tu n'as plus ensuite qu'à vendre une parcelle.

(…) Parce qu'ici c'est grand, calme et retiré, ceux qui ont les moyens financiers préfèrent rester. Certains possèdent même un groupe électrogène, la télévision en couleurs et la vidéo".

Les aspects positifs de la vie en bidonville rapportés par les habitants signalent beaucoup plus des caractéristiques sociologiques que des conditions d'habitat à proprement parler. Ils seront évoqués ultérieurement. Retenons pour le moment que le fait d'habiter sans payer de charge pour le sol et l'eau font du bidonville un quartier attrayant. Ajoutons à cela que les prix de l'alimentation étant meilleur marché au bidonville que dans d'autres quartiers de la ville, la vie au karyan est une certaine manière de vivre en milieu urbain. Certains y trouvent même un peu de poésie :

(48) aime écouter le bruit de la pluie tombant sur les toits en zinc.
Il apprécie également de se mettre devant sa porte pour boire du café en écoutant de la musique.

A ces habitants nostalgiques de ce mode de vie, le changement socio-économique ne promet rien de bon. Avec la disparition programmée de karyan Ben M'sik, ils assisteront à la fin de leur monde sans percevoir l'émergence d'un autre qui puisse faire sens pour eux . Lorsqu'ils abordent les conditions défavorables de leur habitat, les bidonvillois parlent en tant qu'auto-constructeurs. Il faut donc leur reconnaître un savoir en matière d'aménagement de leur quartier. Ce point est d'autant plus important qu'il concernera encore plus directement les bidonvillois recasés à la cité Moulay Rachid.

Mais revenons précisément aux situations du bidonville. Les discours des interviewés délimitent deux dimensions de l'habitat. L'espace domestique et l'espace du karyan. Pour l'espace collectif, ce sont généralement les équipements qui posent problème. Les W-C., les fontaines publiques, l'évacuation des ordures ménagères, voilà les trois points soulevés par les habitants :

(22) loge au bloc 20. Il se plaint de l'absence de fontaine publique. "Depuis que les autorités ont aménagé le grand boulevard, il n'y a plus de fontaine, les femmes doivent aller chercher l'eau dans les W-C. pour hommes. Et puis, il y a le problème des ordures : la municipalité ne vient les ramasser qu'une fois tous les deux à trois jours".

(9) constate que le nombre de W-C. est insuffisant pour l'ensemble du bloc 3.

Toujours à propos de la question des W-C., (73) laisse éclater sa colère : "Comment imaginez-vous que des femmes sortent seules de chez elles en pleine nuit pour aller aux toilettes, lorsqu'elles en plus de cela, les W-C. se trouvent à l'autre bout du bloc ? En vérité, nos femmes font leur besoin comme des animaux, c'est-à-dire en plein air. Elles n'ont même pas la possibilité de se laver, elles s'essuient avec du papier et c'est tout !"

Le manque d'hygiène est ce qui ressort le plus des propos sur les conditions défavorables du quartier. Il semblerait que le nombre insuffisant et la saleté des W-C. soit le problème principal 1 d'une population vivant en grande promiscuité. Le problème 2 est d'autant plus prononcé que les bidonvillois attachent une grande importance à ce que la propreté règne dans leurs intérieurs. D'où la différence d'approche du bidonvillois entre intérieurs et extérieurs de la baraque pour ce qui est de l'hygiène sanitaire.

Aussi lorsque l'interviewé parle de son foyer, ce qu'il dénonce, ce sont les conséquences et les prolongements de la promiscuité sociale dans son espace domestique. Même au sein de son foyer, le bidonvillois n'est pas tout à fait libre de ses mouvements et de ses paroles :

(7) ; dans la baraque, "on entend tout ce que fait et dit le voisin".

(63) ; "(…) les voisins écoutent ce qui se dit chez toi, et le répètent dans tout le quartier".

S'il n'est pas directement abordé, le problème de la vie sexuelle de couple (parental ou d'enfants mariés) est un problème fondamental. La sexualité "précaire" est d'ailleurs une donnée qu'il faut prendre en compte dans l'urbanisation du plus grand nombre. Ce problème insuffisamment soulevé est un des principaux aspects de la promiscuité. Ses conséquences sont répercutées au niveau du groupe social. La promiscuité d'ordre sexuel se définit aussi bien par rapport à l'extérieur (vis-à-vis des voisins) qu'à l'intérieur du foyer (vis-à-vis des membres de la cellule familiale). Ce problème n'est pas propre à Casablanca uniquement, il s'étend à toutes les villes surdensifiées du Sud. Lorsque des taux d'occupation par pièce atteignent un seuil surnuméraire, l'intimité de la vie de couple est perturbée ce qui se traduit par ces frustrations multiformes qui touchent aussi bien le couple en question que les autres membres de la famille. Ainsi avoir des rapports sexuels alors que la mère ou les enfants dorment dans la même pièce est aujourd'hui une réalité banale dans les zones urbaines à haute densité.

Au-delà du manque d'intimité de l'espace bidonvillois, ce qui est rendu difficile, sinon impossible, c'est l'indépendance de l'habitant par rapport à son voisinage immédiat. Cet aspect des choses, déterminant largement les caractéristiques sociologiques du bidonville, sera abordé dans le cadre des relations sociales.

Pour ce qui est de l'habitat, il faut noter par ailleurs un manque de motivation quant à meubler ou entretenir la baraque. Aussi lorsque l'habitant fait cette constatation, il fournit implicitement les raisons de ce choix :

(16) dresse une comparaison à propos du mobilier : "dans une maison, lorsque tu achètes quelque chose, se cela se voit, dans la baraque, rien ne paraît".

(66), à propos de l'entretien de la baraque, dit avoir cessé toute réparation depuis qu'elle a entendu parler du recasement.

(26) estime que les habitants bidonvillois attendent tellement l'opération de recasement qu'ils ont abandonné tout entretien de leurs baraques. D'autant que pour la moindre modification, il faut demander l'autorisation du makhzen. Ce qui suppose qu'il faut entrer en relation avec un caïd, et par là même lui verser de l'argent pour qu'il délivre l'autorisation en question.

Ce découragement vis-à-vis de ce qui constitue souvent l'unique bien matériel, s'explique par l'opération de recasement parce qu'elle a représenté l'événement majeur de la décennie 80. En effet, près de la moitié de la population bidonvilloise a d'ores et déjà été déplacée. Il n'y a pas une famille bidonvilloise qui n'ait pas un parent, un voisin ou un ami à la cité Moulay Rachid. La comparaison entre la maison de Moulay Rachid et la baraque s'impose alors d'elle-même. Les habitants qui résident encore au karyan se voient de ce fait confirmés dans le règne du provisoire. L'opération de recasement, de ce point de vue là, aura eu des retombées psychologiques très négatives pour les bidonvillois restés sur place. Or, fait très important, depuis la première tranche de recasement, la population bidonvilloise restante en est à sa sixième année d'attente.

Les bidonvillois se préparent donc à la grande échéance. Une rumeur a néanmoins contrarié leurs prévisions, mais les habitants ont refusé d'y croire jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à ce que des journaux l'ait confirmé et que par la suite ils l'aient vu prendre forme dans un chantier de Sidi Moumen, en face du groupe 6 de Moulay Rachid… La dernière tranche de l'opération Moulay Rachid sera constituée d'immeubles à trois étages. Les bidonvillois, en tant que destinataires du projet, n'ont pas pu influer sur cette prise de décision. Quelques interviewés expriment leur avis sur la question.

2. Le choix des immeubles pour la dernière tranche du recasement 3
Il y a tout d'abord ceux qui refusent catégoriquement cette solution. Parce qu'elle n'avait pas été annoncée dans le cadre du projet initial :

(49) ; "les gens n'acceptent pas l'idée de vivre dans des immeubles".

(11) estime que de manière générale, les immeubles ne sont pas faits pour les bidonvillois. "Les immeubles peuvent convenir seulement aux bidonvillois n'ayant pas d'associés."
Selon lui, les bidonvillois restent dans l'ensemble hostiles au projet, d'autant que certains ont payé depuis très longtemps pour une maison et non pour un appartement. "En 1987 à l'occasion d'une réunion avec le gouverneur, certains habitants ont dit tout ce qu'ils pensaient des "batimat". Le gouverneur les a écoutés et a simplement dit qu'ils transmettraient leurs plaintes au ministère de l'habitat…"

(73) du bloc 3 : "Si c'est pour habiter dans des immeubles, je préfère rester ici".

Puis il y a ceux qui tentent d'expliciter leur réticence à habiter des immeubles :

(1) ; "les immeubles vont créer des histoires entre voisins. On ne pourra pas toujours étendre le linge".

(6) ; "les immeubles ne sont pas faits pour des familles nombreuses. Les escaliers créeront beaucoup de problèmes".

L'étendage du linge et la circulation des personnes dans les escaliers sont les arguments qui ressortent le plus fréquemment pour démontrer l'inadaptation des immeubles aux moeurs bidonvilloises. Mais outre ses aspects pratiques, les questions du linge et des escaliers remettent en cause la conception familière qu'ont les bidonvillois du voisinage.

(19) ; "les immeubles ? il y en a qui sont réussis et d'autres non. Mais pour les karyanistes cela va poser de gros problèmes avec des gens qui montent et d'autres qui descendent. Tu ne sais plus qui est ton voisin…"

(9) ; Dans les immeubles, "les locataires n'ont pas de contacts entre eux, ils se surveillent mutuellement. Ils mènent une vie individuelle".

Il faut malgré tout nuancer ces propos par le fait que la notion de voisinage est déjà en train de changer dans la cité Moulay Rachid. La montée de l'anonymat n'est de ce fait pas uniquement imputable à l'habitat de type immeuble.

Mais pour bien montrer leur résistance au projet des immeubles, certains se montrent terre à terre dans leur appréhension :

(22) ; "des immeubles pour des familles nombreuses, associées avec un étranger… Comment cela va se passer ?"

(66) ; "nous sommes une famille de 12 personnes. Comment va-t-on faire pour vivre 12 personnes dans un appartement ? Et si les enfants se marient, qu'est-ce qu'on fera ? On va être comme des sardines".

A ces questions embarrassantes, les responsables du projet ne formulent pas de réponse claire. Et pour imposer leur choix, ils ont tout simplement opté pour le fait accompli. Cette stratégie a commencé à s'avérer efficace, du fait de l'attente prolongée des bidonvillois pour le recasement. Pour certains jeunes du bloc 3, par exemple, le recasement ne les concerne plus tellement. Ils y verraient d'autres destinataires :

(18) ; "les immeubles qui se construisent actuellement près du groupe 6 de Moulay Rachid sont destinés aux habitants de la vieille ville qu'on va déplacer à cause de la grande mosquée".

(2) n'a pas d'opinion au sujet des immeubles. Il "s'en fout" car de toute façon, il n'a pas les revenus suffisants pour espérer un jour accéder au logement.

Pour les moins pessimistes (et les plus réalistes), la réticence vis-à-vis des immeubles s'est petit à petit transformée en résignation :

(63) ; "au début on ne voulait pas entendre parler des immeubles, mais maintenant on s'en fout, c'est mieux que rien du tout".

(64) ; "avant on n'acceptait pas l'idée de vivre dans des immeubles, maintenant on accepte cette solution. Mais c'est à peu près comme dans un bidonville, l'habitant n'a pas d'indépendance".

(65) ; "nous accepterons ce que Dieu nous donnera".

(25) ; "mieux vaut les immeubles que rien du tout".

(16) ; "les immeubles sont de toute façon meilleurs que le bidonville".

N'ayant de toute façon pas le choix, les bidonvillois acceptent ce qui a été décidé pour eux. On notera toutefois un regret d'être les derniers recasés, les plus mal lotis en l'occurrence :

(7) ; "si les immeubles sont moins bien que les maisons de Moulay Rachid, ils sont de toute façon mieux que les baraques".

Enfin pour conclure sur ce sujet, le bidonvillois peut également émettre son avis de manière simple et dépassionnée. Sa vision est alors claire et synthétique. Elle répond, dans la lancée, à la question de savoir quelle est la différence selon un bidonvillois entre karyan et immeuble :

(20) ; "au karyan, les gens sont entassés les uns à côté des autres. Dans les immeubles, ils sont entassés les uns sur les autres".

En proposant cette analyse claire et condensée, l'habitant suggère de percevoir la différence entre bidonville et immeubles, non pas sur le type d'équipement ou l'architecture des logements, mais plutôt sur la nature densifiée de l'habitat. Partant de là, l'habitant souligne le passage du bidonville à l'immeuble comme passage d'un habitat à forte densité de type horizontal à celui de type vertical. Il faudrait voir dans la densification verticale la mutation essentielle de l'habitat de type immeuble.

3. A propos de l'emménagement à Moulay Rachid
Les deux premières phases du recasement de Moulay Rachid ont été spectaculaires par leur ampleur et la nature des changements qu'elles ont entraîné. Mais avant de se retrouver dans des maisons tout à fait achevées, les bidonvillois ont dû tous passer par une phase transitoire qui correspondait à l'extension du logement embryonnaire.

Le déménagement des familles et de leur mobilier ne s'est pas toujours fait dans les meilleures conditions. Certains ont gardé de cet épisode un souvenir désagréable :

Pour la famille de (52), le déménagement vers Moulay Rachid a été mal vécu. La famille n'avait pas les moyens de louer le camion de transport. Par la suite, les affaires de la maison ont été largement endommagées du fait que leur maison était remplie de sable.

Le transit par le bloc 17, première étape des "gens à problèmes", a touché certaines familles qui n'étaient pas tout à fait en règle vis-à-vis des responsables chargés du recasement. Après cela, il a fallu commencé à se débrouiller dans le cadre d'un logement très élémentaire :

La famille de (37) a dû passer un mois dans le bloc 17 avant d'arriver à Moulay Rachid ; elle n'avait pas encore fourni le second paiement du logement. Quand la famille est arrivée au groupe 5 de Moulay Rachid, le projet n'était pas encore achevé ; une seule pièce construite et même pas de porte à l'entrée. Au bout de deux semaines, la famille a commencé à construire le toit de la deuxième pièce. Petit à petit, (37) sentait une amélioration des conditions de vie ; l'habitat commençait à apporter une certaine sécurité. La fourniture d'eau et d'électricité dissipait l'ancienne peur du feu et du froid.

Parce que tous n'avaient pas forcément les moyens de commencer tout de suite la construction et l'extension de la maison, certaines familles ont dû s'entasser un grand laps de temps dans l'unique pièce construite. Aussi, pour ce cas de figure, les conditions de vie ont été parfois beaucoup plus difficiles que celles qui prévalaient dans le bidonville :

(37) ; S'il est satisfaisant de bénéficier de l'eau courante et de l'électricité, le problème de la promiscuité, dans le cas de sa famille, est resté entier. Et cela durerajusqu'à ce que la famille trouve les moyens financiers nécessaires à la construction de l'étage. Trois années se sont écoulées depuis l'emménagement au groupe 5 de Moulay Rachid…

Pendant les dix premiers mois de son installation au groupe 5 de Moulay Rachid, la famille de (43) a vécu à neuf personnes dans la petite pièce de la cuisine.

Il faut bien comprendre que les bidonvillois qui avaient dû recourir à l'association pour assurer le préfinancement de leur logement à Moulay Rachid, ont dû attendre que l'associé en question veuille bien financer la construction pour pouvoir enfin mener l'extension des pièces de la maison. Il y a donc eu dès le départ un certain nombre de problèmes avec les associés 4 :

(53) déclare que sa famille a dû attendre trois ans avant que l'associé (un neveu résidant en Italie) ne commence à financer la construction de la maison. La famille a particulièrement souffert du froid et de la pluie.

(43) ; en ce qui concerne les relations avec les associés, ce jeune du groupe 5 y voit beaucoup de problèmes. D'autant que dans le cas de sa famille, l'association s'est faite avec son oncle paternel, et les questions d'argent empoisonnent continuellement leurs relations.

Bien que les habitants n'aient pas pris part à la conception des maisons de Moulay Rachid, l'emménagement dans la nouvelle cité aura été l'occasion pour les habitants de superviser l'extension du logement, et par là même d'acheter directement les matériaux nécessaires à la construction :

(41) déplore le fait que le plan de la maison ainsi que le sable, le ciment et les carrelages aient coûté plus cher aux habitants des groupes 6 et 4. L'explication qu'il en donne est que les groupes 6 et 4 ont touché les derniers recasés de karyan Ben M'sik.

Pour ce qui est des carences du plan initial de la maison, c'est la terrasse qui semble poser le plus de problèmes. Les concepteurs ont purement et simplement interdit l'accès à la terrasse et sa construction, ce qui d'ailleurs constitue une atteinte aux modes de vie et de construction en vigueur dans le pays :

(41) estime qu'il manque des escaliers pour mener à la terrasse.

(43) considère la terrasse et son accès comme dangereux.

Les habitants de Moulay Rachid ont donc contourné l'interdiction concernant l'accès à la terrasse et son utilisation. Et trois ans après le début de l'opération de recasement, les terrasses de Moulay Rachid (particulièrement des groupes 2 et 4) ont des reflets de tôle ondulée en plus du linge flottant. De plus en plus visible, la cabane de zinc 5 réapparaît parce que, pensons-nous, rien n'a été prévu pour l'utilisation de la terrasse.

Pour ce qui est de la transformation du plan initial, l'utilisation de la terrasse constitue un revers flagrant pour les concepteurs. Mais la transformation a touché également l'aménagement intérieur, où cette fois-ci il était permis diverses dispositions des pièces. Ainsi pour l'étage, une pièce a initialement été prévue pour la salle de bain. Or on a pu observer que dans plusieurs habitations de Moulay Rachid, la salle de bain à l'étage n'existe pas. On a préféré ajouter une pièce d'habitation, et pour ce qui est de la salle d'eau, elle est combinée en douche et W-C dans un réduit situé sous l'escalier menant à la terrasse.

D'autres aménagements du même type sont entrepris pour la cuisine ou la salle d'eau par exemple, et ce, toujours dans le même but : pour la famille nombreuse, il s'agit de dégager un maximum de pièces d'habitation et de reléguer les fonctions de cuisine et de salle d'eau dans la cour 6 :

Dans le cas de la maison de (37), la pièce réservée à l'origine pour la cuisine fait office de chambre pour les parents et quatre de leurs enfants. La cuisine se fait dans la cour. Cet agencement s'est imposé du fait que la famille n'a toujours pas les moyens pour agrandir la maison (en construisant l'étage).

4. Les nouveaux problèmes des habitants de la cité Moulay Rachid
Près de la moitié de la population bidonvilloise de karyan Ben M'sik habite maintenant Hay Moulay Rachid. Par l'opération de recasement, le karyaniste initial est devenu administrativement parlant un citadin ; l'eau courante, l'électricité et l'habitat privatif confèrent dorénavant à l'habitant, en même temps qu'un statut, ses nouvelles contraintes ; traites mensuelles du logement et factures d'eau et d'électricité. Ce qui aboutit à un constat inévitable, les habitants sont en crise de budget. Nous sommes donc en présence d'une situation qui est exactement à l'opposé de celle espérée par la Banque Mondiale : à savoir la possibilité d'une meilleure intégration dans les circuits économiques de la ville par une priorité accordée à l'amélioration de l'habitat qui induirait une meilleure intégration à la ville, l'emploi, et donc une hausse du niveau de vie.

Plusieurs facteurs participent à la baisse du niveau de vie des habitants de la Cité Moulay Rachid. La raison principale est le paiement des traites mensuelles du logement, de l'eau et de l'électricité :

(41) ; "avant, le problème était que nous n'avions ni eau courante ni électricité. Maintenant, le problème c'est qu'il faut payer régulièrement les factures d'eau et d'électricité".

Cette réaction assez courante peut s'expliquer par la non-intégration au milieu urbain, en dépit du recasement des bidonvillois, ou pis encore, elle peut traduire une réelle pauvreté ou une mentalité d'assisté.

(45) ; le problème nouveau de Moulay Rachid est la question de la planification des revenus. Au karyan, le salaire du chef de famille suffisait pour nourrir la famille, aussi l'approvisionnement se faisait au jour le jour. Tandis qu'à Moulay Rachid, le salaire doit couvrir en plus de l'alimentation, les frais d'électricité et d'eau, ceux de la construction et de la scolarité. Maintenant, il faut apprendre à prévoir et gérer le budget familial.

Les autres raisons qui participent à l'abaissement du niveau de vie sont liées à la situation du quartier Moulay Rachid. La cité Moulay Rachid étant très éloignée du reste de la ville, et les marchés d'alimentation faisaient toujours défaut (en 1989), l'alimentation, par exemple, coûte plus cher à Moulay Rachid :

(8) ; la situation économique de la famille est en régression compte tenu du revenu limité de son père et de la cherté de la vie à Moulay Rachid.

(61) ; Au niveau économique la situation est plus difficile du fait de l'éloignement du quartier, et de l'absence de magasins. Mais surtout à cause des factures qui tombent chaque mois et qui font par exemple qu'il est difficile d'acheter tout ce dont son fils a besoin pour l'école (cahiers, cartable, habits, etc.,…). "Le trou est maintenant plus grand que la terre"…

N'oublions pas là aussi que le budget familial est grandement touché par les coûts de finition de la nouvelle maison :

(58), retraité et vendeur au détail de friandises, considère la construction comme un problème nouveau, vu qu'elle demande beaucoup d'argent et qu'elle dure en général très longtemps. A ajouter à cela les factures d'eau, d'électricité et la traite du loyer, cela fait beaucoup. Dans ces conditions, "il est difficile de recevoir un invité".

Cet appauvrissement des ménages s'explique aussi par le fait que la construction de la cité n'a pas immédiatement été accompagnée de projets visant à promouvoir l'emploi 7, et par là même le niveau de vie des habitants :

(37) considère que les problèmes à Moulay Rachid sont essentiellement d'ordre économique, et cela pourrait se résumer principalement à la question de l'emploi. Son père, ouvrier textile retraité en 1985, perçoit de maigres revenus. Néanmoins, ceux-ci suffisaient lorsque la famille habitait le bidonville. Maintenant, le paiement des traites de la maison et les frais de construction (le rez-de-chaussée n'est pas encore achevé, le premier étage n'est pas encore commencé) grève lourdement le budget de la maison. Il arrive souvent au père de (37) de payer les traites avec 4 à 5 mois de retard, ce qui se traduit par des hausses d'intérêt du crédit C.I.H.

La régression économique des habitants de Moulay Rachid se ressent directement au niveau de l'alimentation. On se nourrit moins bien à Moulay Rachid qu'à karyan Ben M'sik :

(53) ; "au bidonville, la vie était belle on mangeait bien. Ici, on n'arrive pas à économiser de l'argent et il y a des jours où l'on mange très peu.
(…) On a honte de recevoir un invité
8".

(51) ; "tu voudrais acheter un kilo de viande, et finalement tu dois garder cet argent pour payer une traite".
Et depuis huit mois il n'a plus l'électricité suite à une facture élevée restée impayée. "Ici, il faut oublier ton ventre pour payer les factures".

L'autre grand problème que les habitants de Moulay Rachid (et plus particulièrement les jeunes) évoquent, c'est celui des transports, ou plus précisément de leur insuffisance. Ainsi, en 1989, la cité Moulay Rachid est desservie par une ligne régulière de bus, mais la fréquence des passages du bus est faible, et concerne plus les horaires des facultés de lettres et de science de Ben M'sik que la cité proprement dite. Il faut comprendre que la cité Moulay Rachid (plus particulièrement les groupes 5 et 6) est à l'extrême périphérie de Ben M'sik (et du reste de la ville) :

(41) affirme que problème numéro 1 pour les habitants du groupe 6, c'est le transport. Pour la moindre course il faut descendre en ville. Alors qu'au bidonville, il était beaucoup plus facile de se rendre au centre-ville.
Maintenant il se sent éloigné de la ville, comme s'il habitait en-dehors de la ville. Mais il espère que "la ville va finir par venir jusqu'ici".

(45) ; Le transport public reste insuffisant, "malgré la privatisation et le développement des nouvelles lignes de transport". "La distance est plus grande maintenant entre notre quartier et la ville".

La question du coût de transport entre elle aussi en ligne de compte. Parce qu'elles sont moins chères, les calèches sont aussi utilisées pour des petits déplacements. Le transport, mais aussi les équipements sociaux les plus élémentaires manquaient toujours à la cité en 1989. De manière générale, tous les habitants interviewés disaient à l'époque manquer de four, hammam, mosquée, souq, dispensaire, maison des jeunes, commissariat, etc.,… Mais à l'époque de notre enquête, des magasins étaient alors en construction un peu partout au sein de la cité, avant d'être mis en vente par les promoteurs du Projet Ben M'sik.

(43) explique que le four le plus proche se trouve à 1 kilomètre de chez lui (Moulay Rachid, groupe 5). Aussi "il faut que le transport arrive jusqu'à nos maisons", mais également que le quartier se dote de souq (bon marché), d'un commissariat, d'écoles, d'une bibliothèque et d'une maison des jeunes.

En dernier lieu, la question de la sécurité préoccupe grandement les habitants de la cité :

(38) considère que le quartier n'est pas sûr. "La police évite d'entrer à Moulay Rachid".

(58) ; le manque de sécurité est tel qu'il connaît plusieurs maisons de Moulay Rachid qui ont été cambriolées. "Au karyan, tu pouvais quitter ta baraque sans que personne ne te vole, ici, ce n'est pas possible".

La comparaison avec la situation antérieure montre également que la question de la sécurité devient prépondérante une fois devenu propriétaire d'un logement en dur. Les équipements d'une baraque sont plus rudimentaires que ceux d'une maison, aussi le réflexe de la sécurité 9 est nettement plus développé à la cité Moulay Rachid.

5. Les risques
En milieu bidonvillois, le discours sur le risque est manifeste. Dès lors que sont abordées les conditions d'habitat, le risque principal est toujours défini : le feu 10 . Ennemi redoutable de la baraque, le feu crée cette peur qui habite constamment les bidonvillois :

(7) ; "que Dieu nous protège du feu".

(18) ; "vivre dans le bidonville (…) c'est vivre avec la peur du feu et les problèmes d'eau et d'éclairage".

(19) ; "une seule peur : le feu. C'est quelque chose qui ne nous fait pas dormir tranquilles".

(47) ; la peur de l'incendie reste la principale préoccupation en ce qui concerne l'habitat.

La peur du feu s'entretient à partir de l'expérience qu'ont eu les habitants de ces incendies survenus épisodiquement à karyan Ben M'sik, ou même dans d'autres bidonvilles de la ville :

Pour (25), l'événement le plus marquant du karyan qu'il ait eu l'occasion de voir aura été un incendie.

(5) redoute avant tout le danger du feu : le jour de l'aïd el kebir de 1989, un incendie s'est déclaré à 3 heures du matin au bloc 19 : 30 baraques ont brûlé.

(24) ; "notre baraque du bloc 17 était bien faite, celle du bloc 3 était en très mauvais état". Il a fallu habiter quelques temps chez une tante le temps de la réparer. Par la suite, elle a brûlé au cours d'un incendie. La famille a malgré tout pu sauver l'essentiel de ses affaires grâce à l'aide des voisins venus maîtriser le feu. Trois ans après, alors que toute la famille se trouvait au bled, un nouvel incendie s'est déclaré. Cette fois-ci, tout a brûlé. Les autorités publiques les ont alors aidé à reconstruire leur baraque en fournissant de la tôle et du bois.

Après notre enquête à karyan Ben M'sik, nous avons appris qu'un violent incendie s'était déclaré au cours de l'été 1990, et un bon nombre de baraques du bloc 16 ont été détruites.

La baraque apparaît particulièrement précaire lorsqu'il s'agit d'évaluer le danger du feu. Par mesure de prévention, les habitants prennent malgré tout certaines précautions d'usage :

La famille de (13) évite d'utiliser le butagaz en été, du fait du manque d'aération de la baraque et du risque d'accident qui peut en découler.

Par peur de l'incendie, (12) et (65) cachent les titres de propriétés de leurs baraques…en dehors du bidonville.

Une fois évalué le danger principal de l'habitat, la famille bidonvilloise évoque un autre fléau qui la menace en permanence, celui de la prolifération des rats 11. Ceux-ci s'attaquent aux effets personnels de la famille, et ils constituent un danger réel pour les enfants en bas âge.

(7) ; depuis que sa famille a été déplacée au bloc 3, le père de (7) a fait déménager en-dehors du bidonville tous les effets personnels auxquels la famille attache de l'importance. Il veut éviter que les rats n'endommagent leurs affaires.

(18) ; "Vivre dans le bidonville, c'est vivre avec les rats, les chats et la saleté".

(19) ; "(…) et la nuit tu as droit au match des taupes".

(73) évoque le problème des rats : "ils font peur, surtout pour ceux qui, comme moi, ont des enfants en bas âge".

(66) dit avoir été une fois mordue par un rat.

Viennent ensuite les maux sociaux qui accentuent le risque dans le milieu bidonvillois. Ici, les habitants évoquent essentiellement la drogue et la délinquance. Ces maux sociaux sont inhérents (mais non exclusifs) aux conditions de vie du karyan .

(25), étudiant universitaire en troisième année d'histoire-géographie : "Là où il y a des bidonvilles, il y a de la délinquance."

(32) ; "tout le monde a des problèmes. Et les jeunes, pour se reposer, cherchent à perdre conscience avec la drogue et l'alcool. Jusqu'à ce qu'ils se détraquent et qu'ils ne "captent" plus rien".

(47) sage-femme habitant karyan El Massira se plaint que les jeunes filles soient importunées par les voyous du karyan.

(48) ; "il y a de mauvaises habitudes, les gamins te sortent maintenant des couteaux, ou bien ""sniffent"" du silicium pour "capter Médi 1"".

(63) dit qu'un de ses voisins âgé a été attaqué au couteau dans sa baraque et que son agresseur vient régulièrement le menacer au cas où il se plaindrait à la police. "Ici, tout le monde a peur des vengeances".

Une fois évoquée la proximité objective entre conditions d'habitat et maux sociaux, il s'agit malgré tout de relativiser ce constat, car il n'est pas possible d'identifier le bidonville comme un milieu spécifique à la drogue et à la délinquance. L'habitant peut alors avoir du recul pour réfléchir sur les problèmes sociaux de son quartier :

(3) estime que "la jeunesse bidonvilloise est consciente de ses problèmes, mais elle n'a pas la possibilité de s'en sortir… La plupart des jeunes du bloc 3 sont devenus des soûlards".

En formulant expressément la source des maux sociaux de son quartier, le bidonvillois fournit en même temps un élément de réponse pour ce qui peut freiner leur développement :

(29) ; "la cause de la violence, c'est la drogue et l'alcool, et la police ne vient pas faire de surveillance régulière dans le bidonville".

Les habitants sont en majorité pour une surveillance accrue de leur quartier. En effet, ceux-ci établissent un lien de cause à effet entre la présence de forces de l'ordre et la sécurité collective.

Pour ce qui est du constat que la drogue et la délinquance ne sont pas des phénomènes endémiques dans le milieu bidonvillois, un jeune habitant du bloc 3 cherche à dater l'apparition de ces phénomènes sociaux :

(74) ; "la drogue, l'alcool et la délinquance des jeunes sont apparus avec la génération née dans les années 60".

Poursuivant la même analyse, un karyaniste de longue date tente d'analyser comment l'expression de la violence a pu changer dans le milieu bidonvillois :

(30) est arrivé à Casablanca en 1943. Il a vécu dans plusieurs bidonvilles de la ville. Pour lui, la société bidonvilloise du temps de la résistance était bien meilleure que celle d'aujourd'hui. Il y avait du respect ; "je ne fumais pas devant mon père, alors qu'aujourd'hui, le fils rentre saoul chez son père.

C'était l'époque où il y avait encore de la "tendresse" (hanana) entre les gens : il n'y avait pas de meurtres, pas de problèmes de délinquance, de haschich et d'alcool. S'il arrivait qu'il y ait une bagarre, les gens se battaient à coups de poing. Et dès le lendemain, ils se réconciliaient. On ne sortait pas les couteaux comme on le fait aujourd'hui".

Les maux sociaux ont d'ailleurs desservi la société bidonvilloise par la caricature qui en a émané au sein de l'opinion publique, évacuant la normalité à laquelle les habitants aspirent profondément. Consciente du cliché répandu bidonville = drogue, délinquance et criminalité, telle jeune mère de famille n'hésitera pas à nier l'existence des problèmes sociaux :

(66) ; "je ne vois rien de spécial, il n'y a pas de voyous. C'est une fausse réputation".

A ce propos il est intéressant de voir ce que disent d'anciens bidonvillois désormais recasés à propos de ces mêmes problèmes :

(38) ; Il ne se considère pas comme un vrai bidonvillois et n'apprécie guère ce milieu social. "Mais la sécurité était plus grande au karyan, malgré le problème de la drogue".

Pour ce qui est du quartier de Moulay Rachid, il a entendu parler de maisons volées récemment. "Dans ce quartier, il y a des maisons où les femmes se prostituent et où on vend de l'alcool. Il n'y a pas de respect entre les jeunes du quartier, et ils n'ont aucune occupation. Les autorités ont remplacé le zinc avec du dur et c'est tout".

(41) ; Du point de vue de la délinquance et de la sécurité collective, "c'est la même situation qu'au bidonville".

(45) note une augmentation de la délinquance chez les jeunes de Moulay Rachid en raison du chômage, de l'inactivité sociale et de l'éloignement du quartier. Il constate également que les jeunes délinquants ne se gênent plus pour boire de l'alcool en public, alors qu'au bidonville, il y avait malgré tout une certaine discrétion. Pour les jeunes chômeurs, l'alcool et la drogue sont de nouvelles habitudes qui se généralisent de plus en plus. Toutefois, il constate l'apparition d'une "mode" (dahira) positive, l'Islam. Il espère que ce phénomène va se développer pour améliorer la vie sociale du quartier.

Ce témoignage sur les problèmes sociaux et l'apparition d'un islam nouveau est important. Il nous indique une des voies alternatives susceptibles d'agir au sein de l'espace urbain. L'interviewé considère ce phénomène comme une voie capable d'endiguer les maux de son quartier.

Selon un autre jeune de la cité, le problème social est en nette aggravation.

(51) ; "la délinquance a augmenté à Moulay Rachid".

Au dire des habitants de Moulay Rachid, le problème de la délinquance dans leur quartier est donc resté entier, s'il n'a pas empiré de manière significative 12. On peut donc dire que la réflexion sur l'habitat et le milieu bidonvillois à Ben M'sik, telle qu'elle a été développée par les urbanistes casablancais, n'a pas encore touché les problèmes sociaux de la population. L'on peut alors, à ce stade, se permettre d'entrevoir, si rien de conséquent n'est fait au niveau de l'emploi et de l'éducation dans les quelques années qui viennent, des perspectives similaires à celles issues d'un autre exode, et qui se joue actuellement dans des banlieues de "pays d'accueil". S'il n'y a pas un véritable Projet Social au sein même du Projet Ben M'sik, il n'est pas impossible d'imaginer que la cité Moulay Rachid ne se transforme en ghetto urbain, du fait de l'existence d'une jeunesse désoeuvrée et sans perspective.

6. De quelques faits divers
Lorsque les interviewés parlent de l'insécurité, de la drogue et de la délinquance dans leur quartier, il arrive qu'ils citent des faits divers survenus dans une période récente. Ce faisant, il s'agit pour eux de démontrer que sous les bienveillantes apparences de la solidarité sociale, le risque est omniprésent. Les faits divers sont alors cités comme des preuves à l'appui.

Personnellement, nous assistâmes une fois seulement à un accroc assez sérieux. Et cela arriva le jour où nous pénétrâmes pour la première fois au bloc 3, fameux bloc "à problèmes". A un moment donné, un incident éclata. Des cris et des insultes provenaient d'une ruelle parallèle ; au virage débouche un homme courant à toutes enjambées. Ses bras et sa chemise sont ensanglantés, mais voilà qu'un deuxième homme court après lui, un grand couteau de cuisine (janoui) à la main, précédant une horde de femmes et de gosses qui les suivent en hurlant. Tout la ruelle défile ainsi. En franchissant le mur d'enceinte du bloc 3 donnant sur Dar el Khalifa, le mouvement de foule s'essouffle. Entre-temps, beaucoup d'habitants sont sortis de leurs baraques pour rejoindre le groupe en conflit. Visiblement ce sont deux familles qui s'affrontent, groupée chacune autour d'un fils rebelle, pour une histoire de vol. Quelques hommes interviennent, arbitrant le conflit. La foule revient petit à petit vers le bloc, les deux hommes, auteurs de ce petit drame, se sont calmés, ils portent au visage multiples cicatrices, témoins de nombreuses rixes au couteau. Les deux gars sont relayés par les groupes de femmes qui prolongent la dispute en palabres empoisonnées et en lamentations symboliques.

Dans la vie quotidienne du Karyan, ce genre d'incident reste malgré tout un événement isolé. Quant aux faits divers rapportés par les interviewés, ils concernent des morts d'hommes survenues dans les circonstances les plus diverses :

(7) rapporte le fait que dans les 109 logements vides de Moulay Rachid, on a retrouvé le cadavre d'un enfant de 7 ans.

Selon (29), en septembre 1989, des habitants de karyan El Massira ont trouvé le corps d'une jeune fille dans des canalisations d'égouts en construction dans le bidonville. Le cadavre n'avait pas de tête, de sorte qu'il était difficile d'identifier la victime. Aussitôt découverte, les habitants ont prévenu la police. Celle-ci n'est arrivée sur les lieux que trois jours après.

Les bidonvillois se plaignent justement de l'absence des forces de l'ordre au sein du bidonville, car cela contribue selon eux à faire de ce lieu une zone franche de la violence et de l'illégalité. Les habitants rejettent implicitement la responsabilité de cet état de fait sur les autorités publiques.

(29) évoquera aussi la mort d'un garçon survenue en 1987 après une dispute devant la fontaine publique. De même dernièrement, pour une affaire de quatre dirhams, des jeunes se sont bagarrés et cela s'est terminé par la mort de l'un d'entre eux 13.

En faisant état de ce drame, ce jeune de karyan El Massira cherche à montrer la futilité de certaines disputes entre bidonvillois.

La violence marque également l'histoire de karyan Ben M'sik. Ainsi des émeutes de juin 1981, où les bidonvillois ont gardé le souvenir de morts violentes lors des affrontements avec les forces de l'ordre.

(48) se rappelle avoir vu un de ses voisins mourir devant ses yeux lors des émeutes de juin 1981.

Il faut maintenant considérer le fait d'être catalogué comme habitant de Ben M'sik, c'est-à-dire comme résident d'un quartier à risque.

7. Être catalogué comme habitant de Ben M'sik
N'étant pas très éloigné des quartiers populaires de Casablanca, karyan Ben M'sik possède une population habituée à circuler dans les divers quartiers de la ville. Pour les jeunes par exemple, les descentes au centre-ville constituent un moment important de loisirs. Familiers de la ville, les bidonvillois se savent néanmoins perçus différemment. Trop longtemps marginalisés par la représentation citadine (comme "ceux qui vivent derrière le soleil"), les karyanistes propulsés sur le devant de la scène par la crise urbaine affrontent les clichés sociologiques. Une identité en négatif est produite par la confrontation avec le milieu social urbain. Mais elle est selon nous positive dans la prise de conscience. Arrif au contraire ne veut y voir qu'un stigmate n'"opérant que dans les situations relationnelles, de face à face" qui se renforcera encore plus après le "passage précaire" par le recasement.

D'après certains, le bidonville de Ben M'sik est très connu au-delà de sa zone, mais sa notoriété reste forcément inscrite dans une vision péjorative :

(3) souffre de la mauvaise image de Karyan Ben M'sik, cette réputation traîne selon lui dans tout le Maroc.

Il faut savoir que Karyan Ben M'sik n'a été propulsé au-devant de l'actualité nationale que lors des émeutes de juin 1981. D'où la raison principale, pensons-nous, de sa "célébrité" dans tout le territoire national.

Tout en étant conscient de l'image négative de son quartier, le jeune bidonvillois constate dans le même temps qu'il peut en être de même pour d'autres quartiers de la ville. Et à lui aussi de percevoir négativement d'autres quartiers populaires.

(1) sent qu'il reste mal perçu lorsqu'il se trouve dans d'autres quartiers de Casablanca (Derb Kabir, Qahira, Fida). Mais, ajoute-t-il, lui aussi perçoit négativement les habitants de certains quartiers de la ville comme Derb Kabir et Hay Hassani.

Ce jeune a une perception similaire à celle que peuvent avoir d'autres habitants de la ville à son encontre. Pour lui, le bidonville ne détient pas l'exclusivité des problèmes sociaux. La ville est pleine de contradictions et de conflits sociaux qu'il faut appréhender dans leur ensemble. A l'appui de sa thèse, le jeune bidonvillois évoque des attitudes courantes dans certains quartiers de la ville, que par ailleurs il rejette catégoriquement :

(19) reconnaît en partie la réputation des bidonvillois de Ben M'sik. Mais lui aussi constate que dans la vieille ville, il y a des comportements inacceptables. "Il y a des filles qui fument des joints, boivent de l'alcool et qui font des choses qu'on ne voit pas à Ben M'sik."

Il arrive également que le jeune de Ben M'sik se sente perçu normalement. Ce qu'il remet alors en question, c'est que la perception de son quartier se généralise à partir d'individus ou d'événements que lui considère comme isolés :

(48) se sent malgré tout bien perçu malgré le fait qu'il soit de Karyan Ben M'sik ; "un poisson pourri suffit à gâcher tout le lot".

Quelquefois, la mauvaise image de Ben M'sik se confond également avec l'image de la pauvreté. Apparaît alors le problème du rapprochement inévitable entre pauvreté et anomie. Cette perception se retrouvera parfois au sein d'une même famille disséminée dans l'ensemble de la ville. Une rupture s'opère de ce fait entre membres d'une même famille, selon qu'il s'agisse de "citadins" ou de bidonvillois :

(73), qui a plusieurs membres de sa famille installés à Casablanca, n'entretient plus de relations familiales. "Leur oeil est une balance, ils sont riches et nous sommes pauvres. Ils disent qu'ils ne veulent pas venir dans les bidonvilles".

Conditions sociales et conditions d'habitat précaire concourent alors à un sentiment d'exclusion. Toutefois pour ne pas renforcer cette exclusion, le bidonvillois évitera de mentionner sa provenance, ou son identité :

(4) ; Parce que ses habits sont sales et déchirés, il se sent différent des gens de la ville. Il évite généralement de dire quel quartier il habite.

Dans le même sens, un jeune bidonvillois, pour échapper au sentiment d'exclusion, préfère adopter un comportement de dissimulation :

(5) ne veut pas recevoir ses amis chez lui. Il déclare avoir honte de sa condition sociale, même si par ailleurs, il est très social et ouvert au monde extérieur. Il est souvent reçu chez ses amis, mais il ne peut rendre l'invitation. Et si on lui demande où il habite, il répond qu'il est du quartier de Sbata. Il a fait exprès d'inscrire dans ses papiers d'identité l'adresse de son frère à Sbata, pour ne pas se faire repérer comme karyaniste de Ben M'sik. A propos du problème que pose sa condition bidonvilloise, (5) dit deux choses ; d'une part, il déclare non sans assurance : "quand je me trouve en ville, personne ne peut deviner d'où je viens, ni par ma façon de parler ou de me comporter, ni par mon habillement" et d'autre part, au sujet du fait qu'il cache sa véritable origine, il affirme : "je ne mens pas, je m'embellis socialement" 14. Très sensible à cet aspect des choses, il va jusqu'à éviter de correspondre 15 par courrier avec les jeunes. A part deux amis qui habitent eux aussi Karyan Ben M'sik, aucun de ses amis ne sait qui il est réellement.

Ce témoignage est important. Il est révélateur d'une tendance récente chez certains jeunes bidonvillois. Abdallah Zriqa le "poète des bidonvilles" reprend la même analyse et fait du "mensonge" (ou dissimulation) une caractéristique socio-culturelle importante chez le jeune karyaniste. Tout le monde ment pour se cacher dans la ville et participer à une "étrange comédie" constate l'écrivain 16, mais la dissimulation du bidonvillois a quelque chose d'absolu dans sa volonté d'effacer tout ce qui signale son origine. Or cette origine ne renvoie comme pour d'autres cas de dissimulation à certains aspects ou pratiques d'un individu. Elle touche dans notre cas à l'ensemble des caractéristiques socio-économiques d'un habitant de la ville. Nous reviendrons plus en détail sur cette pratique élitaire chez les jeunes bidonvillois.

8. Traverser les beaux quartiers
Lorsqu'il fut demandé aux interviewés de dire quelles étaient leurs impressions lorsqu'ils passaient devant les beaux quartiers, nous nous attendions à ce qu'en majorité, ils livrent leur perception des habitants de ces dits quartiers. Après avoir considéré le fait d'être catalogué comme habitant de Ben M'sik, les interviewés devaient maintenant nous dire comment ils cataloguaient les habitants des beaux quartiers. En fait, la majorité des réponses obtenues rapportait surtout l'effet produit par ces quartiers sur les bidonvillois.

Les interviewés décrivent un vertige, un sentiment d'abattement, voire un complexe d'infériorité :

(2) : "c'est là que tu sens ton manque, tu te sens détruit", mais après tout, "c'est normal, j'accepte la différence entre les gens".

(69) ; "tu oublies tout à ce moment-là, tu te sent complexé et tu te demande pourquoi ce genre de vie n'est pas pour nous. Tu n'éprouves ni jalousie, ni haine… juste une interrogation".

(23) se sent dépassé par ce qu'il observe. il ressent un manque profond de tout ce qui fait la culture et l'éducation des gens des beaux quartiers. Il sent une ségrégation de plus en plus marquée entre la classe riche et ceux de Ben M'sik par exemple.

Certains n'arrive pas à dépasser cette première impression, ils chercheront à éviter de regarder ce qui ressemble par trop à l'aisance et au luxe :

(5) évite de passer dans les beaux quartiers car il se sent alors envieux. "Mais Dieu en a voulu ainsi".

(48) souffre, baisse la tête et prie Dieu de l'aider.

(66) ; "on soupire et on retourne chez nous".

D'autres développeront un ressentiment, consenti par la comparaison des conditions et du niveau de vie :

(29) ; "regarde ce que Dieu leur a donné, regarde ce que Dieu m'a donné."

(31) ; "ces gens-là vivent dans le luxe, alors qu'à Ben M'sik…"

(25) y voit une contradiction ; "les habitants des beaux quartiers ont travaillé et réussi dans leurs vies, tandis que les bidonvillois ont travaillé et n'ont pas réussi…"

(9) ; Au quartier d'Anfa, il ne voit qu'ostentation. Là-bas, il n'y a pas de simplicité, pas de naturel.

En comparant des situations tout à fait opposées, certains préfèrent faire montre d'humour noir :

(7) éprouve alors une sensation bizarre : "parce que dans mon cas, je dois me battre de peur que l'on me prenne ma baraque".

(18) pense que la différence reste grande entre Ben M'sik et les autres quartiers de la ville. "Certaines villas possèdent un garage plus grand que ma baraque".

Ces comparaisons entre réalités opposées aboutit parfois à des projections momentanées :

(64) sur le moment, se sent complexé. Puis ensuite il essaie de vivre cet instant par procuration.

(4) rêve de vivre lui aussi comme "eux".

Et puis, il y ceux qui voient dans les beaux quartiers simplement des lieux de promenade :

(8) aime aller se promener dans les beaux quartiers. Pour se changer les idées, pour respirer un bon air et admirer le décor des belles maisons.

(3) va souvent à Anfa pour voir de beaux paysages, des gens bien élevés, mais il ressent tout de même de l'injustice lorsqu'il observe les enfant gâtés des quartiers luxueux.

9. A propos de la préfecture Ben M'sik-Sidi Othman
Lorsque les bidonvillois s'expriment sur le rôle de la préfecture de Ben M'sik-Sidi Othman, ils émettent des avis divers sans être sûrs de la nature exacte de la préfecture. La préfecture est tour à tour chargée de l'urbanisme, de la bureaucratie, en même temps qu'elle est le siège central des autorités publiques.

Pour ce qui est des interviewés du bloc 3, ils se montrent généralement très sévères vis-à-vis de l'action de la préfecture :

(1) ; "il y a eu des changements positifs à Ben M'sik, mais ils restent encore insuffisants : il y a toujours des bidonvilles à Ben M'sik. En fait, la préfecture exploite les fonds destinés aux bidonvillois, en plus de ceux que les habitants ont versé pour le recasement."

Etant donné que les habitants du bloc 3 sont en quelque sorte les laissés-pour-compte de l'opération de recasement, on saisit mieux le ressentiment de certains d'entre eux :

(4) ; "la préfecture n'a encore rien fait pour les bidonvillois".

(3) ; "certaines choses ont changé, mais la préfecture ne travaille que pour son propre intérêt. Pour les gens du bloc 3, la préfecture ne veut rien faire. Quand au jardin public, c'est un parc provisoire, en attendant d'y mettre à sa place un lotissement".

(7) ; "le rôle de la préfecture ? Nous sommes toujours ici, les égouts passent devant nos portes alors qu'il y a 109 maisons vides et abandonnées à Moulay Rachid …" 17

Parmi les gens du bloc 3, il y a quelques-uns qui ne peuvent nier l'action entreprise en faveur des bidonvillois. Mais il se dépêcheront de préciser qu'il faut y voir une autre explication, politique ou économique :

(15) ; "le déplacement des bidonvillois sert d'abord les intérêts de la préfecture".

(16) considère que la préfecture ne s'intéresse aux problèmes des bidonvillois que dans la mesure où elle y voit son propre intérêt, à savoir un "but capitaliste".

(18) ; "Ben M'sik a un peu changé… Mais que fait en réalité la préfecture pour les habitants si ce n'est pour son propre intérêt ?"

De même pour les bidonvillois des autres blocs qui attendent le recasement, ils ne sont pas en mesure de voir les résultats positifs de la préfecture en ce qui concerne les bidonvilles. Pis, depuis que l'opération de recasement a débuté, il n'est plus question de traiter les problèmes en suspens dans le bidonville. Pour le bidonvillois, la situation reste d'autant plus précaire qu'il se sait en situation provisoire, et que rien de durable ne peut être actuellement entrepris :

(63) ; "la préfecture ne fait rien dans le bidonville. Il manque de tout ici. En été, la chaleur est infernale, et l'hiver il y a la pluie. Et puis il y a le danger permanent du feu".

La mère de famille qui s'exprime là impute à la préfecture jusqu'aux conditions climatiques du quartier bidonvillois. Au-delà de l'aspect cocasse du commentaire, il faut savoir qu'il n'y a pas plus mauvais isolant thermique que le zinc et le bois combinés. En second lieu, cette femme témoigne ainsi de son statut d'assistée, en nous laissant deviner la place et la responsabilité qu'elle accorde au rôle de l'État.

Dans ce cas de figure, ce que les habitants retiennent en premier lieu c'est qu'ils ont payé le préfinancement de leur futur logement et que depuis, ils sont en situation d'attente :

(5) ; "l'État ramasse des milliards des bidonvillois et ne fait rien pour eux… Zéro". Quant à l'aménagement de l'ensemble de la préfecture, il reconnaît qu'un certain changement s'est opéré au niveau de certaines avenues et de certains terrains. "Il y a plus de jardins publics…Mais il manque les usines, et c'est la base la plus importante".

Ici, les changements de l'aménagement urbain sont volontiers reconnus, et même appréciés, mais ce qui préoccupe notre interviewé, c'est la question de l'emploi. Dans ce type de discours, on voudrait voir étendre l'action de la préfecture pour tout ce qui touche aux conditions et au niveau de vie des habitants, à savoir la question de l'emploi en même temps que celle du logement :

(21) ; "celui qui a une expérience de l'administration (par des procès, avec des juges ou en prison) ne peut avoir une opinion favorable de la préfecture, malgré le fait que ces derniers temps il y ait eu certains changements. Mais au niveau de l'emploi, la situation reste la même.
(…) Seul le fils de Zerktouni
18, lorsqu'il était encore à Ben M'sik, faisait du bon travail".

(19) ; "On dit que c'est la meilleure préfecture de Casablanca, qu'elle a commencé à s'organiser…Il y a une certaine amélioration des avenues, des maisons et des terrains. Mais il manque l'organisation administrative. La majorité des bidonvillois a payé depuis 1982 pour des maisons qu'on leur avait promises. Nous voudrions savoir où est passé cet argent. Lorsque tous les bidonvillois auront leur logement, alors on pourra dire que la préfecture aura rempli son rôle jusqu'au bout. Parce qu'à la base de tout, il y a le logement".

Avec un programme ambitieux vis-à-vis des bidonvilles et des résultats encore provisoires, la préfecture a par ailleurs été l'occasion d'une grande dépense financière pour la construction (rapide) de ses luxueux bâtiments administratifs. C'est le paradoxe que constate un jeune du bloc 23, dont le père a depuis longtemps payé le préfinancement du recasement et qui, depuis, attend de quitter sa baraque :

(6) ; "avec tout l'argent qu'a coûté cette préfecture, tous les bidonvillois de Ben M'sik auraient pu être recasés. Et actuellement, c'est loin d'être réglé, si ce n'est pas raté".

Dans ce que rapportent les interviewés, il y a tout de même une reconnaissance (implicite ou explicite) du fait que la préfecture a concrétisé un certain nombre d'actions :

(34) ; "la préfecture a fait des progrès".

Et pour un certain nombre d'interviewés, la préfecture de Ben M'sik est en train de devenir la meilleure préfecture de la ville, sinon de tout le pays. Or, jusqu'alors, nous n'avions entendu ce genre de propos que de la bouche de fonctionnaires et architectes de la préfecture. Il est très possible que Ben M'sik soit en train de devenir une préfecture modèle. Et ce qui ressort des quelques avis très favorables sur la question, c'est qu'il est appréciable pour les bidonvillois que la réputation de la préfecture de Ben M'sik puisse rejaillir sur eux :

(64) ; "jardins, cafés, mosquées, la préfecture a tout changé. Il y a beaucoup de nouvelles constructions à Ben M'sik. Un jour viendra où Ben M'sik sera mieux que la ville. Mais pour les bidonvillois, il n'y a pas grand-chose de changé".

Le fait que certains bidonvillois, malgré leurs difficultés présentes, puissent être satisfaits de leur préfecture est très important. Ils démontrent que les habitants des baraques sont d'une certaine manière fiers de l'action de la préfecture, même si cela ne peut directement s'exprimer dans leur réalité. Même s'il se sent exclu du changement, le bidonvillois reste concerné par ce qu'entreprend par ailleurs la préfecture. A cet égard, l'"urbanisme offensif" signalé par l'émulation des différentes préfectures de Casablanca semble produire un certain effet chez les bidonvillois de Ben M'sik. En constatant que la préfecture de Ben M'sik est la meilleure préfecture, le bidonvillois sait que cela va changer l'image de son quartier :

(71) ; "c'est la plus belle préfecture du pays, mais elle a laissé tomber les gens du bidonville depuis que Zerktouni est parti".

(2) ; "il y a encore beaucoup à faire à Ben M'sik. Mais malgré cela, c'est la meilleure préfecture de Casa".

Pour l'habitant de karyan El Massira, qui sait que l'opération El Massira est d'ores et déjà réussie en grande partie, la préfecture a accompli sa tâche.

(69) ; "la préfecture est en train de résoudre définitivement le problème des bidonvilles".

Vue de Moulay Rachid, la préfecture peut également avoir le beau rôle.

(54) ; "la préfecture a rempli son contrat".

Toujours à Moulay Rachid, certains estiment néanmoins que la préfecture n'a pas tout réglé. Une fois installé dans sa maison, l'habitant se montre plus exigeant quant à certains services que doivent assurer les autorités publiques.

(52) ; "la préfecture n'en fait pas assez. Si elle travaillait pour de bon, il n'y aurait pas tous ces terrains vagues pleins d'ordures qu'on voit par exemple en face du groupe 4".

(58) ; "la préfecture doit faire un effort en ce qui concerne l'éclairage public".

En étant devenus des habitants de la ville à part entière, certains interviewés conçoivent maintenant que le changement doit maintenant toucher les représentants de la préfecture ainsi que leurs relations avec les habitants :

(41) constate qu'il y a une meilleure organisation à Casablanca. On remarque les changements du fait de l'aménagement de zones vertes et de la transformation des rues et des avenues. Les progrès réalisés s'expliquent selon lui par le fait que la ville soit maintenant divisée en six préfectures.
Toutefois, la préfecture de Ben M'sik n'exerce pas un contrôle des prix. Et de manière générale, elle ne s'occupe pas de tout ce qui concerne le quartier de Moulay Rachid.
Pour ce qui est des relations avec les représentants du makhzen,
(41) estime qu'elles sont restées les mêmes qu'auparavant. Pour l'obtention d'un certificat de résidence ou d'un extrait d'acte de naissance, il faut verser de l'argent pour accélérer les choses. De ce point de vue là, "c'est eux qui n'ont pas changé".

(38) ; "en principe les autorités devraient procurer une certaine tranquillité aux habitants. Mais ici, tu n'as pas peur des citoyens, ce sont les policiers que tu crains". Aussi préfère-t-il vivre en marge, pour éviter les ennuis. Et puis, pour le moindre papier administratif, il faut verser dix dirhams au moqadem. Quant au rôle de la préfecture, il considère qu'elle ne fait que soigner les apparences. "Si au moins, elle pouvait fournir des équipements sociaux".

Pour un jeune scolarisé au chômage, la préfecture représente le milieu social de Ben M'sik et non une administration à proprement parler. D'une certaine façon, c'est aussi la définition d'une préfecture moderne qu'il propose, à savoir confondre l'image de l'institution avec celle de la société. En dégageant certaines perspectives sociologiques de la jeunesse urbaine, il signale deux de ses plus importantes aspirations, politique de l'emploi et société des loisirs :

(23) ; "la préfecture de "Casa 04" est la pire préfecture du pays. La police est composée de voleurs et la jeunesse est constituée à 60% de "salopards" incultes et drogués. Mais il y a tout de même des débuts positifs, les gens petit à petit changent, ils pensent à bien s'habiller, les comportements et la communication entre les personnes s'améliorent. Les jeunes, qui sont très nombreux dans le "04", n'ont pas de possibilités de travail. Et pour ce qui est des loisirs, comme il n'y a pas grand-chose à faire à Ben M'sik, ils doivent descendre au centre-ville".

En reconnaissant le fait incontestable que Ben M'sik est en transformation, l'habitant ne conclut pas systématiquement à un bilan positif de l'action de la préfecture. Parfaitement conscient qu'il est trop tôt pour le faire, l'avis de l'interviewé va plutôt porter sur l'interprétation des actions entreprises dans le cadre de la préfecture. Et c'est là que s'instaure le débat. La préfecture doit-elle s'occuper uniquement du paysage urbain ? Dans ce cas-là, les progrès sont réels, et il n'y a plus matière à discussion. Or, c'est justement ce que refusent de faire les bidonvillois lorsqu'il leur est demandé leurs avis. Ils préféreront aborder les autres questions en suspens, celles qui les concernent plus directement. Ce faisant, les discours des interviewés démontrent qu'ils ont une vision assez cohérente du rôle de leur préfecture : la préfecture doit alléger sa bureaucratie, en même temps qu'elle doit travailler à la question de l'emploi, sans parler de celle du logement, plus ou moins en cours actuellement :

(14) ; "la préfecture a fait des progrès, c'est plus facile maintenant de régler les problèmes de papiers… Quant au bidonville, l'effort n'est pas encore suffisant, et c'est ça le problème".

(20) estime que la préfecture, bien qu'elle ait les moyens, souffre de problèmes administratifs. En ce qui concerne l'action dans les bidonvilles, il constate qu'il n'y pas grand-chose de fait pour la propreté, comparé par exemple avec les bidonvilles de Rabat 19.

Et s'il faut délimiter le rôle de la préfecture au seul aménagement du paysage urbain, alors l'habitant n'y verra rien à redire, sinon que les aspects sociaux de l'urbanisme sont ignorés :

(25) ; "la préfecture s'occupe très bien des routes, rues, jardins publics et de tout ce qui n'est qu'apparent".

(32) ; "à part les avenues, les rues et les trottoirs, je ne vois pas qu'est-ce que peut bien faire la préfecture. Il manque les programmes sociaux".

L'habitant qui a une expérience en matière de groupement associatif évoquera quant à lui un problème de communication :

(36), ancien membre de l'association des habitants de Lahrawiyin ; "A Rabat, tu peux aller rencontrer un ministre et ici, le gouverneur ne peut pas te recevoir".

Le problème de la communication est une question centrale. Entre producteurs et usagers de l'espace urbain, la relation semble trop politisée. Malgré les changements indéniables apportés à Ben M'sik-Sidi Othman, rien n'a encore sérieusement changé à ce niveau-là. Pour être en phase avec le lancement de l'"urbanisme offensif", sur le plan des ressources humaines, de nouvelles pratiques sont à mettre en place au sein du milieu institutionnel.

Sinon, le bidonvillois risque de s'enfermer plus encore dans la relation gouvernants-gouvernés, et dans la non-participation. Telle cette mère de famille, à qui il est demandé son avis sur l'action de la préfecture et qui préfère répondre :

(66) ; "la préfecture est belle, et lorsque l'on passe devant, on l'admire"…

C'est là l'opinion de ceux pour qui les autorités du pays n'ont jamais développé une communication appropriée, visant à sensibiliser les habitants sur les enjeux qu'il leur faut avec eux relever. La préfecture a certes un rôle important et positif, mais on note l'absence de communication et d'échange fructueux entre les habitants et la préfecture. Dans leurs relations avec les autorités publiques, les habitants confondent préfecture et pouvoir politique, et s'imaginent dans une position non pas de partenaires sociaux, mais de personnes assistées dont l'avis n'est pas écouté. Les contacts avec l'administration se résument uniquement à ceux menés avec certains responsables de la délégation de l'habitat ou alors à ceux que l'on peut avoir avec le caïd et le moqadem (pour l'obtention d'un papier administratif ou pour l'autorisation de travaux de réfection dans la baraque). Sorti de cela, il n'y a rien d'autre. Il n'est jamais question d'élus. La mentalité d'assisté qui marque parfois le milieu bidonvillois est la séquelle de cette relation de pouvoir omniprésente dès lors qu'il y a prise de contact avec des autorités publiques. Cette mentalité s'entretient par toutes les tentatives précédemment établies avec l'Administration. Lorsqu'on est confronté aux problèmes de la croissance urbaine tels qu'ils existent à Casablanca, continuer d'entretenir cette confusion entre pouvoir et administration conduit à renforcer le sous-développement du système socio-politique. Tant que les autorités maintiendront le type de relations existant avec la population bidonvilloise, il n'y aura pas de résultat motivant dans l'approche des populations concernées.

Notes

1 Cette constatation n'est pas nouvelle. Susans E. Waltz notait en 1979 : "Hommes et femmes sont d'accord pour dire que les W-C. publics constituent la plus grande source d'irritation dans Ben M'sik. La plupart des W. C. sont situés dans le quartier de Sidi Othman (propriété privée) du bidonville : les hommes et les enfants sont les seuls à s'en servir. Ils sont en général sales, envahis d'eaux vannes à l'intérieur et entourés d'une fosse remplie d'immondices et d'excréments humains. Il est impossible aujourd'hui d'avoir accès à bon nombre d'entre eux, car ils sont devenus des dépôts d'ordures". Étude socio-économique de Ben M'sik à Casablanca, analyse préliminaire des données, 15 mars 1979, Louis Berger International, INC. Washington, D.C., p. 13.
 

2 Arrif constate pour sa part qu'une des "formes d'appropriation de l'espace et d'organisation sociale est la gestion des contraintes que comportent le bidonville à travers ses équipements défaillants et insuffisants". Il inclut dans ces formes d'appropriation la transformation des W-C. en lavoir ce qui permet une meilleure propreté des lieux. Abdelmajid Arrif, Le passage précaire… op. cité, p. 91.

3 "…un locataire d'immeuble "social" a moins de chances d'appropriation harmonieuse de l'espace qu'un propriétaire d'habitat individuel…", F. Navez-Bouchanine, Modèle d'habiter et crise de l'urbain : la situation vue à partir du Maroc, op. cité, p. 89.

4 Cette remarque n'a pas échappé aux bidonvillois toujours installés à karyan Ben M'sik. Lorsqu'ils évoquent les inconvénients du quartier de Moulay Rachid, les interviewés parlent du manque d'équipements sociaux, du problème de la délinquance, mais également des mauvaises relations entre associés.

5 Sur ce point, fut recueilli à deux reprises les propos de jeunes (de Moulay Rachid et de karyan Ben M'sik) qui donnent une note sentimentale. La beraka, ne l'oublions pas, a représenté l'espace d'une vie, c'est pourquoi il est concevable de vouloir "aimer entendre le bruit de la pluie sur le zinc".

6 Pour ce qui est de la cour, nous avons pu observer le cas d'une maison où elle était recouverte d'une toiture légère et transformée en une grande salle de séjour.

7 La même carence a existé à Douar Doum malgré le fait que le Projet de Développement Urbain (PDU) prévoyait la création d'emplois.

8 Il est intéressant de constater qu'aussi bien au bidonville que dans la cité nouvelle (mais pour des motifs différents), certains habitants déclarent avoir honte de recevoir un invité. Au bidonville, c'est l'habitat en soi qui pose problème (manque d'espace, absence de W-C.) tandis qu'à Moulay Rachid, c'est le niveau de vie qui compromet l'hospitalité (le budget alimentaire est réduit au minimum).

9 Ce point est également observé à Douar Doum où il a pris une forte ampleur. Le phénomène a été mis en évidence en 1984 suite à l'opération de restructuration, il figure dans le document Evaluation du projet Doum, F. Debbi, F. Navez-Bouchanine, G. Olivero et F. Zniber, INAU, Rabat.

10 "Quand on leur demande ce qui leur déplaît dans le bidonville, un pourcentage massif des personnes interrogées (75 pour cent) mentionnent les mauvaises conditions sanitaires du bidonville. (…) Cependant, à la question qui obligeait à un choix entre "crainte de l'incendie" et "problèmes sanitaires" pour établir le plus grave problème du bidonville, 83 pour cent ont opté pour la crainte de l'incendie. De même, 84 pour cent ont indiqué que la crainte de l'incendie constituait pour elles un problème plus grave que le chômage". Susan E. Waltz,Etude socio-économique de Ben M'sik à Casablanca, analyse préliminaire des données, op. cité, p. 12.

11 Ce problème est d'autant plus important qu'il concerne maintenant l'ensemble Ben M'sik-Sidi Othman en raison du déplacement (de hay Mohammadi à Sidi Othman) du marché de gros de Casablanca .

12 Ainsi personnellement constaté à l'avenue N qui longe les groupes 1, 2 et 4 de la cité Moulay Rachid. De nuit, l'avenue n'est pas éclairée sur une grande partie de la voie ; des bandes d'adolescents se terrent dans les terrains vagues avoisinants et rackettent le motocycliste ou le passant qui s'aventure dans cette zone.

13 Événement également rapporté par (34). Selon ce dernier, le mort, alors âgé de 21 ans, était un de ses voisins du bloc 16 de karyan El Massira. L'incident serait arrivé en 1989 durant le mois de ramadan.

14 … en arabe :"La akdib, lakin atajamal " . C'est aussi le titre d'un film égyptien qui a connu un grand succès au Maroc et qui traite exactement du même problème : il raconte l'histoire d'un brillant universitaire qui n'a qu'une tare, celle d'habiter la cité des morts au Caire. D'où sa tentative de se créer une autre "peau" sociologique, conforme aux canons socio-culturels de la société dominante.

15 L'interviewé parle du courrier de tous les pays qui se traite dans les revues de jeunes.

16 Le contournement des normes est une conduite individuelle qui permet d'éviter certaines pesanteurs sociales. Ce faisant, l'individu ne choisit pas de négocier le changement social. La dissimulation reste plus proche d'une attitude dissidente que d'une tentative d'émancipation.

17 Il y a effectivement 109 logements inhabités à Moulay Rachid le long de l'avenue Driss El Harti, dont on dit qu'ils sont propriété de la Promotion Nationale. Ceux-ci seront très certainement destinés à la démolition, en raison du projet d'immeubles situés aux bordures des avenues N et Driss El Harti. Selon cet habitant du bloc 3, les 109 logements vides de Moulay Rachid auraient pu accueillir les (135) familles du bloc 3. D'où son amertume devant ce qu'il considère un gaspillage.

18 La personne dont il est question est de la famille du héros nationaliste marocain Zerktouni, martyr de la résistance armée à Casablanca. C'est un ancien fonctionnaire de la commune de Ben M'sik qui travaille actuellement dans la commune de Sidi Moumen. Il est le représentant des autorités publiques le plus respecté par la population bidonvilloise de Ben M'sik. Beaucoup d'habitants ont loué son efficacité et son sens de la justice. Ainsi par exemple, (8) rapporte qu'après que la police eut un jour confisqué son chariot de glace (parce que n'étant pas détenteur d'une patente de commerce), Zerktouni a statué en sa faveur et lui a finalement rendu son outil de travail.

19 La remarque de l'interviewé est importante : les bidonvilles de Rabat n'ont pas grand-chose à voir avec ceux de Ben M'sik sur le plan de la propreté et de l'organisation générale du quartier. Cela s'explique en raison même de la géographie urbaine de Rabat, capitale du royaume. Du point de vue la taille des quartiers, de la distance séparant les bidonvilles du centre de la ville, et du degré d'insertion de ses habitants dans la ville, la sous-intégration urbaine reste moindre, ne serait-ce qu'en raison du statut politique de cette capitale (une ville makhzania). L'observation est tout autant valable pour les sites restructurés de Rabat, ainsi Douar Doum est beaucoup plus soigné que certains groupes de Moulay Rachid.

 

Extraits de Réda Benkirane, Bidonville et recasement, modes de vie à karyan Ben M'sik (Casablanca), Institut Universitaire d'Études du Développement (IUED), Université de Genève, 1993, 200 pages.

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