par Réda Benkirane
Le Temps, 22 janvier 2009 (paru sous le titre Boycottez les produits israéliens !)
Il est temps pour la société civile planétaire d’exiger une série de mesures concrètes pour mettre un terme à l’impunité de Tsahal dans sa violation du droit de la guerre et des conventions humanitaires de Genève. Ce que la communauté internationale avait entrepris avec succès vis-à-vis du régime d’apartheid sud-africain devrait nous inspirer.
Depuis 60 ans la population palestinienne en paie le prix atroce : la politique coloniale israélienne est le dernier grand reliquat des questions irrésolues du siècle dernier. L’Etat d’Israël, né au lendemain de la Seconde guerre mondiale, et dont la suprématie militaire a dissuadé depuis 1967 l’ensemble des pays arabes de toute illusion de confrontation armée, refuse d’évoluer et fait tout depuis 40 ans pour empêcher la solution de deux Etats, solution définie par le droit international et auquel le processus de paix des accords d’Oslo (1993-2000) devait aboutir.
Si à ses débuts le sionisme a eu ce double visage de lutte de libération nationale pour les immigrants juifs et de mouvement colonial pour les populations arabes de Palestine, en ce 21ème siècle, du sionisme historique il ne reste que sa face coloniale et dominatrice. Dans les conditions d’un affrontement militaire asymétrique avec Israël, la résistance palestinienne ne peut que se radicaliser ainsi que le montre l’envoi de roquettes sur le sud d’Israël – cause mais aussi prétexte pour déployer l’opération démesurée et longuement préparée « Plomb endurci » de Tsahal.
L’Etat israélien qui se voulait un Etat juif et démocratique, est dans les faits un Etat démocratique pour ses citoyens juifs et un Etat juif pour les Arabes israéliens. Quel avenir justement pour le « Juif des Etats » quand celui-ci maintient un statu quo absurde et probablement suicidaire, poursuit les colonies de peuplement dans les Territoires occupés, l’annexion de Jérusalem, la mise sous tutelle de l’autorité palestinienne et du Fatah et l’isolement du Hamas ? Quelle issue politique peut-il entrevoir quand par ailleurs la population arabe israélienne, qui représente d’ores et déjà 20% de la population nationale, sera majoritaire demain, c’est-à-dire dans 20 ou 30 ans ?
L’aveuglement de la politique israélienne – conduite par une élite désabusée, minée par la corruption et qui tarde à se renouveler – est tel qu’il est en train de saper l’avenir à long terme de l’Etat israélien sans que dans le court terme aucune sécurité ne soit assurée à ses citoyens. Les spécialistes de prospective ne peuvent plus écarter à long terme le scénario d’une métamorphose telle qu’une auto dissolution pacifique d’Israël du fait de ses contradictions internes (comme pour l’URSS) et externes (comme pour l’Afrique du Sud).Cette hypothèse d’un Etat binational sur le territoire de la Palestine historique au sein d’un Moyen Orient pacifié et prospère, aussi impensable soit-elle aujourd’hui, est une probabilité qui se précise toujours plus au fur et à mesure qu’Israël poursuit son attitude psychorigide vis-à-vis de la résolution définitive du conflit séculaire qui l’oppose aux Palestiniens.
L’entrée en fonction du président américain Barak Obama doit maintenant démontrer que son slogan de campagne Yes we can a une incidence planétaire et s’appliquer à traiter d’urgence une fois pour toutes le cancer israélo-palestinien. Car l’impunité des autorités israéliennes se nourrit de solides appuis extérieurs : ainsi quelques jours à peine avant le déclenchement de l’acharnement militaire sur Gaza, les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, sous l’impulsion du président français et son ministre Bernard Kouchner (l’inventeur du « droit d’ingérence humanitaire »), avaient adopté, un texte visant à un « rehaussement des relations avec Israël » (8 et 9 décembre 2008). Nous en payons le prix aujourd’hui par le tapissage de bombes au phosphore et une catastrophe humanitaire touchant 1,5 million de Palestiniens de Gaza.
Face à l’étau israélien, il n’y a pas de fatalité et la violence n’est pas la seule réponse possible. Pour faire pression sur l’administration américaine, l’Union européenne, les Nations Unies et les gouvernements arabes,grèves, boycott des produits israéliens, lobbying auprès des parlements, des entreprises internationales implantées en Israël et dans les territoires occupées, chaînes humaines, prières collectives, minute de silence, etc., sont une palette d’actions pouvant être déployée au sein du « village global » pour imposer un changement radical de paradigme vis-à-vis d’Israël.
Il est temps d’envisager des mesures de rétorsion contre les crimes humanitaires de Tsahal. L’heure est venue pour qu’une véritable « politique de civilisation » contraigne Israël à se conformer aux résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ainsi le boycott économique est une arme non violente mais des plus dissuasives pour en finir avec l’occupation et la répression du peuple palestinien.
Réda Benkirane