Sur quelques notions évoquées dans le texte


Opposition de la grâce et de la nature dans le christianisme
La grâce, aide surnaturelle qui rend l'homme capable d'accomplir la volonté de Dieu et de parvenir au salut, tranche sur le comportement naturel de l'homme. La théologie cherche à montrer le rapport entre la grâce, comprise comme une substance spirituelle, une force divine infusée à la nature humaine par les sacrements, d'une part, et la nature de l'homme, sa liberté et son pouvoir de décision, d'autre part. Après des siècles de divisions sur ce thème difficile, l'oecuménisme aurait permis de réaliser là-dessus un certain consensus.

Débat de la prédestination
La prédestination est la doctrine théologique selon laquelle Dieu choisit lui-même de sauver l'homme. C'est aussi l'intention qui aurait animé Dieu quand il a, de toute éternité, déterminé le destin de l'humanité et l'avenir du monde. Le Coran mentionne à plusieurs reprises le "décret divin" par lequel toutes choses ont été créées et décidées. Leibniz disait à ce propos: "Tout est déterminé sans doute, mais comme nous ne savons pas comment il l'est ni ce qui est prévu et résolu, nous devons faire notre devoir, suivant la raison que Dieu nous a donnée et suivant les règles qu'il nous a prescrites." En Islam, l'apparente contradiction entre la liberté de l'homme et la prédestination de ses actions a fait l'objet d'abondantes controverses où s'affrontaient qadariyya (partisans du libre arbitre) et jabariyya (partisants du "c'est écrit" ou maktoub). L'orthodoxie sunnite recherchait entre ces deux tendances opposées un juste milieu.

Scolastique
La scolastique, régime de pensée et d'enseignement en honneur au Moyen Age à partir du XIIIe siècle, principalement en théologie, se caractérisait par la lectio, commentaires destinés à faire comprendre des oeuvres de nature religieuse, philosophique ou scientifique, la quaestio, questions posées par le maître afin de résoudre des problèmes de théologie ou de philosophie selon un schéma rigoureux, et la disputatio, débat public entre maître et élèves. Cette méthode permit le développement des arts du langage, en particulier de la grammaire et de la dialectique. Parmi les scolastiques célèbres on peut citer:

Pierre Abélard (1079-1142) qui enseigna la théologie scolastique et la logique. Chanoine de Notre-Dame de Paris, il fut aimé d'Héloïse et l'épousa en secret. En butte à de vives oppositions doctrinales, auxquelles s'ajoutent les rancoeurs de l'oncle d'Héloïse, le chanoine Fulbert qui le fait émasculer, Abélard subit une nouvelle condamnation provoquée par Saint-Bernard. Il fonde le couvent de Paraclet et meurt à Cluny.

Ramon Llull (1235-1315), théologien, poète et alchimiste catalan. Sa vie et son oeuvre furent dominés par la volonté de répandre le christianisme: il s'opposa aux doctrines d'Averroès, s'attacha à enseigner l'arabe et l'hébreu dans les universités, et entreprit de nombreux voyages pour convertir les musulmans d'Afrique du Nord où il passe pour être mort, probablement lapidé. Ramon Llull donna au catalan son prestige littéraire.

Jihâd
Etymologiquement, jihâd signifie effort tendu vers un but déterminé, par exemple effort sur soi-même en vue d'un perfectionnement. La racine du mot j.h.d. ne vise que "l'effort", la "peine". D'après la doctrine classique générale et dans la tradition historique, le jihâd consiste en l'action armée en vue de la défense de l'Islam, et, éventuellement, de son expression. En principe, le jihâd est la seule forme de guerre concevable en Islam. A cette racine se rattache aussi, au réfléchi, le terme canonique d'ijtihâd, "initiative" en matière doctrinale ou jurisprudentielle. Selon l'adage, "la porte de l'ijtihâd s'est fermée" depuis le IVe siècle de l'Hégire, c'est à dire à peu près depuis notre Xe siècle, faisant place au traditionalisme et au conformisme (taqlîd).

Califat
Terme dérivé de celui de calife, souverain musulman et successeur de Muhammad. Par extension, le califat est le territoire soumis au calife, la durée de son règne ou de sa dynastie. L'institution califienne naquit au lendemain de la mort du Prophète, quand le nouveau chef de la communauté, Abû Bakr, devint khalîfat rasûl Allâh, remplaçant ou "successeur" du Prophète. En mars 1924, les Turcs ont aboli le califat et la umma perdit son cadre institutionnel. La déchéance du califat provoqua en Egypte la thèse audacieuse du cheikh Alî Abd al-Râzîq sur L'Islam et les sources du pouvoir (1926), tentative de laïciser le droit constitutionnel qui souleva un énorme scandale et resta malheureusement sans lendemain.

Soufis
Mystiques de l'Islam. Mot d'origine arabe, le soufisme (terme dérivé de çoufi , mot qu'on met en rapport avec çouf, "laine", allusion au vêtement grossier que revêtaient les ermites) sert communément à désigner la mystique islamique. Il recouvre une multitude de courants, souvent divergents dans leur pratique et leur doctrine. Le soufisme est reconnu en Islam comme une démarche religieuse à part entière, même s'il suscite souvent des réactions de rejet de la part de l'orthodoxie sunnite.

L'épisode abyssin de la vie du Prophète
Quelques années avant l'Hégire (émigration massive des premiers Musulmans vers Médine), la persécution devint si redoutable que Mahomet envoya un groupe de ses partisans chercher refuge en Abyssinie. Le souverain chrétien de ce pays leur fit bon accueil; la tradition rapporte qu'il fut ému aux larmes en entendant ces Arabes affirmer la plus profonde vénération pour Jésus et la Sainte-Vierge.

La tradition historique de respect des autres religions

La notion de l'Islam répandu par l'épée (du moins pour les premiers temps de l'expansion arabe) est abandonnée depuis que l'étude critique des sources a montré que les Arabes vainqueurs ne laissèrent jamais aux vaincus l'alternative de se convertir ou d'être exterminés. Ils contraignaient simplement les Gens du Livre (les Juifs et les Chrétiens) au paiement d'une capitation et à l'allégeance au souverain, moyennant quoi ils garderaient le droit de s'administrer. C'est le statut de dhimî:


Ne controversez avec les Gens du Livre que de la plus belle sorte, sauf avec ceux qui auraient fait preuve d'iniquité.
Dites, par exemple: "Nous croyons à la descente sur nous opérée, à la descente sur vous opérée. Notre Dieu ne fait qu'un avec le vôtre. A lui nous nous soumettons."

Coran, XXIX, 46 (Trad. J.Berque).


Les Arabes victorieux eurent tôt fait d'assimiler les Zoroastriens de Perse aux Gens du Livre. Seuls les païens idolâtres, auxquels les Musulmans eurent rarement affaire au début, subirent des traitements plus durs. La préoccupation majeure des conquérants ne semble nulle part avoir été la conversion directe des vaincus, mais l'établissement de leur propre hégémonie et l'organisation du paiement du tribut qui en était la conséquence immédiate. L'histoire raconte que le calife Omar ne voulut entrer à Jérusalem qu'avec un petit nombre de ses compagnons. Il demanda au patriarche Sophronius de l'accompagner dans tous les lieux consacrés à la tradition religieuse et déclara ensuite aux habitants qu'ils étaient en sûreté, que leurs biens et leur églises seraient respectés, et que les Musulmans ne pourraient faire leurs prières dans les églises chrétiennes. La conduite d'Amrou en Egypte ne fut pas moins bienveillante. Il proposa aux habitants une liberté religieuse complète, une justice impartiale pour tous, l'inviolabilité des propriétés et le remplacement des impôts excessifs des empereurs grecs par un tribut annuel.

Inverbation
Le Coran est considéré par les Musulmans comme le livre saint par excellence. C'est la parole de Dieu devenue livre (inverbation). La théologie musulmane a d'abord débattu d'un propos crucial: le Coran est-il créé ou incréé? La majorité des savants considère qu'un livre qui est la parole de Dieu ne peut pas avoir été créé puisque la parole de Dieu a toujours existé. Le Coran serait donc incréé et éternel: telle est la position de la doctrine classique.

Quelques termes


Etiologie
D'étude des causes des maladies, l'étiologie devient aussi synonyme de recherche des causes objectives d'un rite ou d'une coutume.

Eschatologie
Ce qui a trait aux théories et récits de la fin du monde et de l'homme, ainsi qu'à la résurrection et au jugement dernier.

Mosaïsme
Ensemble des doctrines et institutions religieuses que les Juifs reçurent de Moïse. Synonyme de Judaïsme.

Transoxiane
Nom donné à une région d'Asie s'étendant au sud-est de la mer d'Aral vers les contreforts de l'Hindou-Kouch, comprenant les villes de Samarcande et de Boukhara.


Sources: Jacques Berque; Découverte de l'Islam, par Roger du Pasquier, Paris, Seuil, 1984; Encyclopédie de l'Islam; L'Islam, par Anne-Marie Delcambre, Paris, La Découverte, 1991; Dictionnaire encyclopédique de l'Islam, par Cyril Glassé, Paris, Bordas, 1991.

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© Le Temps stratégique, Genève, 1995. le.temps@edipresse.ch

 
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