{"id":884,"date":"2015-01-11T23:52:20","date_gmt":"2015-01-11T22:52:20","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=884"},"modified":"2015-01-17T13:12:00","modified_gmt":"2015-01-17T12:12:00","slug":"faim-au-sud-crise-au-nord","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=884","title":{"rendered":"Faim au Sud, crise au Nord"},"content":{"rendered":"
Sous la direction de J.P. Alaux et Ph. Norel, l’Harmattan, Paris, 1985.<\/p>\n
\u00ab\u00a0Qu’y a-t-il dans la nature m\u00eame du lib\u00e9ralisme qui le contraigne \u00e0 sous-d\u00e9velopper des p\u00e9riph\u00e9ries proches ou lointaines ? Quelle logique implicite condamne \u00e0 l’\u00e9chec bien des tentatives de d\u00e9veloppement, notamment agricoles ? En clair, faim au Sud et crise du Nord n’ont-elles pas une m\u00eame origine ?\u00a0\u00bb: les relations Nord-Sud \u00e9voqu\u00e9es dans un travail collectif et pluridisciplinaire.<\/p>\n
J.P. Alaux est journaliste, J. Berthelot est \u00e9conomiste rural (enseigne \u00e0 l’Ecole Nationale Sup\u00e9rieur Agronomique de Toulouse (ENSAT)), B. Delpeuch est agronome, S. Latouche est directeur de recherche \u00e0 l’Institut d’Etudes du D\u00e9veloppement Economique et Social (IEDES), V. Leclercq est ing\u00e9nieur en agriculture et chercheur \u00e0 l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Ph. Norel est \u00e9conomiste…<\/p>\n
extraits significatifs<\/em><\/p>\n p. 8 ; \u00ab\u00a0La malnutrition gagne du terrain dans d’autres soci\u00e9t\u00e9s de ce type : Chili, Argentine, Philippines qui, en compagnie du Nig\u00e9ria -en faillite- et de la Cor\u00e9e du Sud, semblaient repr\u00e9senter des exemples de \u00ab\u00a0d\u00e9collage\u00a0\u00bb \u00e9conomique. Dans les pays riches eux-m\u00eames, les soupes populaires se multiplient.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 11-12 ; \u00ab\u00a0En posant un voile pudique sur cet aspect de la r\u00e9alit\u00e9, on se condamne \u00e0 perdre de vue que le capitalisme lib\u00e9ral est, par nature, un syst\u00e8me en crise : la stabilit\u00e9 \u00e9quivaut pour lui \u00e0 une an\u00e9mie, et sa sant\u00e9 exige l’entretien d’une expansion sans limite. ou bien il demeure en crise de croissance -et il se porte bien-, ou bien, s’il sort de cette crise, le voil\u00e0…en crise, mais de faiblesse.<\/p>\n Dans cette affaire, le tiers-monde joue les utilit\u00e9s ou les vases d’expansion : les conqu\u00eates qu’il subit offrent \u00e0 la boulimie de l’Occident des espaces, des ressources, des travailleurs, des clients, autant d’issues, d’\u00e9chapatoires, de sursis pour une fuite en avant. L’internationalisation des \u00e9changes et l’aide incarnent leurs m\u00e9tamorphoses les plus r\u00e9centes.<\/p>\n (…) En clair, la faim du Sud constitue-t-elle la contreparties des crises du Nord ?<\/p>\n (…) L’Occident n’a pas d\u00e9cid\u00e9 le malheur de son environnement. Il le produit de surcroit, comme par n\u00e9cessit\u00e9. Aux faits, divers dans le temps et dans l’espace, de livrer des facteurs communs susceptibles d’indiquer, s’il y a lieu, la r\u00e9p\u00e9tition d’une logique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 13 ; \u00ab\u00a0Contrairement \u00e0 la nature, l’expansionnisme lib\u00e9ral aime le vide. Il en a besoin et, s’il y lieu, le provoque. La faim compte parmi ces espaces \u00e9conomiques qu’il affectionne.<\/p>\n (…) A titre d’explication de la pauvret\u00e9, l’Occident pr\u00e9f\u00e8re accuser une d\u00e9mographie dite \u00ab\u00a0galopante\u00a0\u00bb, oubliant que sa propre histoire prouve l’existence d’une corr\u00e9lation indubitable entre s\u00e9curit\u00e9 mat\u00e9rielle et chute de la natalit\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 19 ; \u00ab\u00a0pour acqu\u00e9rir ce th\u00e9 sans pour autant le payer d’or et d’argent, la Compagnie anglaise des Indes orientales introduira en Chine l’opium cultiv\u00e9 au Bengale et en Turquie, r\u00e9ussissant de la sorte \u00e0 d\u00e9s\u00e9quilibrer la balance commerciale de l’Empire c\u00e9leste d\u00e8s 1825. En d\u00e9coulent la r\u00e9action militaire des deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860) au terme de laquelle la d\u00e9faite chinoise entra\u00eene l’ouverture des ports au commerce international, puis la cr\u00e9ation de concessions pour les Puissances.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 21 ; \u00ab\u00a0Par contre, avec le pillage des Am\u00e9riques au XVI\u00e8me si\u00e8cle, les indig\u00e8nes sont surexploit\u00e9s et massacr\u00e9s pour procurer des m\u00e9taux pr\u00e9cieux \u00e0 l’Europe occidentale. Ces m\u00e9taux fournissent la base d’accumulation primitive (ou faut-il penser \u00ab\u00a0premi\u00e8re acumulation sur le dos des soci\u00e9t\u00e9s primitives\u00a0\u00bb) pour les premi\u00e8res activit\u00e9s manufacturi\u00e8res europ\u00e9ennes, notamment celles du port d’Anvers (draps, toiles, briquetteries,etc.) devenue le nouveau centre de l’\u00e9conomie-monde. La fortune d’Anvers, qui durera jusque vers 1569, viendra surtout de sa situation d’interm\u00e9diaire oblig\u00e9 pour les besoins de l’Espagne conqu\u00e9rante : bois, goudrons, bateaux et c\u00e9r\u00e9ales de la Baltique pour les Conquistadores, mais aussi toiles, draps, quincaillerie des Pays-Bas et d’Allemagne \u00e0 r\u00e9exporter vers les colonies am\u00e9ricaines.<\/p>\n (…) Cette crise ne sera r\u00e9solue qu’avec la mise en place d’un commerce fructueux entre Am\u00e9rique et Europe : une nouvelle main-d’oeuvre -les esclaves de l’Afrique- remplace les autochtones am\u00e9ricains massacr\u00e9s.<\/p>\n (…) C’est l’\u00e9poque, enfin, o\u00f9 Amsterdam remplace Anvers comme ville-centre de l’\u00e9conomie-monde utilisant, dans une logique tant commerciale qu'\u00a0\u00bbindustrielle\u00a0\u00bb, les ressources que lui procure sa p\u00e9n\u00e9tration dans l’oc\u00e9an Indien et jusqu’en Extr\u00eame-Orient.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 22 ; \u00ab\u00a0L’\u00e9poque conna\u00eet l’apog\u00e9e de la traite des Noirs et l’\u00e2ge d’or du fameux commerce triangulaire -Europe-Afrique-Nouveau Monde- avec l’obtention de coton et de sucre des Am\u00e9riques contre esclaves et produits manufactur\u00e9s *. En Asie, la conqu\u00eate de l’Inde signifie une p\u00e9n\u00e9tration plus avant \u00e0 l’int\u00e9rieur du continent, tandis que l’or et l’argent recueillis en Am\u00e9rique du Sud et au Mexique fournissent les capitaux n\u00e9cessaires \u00e0 la r\u00e9volution industrielle.<\/p>\n (…) Si d\u00e9sormais un pays (et non plus une ville) devient le centre de la nouvelle \u00e9conomie-monde, l’ampleur des t\u00e2ches requises pour sa mise en valeur (tant pour commercer, contr\u00f4ler les productions coloniales que pour produire les nouveaux d\u00e9bouch\u00e9s coloniaux) imposait la domination d’un pays dot\u00e9 d’un march\u00e9 national et capable de soutenir une r\u00e9volution dans son propre mode de production. Ce qu’Amsterdam ne pouvait plus assumer, l’Angleterre allait d\u00e9sormais l’assurer avec le succ\u00e8s que l’on sait.<\/p>\n * C.f. Gunder-Frank, l’accumulation mondiale, 1500-1800<\/em>, Calmann-L\u00e9vy, p. 303 \u00e0 308.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 29 ; \u00ab\u00a0Le g\u00e9nocide indien, utile \u00e0 la conqu\u00eate annihile une force de travail r\u00e9elle qui devra \u00eatre reconstitu\u00e9e plus tard. On ne tue pas impun\u00e9ment la \u00ab\u00a0poule aux oeufs d’or\u00a0\u00bb.<\/p>\n p. 67 ; \u00ab\u00a0\u00ab\u00a0M\u00eames si les \u00e9quipements ext\u00e9rieurs ont \u00e9t\u00e9, dans certains cas, r\u00e9tablis, que ce soit au P\u00e9rou, en Egypte, au Portugal, au Chili, en Turquie, le co\u00fbt social a \u00e9t\u00e9 tel qu’il a pu amener un \u00e9conomiste \u00e9gyptien \u00e0 d\u00e9clarer :<\/em> \u00ab\u00a0Il n’est plus besoin d’un mouvement r\u00e9volutionnaire pour destabiliser un gouvernement car les mesures du Fonds (F.M.I.) ont le privil\u00e8ge de le faire en quelques heures.\u00a0\u00bb *<\/p>\n *T. Lefranc, L’Imposture mon\u00e9taire<\/em>, Anthropos 1981.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 89 ; \u00ab\u00a0Nestl\u00e9 et Unilever,<\/em><\/p>\n deux g\u00e9ants parmi les g\u00e9ants<\/em><\/p>\n Pour les dix premiers mois de 1984, le chiffre d’affaires consolid\u00e9 par Nestl\u00e9, num\u00e9ro deux mondial de l’alimentation derri\u00e8re le groupe anglo-n\u00e9erlandais Unilever, s’est \u00e9lev\u00e9 \u00e0 25,4 milliards de francs suisses (92,7 milliards de francs), en augmentation de 11,4 % par rapport \u00e0 la m\u00eame p\u00e9riode de l’exercice pr\u00e9c\u00e9dent. La firme suisse employait en 1980, 145 815 personnes dans 302 usines de soixante-dix pays. Elle se situe au premier rang mondial pour le chocolat, les produits laitiers (les laits pour nourrissons en particulier), le caf\u00e9 soluble (45 % du march\u00e9 en 1980) et les confiseries. L’importance de ses achats de mati\u00e8res premi\u00e8res (par exemple 335 000 tonnes de caf\u00e9 et 110 000 tonnes de cacao en 1974) lui permet d’influer directement sur les cours. La part des pays du Sud dans son chiffre d’affaires est pass\u00e9e de 30 % en 1975 \u00e0 40 % en 1981. Son b\u00e9n\u00e9fice net consolid\u00e9 \u00e9galait, en 1981, 1,7 milliard de francs suisses (6,2 milliards de francs) soit 3,5 % de son chiffre d’affaires.<\/p>\n Avec le rachat, en janvier 1985, d’une des premi\u00e8res multinationales agro-alimentaires am\u00e9ricaines -Carnation (3,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 1983)-, pour la coquette somme de 3 milliards de dollars, l’empire Nestl\u00e9 s’\u00e9tend consid\u00e9rablement. D’autant qu’au m\u00eame moment, il \u00ab\u00a0avale\u00a0\u00bb \u00e9galement la firme am\u00e9ricaine Hills brothers Inc., de San Francisco, sp\u00e9cialis\u00e9e dans la torr\u00e9faction et la commercialisation du caf\u00e9 en grains (chiffre d’affaires de 350 millions de dollars).<\/p>\n *Pierre Harrisson, L’empire Nestl\u00e9<\/em>, Ed. P.M. Favre, Gen\u00e8ve, 1983,492 pages.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 90 ; \u00ab\u00a0En 1981, Unilever, autre multinationale g\u00e9ante de l’agro-alimentaire (son chiffre d’affaires total d\u00e9passe celui de Nestl\u00e9) employait 343 000 personnes (toutes activit\u00e9s confondues) dont 93 000 en Afrique. Son chiffre d’affaires s’\u00e9levait en 1978, \u00e0 10 milliards de livres sterling (110 milliards de francs environ), c’est-\u00e0-dire au produit national brut cumul\u00e9 de vingt-cinq pays d’Afrique noire (de l’Angola au S\u00e9n\u00e9gal). Sa plus importante filiale africaine, la United Africa Company, contr\u00f4le notamment les grands supermarch\u00e9s du Nigeria et du Ghana et des plantations au Nigeria, Cameroun, Gabon et Za\u00efre.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 93 ; \u00ab\u00a0La conf\u00e9rence mondiale sur le commerce coop\u00e9ratif agricole -que pr\u00e9side M. Jean-Batiste Doumeng au sein de l’Alliance coop\u00e9rative internationale- estimait, dans le rapport pr\u00e9paratoire \u00e0 sa deuxi\u00e8me session (Moscou, 1980) que : \u00ab\u00a0Il y a sans conteste des le\u00e7ons \u00e0 tirer du processus par lequel les firmes de l’agro-alimentaire sont devenues multinationales. La coop\u00e9ration doit en tirer la \u00ab\u00a0substance\u00a0\u00bb et d\u00e9finir sa pratique avec son \u00e9thique sp\u00e9cifique… Il serait int\u00e9ressant, de ce point de vue, que les coop\u00e9ratives acqui\u00e8rent les terminaux portuaires de r\u00e9ception et d’exp\u00e9dition, ainsi que la flotte de transport correspondante. La coop\u00e9rative agricole doit aussi tendre \u00e0 une diversification des approvisionnements et des ventes, de mani\u00e8re \u00e0 pouvoir s’arbitrer g\u00e9ographiquement et dans le temps…<\/em>\u00a0\u00bb Bref, un v\u00e9ritable credo<\/em> multinational, hymne au lib\u00e9ralisme n\u00e9ocolonial qu’aucune grande firme am\u00e9ricaine ne saurait critiquer.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 95 ; \u00ab\u00a0*Ignacy Sachs, La d\u00e9couverte du tiers-monde<\/em>, Flammarion, 1971. ce livre, m\u00e9connu, reste encore l’une des meilleures analyses du sous-d\u00e9veloppement et des conditions de d\u00e9veloppement.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 101 ; \u00ab\u00a0Bien que la plupart des pays en voie de d\u00e9veloppement en b\u00e9n\u00e9ficient, deux pays -l’Egypte et le Bangladesh- ont re\u00e7u le tiers (33,9 %) de l’aide en c\u00e9r\u00e9ales de 1971 \u00e0 1981 ; si l’on y ajoute l’Indon\u00e9sie, l’Inde et la Cor\u00e9e du Sud, on constate que 50,2 % de cette aide est absorb\u00e9e par cinq pays seulement. Si, de 1955 \u00e0 1974, l’Asie a re\u00e7u les deux tiers du total, contre 5 \u00e0 6 % pour l’Afrique, la part de celle-ci n’a cess\u00e9 de progresser pour atteindre 52 % de l’aide en c\u00e9r\u00e9ales en 1980-1981, l’Asie comptant pour 41 % et l’Am\u00e9rique latine pour 6 %. L’Egypte vient nettement en t\u00eate avec 1,9 million de tonnes par an en moyenne depuis 1977, soit 50 kg environ par habitant.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 103 ; \u00ab\u00a0Il en va de m\u00eame pour l’Egypte, premier b\u00e9n\u00e9ficiaire depuis 1976. Quant au Chili, alors que l’aide lui avait \u00e9t\u00e9 supprim\u00e9e sous la pr\u00e9sidence de Salvador Allende, il a re\u00e7u, en 1975, 633 000 tonnes de c\u00e9r\u00e9ales, soit 60 % du total consacr\u00e9 \u00e0 l’Am\u00e9rique latine.<\/p>\n (…) L’aide alimentaire repr\u00e9sente, en 1982, 700 millions d’ECU (Unit\u00e9s de compte europ\u00e9ennes), soit environ 25 % de l’aide publique au d\u00e9veloppement de la Communaut\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 104 ; \u00ab\u00a0* Centre fran\u00e7ais du commerce ext\u00e9rieur, Les programmes d’aide alimentaire des pays donateurs<\/em>, mai 1981.<\/p>\n * H. Delorme, J.P. Chabert et J. Egg, Les aides alimentaires de la C.E.E. et de la France<\/em>, I.N.R.A. et F.N.S.P., septembre 1977.<\/p>\n * Pour une \u00e9valuation plus objective de cette op\u00e9ration dont on est si fier \u00e0 Bruxelles, voir Solagral, L’Aide alimentaire<\/em>, Syros, 1984, p. 83-98.<\/p>\n p. 107 ; \u00ab\u00a0Il est vrai que l’aide bilat\u00e9rale ne fait l’objet d’aucun suivi r\u00e9el sur le terrain et que, si le P.A.M. proc\u00e8de \u00e0 des \u00e9valuations syst\u00e9matiques de ses projets, elles sont g\u00e9n\u00e9ralement trop complaisantes. L’aide alimentaire ne se contente pas n\u00e9anmoins d’enrichir les caisses de l’Etat ; elle contribue r\u00e9guli\u00e8rement aussi \u00e0 la prosp\u00e9rit\u00e9 d’individus bien plac\u00e9s, \u00e0 tous les niveaux, compte tenu des facilit\u00e9s de d\u00e9tournement qu’elle permet.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 109 ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbLe probl\u00e8me de la faim n’est pas att\u00e9nu\u00e9 par la simple fourniture d’une aide alimentaire si les produits envoy\u00e9s sont \u00e9coul\u00e9s sur le march\u00e9 sans \u00eatre accompagn\u00e9s de mesures visant \u00e0 accro\u00ectre les revenus des groupes affam\u00e9s. C’est le cas actuellement des deux tiers de l’aide alimentaire totale. Cette pratique tend \u00e0 maintenir les prix alimentaires \u00e0 un niveau peu \u00e9lev\u00e9 et profite aux habitants des villes. Toutefois, son co\u00fbt est bien souvent \u00e9lev\u00e9 car elle d\u00e9courage les producteurs vivriers et entra\u00eene une croissance des importations alimentaires\u00a0\u00bb<\/p>\n (…) * Conseil mondial de l’alimentation, Des strat\u00e9gies alimentaires nationales pour vaincre la faim<\/em>, Nations unies, 1982.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 112 ; \u00ab\u00a0* Pr\u00e9face de l’ouvrage de J.Bourrinet et M.Florny, L’Ordre alimentaire mondial<\/em>, Economica, 1982.<\/p>\n * Voir D. Mas, \u00ab\u00a0\u00e9tude de la restructuration du march\u00e9 c\u00e9r\u00e9alier au Mali dans le cadre de la recherche de l’autosuffisance alimentaire\u00a0\u00bb, D.E.A.<\/em>, Universit\u00e9 des sciences sociales, Toulouse, octobre 1983, 114 pages. Lire \u00e9galement La lettre de Solagral<\/em>, n.28, juin 1984.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 132 ; \u00ab\u00a0* Sur le statut de la terre en Afrique, voir Alain Husson, \u00ab\u00a0A qui appartient la terre en Afrique ?\u00a0\u00bb, Faim-D\u00e9veloppement, n.75, avril 1979.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 160 ; \u00ab\u00a0* Pour obtenir 1 kilo-calorie de viande de boeuf selon le mod\u00e8le industriel, il faut compter 80 kilo-calories d’\u00e9nergie fossile. C.f. D. et M. Pimentel, \u00ab\u00a0Compter les kilo-calories\u00a0\u00bb, Revue du C\u00e9r\u00e8s, n. 59, septembre-octobre 1977.<\/p>\n * Quelques chiffres : autour de Bamako, la for\u00eat a recul\u00e9 de 50 \u00e0 100 km, au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es. 20 % des terres du Bangladesh sont affect\u00e9es par l’\u00e9rosion. Au rythme actuel de d\u00e9forestation, les collines du N\u00e9pal seront d\u00e9nud\u00e9es dans quinze ans. Les rivi\u00e8res emm\u00e8nent chaque ann\u00e9e 240 millions de m3 de terre vers l’Inde : I.R.F.I., les pays les plus pauvres, op. cit., 1981, p.91.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 166 ; \u00ab\u00a0Et M.A.W. Clausen, son pr\u00e9sident (la Banque Mondiale<\/em>), d’enfoncer le clou en pr\u00e9cisant derechef : \u00ab\u00a0Les pays en d\u00e9veloppement remboursent plus aux banques que celles-ci ne leur pr\u00eatent<\/em>\u00ab\u00a0.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 167-168 ; \u00ab\u00a0Rien de nouveau dans l’\u00e9nonc\u00e9 de cette strat\u00e9gie. Dans la r\u00e9alit\u00e9, on sait ce que sa mise en oeuvre implique. D’abord une mise sous tutelle des pouvoirs publics nationaux. Pour accorder ses cr\u00e9dits, le Fonds mon\u00e9taire international, chef d’orchestre du lib\u00e9ralisme international, impose ce qu’il appelle une \u00ab\u00a0politique de conditionnalit\u00e9\u00a0\u00bb : r\u00e9duction des budgets sociaux, suppression des subventions aux produits de premi\u00e8re n\u00e9cessit\u00e9, v\u00e9rit\u00e9 des prix, libre concurrence, abandon des productions locales jug\u00e9es peu performantes. Qu’en r\u00e9sulte-t-il ? A propos du Maroc, Najib Akesbi remarque : \u00ab\u00a0Le pays en est \u00e0 produire ce qu’il ne consomme pas (ou peu) et \u00e0 consommer ce qu’il ne produit pas (ou peu). Le Maroc, qui fut jadis un des greniers c\u00e9r\u00e9aliers de la France, importe aujourd’hui 30 millions de quintaux de bl\u00e9, au moment m\u00eame o\u00f9 ses chemises, ses tomates et autres chemises lui restent sur les bras. Bref, promis \u00e0 \u00eatre une \u00ab\u00a0plate-forme d’exportations\u00a0\u00bb, le voil\u00e0 devenu un pays \u00e0 \u00ab\u00a0\u00e9conomie d’importation<\/em> \u00ab\u00a0.<\/p>\n (…) D\u00e8s lors, est-on si mal fond\u00e9 \u00e0 mettre en parall\u00e8le la crise du Nord et la faim du Sud jusqu’\u00e0 les unir dans un titre ? Ce qui d’abord se formulait en guise d’hypoth\u00e8se devient aussi l’expression synth\u00e8tique de la conclusion g\u00e9n\u00e9rale. C’est l’exp\u00e9rience qui se charge de r\u00e9pondre affirmativement \u00e0 une interrogation liminaire : oui, on passe de la crise au Nord \u00e0 la faim au Sud. Des dizaines de r\u00e9voltes populaires en t\u00e9moignent, la plupart \u00e0 la suite des exigences du F.M.I., \u00e0 commencer par les \u00e9meutes du Maroc en juin 1981, puis en janvier 1984. Il en est d’autres : au Ghana, en Egypte, au P\u00e9rou, en Sierra-L\u00e9one, au Lib\u00e9ria, au Soudan, en Tunisie, etc., et, derni\u00e8res en date (avril 1984, puis f\u00e9vrier 1985), en R\u00e9publique Dominicaine qui, du coup, manifeste sa volont\u00e9 de rejeter les conditions du F.M.I., comme l’Argentine, le Nig\u00e9ria ou la Tanzanie.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 174 ; \u00ab\u00a0Du c\u00f4t\u00e9 de sa pratique, le lib\u00e9ralisme fixe donc les r\u00f4les ; du c\u00f4t\u00e9 id\u00e9ologique, il se porte, au contraire, garant du changement par la libre circulation du jeu. Un seul imp\u00e9ratif : entrer dans la partie et miser. Dans le camp des nations industrielles, on joue surplus et exc\u00e9dants. Mais dans celui des pays sous-d\u00e9velopp\u00e9s ? Faute de superflu, le n\u00e9cesssaire, c’est-\u00e0-dire le capital et jusqu’aux biens vitaux, mati\u00e8res premi\u00e8res et moyens de subsistance, l’alimentation par exemple. Nul n’a le droit de quitter la table. On n’y peut donc que perdre \u00e0 son tour, le riche sa mise superf\u00e9tatoire et le pauvre son \u00e2me. Mais pers\u00e9v\u00e9rer. Les dettes s’additionnent, que les riches r\u00e8glent en aidant les pauvres \u00e0 poursuivre, et dont les pauvres s’acquittent en hypoth\u00e8quant leur patrimoine. Ils jouent d\u00e9sormais sans propri\u00e9t\u00e9. Ils jouent sans plus pouvoir gagner puisque ce n’est plus pour leur compte. Leur jeu tient de l’esclavage. A ce stade, ils sont seuls \u00e0 miser : leurs \u00ab\u00a0partenaires\u00a0\u00bb jouent entre eux cet endettement qu’ils ne pourront plus rembourser. Rien ne va. La roue n’a pas tourn\u00e9 et ne tournera pas.<\/p>\n Seul fait nouveau : de pauvre, le Sud devient exsangu\u00e8 et manque un jour \u00e0 l’appel de sa donne. Le Nord est trop victorieux ; il a ruin\u00e9 son client et d\u00e9biteur \u00e0 la fois. C’est sa crise \u00e0 lui, derni\u00e8re conclusion en date d’un moment d’histoire qui en a vu d’autres, du m\u00eame ordre.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 189 ; \u00ab\u00a0Toutes les catastrophes du tiers-monde sont-elles dues pour autant \u00e0 son insertion dans l’\u00e9conomie mondiale, aux s\u00e9quelles du colonialisme, ou \u00e0 l’action actuelle des pays industrialis\u00e9s ? Non. Des causes locales et nationales sont parfois d\u00e9terminantes mais elles ne peuvent \u00eatre analys\u00e9es ind\u00e9pendamment, comme si l’internationalisation n’existait pas.<\/p>\n M\u00eame l’Organisation de coop\u00e9ration et de d\u00e9veloppement \u00e9conomiques (O.C.D.E.), qui regroupe les principaux Etats partisans du libre \u00e9change, le constate : \u00ab\u00a0Au cours des dix derni\u00e8res ann\u00e9es, on est arriv\u00e9 \u00e0 prendre progressivement beaucoup mieux conscience de l’interd\u00e9pendance \u00e9conomique mondiale et, plus particuli\u00e8rement, de l’intensification des interactions \u00e9conomiques et financi\u00e8res entre pays industrialis\u00e9s et pays en d\u00e9veloppement<\/em>\u00ab\u00a0.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 190 ; \u00ab\u00a0Le Rapport sur le d\u00e9veloppement dans le monde<\/em> 1982 de la Banque mondiale l’admet d’ailleurs en soulignant que les liens d’interd\u00e9pendance sont tels qu’ils peuvent transmettre la crise d’une r\u00e9gion \u00e0 l’autre et d’un pays \u00e0 l’autre. On sera donc fond\u00e9 plus loin \u00e0 s’interroger sur les cons\u00e9quences qu’entra\u00eene la d\u00e9pression \u00e9conomique du Nord, avec son cort\u00e8ge de ch\u00f4meurs, \u00e0 l’\u00e9gard du Sud o\u00f9 la malnutrition affecte plusieurs centaines de millions de personnes.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 193 ; \u00ab\u00a0Pourquoi ce qui fut v\u00e9rit\u00e9 au Nord pour l’agriculture et v\u00e9rit\u00e9 au Sud sur le plan industriel serait-il erreur en mati\u00e8re alimentaire et agricole dans les pays en voie de d\u00e9veloppement ? La protection des paysanneries du tiers-monde, une organisation des march\u00e9s faisant des villes leurs d\u00e9bouch\u00e9s naturels permettraient de contribuer au mieux \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 alimentaire du Sud en assurant \u00e0 ses diverses r\u00e9gions une autonomie qui, m\u00eame relative, appara\u00eet comme le moteur indispensable \u00e0 la cr\u00e9ation d’un d\u00e9collage \u00e9conomique. Faute de cette capacit\u00e9 minimale, ces soci\u00e9t\u00e9s demeureront tierces dans les \u00e9changes internationaux, et le Sud un monde tiers, sorte de pion passif \u00e0 la seule disposition des riches meneurs d’un jeu dont les r\u00e8gles impliquent le maintien des plus faibles dans la pauvret\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 197 ; \u00ab\u00a0* Claude Liauzu, Aux origines des tiers-mondismes. Colonies et anticolonialistes en France, 1919-1939<\/em>, L’Harmattan, 1982. Raoul Girardet, Histoire de l’id\u00e9e coloniale en France, 1870-1962<\/em>, Livre de poche, coll. Pluriel, 1979.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 198 ; \u00ab\u00a0Pourtant paternalisme et culpabilit\u00e9 restent les sentiments dominants. Les images d’enfants fam\u00e9liques sur fond de terre craquel\u00e9es permettent de collecter d’importantes sommes d’argent, notamment aupr\u00e8s des classes moyennes r\u00e9cemment urbanis\u00e9es et, de ce fait, moins li\u00e9es \u00e0 une paroisse. Ce faisant, ces images renforcent une perception fataliste et d\u00e9mographique de la faim, d\u00e9j\u00e0 bien ancr\u00e9e dans les esprits : \u00ab\u00a0S’ils ont faim, c’est qu’il ne pleut pas assez et qu’ils ont trop d’enfants.\u00a0\u00bb Selon ce sh\u00e9ma, un double rem\u00e8de para\u00eet s’imposer : l’aide alimentaire et la limitation des naissances. La prise de conscience ne d\u00e9passe pas le stade individuel, le mod\u00e8le de d\u00e9veloppement en vigueur dans les pays industrialis\u00e9s n’est pas fondamentalement remis en cause. Le micro-projet est roi.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 204 ; Information dans le Nord : volont\u00e9 de changement: \u00ab\u00a0La d\u00e9claration d’intenion du C.R.I.D.E.V. (Centre rennais d’information pour le d\u00e9veloppement et la lib\u00e9ration des peuples), qui fut l’une des toutes premi\u00e8res O.N.G. \u00e0 se consacrer exclusivement \u00e0 la sensibilisation en France, r\u00e9sume bien la d\u00e9marche : \u00ab\u00a0Il faut que cesse l’exploitation du tiers-monde par les pays riches, dont la France. Mais cette exploitation ne cessera que le jour o\u00f9 les Fran\u00e7ais le voudront ; et, pour que les Fran\u00e7ais le veuillent, il faut qu’ils en soient inform\u00e9s et qu’ils en soient convaincus. Le C.R.I.D.E.V. se donne pour objectif de participer \u00e0 cette information. Les gens inform\u00e9s, \u00e0 leur tour, ont un travail d’information \u00e0 faire dans leur milieu familial, syndical, politique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 206 ; \u00ab\u00a0* Ecole et tiers-monde, 9, rue Delouvain, 75019 Paris.<\/p>\n * Solagral, 12, avenue Soeur-Rosalie, 75013 Paris. La lettre de Solagral<\/em>, mensuelle, 5, rue Fran\u00e7ois-Bizette, 35000 Rennes.<\/p>\n *Publi\u00e9e en France aux Editions Masp\u00e9ro sous le titre de Nestl\u00e9 contre les b\u00e9b\u00e9s<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Faim au Sud, crise au Nord Sous la direction de J.P. Alaux et Ph. Norel, l’Harmattan, Paris, 1985. \u00ab\u00a0Qu’y a-t-il dans la nature m\u00eame du lib\u00e9ralisme qui le contraigne \u00e0 sous-d\u00e9velopper des p\u00e9riph\u00e9ries proches ou lointaines ? Quelle logique implicite condamne \u00e0 l’\u00e9chec bien des tentatives de d\u00e9veloppement, notamment agricoles \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":885,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-884","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/884","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=884"}],"version-history":[{"count":1,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/884\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":886,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/884\/revisions\/886"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/885"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=884"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}