{"id":879,"date":"2015-01-11T23:41:03","date_gmt":"2015-01-11T22:41:03","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=879"},"modified":"2015-01-11T23:41:03","modified_gmt":"2015-01-11T22:41:03","slug":"francois-partant-la-guerilla-economique","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=879","title":{"rendered":"Fran\u00e7ois Partant. La guerilla \u00e9conomique"},"content":{"rendered":"
\u00ab\u00a0Que pourrait \u00eatre le d\u00e9veloppement, non plus pour un Etat, mais pour un peuple ? Comment abattre concr\u00e8tement les pouvoirs qui s’y opposent ?\u00a0\u00bb<\/p>\n
La r\u00e9flexion d’un homme de terrain sur ce qu’est et ce que doit \u00eatre le \u00ab\u00a0d\u00e9veloppement\u00a0\u00bb. Une analyse int\u00e9ressante de l’exp\u00e9rience alg\u00e9rienne est pr\u00e9sent\u00e9e en quelques pages.<\/p>\n
L’auteur est \u00e9conomiste, \u00ab\u00a0banquier envoy\u00e9 dans le tiers monde pour y apporter l'\u00a0\u00bbaide\u00a0\u00bb du capitalisme. Quitte ensuite le secteur priv\u00e9 pour le secteur public, observant sous un angle nouveau le m\u00eame syst\u00e8me d’exploitation. Renonce enfin \u00e0 toute activit\u00e9 professionnelle, \u00ab\u00a0partant\u00a0\u00bb se mettre au service des pays sous-d\u00e9velopp\u00e9s mais sans pouvoir servir r\u00e9ellement le d\u00e9veloppement.\u00a0\u00bb<\/p>\n
<\/p>\n
extraits significatifs<\/em><\/p>\n p. 15 ; \u00ab\u00a0Il m’aura fallu renoncer \u00e0 toute activit\u00e9 et revenir \u00e0 l’\u00e9conomie th\u00e9orique, pour enfin comprendre pourquoi, dans la pratique \u00e9conomique et dans un cadre officiel (celui de l’assistance technique ou un autre), il est impossible de travailler contre le \u00ab\u00a0sous-d\u00e9veloppement\u00a0\u00bb.<\/p>\n p. 16 ; \u00ab\u00a0D\u00e9montrer l’irr\u00e9alisme de cette politique constante de d\u00e9veloppement et tenter d’en d\u00e9finir une autre, c’\u00e9tait donc l\u00e0 le sujet de l’\u00e9tude op\u00e9rationnelle dans laquelle le Congo ne servait que d’exemple.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 17 ; \u00ab\u00a0Or, si un chef d’Etat, surtout dans le tiers monde, se d\u00e9clare volontiers pr\u00eat \u00e0 diriger (!) la r\u00e9volution, jusqu’\u00e0 quel point peut-il accepter qu’elle se fasse en dehors de lui ?\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 19-20-21 ; \u00ab\u00a0Il assure (le d\u00e9veloppement<\/em> ) en effet une concentration des pouvoirs -et par cons\u00e9quent des ressources nationales- au profit d’une minorit\u00e9 dont les objectifs \u00e9conomiques et sociaux sont ou deviennent rapidement en opposition avec ceux de la masse de la population. Le \u00ab\u00a0d\u00e9veloppement\u00a0\u00bb n’est alors qu’une tentation de concentrer davantage de ressources et -toujours par voie de cons\u00e9quence- davantage de pouvoirs au profit de cette m\u00eame minorit\u00e9. Quant au r\u00e9sultat, on le constate partout : il peut y avoir croissance \u00e9conomique, il n’y a jamais de d\u00e9veloppement.<\/p>\n (…) L’Etat est incompatible avec le d\u00e9veloppement <\/em>.<\/p>\n (…) Mais, pour l’instant, il faut accepter l’\u00e9vidence : il n’existe pratiquement pas de chefs d’Etat \u00ab\u00a0repr\u00e9sentatifs du tiers monde\u00a0\u00bb, du tiers monde r\u00e9el, de l’immense majorit\u00e9 de la population qui s’y trouve et qu’on ne peut gu\u00e8re appeler que \u00ab\u00a0le peuple\u00a0\u00bb.<\/p>\n (…) Non, il n’y a pas de leaders du tiers monde, il n’y a que des chefs d’Etat. Ceux qui passent pour en \u00eatre, soit \u00e0 l’initiative de leurs pairs (jadis Nehru, Boumedienne aujourd’hui…), soit par la volont\u00e9 de leurs alli\u00e9s dominants (Senghor, \u00e9lu de l’Elys\u00e9e et de l’Acad\u00e9mie fran\u00e7aise…), soit parce que de vivaces lobbies coloniaux et racistes leur donnent la publicit\u00e9 n\u00e9cessaire (Idi Amin Dada ou Bokassa exprimerait tous les \u00ab\u00a0d\u00e9lires\u00a0\u00bb de l’Afrique dite ind\u00e9pendante…) ne peuvent repr\u00e9senter que les forces qui sont \u00e0 l’origine ou \u00e0 la base de l’Etat : soit une puissance ex-coloniale ou dominante, soit une \u00e9troite couche sociale qu’on dit \u00ab\u00a0\u00e9volu\u00e9e\u00a0\u00bb, dont l’existence et l’\u00e9volution d\u00e9pendent essentiellement d’une ou plusieurs puissances dominantes, soit enfin les deux. Ils sont l’\u00e9manation d’un ensemble de pouvoirs et s’appuient sur des structures institutionnelles \u00e9galement inadapt\u00e9es \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 \u00ab\u00a0r\u00e9elle\u00a0\u00bb, \u00e0 laquelle pouvoirs et structures ont bel et bien impos\u00e9s, parfois \u00e0 la faveur d’une illusoire ind\u00e9pendance. Ils incarnent eux-m\u00eames un type de pouvoir qui ne peut \u00eatre qu’arbitraire et aberrant, pr\u00e9cis\u00e9ment parce qu’il ne proc\u00e8de pas de la soci\u00e9t\u00e9 sous-jacente <\/em>.<\/p>\n En admettant qu’il le veuille, il est presque impossible pour un chef d’Etat de favoriser un renversement du rapport de forces, afin de rendre au peuple une possibilit\u00e9 d’\u00e9volution autonome. Car il est lui-m\u00eame prisonnier de la structure \u00e9tatique.<\/p>\n (…) C’est pourtant en pr\u00e9supposant cette volont\u00e9 de suicide du pouvoir \u00e9tatique et en se pla\u00e7ant dans l’optique d’un peuple \u00ab\u00a0primitif\u00a0\u00bb qu’on cherchera ult\u00e9rieurement -dans la deuxi\u00e8me partie de cet ouvrage- les conditions, les instruments, la possible dynamique, l’objectif vraisemblable d’un d\u00e9veloppement.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 22 ; \u00ab\u00a0Ce qui risque de se produire -et qui serait beaucoup plus grave pour les pays industrialis\u00e9s que la constitution d’un bloc par les Etats du tiers monde- c’est l’\u00e9clatement du tiers monde lui-m\u00eame.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 23 ; \u00ab\u00a0Dans les pays industrialis\u00e9s, le sort des travailleurs n’est pas ind\u00e9pendant du tiers monde.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 24 ; \u00ab\u00a0La solidarit\u00e9 du tiers monde est une r\u00e9alit\u00e9, mais une \u00ab\u00a0r\u00e9alit\u00e9 future\u00a0\u00bb. Pour l’heure, elle n’est encore qu’une vague complicit\u00e9 entre Etats. Complicit\u00e9 provisoire, occasionnelle, changeante, ambigu\u00e8, tr\u00e8s souvent malsaine, quand elle ne tourne pas \u00e0 l’obsc\u00e9nit\u00e9 pure et simple, les baisers qu’\u00e9changent les chefs d’Etat pouvant c\u00e9l\u00e9brer sans pudeur, devant un public r\u00e9sign\u00e9 (ce sont des \u00ab\u00a0affaires d’Etat\u00a0\u00bb et non de moeurs) d’\u00e9tranges mariages d’affaires entre la R\u00e9publique et la Dictature, la Monarchie et la R\u00e9volution…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 25 ; \u00ab\u00a0Certains, plus chanceux, esp\u00e8rent davantage : ils pensent \u00eatre assez forts pour changer de camp et devenir \u00e0 leur tour \u00ab\u00a0exploiteurs\u00a0\u00bb, que ce soit sous le drapeau imp\u00e9rial du chah d’Iran ou sous celui de la r\u00e9volution socialiste alg\u00e9rienne.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 26 ; \u00ab\u00a0Praticien de l’\u00e9conomie, je suis en quelque sorte tenu \u00e0 une d\u00e9marche inverse : rapporter ce qu’enseigne l’exp\u00e9rience ou ce qui para\u00eet possible dans une r\u00e9alit\u00e9 concr\u00e8te, pour n’aborder la th\u00e9orie que dans la mesure o\u00f9 elle donne un cadre conceptuel glaobal aux propositions qui sont faites.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 28 ; \u00ab\u00a0(…) parce que ma pr\u00e9occupation est la m\u00eame<\/em> : s’il y a discours, ce n’est qu’un discours en vue de l’action.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 31 ; \u00ab\u00a0Malgr\u00e9 le poids politique important qu’il a d\u00e9sormais au sein de la collectivit\u00e9 internationale, le tiers monde n’a donc pas \u00e9t\u00e9 capable de concevoir et d’imposer aux nations riches un ordre \u00e9conomique qui lui soit favorable. La r\u00e9cente crise p\u00e9troli\u00e8re, en modifiant les \u00e9quilibres entre pays producteurs et pays consommateurs, passe pour avoir amorc\u00e9 un changement d\u00e9cisif. Pourtant, loin d’\u00eatre une victoire pour les peuples du tiers monde, elle a certainement retard\u00e9 la solution des probl\u00e8mes qui se posent \u00e0 eux.<\/p>\n En effet, les succ\u00e8s remport\u00e9s par les exportateurs de p\u00e9trole encouragent les autres producteurs de mati\u00e8res premi\u00e8res \u00e0 s’en tenir \u00e0 l’attitude strictement revendicative qu’ils ont jusqu’ici adopt\u00e9e.<\/p>\n Tous vont donc essayer de retirer plus de profits de leurs \u00e9changes avec les pays industrialis\u00e9s, auxquels ils continueront de se r\u00e9f\u00e9rer pour d\u00e9finir ce que peut et doit \u00eatre leur propre progr\u00e8s \u00e9conomique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 32-33 ; \u00ab\u00a0Le concept de sous-d\u00e9veloppement est n\u00e9, lorsque les guerres de lib\u00e9ration dans le tiers monde ou la d\u00e9colonisation pr\u00e9ventive et pacifique d\u00e9bouch\u00e8rent sur la cr\u00e9ation d’Etats ind\u00e9pendants et inviables. Les difficult\u00e9s \u00e9conomiques et financi\u00e8res que connaissaient ces Etats ont d’abord \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9es -officiellement tout au moins- \u00e0 leur pauvret\u00e9.<\/p>\n (…) On sait pourtant bien que la plupart des pays sous-d\u00e9velopp\u00e9s sont riches en ressources naturelles ou en potentialit\u00e9s diverses, qu’ils le sont parfois prodigieusement, qu’enfin sur leurs ressources repose, pour une bonne part, la construction \u00e9conomique des pays les plus industrialis\u00e9s.<\/p>\n Si l’on ne peut plus soutenir qu’ils sont intrins\u00e8quement pauvres, on peut du moins constater qu’ils sont, \u00e0 tous \u00e9gards, en retard par rapport \u00e0 ces derniers.<\/p>\n (…) Bien que les notions de Centre et de P\u00e9riph\u00e9rie soient m\u00e9caniques<\/em> et non g\u00e9ographiques, la P\u00e9riph\u00e9rie recouvre grosso modo<\/em> le tiers monde.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 34 ; \u00ab\u00a0Le sous-d\u00e9veloppement n’est pas inh\u00e9rent au tiers monde ; il y a \u00e9t\u00e9 introduit. Ce n’est pas un \u00e9tat d’inf\u00e9riorit\u00e9 qui peut \u00eatre surmont\u00e9. C’est un processus qu’il faut interrompre.<\/p>\n (…) Si elle est fort peu discut\u00e9e \u00e0 l’int\u00e9rieur des Etats, la sp\u00e9cialisation du travail ne l’est pas davantage au plan international.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 35 ; \u00ab\u00a0Car la sp\u00e9cialisation du travail n’existe ni au Centre ni \u00e0 la P\u00e9riph\u00e9rie, mais seulement entre le Centre et la P\u00e9riph\u00e9rie <\/em>.<\/p>\n (…) Car l’\u00e9conomie mondiale, d\u00e9crite par l’\u00e9conomiste lib\u00e9ral, n’existe pas et ne peut pas exister dans le contexte international actuel. Les relations \u00e9conomiques entre Etats ne rel\u00e8vent jamais de la libre concurrence, certaines structures emp\u00eachant en tout \u00e9tat de cause celle-ci de jouer (multinationales, cartels, monopoles, etc.).\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 36 ; \u00ab\u00a0Mati\u00e8res premi\u00e8res : d\u00e9munir les riches, en faire des \u00ab\u00a0assist\u00e9s\u00a0\u00bb.<\/span><\/em><\/p>\n Le \u00ab\u00a0pillage du tiers monde\u00a0\u00bb a commenc\u00e9 d\u00e8s les grandes exp\u00e9ditions, au cours desquelles \u00ab\u00a0d\u00e9couvertes\u00a0\u00bb, conqu\u00eates, razzia et \u00e9vang\u00e9lisation allaient de pair, les missionnaires \u00e9tant arm\u00e9s et les d\u00e9couvreurs de continents ne revenant pas les mains vides. Civilisations d\u00e9truites, g\u00e9nocides, esclavage, colonisation… L’Europe a b\u00e2ti des empires et s’est elle-m\u00eame construite sur ces empires. Parfois avec d’autres m\u00e9thodes, les Etats-Unis et le Japon en firent de m\u00eame. Mais c’est la r\u00e9volution industrielle et l’avance technologique des conqu\u00e9rants enrichis qui va, \u00e0 partir de la fin du XIX\u00e8me si\u00e8cle, donner une ampleur prodigieuse au pillage. Cette avance va d’abord provoquer une r\u00e9gression technologique des peuples domin\u00e9s (l’Afrique ne peut plus utiliser les m\u00e9taux dont elle connaissait l’usage avant l’\u00e8re coloniale), puis cr\u00e9er pour eux un \u00ab\u00a0retard\u00a0\u00bb qui ne se rattrapera plus, qui au contraire s’auto-entretiendra. Gr\u00e2ce \u00e0 quoi, aujourd’hui comme hier, les pays domin\u00e9s sont des esclaves, au service des pays anciennement dominants.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 37 ; \u00ab\u00a0Notons en passant que si l’exploitation mini\u00e8re entra\u00eene un appauvrissement r\u00e9el du pays, elle n’en provoquera pas moins une augmentation du produit int\u00e9rieur brut (PIB) : l’\u00e9conomiste y verra la preuve d’une certaine \u00ab\u00a0croissance \u00e9conomique\u00a0\u00bb. A noter aussi que la nationalisation de la mine ne r\u00e9soudra pas le probl\u00e8me fondamental que pose son exploitation, tout en en cr\u00e9ant certainement d’autres, aux niveaux technique et commercial.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 38 ; \u00ab\u00a0Au vrai, on se demande parfois si les gouvernants du tiers monde ne sont pas subjugu\u00e9s par les seuls artifices du langage : \u00ab\u00a0mise en valeur\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0croissance du P.I.B.\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0investissement lourd\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0en voie de d\u00e9veloppement\u00a0\u00bb…<\/p>\n p. 41 ; \u00ab\u00a0On verra ult\u00e9rieurement, en cherchant les conditions d’un d\u00e9veloppement de l’agriculture, qu’il faut d’abord redresser une situation cr\u00e9e par l’histoire, en abandonnant toute r\u00e9f\u00e9rence aux conditions et aux co\u00fbts de production dans les pays les plus favoris\u00e9s. Il faut renoncer \u00e0 certains crit\u00e8res de rentabilit\u00e9, qui, dans le cadre d’une zone \u00e9conomique constitu\u00e9e de r\u00e9gions trop homog\u00e8ne, interdisent les projets \u00e0 long terme<\/em> et transforment la pauvret\u00e9 relative en mis\u00e8re absolue.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 42 ; \u00ab\u00a0Ils vont subventionner leurs importations, faute de pouvoir financer leur agriculture. Et du m\u00eame coup -comble de l’ironie !- ils auront subventionn\u00e9 l’agriculture des pays exportateurs, par exemple celle des Etats-Unis.<\/p>\n Ce n’est pas seulement en Inde, mais dans bien des pays africains et \u00e0 Madagascar, que cette politique de subventions aux importations a d\u00fb \u00eatre men\u00e9e en 1974. Bien qu’aberrante, elle est in\u00e9vitable dans des pays qui doivent, d’une part, nourrir une population appauvrie, d’autre part \u00e9viter une r\u00e9orientation de la production int\u00e9rieure entra\u00eenant un recul des cultures d’exportation. Mais pour quoi doivent-ils cultiver du cacao pour le march\u00e9 mondial, plut\u00f4t que des produits vivriers pour eux-m\u00eames ? A cette question, on r\u00e9pondra plus tard : elle est \u00ab\u00a0politique\u00a0\u00bb.<\/p>\n Remaniements au plan d’utilisation du tiers monde.<\/span><\/em><\/p>\n La sp\u00e9cialisation internationale du travail est parfois discut\u00e9e dans son contenu, mais elle ne l’est jamais dans son principe. C’est ainsi que bien des experts d\u00e9noncent les dangers de la monoculture dans certains pays du tiers monde, telle la canne \u00e0 sucre dans les Cara\u00efbes ou \u00e0 l’\u00eele Maurice. Faut-il leur rappeler que Madagascar n’est nullement en voie de d\u00e9veloppement, malgr\u00e9 ses exportations de caf\u00e9, de cacao, de vanille, de girofle, de sucre de canne, d’arachides, de tabac, de pois du Cap, de viande, de sisal, de banane, de manioc transform\u00e9 (tapioca), de minerais divers (graphite, mica, chromites, pierres rares, etc.) cette impressionnante liste de produits exportables venant s’accro\u00eetre, gr\u00e2ce \u00e0 l’introduction du th\u00e9 et d’une nouvelle culture, celle du \u00ab\u00a0petit pois rouge\u00a0\u00bb, qui ne trouve de d\u00e9bouch\u00e9 qu’au Japon ?<\/p>\n C’est que les pays sous-d\u00e9velopp\u00e9s esp\u00e8rent, eux aussi, am\u00e9liorer leur situation gr\u00e2ce \u00e0 une \u00ab\u00a0diversification des cultures\u00a0\u00bb. Mais cette diversification n’est jamais con\u00e7ue dans le cadre d’une politique \u00e9conomique globale visant \u00e0 reb\u00e2tir un march\u00e9 int\u00e9rieur. Les conditions d’ouverture de ce march\u00e9 n’\u00e9tant pas r\u00e9unies, c’est toujours en vue de l’exportation qu’il faut produire \u00ab\u00a0autre chose\u00a0\u00bb.<\/p>\n A cette politique, qui accentue l’extraversion \u00e9conomique<\/em>, les organismes internationaux (techniques tel le FAO, ou financiers : BIRD, BEI, FED) apportent volontiers leurs concours, car les grandes puissances qui les contr\u00f4lent ont tout int\u00e9r\u00eat \u00e0 diversifier leurs sources d’approvisionnement.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 43 ; \u00ab\u00a0Indispensable aux \u00e9conomies du Centre, maintenant la P\u00e9riph\u00e9rie dans une position d\u00e9pendante et subordonn\u00e9e, la sp\u00e9cialisation internationale du travail est, en quelque sorte, un plan directeur d’utilisation du tiers monde <\/em>.<\/p>\n (…) Arbitrairement r\u00e9unies en un seul ensemble \u00e9conomique (en une seule \u00ab\u00a0\u00e9conomie mondiale\u00a0\u00bb), des r\u00e9gions h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes sont devenues des r\u00e9gions in\u00e9gales. Mais leur in\u00e9galit\u00e9 est fonctionnelle, les unes \u00e9tant mises au service des autres. Le syst\u00e8me \u00e9conomique mondial puise sa dynamique dans cette in\u00e9galit\u00e9. Il faut alors que les \u00ab\u00a0pauvres\u00a0\u00bb continuent de jouer leur r\u00f4le, pour que les \u00ab\u00a0riches\u00a0\u00bb conservent leur position.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 44 ; \u00ab\u00a0Sur une plantation africaine de cacao, l’ouvrier agricole re\u00e7oit un salaire annuel inf\u00e9rieur \u00e0 1000 f. A cette condition, la plantation est rentable pour le propri\u00e9taire-exploitant, \u00e9tant entendu que le profit qu’il en tire est souvent export\u00e9, soit directement (placements \u00e0 l’\u00e9tranger), soit indirectement (consommation de produits \u00e9trangers).<\/p>\n (…) En d\u00e9finitive, le pays exportateur de cacao ne re\u00e7oit, en contrepartie r\u00e9elle de ses livraisons sur le march\u00e9 mondial, qu’un prix r\u00e9siduel, fort peu \u00e9loign\u00e9 du cours mondial du cacao.<\/p>\n (…) Puis le pays va importer des produits \u00e9labor\u00e9s, par exemple du chocolat, alors que le cacao n’entre qu’\u00e0 concurrence de 10 % dans le prix-d\u00e9tail de la tablette de chocolat.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 45 ; \u00ab\u00a0Le tourisme international constitue une monumentale escroquerie, dont la quasi-totalit\u00e9 des pays du tiers monde deviennent victimes, et dont la quasi-totalit\u00e9 des b\u00e9n\u00e9fices reviennent aux Etats centraux : \u00e0 des soci\u00e9t\u00e9s d’\u00e9tudes, \u00e0 des compagnies a\u00e9riennes, \u00e0 des soci\u00e9t\u00e9s de gestion h\u00f4teli\u00e8re, \u00e0 des centres d’achats ext\u00e9rieurs, \u00e0 des agences touristiques, \u00e0 des interm\u00e9diaires de toute esp\u00e8ce… Les pays sous-d\u00e9velopp\u00e9s ne parviennent tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9ralement pas \u00e0 amortir l’infrastructure d’accueil qu’ils ont construite \u00e0 leurs frais. Ils ne conservent, sur les milliards brass\u00e9s, que les sommes d\u00e9risoires affect\u00e9es \u00e0 des achats locaux (par exemple \u00e0 un artisanat qui se d\u00e9grade pour \u00eatre au niveau du touriste) \u00e0 la r\u00e9mun\u00e9ration d’un personnel domestique et \u00e0 la prostitution…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 46 ; \u00ab\u00a0Par exemple, des brasseries se sont install\u00e9es un peu partout dans le tiers monde. En remboursements de l’investissement qu’elles repr\u00e9sentent, en achats et en renouvellement de mat\u00e9riels, ainsi que de produits et mati\u00e8res interm\u00e9diaires, elles co\u00fbtent plus cher aux pays concern\u00e9s que des importations de bi\u00e8re.<\/p>\n (…) Inint\u00e9grables en tant qu’instruments, leur production n’\u00e9tant elle-m\u00eame pas int\u00e9gr\u00e9e, les industries d’import-substitution aggravent ainsi le ch\u00f4mage au lieu de le r\u00e9sorber. Elles repr\u00e9sentent enfin de solides liens de d\u00e9pendance entre le Centre et la P\u00e9riph\u00e9rie, l’un ayant impos\u00e9 \u00e0 l’autre, d’abord les produits qu’il avait \u00e0 vendre, puis les mat\u00e9riels qui permettent de fabriquer ces produits.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 47 ; \u00ab\u00a0Pour \u00e9luder le probl\u00e8me de la pollution, certains pays ont d\u00e9plac\u00e9 vers la P\u00e9riph\u00e9rie leurs industries les plus polluantes (raffineries, cimenteries, pap\u00e8teries, etc.), le Japon ayant, par exemple, investi dans ce but en Indon\u00e9sie. D’autres ont \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9s de transf\u00e9rer leurs industries de main d’oeuvre vers les r\u00e9gions o\u00f9 celle-ci peut \u00eatre surexploit\u00e9e, tout en \u00e9tant d’une haute qualification ; ainsi les industries d’optique allemandes ont-elles \u00e9migr\u00e9 dans le Sud-Est asiatique…<\/p>\n (…) Il faut ici rappeler que l’ouvrier du tiers monde est pay\u00e9 entre cinq et dix fois moins que l’ouvrier occidental, dans d’identiques usines et \u00e0 productivit\u00e9 \u00e9gale.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 48 ; \u00ab\u00a0Autant que l’industrie lourde (aci\u00e9rie, m\u00e9talurgie, etc.), l’informatique fait aujourd’hui partie de l’industrie de base d’un pays hautement industrialis\u00e9.<\/p>\n En Alg\u00e9rie, par exemple, les industries fond\u00e9es dans cette optique n’ont favoris\u00e9 que l’industrialisation des Etats centraux. Le sh\u00e9ma d’industrialisation \u00e9tant trop ambitieux, les effets heureux qu’on en attendait se sont produits, non pas \u00e0 l’int\u00e9rieur du pays, mais \u00e0 l’ext\u00e9rieur.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 52 ; \u00ab\u00a0Le poids du futur p\u00e8se de plus en plus sur le pr\u00e9sent, alors m\u00eame que ce futur qu’on pr\u00e9pare para\u00eet de plus en plus improbable<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 53 ; \u00ab\u00a0La croissance n’est plus un moyen<\/em> mais une fin en soi<\/em>, non pas subjectivement, mais objectivement<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 61 ; \u00ab\u00a0Aujourd’hui, on commence pourtant \u00e0 comprendre que l’avenir ne peut pas<\/em> \u00eatre une projection math\u00e9matique \u00e0 partir du pr\u00e9sent.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 62 ; \u00ab\u00a0Lorsque la question est pos\u00e9e sous cet angle, \u00e0 savoir celui de l’invraisemblable d\u00e9s\u00e9quilibre d\u00e9mographique dans le monde (Il y a plus d’habitants au km2 en Hollande qu’en Inde), les pays industrialis\u00e9s y r\u00e9pondent en pr\u00e9conisant une limitation des naissances dans le tiers monde, qui est pourtant, \u00e0 l’exception de l’Asie, manifestement sous-peupl\u00e9e par rapport \u00e0 son potentiel \u00e9conomique.<\/p>\n (…) Cet exemple illustre une \u00e9vidence, qu’on aura d’autres occasions de mettre en lumi\u00e8re : les pays industrialis\u00e9s ne peuvent se pr\u00e9occuper que des manifestations du sous-d\u00e9veloppement et non de ses causes <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 64-65-66 ; \u00ab\u00a0La construction d’une Alg\u00e9rie \u00ab\u00a0ind\u00e9pendante\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0socialiste\u00a0\u00bb n’a port\u00e9 atteinte qu’\u00e0 quelques int\u00e9r\u00eats priv\u00e9s, fort peu \u00e0 ceux de la France, nullement \u00e0 ceux de l’ensemble des Etats centraux et du monde capitaliste en particulier.<\/p>\n Certes, l’Allemagne f\u00e9d\u00e9ral, qui d\u00e9tient un monopole de fait en mati\u00e8re d’\u00e9quipement lourd en Europe occidentale, est sans doute la principale b\u00e9n\u00e9ficiaire de la politique alg\u00e9rienne de d\u00e9veloppement. Mais tous les Etats centraux, de l’Est comme de l’Ouest, et sans oublier le Japon, r\u00e9alisent des profits \u00e0 la mesure des ambitions du r\u00e9gime alg\u00e9rien, \u00e9pongeant, gr\u00e2ce \u00e0 des fournitures de mat\u00e9riels et de services, les ressources du pays, celles que lui procurent son gaz et son p\u00e9trole, celles qu’il attend de son industrialisation, les b\u00e9n\u00e9fices de la haute productivit\u00e9 des instruments de production ayant une f\u00e2cheuse tendance \u00e0 rester dans les pays qui les fabriquent et les vendent. Si la France a plus souvent un r\u00f4le de courtier que de fournisseur, la faute en revient \u00e0 sa propre construction industrielle, elle-m\u00eame tributaire de l’industrie allemande. Mais les gains des innombrables interm\u00e9diaires, au nombre desquels une majorit\u00e9 d’entreprises fran\u00e7aises, qui interviennent depuis le stade des \u00e9tudes jusqu’aux r\u00e9alisations \u00ab\u00a0cl\u00e9s en main\u00a0\u00bb, sont loin d’\u00eatre n\u00e9gligeables : le surco\u00fbt des investissement en Alg\u00e9rie est \u00e9valu\u00e9 \u00e0 30 % de la valeur th\u00e9orique de ceux-ci !<\/p>\n Que la plupart des investissements soient r\u00e9alis\u00e9s dans le cadre de soci\u00e9t\u00e9s \u00e9tatiques ne g\u00eane en rien les pays qui \u00e9quipent l’Alg\u00e9rie. D’autant que ceux-ci apportent tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 ces soci\u00e9t\u00e9s une assistance de longue dur\u00e9e, en mati\u00e8re de technique et de gestion, de telle sorte que le statut juridique des soci\u00e9t\u00e9s n’est que de pure forme.<\/p>\n Et en quoi la nationalisation (encore partielle) du p\u00e9trole et du gaz alg\u00e9rien a-t-elle l\u00e9s\u00e9 les int\u00e9r\u00eats des Etats centraux ? Ceux-ci continuent, comme par le pass\u00e9, d’\u00eatre approvisionn\u00e9s en \u00e9nergie. Leurs int\u00e9r\u00eats priv\u00e9s ont \u00e9t\u00e9 \u00e9vinc\u00e9s, mais on les retrouve aujourd’hui associ\u00e9s \u00e0 la SONATRACH, dans des filiales sp\u00e9cialis\u00e9es de cette soci\u00e9t\u00e9 nationale, et dans le cadre d’une \u00ab\u00a0joint venture\u00a0\u00bb de plus en plus appr\u00e9ci\u00e9e. Comme par le pass\u00e9, ce sont les Etats centraux qui vendent \u00e0 l’Alg\u00e9rie les \u00e9quipements n\u00e9cessaires \u00e0 la recherche, \u00e0 l’exploitation et \u00e0 l’exportation du gaz et du p\u00e9trole, ainsi que ceux qui permettent la valorisation industrielle des produits p\u00e9troliers. Bien que leur interlocuteur soit une soci\u00e9t\u00e9 \u00e9tatique, l’\u00e9change est d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9, au point de para\u00eetre parfois scandaleux.<\/p>\n C’est ainsi, par exemple, que la SONATRACH a achet\u00e9, aux USA et au Japon, une installation pour la liqu\u00e9faction du gaz arrivant \u00e0 Arzew, gr\u00e2ce \u00e0 un cr\u00e9dit que lui a consenti un groupe de banques am\u00e9ricaines et japonaises, cr\u00e9dit qui sera rembours\u00e9 en vingt-cinq ans par des livraisons de gaz \u00e0 un prix stabilis\u00e9. Une telle installation n’ayant aucune chance d’avoir une vie technique aussi longue, il est plus que probable que le gaz alg\u00e9rien ne financera que sa propre exploitation. Il serait question que ce contrat soit ren\u00e9goci\u00e9, les avantages qu’en retirent les pays acheteurs d’\u00e9nergie et fournisseurs de mat\u00e9riels \u00e9tant jug\u00e9s excessifs. Excessifs, sans doute, mais nullement \u00ab\u00a0anormaux\u00a0\u00bb, si l’on consid\u00e8re la mani\u00e8re dont les richesses naturelles du tiers monde sont mises en valeur.<\/p>\n Le d\u00e9s\u00e9quilibre des \u00e9changes entre le Centre et la P\u00e9riph\u00e9rie s’aggrave, lorsque cette derni\u00e8re importe des biens auxquels est incorpor\u00e9e une valeur ajout\u00e9e maximale. Il s’aggrave quand elle importe une technologie de pointe, d’autant que le co\u00fbt de l’instrument dot\u00e9 d’une haute technologie est d\u00e9sormais hors de proportion avec la productivit\u00e9 qu’on peut en attendre. Or, c’est pr\u00e9cis\u00e9ment le choix qu’a fait l’Alg\u00e9rie. Les Etats centraux tirent \u00e9videmment parti de ce choix. Mais comment auraient-ils r\u00e9agi si l’Alg\u00e9rie avait fait le pari de b\u00e2tir, non pas une \u00e9conomie \u00ab\u00a0avanc\u00e9e\u00a0\u00bb, mais une soci\u00e9t\u00e9 socialiste, de compter davantage sur sa population, aujourd’hui en ch\u00f4mage ou \u00ab\u00a0export\u00e9e\u00a0\u00bb, que sur une technologie import\u00e9e ? La construction d’une Alg\u00e9rie r\u00e9ellement ind\u00e9pendante (comptant peu sur l'\u00a0\u00bbennemi\u00a0\u00bb ext\u00e9rieur) et authentiquement socialiste (comptant davantage sur son peuple), aurait certainement pos\u00e9 un s\u00e9rieux probl\u00e8me \u00e0 la collectivit\u00e9 internationale.<\/p>\n (…) il ne sert rien de soigner les petits boutons de fi\u00e8vre du tuberculeux.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 67 ; \u00ab\u00a0Pour atteindre le but th\u00e9orique qu’elles poursuivent, les organisations charitables devraient au moins inscrire leurs actions ponctuelles dans le cadre d’une lutte pr\u00e9cise contre la cause des maux qu’elles soignent : par exemple, contre les structures agraires, le mode d’appropriation des sols, ou certaines cultures qui favorisent les d\u00e9s\u00e9quilibres climatiques, la s\u00e9cheresse ou les inondations…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 70 ; \u00ab\u00a0Parmi les doctrines (ou les croyances) qui proc\u00e8dent de leur \u00ab\u00a0id\u00e9ologie dominante\u00a0\u00bb, les plus enracin\u00e9es et les plus inqui\u00e9tantes pour l’avenir de l’humanit\u00e9 sont pr\u00e9cis\u00e9ment celles qui sont relatives au d\u00e9veloppement<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 71 ; \u00ab\u00a0L’immense majorit\u00e9 est conservatrice. Pourtant elle croit aussi \u00e0 l’utopie, puisqu’elle croit que l’humanit\u00e9 avance sur la voie d’un progr\u00e8s.<\/p>\n (…) Les grands romans de science-fiction -ceux qui sont porteurs de messages- d\u00e9crivent une humanit\u00e9 future, conditionn\u00e9e et \u00e9cervel\u00e9e par sa propre construction technico-\u00e9conomique (et par cons\u00e9quent politique).\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 72 ; \u00ab\u00a0D\u00e9sormais le progr\u00e8s s’autod\u00e9truit, en d\u00e9truisant l’objet auquel il s’applique (le monde physique), tandis que la fraction de l’humanit\u00e9 qui croyait le ma\u00eetriser \u00e0 son profit est contrainte d’en accepter la loi.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 76 ; \u00ab\u00a0La bourgeoisie du tiers monde, qu’elle soit d’origine capitaliste, politique, administrative ou militaire, est ainsi incorpor\u00e9e dans le syst\u00e8me \u00e9conomique international qui assure une croissance au Centre. Sans doute s’y trouve-t-elle dans une position subordonn\u00e9e, puisqu’elle n’a pas un r\u00f4le directeur d\u00e9cisif dans les activit\u00e9s qui la font vivre -d’o\u00f9 le qualificatif de lumpen bourgeoisie<\/em> qui lui a \u00e9t\u00e9 donn\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 78 , \u00ab\u00a0Tout particuli\u00e8rement dans les Etats nouvellement ind\u00e9pendants, o\u00f9 la lumpen bourgeoisie a utilis\u00e9 le nationalisme pour accaparer le pouvoir politique, le socialisme sert de couverture aux ambitions de cette classe compos\u00e9e essentiellement de fonctionnaires, justifiant la bureaucratisation de l’\u00e9conomie, mais tournant court d\u00e8s lors que l’option impliquerait une rupture avec le monde capitaliste (c.f. L’Alg\u00e9rie, la Tanzanie, etc.).<\/p>\n Il faut se rendre \u00e0 l’\u00e9vidence : c’est la formation sociale dans les pays p\u00e9riph\u00e9riques qui interdit que soit trouv\u00e9e une voie vers le d\u00e9veloppement.<\/em><\/p>\n (…) Mais il serait absurde de ne pas reconna\u00eetre la part consid\u00e9rable de responsabilit\u00e9 que portent les bourgeoisies du tiers monde, dans le fonctionnement d’un syst\u00e8me d’exploitation \u00ab\u00a0global\u00a0\u00bb, dont elles d\u00e9noncent pourtant si volontiers l’injustice sur la sc\u00e8ne internationale. Elles repr\u00e9sentent un maillon indispensable de la cha\u00eene qui lie les pays exploit\u00e9s aux pays exploiteurs.<\/p>\n (…) Les \u00e9lites intellectuelles du tiers monde n’appartiennent plus \u00e0 la civilisation des peuples qui les dirigent. Elles sont porteuses d’une civilisation \u00e9conomique et technique. Et elles n’existent, en tant qu’\u00e9lites dirigeantes, que parce qu’elles sont porteuses de cette civilisation \u00e9trang\u00e8re. Mais est-ce d’une civilisation \u00e0 proprement parler, ou d’une id\u00e9ologie qu’elles sont le cheval de Troie introduit dans leur propre pays ?\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 80 , \u00ab\u00a0La lumpen bourgeoisie se trouve donc, \u00e0 l’\u00e9chelle d’un Etat, dans la m\u00eame position que l’Etat central \u00e0 l’\u00e9chelle internationale.<\/p>\n (…) C’est d’abord en tant que classe consommatrice que la lumpen bourgeoisie se fixe cet objectif de progr\u00e8s.<\/p>\n La relation entre consommation et sous-d\u00e9veloppement est essentielle. On sait que l’\u00e9change in\u00e9gal et sa d\u00e9gradation dans le temps n’entra\u00eenent pas la ruine du pays p\u00e9riph\u00e9rique et l’arr\u00eat des \u00e9changes, si le paysan demeure un producteur, tout en \u00e9tant exclu de l’\u00e9conomie en tant que consommateur. Pourtant, c’est le consommateur qui impose l’\u00e9change in\u00e9gal : le consommateur privil\u00e9gi\u00e9, dont les habitudes de consommation sont model\u00e9es par l’\u00e9tranger. La bourgeaoisie dispose en effet de revenus importants, dont la fraction consacr\u00e9e \u00e0 la consommation est trop \u00e9lev\u00e9e par rapport \u00e0 la production nationale directement consommable.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 81-82 ; \u00ab\u00a0… les conflits d’int\u00e9r\u00eats entre classes sociales se doublent de conflits de civilisations.<\/p>\n De ce m\u00e9pris, que la lumpen bourgeoisiue se d\u00e9fend bien entendu d’\u00e9prouver, on pourrait donner d’innombrables exemples, dont certains sont grotesques (r\u00e8glement de l’habillement) et d’autres dramatiques (s\u00e9dentarisation autoritaire de nomades, g\u00e9nocides, etc.).<\/p>\n (…) Car, les \u00e9lites nationales comme pour ces derniers, le peuple n’est pas victime du sous-d\u00e9veloppement, il en est responsable <\/em>. Il le porte en lui. Le sous-d\u00e9veloppement du pays est d\u00fb \u00e0 son ignorance, \u00e0 ses traditions malsaines, \u00e0 sa paresse… Et c’est pourquoi tout le discours r\u00e9sonne de discours \u00e0 la gloire dutravail<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p.84 ; \u00ab\u00a0D\u00e9j\u00e0 d\u00e9croch\u00e9e \u00e0 tous \u00e9gards du peuple, la lumpen bourgeoisie a ainsi tendance \u00e0 s’en \u00e9loigner toujours davantage. D\u00e8s lors, son avenir d\u00e9pend de plus en plus de ses alliances ext\u00e9rieures <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 87 ; \u00ab\u00a0La plupart des sp\u00e9cialistes de la politique mondiale estiment que les r\u00e9voltes du tiers monde, pour in\u00e9vitable qu’elles soient ne pourront d\u00e9boucher sur une mise en question fondamentale de l’ordre \u00e9conomique international. Ils fondent leur opinion sur une s\u00e9rie d’\u00e9vidences.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 88 , \u00ab\u00a0En d\u00e9finitive, la lumpen bourgeoisie, garante de l’ordre \u00e9conomique international, a une positionpolitique<\/em> beaucoup plus forte que celle d’une bourgeoisie dirigeante du Centre, d’une part gr\u00e2ce \u00e0 ses alliances ext\u00e9rieures, d’autre part et surtout, parce que le peuple n’existe pas, en tant que force organis\u00e9e et organisable<\/em> dans la plupart des pays p\u00e9riph\u00e9riques.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 90 ; \u00ab\u00a0Ce n’est pas n\u00e9cessairement le prol\u00e9tariat qui est porteur de la r\u00e9volution, mais bien la quasi-totalit\u00e9 de la population. Et c’est la population enti\u00e8re qui peut basculer dans le camp de la r\u00e9volution, dans tous les pays qui ne disposent pas de ressources naturelles importantes et qui ne peuvent donc assurer le fonctionnement de l’Etat et une rente \u00e0 leur lumpen bourgeoisie, en dilapidant le capital que repr\u00e9sentent ces ressources.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 92 ; \u00ab\u00a0Les peuples du tiers monde se trouvent tr\u00e8s exactement, dans la situation qui fut celle de la classe ouvri\u00e8re au XIX\u00e8me si\u00e8cle, au moment o\u00f9 le marxisme (qui ne pr\u00e9voyait pas toutes les cons\u00e9quences de l’\u00e9volution de l’exploitation dans la P\u00e9riph\u00e9rie) d\u00e9montra au prol\u00e9tariat qu’il ne servait \u00e0 rien de r\u00e9clamer plus de justice dans les rapports socio-\u00e9conomiques au sein de la soci\u00e9t\u00e9 bourgeoise, qu’il fallait abattre cette soci\u00e9t\u00e9 pour que puisse s’instaurer la justice. Si les gouvernants du tiers monde, dans la mesure o\u00f9 ils sont l’\u00e9manation de la lumpen bourgeoisie , ont pu jusqu’ici s’en tenir \u00e0 une attitude revendicative au sein de la soci\u00e9t\u00e9 inter\u00e9tatique, les peuples, quant \u00e0 eux, n’ont pas le choix : ils ne peuvent \u00e9chapper \u00e0 l’exploitation qu’en sortant de la soci\u00e9t\u00e9 qui l’organise.<\/p>\n p. 93 ; \u00ab\u00a0Pour un peuple victime du sous-d\u00e9veloppement, bloqu\u00e9 par le syst\u00e8me d’exploitation, \u00e0 la fois dans la mis\u00e8re et dans une impasse technique <\/em>, l’objectif \u00e0 atteindre n’est pas de ressembler aux peuples nantis, d’avoir leur niveau de production et de consommation.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 94 ; \u00ab\u00a0La construction d’une \u00e9conomie nationale n’est jamais envisag\u00e9e en fonction du pays et de la soci\u00e9t\u00e9 concern\u00e9e, encore moins \u00e0 partir du r\u00f4le th\u00e9orique qu’a ou que devrait avoir une \u00e9conomie. Elle l’est seulement par r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 un mod\u00e8le ext\u00e9rieur au pays, par r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 ce que les Etats centraux ont fait de l’\u00e9conomie, de leur niveau technique, de l’organisation sociale qu’implique leur propre construction \u00e9conomique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 95 ; \u00ab\u00a0Cependant, un imp\u00e9ratif s’impose \u00e0 tous les pays du tiers monde, \u00e0 tous ceux qui tenteraient de se reconstruire en dehors du syst\u00e8me \u00e9conomique mondial : une r\u00e9volution. Cet imp\u00e9ratif n’est pas purement politique. Il est technique.<\/p>\n Certes ! le d\u00e9veloppement a une dimension politique que trop souvent on oublie. On ne peut le r\u00e9duire \u00e0 un sh\u00e9ma technocratique, aussi satisfaisant que celui-ci puisse para\u00eetre. On ne peut, par exemple, n\u00e9gliger les cons\u00e9quences qu’auront les diff\u00e9rentes \u00e9tapes de la construction \u00e9conomique sur la formation sociale (c’est manifestement l\u00e0 le principal vice du \u00ab\u00a0projet alg\u00e9rien\u00a0\u00bb).\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 96 , \u00ab\u00a0Un plan de d\u00e9veloppement digne de ce nom, ne peut \u00eatre que celui d’une r\u00e9volution.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 98 ; \u00ab\u00a0Il ne s’agit \u00e9videmment pas d’\u00e9tablir un \u00ab\u00a0dialogue\u00a0\u00bb, comme on pr\u00e9tend de plus en plus souvent vouloir le faire dans les pays francophones, o\u00f9 les \u00ab\u00a0mots\u00a0\u00bb du G\u00e9n\u00e9ral de Gaulle tiennent lieu de politique. Il s’agit de mettre en forme l’avenir dans l’action, le peuple ayant des pouvoirs \u00e0 la mesure des responsabilit\u00e9s qui lui incombent et pouvant ainsi orienter les choix du pouvoir. Sa participation, indispensable \u00e0 la reconstruction d’une \u00e9conomie nationale, ne peut \u00eatre effective que s’il cesse d’\u00eatre l’instrument d’une politique qu’il lui est impos\u00e9e , pour devenir le moteur d’une politique qu’il choisit ou adopte.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 99 ; \u00ab\u00a0Mais ils savent qu’ils sont tout au bas de l’\u00e9chelle des soci\u00e9t\u00e9s. Leur avenir, au mieux, ne peut \u00eatre que le pr\u00e9sent. Il n’a pas de forme pr\u00e9cise. Il n’est en tout cas pas \u00ab\u00a0l’objet\u00a0\u00bb ou l’ascension individuelle. Il est vierge. Et ces peuples bloqu\u00e9s et vacants sont n\u00e9cessairement porteurs d’un autre<\/em> avenir. Car ils sont condamn\u00e9s \u00e0 innover pour \u00e9chapper au sous-d\u00e9veloppement et \u00e0 l’exploitation qui le provoque. ils sont contraints d’aller dans une autre direction que celle qui a \u00e9t\u00e9 impos\u00e9e au monde entier par la civilisation jusqu’ici triomphante du Centre. Mais s’ils s’engagent dans une autre voie, ce sont eux qui, \u00e0 leur tour, condamnent ceux qui les ont exploit\u00e9s. Dans cette mesure (une mesure en quelque sorte \u00ab\u00a0technique\u00a0\u00bb), ils sont ainsi porteurs de la r\u00e9volution mondiale<\/em> : si on ne peut pas les emp\u00eacher d’aller de l’avant, il faudra les suivre…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 100-101 , \u00ab\u00a0Afficher des options politiques avanc\u00e9es (socialistes, marxistes-l\u00e9ninistes…), se doter d’un nouveau drapeau (rouge \u00e9videmment), engager des campagnes verbales de politisation (ou plus pr\u00e9cis\u00e9ment de propagande), avant d’avoir atteint quelques objectifs strat\u00e9giquement d\u00e9cisifs, avant que la population ait eu la possibilit\u00e9 d’appr\u00e9cier la valeur de ces options et de se politiser d’elle-m\u00eame dans une action effective, c’est prendre un risque consid\u00e9rable, non seulement vis-\u00e0-vis de l’ext\u00e9rieur, mais au plan interne. Il ne faut pas oublier que les r\u00e9gimes sont jug\u00e9s (surtout \u00e0 l’ext\u00e9rieur) beaucoup moins sur ce qu’ils font que sur ce qu’ils pr\u00e9tendent vouloir faire. Le mot \u00ab\u00a0socialisme\u00a0\u00bb ou, a fortiori, \u00ab\u00a0communisme\u00a0\u00bb d\u00e9clenche bien souvent des r\u00e9actions allergiques, m\u00eame chez ceux qui accepteraient avec soulagement un ordre authentiquement socialiste ou communiste, o\u00f9 rapports de production, rapports sociaux et rapports humains sont par d\u00e9finition acceptables par tout le monde, sauf par ceux qui veulent exploiter autrui et se couper de la sorte du groupe social. Il est dangereux d’ignorer ce ph\u00e9nom\u00e8ne de rejet instinctif, particuli\u00e8rement fort dans les pays id\u00e9ologiquement domin\u00e9s, o\u00f9 les aspects les plus choquants de certaines exp\u00e9riences \u00ab\u00a0socialistes\u00a0\u00bb ont puissamment servi la propagande de la puissance dominante et de ses alli\u00e9s locaux.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 103 ; \u00ab\u00a0Et agir comme si cet espoir \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 une contribution \u00e0 la venue de cette utopie internationale, qui est aussi peu vraisemblable qu’elle est n\u00e9cessaire.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 107 ; \u00ab\u00a0Toutes les subtiles analyses politiques qu’on peut faire pour d\u00e9montrer le contraire pr\u00e9sentent un d\u00e9faut majeur : elles sont contredites par l’exp\u00e9rience.<\/p>\n L’Etat, gestionnaire des structures \u00e9tatiques, doit \u00eatre aussi provisoire que ces structures devraient l’\u00eatre. Son r\u00f4le, en tant que pouvoir politique, est d’abord de mettre en question son pouvoir. il n’est pas d’\u00e9dicter et d’imposer une loi \u00ab\u00a0id\u00e9ologique\u00a0\u00bb, mais de la solliciter du peuple.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 113 , \u00ab\u00a0Il est r\u00e8s rare qu’une technique soit \u00ab\u00a0neutre\u00a0\u00bb, qu’elle ne proc\u00e8de d’aucune conception politique, d’aucune id\u00e9ologie, qu’elle ne favorise aucune tendance politique. Il est encore plus rare que le technicien ait conscience du choix politique qu’il fait en employant sa technique.<\/p>\n (…) Et il est remarquable qu’un expert de l’ONU form\u00e9 aux USA, un fonctionnaire sovi\u00e9tique du Gosplan et un technicien appoint\u00e9 par une soci\u00e9t\u00e9 priv\u00e9e d’\u00e9tudes europ\u00e9enne, aient des m\u00e9thodes de travail tout \u00e0 fait comparables.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 114 ; \u00ab\u00a0Le r\u00f4le d\u00e9cisif qu’a le syst\u00e8me des \u00e9changes internationaux dans le processus de sous-d\u00e9veloppement, est ignor\u00e9 par ceux auxquels l’\u00e9change profite<\/em>.<\/p>\n La m\u00e9thodologie de l’expert n’est pas politiquement neutre : elle est le produit de l’id\u00e9ologie dominante des Etats centraux <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 115-116 ; \u00ab\u00a0la route est une condition n\u00e9cessaire et non pas suffisante du d\u00e9veloppement. Son utilit\u00e9 \u00e9conomique sera nulle, aussi longtemps que le contexte interdira le retour du paysannat dans la vie \u00e9conomique du pays. Il est d\u00e9plorable qu’un village ne puisse plus recevoir de sel, parce que la route s’est effondr\u00e9e. Mais il est absurde de construire une route pour apporter un kilo de sel \u00e0 des villageois et drainer, en retour, un sac de riz ou de manioc.<\/p>\n A force de n’envisager \u00ab\u00a0l’exploitation\u00a0\u00bb que sous l’angle du Capital, on en arrive assez vite \u00e0 faire dispara\u00eetre de l’\u00e9conomie le concept pourtant essentiel d’activit\u00e9 <\/em>. N’est-ce pas d’ailleurs la raison qui permet \u00e0 certains \u00e9conomistes de porter toute leur attention sur les flux financiers (en mati\u00e8re d’aide, de volume d’investissements, de fuite de capitaux, etc.), de telle sorte que d\u00e9veloppement et sous-d\u00e9veloppement ne paraissent \u00eatre que des probl\u00e8mes de ressources <\/em>?\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 121 , \u00ab\u00a0Dans le choix des objectifs \u00e0 atteindre, comme dans celui des moyens, le planificateur raisonne en termes de comparaison. Il ne voit<\/em> pas le pays dont il va programmer l’avenir. Il le compare <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 125 ; \u00ab\u00a0L’erreur du planificateur est d’imaginer l’avenir \u00e0 partir de ce qui existe, au lieu de le faire en fonction du but poursuivi <\/em>.<\/p>\n (…) Le Congo est un pays riche. Il est, au total, plus riche en ressources naturelles que la Norv\u00e8ge, le Danemark ou l’Italie. Divis\u00e9es par le chiffre de sa population (environ 1 million d’habitants), ces richesses le placeraient tr\u00e8s loin devant le Japon. Sur ses terres cultivables, dont une infime partie est cultiv\u00e9e, ainsi que sur ses ressources exploit\u00e9es ou potentielles, il pourrait, en th\u00e9orie, faire vivre une population infiniment plus nombreuse.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 128 , \u00ab\u00a0Quelle est donc la dimension minimale que doit avoir une unit\u00e9 \u00e9conomique, pour pouvoir renoncer \u00e0 servir l’\u00e9conomie mondiale, pour \u00eatre autoris\u00e9e \u00e0 se construire elle-m\u00eame ?\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 129 ; \u00ab\u00a0Une micro-\u00e9conomie peut se d\u00e9velopper sans \u00e9largissement du groupe social, d\u00e8s lors que ce dernier consacre une partie de son travail \u00e0 construire l’avenir, qu’il am\u00e9liore son aptitude \u00e0 dominer et \u00e0 utiliser le milieu, pr\u00e9suppos\u00e9 utilisable dans des limites qu’il est bien aventureux de fixer a priori. Enfin, un million d’habitants suffirait \u00e0 assurer le d\u00e9marrage d’une \u00e9conomie intravertie, s’il s’agissait d’un million de producteurs-consommateurs, si ceux-ci \u00e9taient introduits dans des appareils de production perfectibles, dont le niveau technologique de d\u00e9part et la productivit\u00e9 initiale importent peu, le seul probgl\u00e8me imm\u00e9diat \u00e9tant de recr\u00e9er les conditions permettant des \u00e9changes internes.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 132 ; \u00ab\u00a0Enfin, la classe actuellement consommatrice est en elle-m\u00eame trop \u00e9troite pour assurer un d\u00e9bouch\u00e9 \u00e0 toutes les activit\u00e9s de production qui seraient en th\u00e9orie, indispensables dans un pays repli\u00e9 sur lui-m\u00eame.<\/p>\n Il faut donc recenser les besoins de l’\u00e9norme masse des consommateurs vivant jusqu’ici en dehors du march\u00e9. Etant entendu que le probl\u00e8me demeurera de rendre \u00e9conomiquement<\/em> possible la satisfaction de besoins potentiels (en changeant le syst\u00e8me de prix et de salaire, c’est-\u00e0-dire les conditions de l’\u00e9change) et aussi de laisser \u00e0 la masse une certaine latitude pour d\u00e9finir elle-m\u00eame<\/em> ses besoins.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 133 ; \u00ab\u00a0Il est cependant bien \u00e9vident que pour un pays qui a \u00e9t\u00e9 domin\u00e9 pendant des si\u00e8cles, le probl\u00e8me n’est pas de retrouver son type original de consommation, mais bien de le r\u00e9inventer <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 134 ; \u00ab\u00a0De l’inventaire des besoins, d\u00e9coule celui des activit\u00e9s \u00e0 promouvoir, \u00e0 d\u00e9velopper ou \u00e0 r\u00e9orienter.<\/p>\n (…) Cependant, certaines activit\u00e9s ne peuvent ni s’interrompre ni \u00eatre con\u00e7ues autrement qu’elles ne le sont \u00e0 l’heure actuelle, que ce soit techniquement ou \u00e9conomiquement : t\u00e9l\u00e9communications, extraction et raffinage du p\u00e9trole, etc.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 136 , \u00ab\u00a0Si, par exemple, les Congolais retrouvaient un type de consommation conforme \u00e0 leurs possibilit\u00e9s imm\u00e9diates de production, ils ne construiraient plus d’immeubles en b\u00e9ton arm\u00e9 ou recouverts de t\u00f4les ondul\u00e9es, n’utiliseraient plus de tissus synth\u00e9tiques et ne mangeraient plus de beurre. Cela ne signifie pas qu’ils seraient plus mal log\u00e9s, habill\u00e9s et nourris que leurs voisins et que les peuples riches.<\/p>\n L’usage de la t\u00f4le ondul\u00e9e est l’exemple m\u00eame de l’absurde d\u00e9placement du \u00ab\u00a0besoin\u00a0\u00bb vers le produit import\u00e9. La t\u00f4le, outre sa laideur, ne convient pas au climat africain. Elle pourrait \u00eatre avantageusement remplac\u00e9e par des produits locaux (bois trait\u00e9, bagasse agglom\u00e9r\u00e9e, tuiles, briques creuses, etc.), dont la production ne peut \u00eatre techniquement et \u00e9conomiquement envisag\u00e9e que si elle est massive. Le comble de l’absurde est \u00e9videmment d’en arriver \u00e0 onduler localement la t\u00f4le (Haute-Volta), dans le cadre d’une industrie miniaturis\u00e9e, qui co\u00fbte plus cher en d\u00e9gr\u00e8vements fiscaux qu’elle ne rapporte de salaires, \u00e9tant entendu qu’on ne peut m\u00eame pas esp\u00e9rer une r\u00e9duction des frais de transport sur l’importation de la t\u00f4le \u00e0 plat ! Mais l’immeuble en b\u00e9ton, le plus souvent \u00e0 usage de bureaux (ou pour loger les assistants techniques) n’est pas moins inadapt\u00e9 au climat. Source de suj\u00e9tions techniques et commerciales (climatisation, ascenseurs, etc.) il est inutile dans un pays o\u00f9 la faible concentration urbaine ne justifie pas les constructions en hauteur.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 137 ; \u00ab\u00a0Il est cependant certain qu’au d\u00e9part d’un remodelage \u00e9conomique, les co\u00fbts de production seront souvent sup\u00e9rieurs \u00e0 ceux des Etats centraux.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 138 , \u00ab\u00a0La rentabilit\u00e9, notion \u00e9conomique et sociale, au moins autant que financi\u00e8re, devrait \u00eatre appr\u00e9ci\u00e9e \u00e0 l’\u00e9chelle d’un groupe aussi large que possible d’op\u00e9rations. Ainsi \u00e9viterait-on certaines impossibilit\u00e9s \u00ab\u00a0techniques\u00a0\u00bb qui ne sont g\u00e9n\u00e9ralement que financi\u00e8res. Par exemple, une ou plusieurs activit\u00e9s industrielles peuvent \u00eatre d\u00e9ficitaires, tout en \u00e9tant indispensables au d\u00e9veloppement d’autres activit\u00e9s, elles-m\u00eames rentables.<\/p>\n Il n’emp\u00eache que la reconstruction d’une \u00e9conomie d\u00e9croch\u00e9e de son contexte g\u00e9ographique n’est concevable, que si le milieu socio-politique est parfaitement homog\u00e8ne, totalement imperm\u00e9able aux influences ou tentations ext\u00e9rieures. L’autarcie \u00e9conomique est difficile \u00e0 mettre en oeuvre, non seulement parce qu’elle implique une autodiscipline de la population. Il ne peut \u00eatre question de pr\u00e9server les coh\u00e9rences \u00e9conomiques internes par la contrainte.<\/p>\n (…) Un tel espoir serait passablement utopique dans une soci\u00e9t\u00e9 de type occidental, o\u00f9 la r\u00e9ussite est individuelle et s’obtient malgr\u00e9 ou contre le milieu. Il l’est beaucoup moins dans une soci\u00e9t\u00e9 dite primitive, d’ores et d\u00e9j\u00e0 divis\u00e9e en micro-\u00e9conomies de subsitances autarciques, en groupes habitu\u00e9s \u00e0 une autodiscipline pour survivre en dehors du syst\u00e8me \u00e9conomique dominant<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 140 ; \u00ab\u00a0Le progr\u00e8s technologique d’un pays est celui qu’il r\u00e9alise lui-m\u00eame. S’il est amen\u00e9 \u00e0 l’importer, il doit le \u00ab\u00a0voler\u00a0\u00bb. Il doit \u00eatre capable de l’adapter \u00e0 son contexte propre, \u00e0 ses besoins sp\u00e9cifiques, \u00e0 ses propres imp\u00e9ratifs \u00e9conomiques et sociaux. Le progr\u00e8s technologique import\u00e9 constitue une charge ind\u00e9finie, s’il ne peut \u00eatre \u00ab\u00a0intellectuellement\u00a0\u00bb int\u00e9gr\u00e9, stade pr\u00e9alable \u00e0 l’int\u00e9gration \u00e9conomique. C’est pourquoi, au d\u00e9marrage d’une reconstruction \u00e9conomique nationale, le niveau technologique des appareils de production devrait \u00eatre aussi proche que possible du niveau de formation des travailleurs et des techniciens, quitte \u00e0 amortir ces instruments pendant la dur\u00e9e de formation th\u00e9orique et pratique de l’ensemble de la population.<\/p>\n (…) Un faible niveau technologique all\u00e8gerait les d\u00e9penses d’investissement et accro\u00eetrait le nombre des emplois. Mais il faciliterait surtout une int\u00e9gration imm\u00e9diate des instruments de production. Ceux-ci contiendraient, par exemple, plus de fonte et de t\u00f4les que d’aciers sp\u00e9ciaux. Or, si la cr\u00e9ation d’une aci\u00e9rie est difficilement envisageable dans un petit pays au d\u00e9marrage de sa reconstruction \u00e9conomique, celle de fonderies est toujours possible.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 142 ; \u00ab\u00a0Dans les pays o\u00f9 80 \u00e0 95% de la population n’entrevoient du progr\u00e8s technologique que la t\u00f4le ondul\u00e9e, le bidon de r\u00e9cup\u00e9ration ou la bassine en plastique, les cons\u00e9quences d’une r\u00e9gression technologique ne peuvent \u00eatre dramatiques.<\/p>\n (…) Ce qui signifie que le probl\u00e8me du d\u00e9veloppement ne peut \u00eatre pos\u00e9 en termes de comp\u00e9tition comme on le fait d’ordinaire. Tout au contraire, il ne pourra \u00eatre r\u00e9solu que par le refus de la comp\u00e9tition.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 143 ; \u00ab\u00a0En r\u00e9alit\u00e9, la politique des p\u00f4les n’est que la transposition, \u00e0 l’\u00e9chelle d’un pays, de l’organisation du syst\u00e8me d’exploitation international et de sa dynamique : tous les efforts sont concentr\u00e9s sur les p\u00f4les, qui drainent les ressources des r\u00e9gions les moins favorables aux investissements, de telle sorte que l’\u00e9cart entre les r\u00e9gions s’aggrave. Quant \u00e0 affirmer que les b\u00e9n\u00e9fices de la croissance des p\u00f4les permettront de financer ult\u00e9rieurement les r\u00e9gions d\u00e9sh\u00e9rit\u00e9es, c’est, d’une part, pr\u00e9voir qu’on le fera dans de plus mauvaises conditions qu’au d\u00e9part (ces r\u00e9gions s’\u00e9tant \u00ab\u00a0sous-d\u00e9velopp\u00e9es\u00a0\u00bb par rapport aux p\u00f4les) et c’est, d’autre part, reconna\u00eetre qu’il faudra bien un jour renoncer \u00e0 la politique des p\u00f4les.<\/p>\n (…) Il faut \u00ab\u00a0d\u00e9raciner\u00a0\u00bb le d\u00e9veloppement.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 145 , \u00ab\u00a0Le probl\u00e8me \u00e9tant d’amener les producteurs \u00e0 appr\u00e9cier leurs int\u00e9r\u00eats \u00e0 une \u00e9chelle autre que territoriale (et qui ne devrait m\u00eame plus \u00eatre un jour celle du pays), ils ne doivent pas s’organiser en fonction du lieu de production, mais plut\u00f4t en fonction d’un produit ou d’un groupe de produits .\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 149 ; \u00ab\u00a0Le technicien, surtout s’il a une quelconque teinture \u00ab\u00a0socialiste\u00a0\u00bb, se place toujours dans l’optique d’une \u00e9tatisation de l’\u00e9conomie, parce qu’il veut intervenir, qu’il ne peut le faire que sous le couvert de l’Etat, qu’enfin sa comp\u00e9tence ou celle de sa classe justifie la mise en tutelle du peuple.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 150 ; \u00ab\u00a0Parfois, dans le \u00ab\u00a0secteur moderne\u00a0\u00bb, les travailleurs sont autoris\u00e9s \u00e0 s’organiser, mais sous la tutelle directe ou indirecte de la bureaucratie (et on aimerait que l’Organisation internationale du travail ait le courage de d\u00e9noncer le scandale que constitue le syndicalisme dans le tiers monde!). Il en va de m\u00eame dans le domaine agricole, o\u00f9 la bureaucratie conserve le contr\u00f4le du paysannat, soit en encadrant des actions de d\u00e9veloppement, soit en monopolisant la collecte des produits (coop\u00e9ratives administratives de type tanzanien, soci\u00e9t\u00e9s d’Etat de type malgache ou alg\u00e9rien, etc.), de telle sorte que l’\u00e9ventuelle organisation d\u00e9mocratique de la base n’est que de pure forme.<\/p>\n Dans tous les pays, le \u00ab\u00a0peuple souverain\u00a0\u00bb n’est ainsi autoris\u00e9 \u00e0 avoir, dans le domaine \u00e9conomique, qu’un r\u00f4le d’instrument.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 151 ; \u00ab\u00a0On ne parlera pas de l’autogestion en Alg\u00e9rie, qui n’a dur\u00e9 que le temps d’un feu de paille, la bureaucratie ayant rapidement pris le contr\u00f4le des entreprises, transformant quelques insuffisances techniques de gestion en scandales socio-politiques et, souvent, en faillites \u00e9conomiques (en particulier dans le domaine agricole). Ce n’est gu\u00e8re qu’en Yougoslavie que l’autogestion a \u00e9t\u00e9 appliqu\u00e9e \u00e0 l’\u00e9chelle d’un pays. Mais les responsables politiques yougoslaves n’ont pas tir\u00e9 toutes les cons\u00e9quences de ce choix, en modifiant les structures de l’Etat et le r\u00f4le de l’administration. Sans doute parce que la Yougoslavie est profond\u00e9ment divis\u00e9e et ne survit, en tant qu’Etat, que gr\u00e2ce \u00e0 un pouvoir centralis\u00e9 et fort.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 168 ; \u00ab\u00a0Am\u00e9liorer l’habitat en r\u00e9gion tropicale ne consiste pas \u00e0 y introduire le ciment. Or, il n’existe pas d’industrie pour rendre plus confortable la maison en mat\u00e9riaux l\u00e9gers, la cuisine en plein air ou la douche aliment\u00e9e en eau de pluie…<\/p>\n (…) Il est enfin \u00e0 noter que la quasi-totalit\u00e9 des sh\u00e9mas de d\u00e9veloppement agricole pr\u00e9voient que ce dernier r\u00e9sultera d’une addition de progr\u00e8s individuels : quelques paysans mod\u00e8les<\/em> entra\u00eeneront les autres. C’est tabler sur une soci\u00e9t\u00e9 individualiste et comp\u00e9titive qui est \u00e0 l’oppos\u00e9 de la soci\u00e9t\u00e9 dite primitive.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 169 ; \u00ab\u00a0A l’heure actuelle, le paysan est victime de la d\u00e9gradation des termes de l’\u00e9change en tant que consommateur. Le prix de ce qu’il produit n’augmente pas et parfois baisse, tandis qu’augmente r\u00e9guli\u00e8rement celui des rares produits industriels dont il a besoin : huile, tissus, ustensiles m\u00e9nagers…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 173 ; \u00ab\u00a0Qu’il soit bien entendu que le but \u00e0 atteindre n’est pas seulement d’accro\u00eetre la production agricole, mais bien de permettre une am\u00e9lioration du niveau de vie des paysans <\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 174 ; \u00ab\u00a0Le d\u00e9veloppement de l’agriculture et le rel\u00e8vement du niveau de vie des paysans impliquent que le volume de produits par paysan augmente, et qu’augmente aussi la superficie cultiv\u00e9e par chacun d’eux. Il faut alors faire exploser la trop petite propri\u00e9t\u00e9 individuelle ou familiale -lorsqu’elle existe- et pr\u00e9voir la m\u00e9canisation des cultures.<\/p>\n L’extension des terres cultiv\u00e9es, les changements dans les m\u00e9thodes culturales et la nouvelle r\u00e9partition des t\u00e2ches interdiront plus que probablement la culture des terres familiales dans un cadres strictement familial.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 187 ; \u00ab\u00a0La conception qu’on a de l’administration publique est fonction de celle qu’on a de l’Etat, puisque l’administration n’est que la courroie de transmission entre l’Etat, pouvoir politique, et le peuple \u00ab\u00a0souverain\u00a0\u00bb. Selon les orientations du pouvoir politique, selon le r\u00f4le qui est reconnu au peuple dans la gestion des affaires publiques et dans celle de l’\u00e9conomie, l’administration devrait elle-m\u00eame avoir un r\u00f4le et un visage diff\u00e9rents. Or, il n’en est rien. De m\u00eame qu’on essaye en vain de d\u00e9mocratiser l’enseignement sans toucher \u00e0 l’\u00e9cole, on pense pouvoir instaurer la d\u00e9mocratie sans toucher aux organes qui permettent \u00e0 l’Etat d’intervenir dans l’\u00e9conomie et dans la soci\u00e9t\u00e9 : on repense plus volontiers la doctrine que l’organisation pratique, la philosophie que l’institution.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 191 ; \u00ab\u00a0L’Europe a introduit, au cours des si\u00e8cles, dans le monde qu’elle envahissait puis soumettait \u00e0 son contr\u00f4le, ses \u00ab\u00a0valeurs\u00a0\u00bb, sa religion, ses institutions et, parmi elles, son \u00e9cole. Son syst\u00e8me d’enseignement pouvait para\u00eetre satisfaisant dans les pays qui n’en d\u00e9poss\u00e9daient pas (ce qui est probablement tr\u00e8s rare), tout comme la d\u00e9mocratie d\u00e9l\u00e9gu\u00e9e de type occidental peut passer pour id\u00e9ale l\u00e0 o\u00f9 r\u00e8gne l’arbitraire. Mais il n’a jamais \u00e9t\u00e9 jusqu’ici s\u00e9rieusement discut\u00e9, m\u00eame dans les pays o\u00f9 existait un autre syst\u00e8me d’enseignement ais\u00e9ment perfectible, comme par exemple dans les pays musulmans, c’est qu’il \u00e9tait impos\u00e9 par les plus forts, qu’il semblait \u00eatre une des causes de leur force, un des facteurs de leur d\u00e9veloppement \u00e9conomique et technique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 192 ; \u00ab\u00a0En r\u00e9publique populaire du Congo, l’\u00e9cole fran\u00e7aise, avec des programmes fran\u00e7ais, des crit\u00e8res de s\u00e9lection fran\u00e7ais, s’emploie \u00e0 former des petits bourgeois fran\u00e7ais.<\/p>\n (…) Car l’\u00e9cole n’a nullement pour fonction de former \u00ab\u00a0le peuple\u00a0\u00bb, mais bien de d\u00e9gager des \u00ab\u00a0\u00e9lites\u00a0\u00bb.<\/p>\n p. 194 ; \u00ab\u00a0Selon les pays du tiers monde, l’Etat consacre entre 20 et 35 % de son budget \u00e0 l’enseignement, sans parvenir \u00e0 donner un minimum d’instruction \u00e0 plus de 50 % en moyenne des enfants en \u00e2ge d’\u00eatre scolaris\u00e9s.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 195 ; \u00ab\u00a0L’\u00e9cole a enfin d\u00e9natur\u00e9 jusqu’au sens que doit avoir l’enseignement. L’acquisition de la connaissance n’est plus un but en soi, mais le moyen de la \u00ab\u00a0r\u00e9ussite\u00a0\u00bb. On apprend, non pour savoir, mais pour poss\u00e9der : poss\u00e9der le dipl\u00f4me, poss\u00e9der les avantages li\u00e9s au dipl\u00f4me…<\/p>\n C’est donc la signification de l’enseignement qu’il faut d’abord red\u00e9finir, avant d’adopter le syst\u00e8me qui l’assure \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 qu’on veut favoriser.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 197 ; \u00ab\u00a0Le droit \u00e0 la connaissance est un des droits \u00e9l\u00e9mentaires les plus importants et les moins reconnus.<\/p>\n (…) Le droit \u00e0 la connaisssance doit \u00eatre reconnu \u00e0 tous et tout le long de la vie.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 202 ; \u00ab\u00a0Il s’agirait de rendre fluides les rapports sociaux, acquisition et diffusion de la connaissance devenant une activit\u00e9 essentielle du groupe social.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 203 ; \u00ab\u00a0La radio, la t\u00e9l\u00e9vision et le cin\u00e9ma apporteraient enfin leurs concours \u00e0 ce syst\u00e8me d’enseignement libre, ouvert, d\u00e9mocratique, non r\u00e9mun\u00e9r\u00e9 et collectif.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 204 ; \u00ab\u00a0Dans une soci\u00e9t\u00e9 qui aurait socialis\u00e9 son syst\u00e8me d’enseignement, il appartiendrait \u00e0 la collectivit\u00e9 de r\u00e9partir les t\u00e2ches en fonction des connaissances acquises, ou plut\u00f4t d’une comp\u00e9tence que jamais le dipl\u00f4me ne prouve mais que la pratique d\u00e9montre.<\/p>\n (…) La valeur d’un m\u00e9decin est beaucoup plus s\u00fbrement \u00e9valu\u00e9e par ses patients que par le ministre qui le nomme \u00e0 son poste…\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 208 ; \u00ab\u00a0Les socialistes des pays industrialis\u00e9s doivent imp\u00e9rativement reconsid\u00e9rer leur tactique politique et leur strat\u00e9gie \u00e0 moyen terme, s’ils veulent, d’une part, \u00e9liminer le risque d’une aberrante alliance de classes antagonistes contre un tiers monde en r\u00e9volte, d’autre part \u00e9viter qu’\u00e0 l’avenir l’id\u00e9al socialiste ne soit, une fois de plus, d\u00e9figur\u00e9 par ceux qui le mettront en oeuvre.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 213 ; \u00ab\u00a0D\u00e9sormais, un pays id\u00e9alement \u00e9quip\u00e9 pour se d\u00e9fendre contre une attaque ext\u00e9rieure ne peut se prot\u00e9ger en employant les armes dont il dispose, sauf \u00e0 courir le risque d’un an\u00e9antissement total, d\u00e9finitif. En ce cas, que pr\u00e9tend-il d\u00e9fendre ?\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 215 ; \u00ab\u00a0L\u00e0, survivent des civilisaions qui n’ont certes pas que des vertus et des valeurs \u00ab\u00a0universalisables\u00a0\u00bb. Elles sont souvent affubl\u00e9es de structures malsaines et entach\u00e9es d’injustice graves. Mais bien au-del\u00e0 de ce qui serait \u00e0 r\u00e9former ou \u00e0 sublimer, elles ont en commun un fondement id\u00e9ologique qui explique peut-\u00eatre leur d\u00e9faite historique, s\u00fbrement aussi leur opini\u00e2tre survie. Un ressort id\u00e9ologique que l’homme a int\u00e9rioris\u00e9 jusque dans son \u00eatre physique, et qui se r\u00e9v\u00e8le dans son expression corporelle, dans son rire, dans la danse… La base d’une autre id\u00e9ologie, le ressort d’un autre avenir. Car ces civilisations, comme le dit Balandier, accordaient plus d’importance \u00e0 l’\u00eatre<\/em> qu’\u00e0 l’avoir . <\/em>Et c’est bien en effet cette hi\u00e9rarchie des valeurs, ce renversement des priorit\u00e9s, qui permettraient que soit redonn\u00e9e une dimension sociale \u00e0 l’\u00e9conomie comme aux techniques, que soit rendue \u00e0 l’homme la place qu’il devrait avoir dans sa propre cr\u00e9ation.\u00a0\u00bb<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" La guerilla \u00e9conomique. Les conditions du d\u00e9veloppement Fran\u00e7ois Partant, Seuil, Paris, 1976. \u00ab\u00a0Que pourrait \u00eatre le d\u00e9veloppement, non plus pour un Etat, mais pour un peuple ? 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