{"id":817,"date":"2015-01-08T22:55:23","date_gmt":"2015-01-08T21:55:23","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=817"},"modified":"2015-01-21T15:04:52","modified_gmt":"2015-01-21T14:04:52","slug":"des-ordinateurs-presque-vivants","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=817","title":{"rendered":"Des ordinateurs presque vivants"},"content":{"rendered":"
Par Jean-Bernard Desfayes<\/strong> Jean-Bernard Desfayes<\/em>, journaliste ind\u00e9pendant \u00e0 la Radio romande, ancien r\u00e9dacteur en chef du Matin (Lausanne), est connu notamment pour ses ouvrages de vulgarisation de la conqu\u00eate de l’espace, Espace Nicollier<\/em> (Lausanne, Desfayes, 1992) et L’ann\u00e9e Hubble<\/em> (Lausanne, LEP, 1994).<\/p>\n Votre puce g\u00e9n\u00e9raliste a cependant un gros un inconv\u00e9nient: elle est relativement lente; elle sait tout faire, mais ne sait rien faire vite. Les puces, qui sont des circuits parcourus par des informations sous forme de 0 et de 1, ont traditionnellement un dessin fixe. Les puces g\u00e9n\u00e9ralistes ont un dessin fixe auxquels s’adaptent une multitude de programmes, les puces sp\u00e9cialis\u00e9es un dessin fixe auquel ne s’adapte qu’un seul programme, toujours le m\u00eame.Les chercheurs se sont donc dits qu’ils pourraient essayer de fabriquer apr\u00e8s tout des puces qui, au lieu d’avoir un dessin fixe, auraient la capacit\u00e9 de se redessiner elles-m\u00eames (ou plut\u00f4t: de redessiner leurs circuits) chaque fois qu’elles seraient confront\u00e9es \u00e0 une t\u00e2che nouvelle, de mani\u00e8re que leur fonctionnement pour cette t\u00e2che sp\u00e9cifique soit optimis\u00e9e. Ces puces-miracle seraient donc \u00e0 la fois des puces g\u00e9n\u00e9ralistes (capables de s’attaquer \u00e0 n’importe quelle t\u00e2che) et des puces sp\u00e9cialis\u00e9es (une fois redessin\u00e9s leurs circuits); \u00e0 la fois capables de se transformer en puces sp\u00e9cialistes de Word lorsqu’elles sont confront\u00e9es \u00e0 du traitement de texte, et en puces sp\u00e9cialistes de la compression et d\u00e9compression d’images lorsqu’elles auraient \u00e0 faire \u00e0 de la vid\u00e9o.Ces nouvelles puces, mises au point il y une dizaine d’ann\u00e9es d\u00e9j\u00e0 et principalement fabriqu\u00e9es aujourd’hui par la soci\u00e9t\u00e9 am\u00e9ricaine Xilinx, r\u00e9pondent au nom de FPGA (Field Programmable Gate Arrays <\/em>ou \u00ab\u00a0r\u00e9seaux logiques programmables\u00a0\u00bb). Ces puces sont dites \u00ab\u00a0reconfigurables\u00a0\u00bb, car elles sont capables de changer l’organisation mat\u00e9rielle de leurs circuits internes. Elles op\u00e8rent aujourd’hui ce changement en quelques milli\u00e8mes de seconde, elles l’op\u00e8reront demain en quelques millioni\u00e8mes de seconde! Elles permettent de r\u00e9aliser des \u00e9conomies de temps et d’argent \u00e9videmment \u00e9normes.Pour les premi\u00e8res puces FGPA, chaque configuration \u00e9tait \u00e9tudi\u00e9e et d\u00e9finie \u00e0 l’avance, puis charg\u00e9e avant l’ex\u00e9cution d’une t\u00e2che sp\u00e9cifique. L’ordinateur RENCO (Reconfigurable Network Computer<\/em>), \u00e9labor\u00e9 \u00e0 l’EPFL, est un bon exemple d’une telle machine reconfigurable dite statique. (Pour des raisons d’\u00e9conomies, RENCO ne dispose pas de disque dur. Son utilisateur doit donc pomper dans le r\u00e9seau le programme qu’il d\u00e9sire utiliser, et surtout la configuration pr\u00e9d\u00e9finie qui donnera \u00e0 sa puce la capacit\u00e9 d’ex\u00e9cuter de fa\u00e7on optimale la t\u00e2che qu’on lui aura fix\u00e9e.)Tr\u00e8s vite, cependant, ces syst\u00e8mes de reconfiguration statiques sont apparus insuffisants. Certains informaticiens se sont convaincus que ce dont ils r\u00eavaient vraiment, c’\u00e9tait de syst\u00e8mes capables de se reconfigurer tout seuls<\/em>, comme des grands! Oui, mais comment?C’est alors que l’id\u00e9e leur est venue de trouver des mod\u00e8les dans la nature, ou tout au moins de s’inspirer de mod\u00e8les naturels. Il faut dire que jusque l\u00e0, les informaticiens et autres ing\u00e9nieurs avaient plus urgent \u00e0 faire que d’observer beno\u00eetement la nature et ses processus. On attendait d’eux en effet qu’ils construisent en pagaille des ponts, des maisons, des voitures, des avions, des ordinateurs, et basta! Mais aujourd’hui, arriv\u00e9s au bout de ces t\u00e2ches simples, ils cherchent des id\u00e9es neuves, et en ont trouv\u00e9 dans la nature de d\u00e9coiffantes qui, au temps de Galil\u00e9e, leur eussent assur\u00e9ment valu les foudres de l’Inquisition.Pour d\u00e9busquer, et si possible utiliser \u00e0 leur profit, certains secrets du vivant, les chercheurs du Laboratoire de syst\u00e8mes logiques de l’\u00c9cole Polytechnique F\u00e9d\u00e9rale de Lausanne \u00e9tudient deux mod\u00e8les naturels tr\u00e8s diff\u00e9rents.Les uns observent sous microscope des cellules vivantes, dans l’espoir de d\u00e9couvrir de quelle mani\u00e8re elles croissent, se multiplient, se r\u00e9parent, meurent… et continuent malgr\u00e9 tout \u00e0 se perp\u00e9tuer. Sur la base de leurs observations, ils ont imagin\u00e9 une science nouvelle, l’embryonique ou embryologie \u00e9lectronique (l’embryologie, du grec \u00ab\u00a0embruon<\/em>\u00ab\u00a0, \u00ab\u00a0ce qui cro\u00eet \u00e0 l’int\u00e9rieur de\u00a0\u00bb, \u00e9tudie la mani\u00e8re dont un organisme se d\u00e9veloppe). L’embryonique a pour ambition de fabriquer des ordinateurs multicellulaires dou\u00e9s de propri\u00e9t\u00e9s de croissance, d’autor\u00e9paration et d’autoreproduction.D’autres chercheurs \u00e9tudient la mani\u00e8re dont, au cours de plusieurs centaines de millions d’ann\u00e9es, les esp\u00e8ces vivantes ont \u00e9volu\u00e9, pour dispara\u00eetre ou se transformer en esp\u00e8ces nouvelles mieux adapt\u00e9es. Sur la base de leurs observations, ils ont imagin\u00e9 une autre science nouvelle, la phylog\u00e9nique (ou phylogen\u00e8se \u00e9lectronique; la phylogen\u00e8se, du grec \u00ab\u00a0phulon<\/em>\u00ab\u00a0, \u00ab\u00a0la race\u00a0\u00bb, \u00e9tudie le mode de d\u00e9veloppement des esp\u00e8ces au cours de l’\u00e9volution). La phylog\u00e9nique devrait permettre, \u00e0 terme, de construire des ordinateurs capables d’\u00e9voluer tout seuls, jusqu’\u00e0 \u00eatre parfaitement performants quel que soit l’environnement dans lequel ils fonctionnent ou la nature des probl\u00e8mes auxquels ils sont confront\u00e9s.<\/p>\n Commen\u00e7ons par l’embryonique.\u00a0\u00bbChaque \u00eatre humain, explique Daniel Mange, professeur du D\u00e9partement d’informatique de l’EPFL, o\u00f9 il dirige le Laboratoire de syst\u00e8mes logiques (LSL), est constitu\u00e9 d’environ 60’000 milliards de cellules. Dans chacune de ces cellules figure notre programme g\u00e9n\u00e9tique ou g\u00e9nome, une bande de 2 milliards de caract\u00e8res, qui est \u00e0 la fois notre plan de fabrication et notre plan de fonctionnement. De notre naissance jusqu’\u00e0 notre mort, chaque cellule d\u00e9code en permanence ce g\u00e9nome afin de produire les prot\u00e9ines n\u00e9cessaires \u00e0 la survie de notre organisme. Les erreurs de d\u00e9codage sont rares et, lorsqu’elles se produisent, sont ordinairement d\u00e9tect\u00e9es et r\u00e9par\u00e9es avec succ\u00e8s un m\u00e9canisme qui frappe par sa complexit\u00e9, sa pr\u00e9cision, et le fait qu’il se fonde sur des processus tr\u00e8s semblables \u00e0 ceux de l’informatique. En effet, biologie et informatique sont toutes deux fond\u00e9es sur un langage typographique: la biologie sur un langage compos\u00e9 des quatre lettres d\u00e9signant quatre nucl\u00e9otides dont la combinaison d\u00e9finit l’ADN de chaque individu; et l’informatique, sur un langage compos\u00e9 de deux symboles seulement, les deux \u00e9tats 0 et 1 du langage binaire, qui sont plus que suffisants.\u00a0\u00bbDans la pratique, les chercheurs divisent des plaques de silicium en cellules absolument identiques, destin\u00e9es \u00e0 vivre, se r\u00e9parer, se reproduire non pas mat\u00e9riellement, comme le feraient des cellules vivantes, mais par simples transferts d’informations entre elles. Pour que ces cellules de silicium puissent imiter, f\u00fbt-ce grossi\u00e8rement, des cellules vivantes et les m\u00e9canismes de leur d\u00e9veloppement, trois conditions doivent \u00eatre satisfaites. Primo<\/em>, chaque cellule doit r\u00e9aliser une fonction unique, caract\u00e9ris\u00e9e par un nombre: son \u00ab\u00a0g\u00e8ne\u00a0\u00bb.Deuxio<\/em>, chaque cellule doit contenir la description compl\u00e8te de l’organisme (de l’ensemble des circuits dessin\u00e9s sur la plaque silicium): son \u00ab\u00a0g\u00e9nome\u00a0\u00bb. Tertio<\/em>, lorsqu’on lance le processus avec une cellule-m\u00e8re contenant le g\u00e9nome, les deux cellules adjacentes doivent recopier cette information, et ainsi de suite jusqu’\u00e0 ce que toutes les cellules de la plaque de silicium contiennent le g\u00e9nome.\u00a0\u00bbSi l’on parvient \u00e0 doter un ordinateur de ces trois caract\u00e9ristiques, explique Daniel Mange, il d\u00e9veloppera des propri\u00e9t\u00e9s nouvelles et originales, jadis r\u00e9serv\u00e9es aux seuls organismes vivants: l’autor\u00e9paration (un organisme vivant peut cicatriser ses plaies; l’ordinateur embryonique, en cas de d\u00e9faillance, d\u00e9tectera l’erreur et la corrigera automatiquement) et l’autor\u00e9plication (en cas de d\u00e9faillance majeure, l’ordinateur embryonique produira une copie de lui-m\u00eame \u00e0 l’identique).\u00a0\u00bb De tels ordinateurs feraient \u00e9videmment merveilles dans les environnement o\u00f9 l’homme ne peut intervenir: au coeur d’une centrale nucl\u00e9aire accident\u00e9e style Tchernobyl, par exemple, ou dans l’espace.Il existe d\u00e9j\u00e0 des ordinateurs embryoniques en maquettes: la Biowatch, par exemple, une montre \u00e9lectronique au look d’enfer imagin\u00e9e \u00e0 l’EPFL, qui imite, de mani\u00e8re grossi\u00e8re mais \u00e9vocatrice, le processus de division des cellules vivantes. Pour construire cette montre, les chercheurs lausannois ont con\u00e7u des cellules artificielles, les \u00ab\u00a0biodules\u00a0\u00bb, qu’ils peuvent assembler. Chacun de ces biodules comporte un microprocesseur et un cadran num\u00e9rique lumineux. Lorsque la montre est mise en route, le premier biodule, qui a en m\u00e9moire le programme \u00e0 ex\u00e9cuter, le copie dans le second biodule, qui le copie dans le troisi\u00e8me, et ainsi de suite jusqu’\u00e0 ce que tous les biodules soient \u00ab\u00a0charg\u00e9s\u00a0\u00bb.La Biowatch qui illustre cet article est un \u00ab\u00a0organisme\u00a0\u00bb comptant huit cellules, dont quatre absolument indispensables \u00e0 son fonctionnement: deux pour compter les heures et deux pour compter les minutes. Les autres biodules \u00ab\u00a0appondus\u00a0\u00bb sont en attente, pr\u00eats \u00e0 assurer la rel\u00e8ve. Si l’on \u00ab\u00a0tue\u00a0\u00bb une cellule en la d\u00e9connectant, la num\u00e9ro trois par exemple, sa fonction sera aussit\u00f4t reprise par la num\u00e9ro quatre, et la fonction de la num\u00e9ro quatre sera reprise par la num\u00e9ro cinq, jusque l\u00e0 inactive: on a affaire l\u00e0 \u00e0 un processus d’autor\u00e9paration. La Biowatch peut faire plus, cependant. En cas de panne majeure, elle peut produire une copie d’elle-m\u00eame, un clone en quelque sorte: on alors affaire \u00e0 un processus d’autor\u00e9plication. Si l’Expo 2001 accepte le projet que lui a propos\u00e9 l’EPFL, ses visiteurs pourront tout \u00e0 loisir tuer une Biowatch g\u00e9ante ou la ramener \u00e0 la vie.Voyons maintenant la piste phylog\u00e9nique. Les informaticiens, s’inspirant des m\u00e9canismes qui r\u00e9gissent l’\u00e9volution des esp\u00e8ces depuis l’apparition de la vie sur la terre il y a 3.5 milliards d’ann\u00e9es, ont l’ambition de dessiner, par imitation de ces m\u00e9canismes, des ordinateurs dont la configuration initiale, g\u00e9n\u00e9r\u00e9e au hasard, s’automodifierait \u00e0 partir de l\u00e0 en fonction des r\u00e9sultats obtenus et des r\u00e9actions de l’environnement. Ces ordinateurs auraient, en d’autres termes, la capacit\u00e9 d’\u00e9voluer suivant les lois de la s\u00e9lection naturelle ch\u00e8res \u00e0 Darwin, c’est-\u00e0-dire par mutations (dues \u00e0 des erreurs de copie) et par croisements (dus \u00e0 la redistribution des constituants g\u00e9n\u00e9tiques des parents \u00e0 leurs descendants). Ces m\u00e9canismes non d\u00e9terministes, al\u00e9atoires, pourraient permettre de construire des ordinateurs capables d’ex\u00e9cuter \u00e0 la perfection des t\u00e2ches elles tout \u00e0 fait d\u00e9termin\u00e9es; le paradoxe n’est pas mince.\u00a0\u00bbPour cela, nous avons construit un prototype de machine informatique \u00e9volutive: Firefly, la Luciole, explique Eduardo Sanchez, professeur au laboratoire de syst\u00e8mes logiques de l’EPFL. Cette machine est constitu\u00e9e d’une longue file de 56 \u00ab\u00a0organismes\u00a0\u00bb tr\u00e8s simples, concr\u00e9tis\u00e9s chacun par une diode lumineuse qui peut \u00eatre allum\u00e9e ou \u00e9teinte. Comme dans un essaim de lucioles, ces diodes (ces organismes) commencent par scintiller de fa\u00e7on al\u00e9atoire puis, gr\u00e2ce \u00e0 un algorithme qui imite le processus d’\u00e9volution darwinien, ils se synchronisent progressivement jusqu’\u00e0 vibrer enfin \u00e0 l’unisson.\u00a0\u00bbIl est fascinant d’observer ce chaos de lumi\u00e8res clignotant sans organisation, d’o\u00f9 jaillit, peu \u00e0 peu, par s\u00e9lection naturelle darwinienne, un ordre rythm\u00e9, quand bien m\u00eame chaque organisme, pour fixer son comportement, ne fait qu’observer le comportement de ses deux voisins imm\u00e9diats. Le temps fait le reste. S’ils s’agissait d’organismes vivants, une telle \u00e9volution prendrait des milliers ou des millions d’ann\u00e9es. Mais l\u00e0, sous nos yeux, elle prend \u00e0 peine quelques minutes!\u00a0\u00bbChez les humains, explique Moshe Sipper, chercheur au Laboratoire de syst\u00e8mes logiques, le hasard g\u00e9n\u00e9tique l’ind\u00e9terminisme est une source de vari\u00e9t\u00e9 et de diversit\u00e9. Les mutations (variations al\u00e9atoires des g\u00e9nomes) et les croisements (fusions de g\u00e9nomes), peuvent produire des individus nouveaux plus performants. Ces processus de mutations et croisements, transpos\u00e9s dans l’univers informatique, obtiennent des r\u00e9sultats analogues. Ainsi donc, demain, l’ing\u00e9nieur laissera \u00e9voluer ses ordinateurs en les confiant aux bons soins d’un algorithme g\u00e9n\u00e9tique, dans l’espoir qu’ils atteindront ainsi, par \u00ab\u00a0s\u00e9lection naturelle artificielle\u00a0\u00bb, des performances optimales.\u00a0\u00bbDe tels ordinateurs phylog\u00e9niques (\u00e9volutifs), lorsqu’ils seront d\u00e9velopp\u00e9s, permettront de rendre compl\u00e8tement autonomes des machines destin\u00e9es \u00e0 travailler dans des environnements flous et impr\u00e9visibles: robots explorateurs de plan\u00e8tes aux caract\u00e9ristiques inconnues, ou terre-\u00e0-terre robots charg\u00e9s de nettoyer des surfaces mal d\u00e9finies.Les Folamour et Nimbus que nous avons rencontr\u00e9s ne bornent pas l\u00e0 leurs r\u00eaves. Certains d’entre eux, chercheurs en nanotechnologie (science des technologies de l’ordre du nanom\u00e8tre, c’est-\u00e0-dire du millioni\u00e8me de milllim\u00e8tre) esp\u00e8rent en effet construire des machines sub-microscopiques en assemblant des mol\u00e9cules une par une, gr\u00e2ce auxquelles, un jour, \u00e9ventuellement, ils pourraient produire des mat\u00e9riaux<\/em>capables de s’autoreproduire et d’\u00e9voluer (alors que l’embryonique et la phylogh\u00e9nique visent \u00e0 produire seulement descircuits \u00e9lectroniques<\/em> capables de s’autoreproduire et d’\u00e9voluer). Si ce jour advenait, nous devrions donc nous habituer tous \u00e0 cohabiter avec des organismes mat\u00e9riels quasi-vivants, \u00e9ventuellement mobiles, dou\u00e9s d’une capacit\u00e9 d’analyse, de raisonnement, voire d’intelligence! [On pourra lire \u00e0 ce propos: \u00ab\u00a0Et le nanorobot cr\u00e9a le monde en six minutes…\u00a0\u00bb<\/em>, par Nicolas Henchoz, dans \u00ab\u00a0Le Temps des Affaires\u00a0\u00bb No 51 de mars 1993, ainsi que \u00ab\u00a0Les nanotubes de carbone, dix fois plus rigides que l’acier…\u00a0\u00bb<\/em>, par Jean-Marc Bonard et Andr\u00e9 Chatelain, dans \u00ab\u00a0Le Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 81 de mai-juin 1998 \u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 82, Gen\u00e8ve, juillet-ao\u00fbt 1998.<\/p>\n ADDENDA<\/strong><\/span><\/p>\n Histoire de ne point perdre votre latin<\/strong><\/p>\n Deux termes scientifiques<\/strong><\/p>\n Un algorithme<\/strong> (du nom du math\u00e9maticien arabe du IXe si\u00e8cle Al-Khawarizmi, <\/em>latinis\u00e9 en algorithmus<\/em> ) d\u00e9signe une suite finie de r\u00e8gles ou de m\u00e9thodes parfaitement d\u00e9finies pour obtenir la solution d’un probl\u00e8me en un nombre limit\u00e9 d’\u00e9tapes. L’usage des algorithmes permet \u00e0 l’\u00eatre humain de r\u00e9aliser des t\u00e2ches intellectuelles d’une grande complexit\u00e9 en d\u00e9coupant les probl\u00e8mes \u00e0 r\u00e9soudre en plans d\u00e9taill\u00e9s, scripts et proc\u00e9dures organis\u00e9s hi\u00e9rarchiquement. Applicables \u00e0 de nombreuses disciplines, les algorithmes sont surtout utilis\u00e9s en informatique pour la cr\u00e9ation de programmes.<\/p>\n La s\u00e9lection naturelle<\/strong> est une expression propos\u00e9e par le naturaliste anglais Charles Darwin (1809- 1882 ) dans son livre L’origine des esp\u00e8ces au moyen de la s\u00e9lection naturelle, ou la lutte pour l’existence dans la nature <\/em>(Paris, La D\u00e9couverte, 1985): \u00ab\u00a0\u00c9tant donn\u00e9 que plus d’individus sont produits qu’il n’en peut survivre, il doit exister dans chaque cas une lutte pour l’existence, soit entre un individu et un autre individu de la m\u00eame esp\u00e8ce, soit entre individus d’esp\u00e8ces diff\u00e9rentes. Peut-on, d\u00e8s lors, consid\u00e9rer comme improbable, puisque des variations utiles \u00e0 l’homme sont manifestement survenues, que d’autres variations utiles en quelque mani\u00e8re \u00e0 chaque \u00eatre vivant, dans la grande et complexe bataille pour la vie, se soient parfois produites au cours de milliers de g\u00e9n\u00e9rations? S’il en va ainsi, pouvons-nous douter (en nous rappelant que bien plus d’individus naissent qu’il n’en peut survivre) que les individus poss\u00e9dant un avantage quelconque, si minime soit-il, sur les autres auraient une meilleure chance de survivre et de procr\u00e9er leur propre type? Inversement, nous pouvons \u00eatre assur\u00e9s que toute variation, d\u00e9l\u00e9t\u00e8re \u00e0 quelque degr\u00e9, serait impitoyablement \u00e9limin\u00e9e. Cette pr\u00e9servation des variations favorables et ce rejet des variations d\u00e9favorables, je l’appelle la s\u00e9lection naturelle.\u00a0\u00bb<\/p>\n <\/p>\n A propos des syst\u00e8mes reconfigurables<\/strong><\/p>\n Les circuits FPGA<\/strong> (Field Programmable Gate Arrays <\/em>ou \u00ab\u00a0r\u00e9seaux logiques programmables\u00a0\u00bb) sont constitu\u00e9s d’un r\u00e9seau de cellules logiques identiques, plac\u00e9es dans une infrastructure de lignes d’interconnexion. L’utilisateur peut programmer la fonction de chaque cellule, ainsi que les interconnexions entre les cellules et avec les entr\u00e9es\/sorties du circuit. L’avantage des FPGA est de pouvoir \u00eatre configur\u00e9 sur place, sans envoi du circuit chez le fabricant, ce qui permet de les utiliser quelques minutes apr\u00e8s leur conceptions. Les FPGA les plus r\u00e9cents sont configurables en une milliseconde. Dans un futur tr\u00e8s proche, ce temps passera certainement \u00e0 quelques microsecondes.<\/p>\n \u00ab\u00a0Pour reconna\u00eetre ton visage<\/strong>\u00ab\u00a0<\/p>\n Actuellement, les FPGA sont utilis\u00e9s pour contr\u00f4ler des disques durs mais une des applications importantes des circuits FPGA est la reconnaissance de formes (pattern matching<\/em>): \u00e9criture manuscrite, identification de visages, reconnaissance de cibles, etc. A partir d’un \u00e9chantillonnage pr\u00e9alable de milliers d’images, les r\u00e9seaux logiques traitent l’image \u00e0 reconna\u00eetre en comptant combien de ses pixels correspondent aux pixels des images \u00e9chantillonn\u00e9es. A partir d’un seuil pr\u00e9d\u00e9fini, les r\u00e9seaux logiques programmables d\u00e9clarent la reconnaissance \u00e9tablie.<\/p>\n Le RENCO<\/strong> (REconfigurable Network COmputer)<\/em>, \u00e9labor\u00e9 au Laboratoire de syst\u00e8mes logiques de l’EPFL, est un ordinateur reconfigurable bas\u00e9 sur l’architecture des ordinateurs de r\u00e9seau (network computers<\/em>). Les ordinateurs de r\u00e9seaux ne disposent pas de ressources de stockage (disques durs) propres, mais vont chercher les programmes dont ils ont besoin sur le r\u00e9seau une solution qui permet des \u00e9conomies sur le prix de la machine et sur ses co\u00fbts de maintenance.<\/p>\n \u00ab\u00a0Pour reconna\u00eetre ta voix\u00a0\u00bb<\/strong><\/p>\n Le RENCO propose des caract\u00e9ristiques suppl\u00e9mentaires par rapport aux autres ordinateurs de r\u00e9seau: il permet le chargement par le r\u00e9seau non seulement d’un programme, mais aussi de l’architecture mat\u00e9rielle qui pourra utiliser ce programme de fa\u00e7on optimale. Plusieurs applications sont en test sur RENCO, notamment celles li\u00e9es aux r\u00e9seaux de neurones artificiels (r\u00e9seaux de processeurs qui imitent le r\u00e9seau de neurones biologique et qui sont utilis\u00e9s dans les domaines de la robotique, de la reconnaissance de la voix, des diagnostiques m\u00e9dicaux, etc.)<\/p>\n Biowatch<\/strong><\/p>\n la montre qui se r\u00e9pare toute seule<\/strong><\/p>\n [photo BioWatch]<\/p>\n Le projet Embryonique (pour embryologie \u00e9lectronique) est un exemple de syst\u00e8me bas\u00e9 sur trois caract\u00e9ristiques fondamentales du d\u00e9veloppement embryonnaire des organismes vivants: l’organisation multicellulaire, la diff\u00e9renciation cellulaire et la division cellulaire. Le but ultime de ce projet est la conception de circuits int\u00e9gr\u00e9s tr\u00e8s complexes, dou\u00e9s de capacit\u00e9s d’autor\u00e9paration (cicatrisation) et d’autor\u00e9plication. La montre bio-inspir\u00e9e BioWatch est une repr\u00e9sentation d’un tel syst\u00e8me embryonique. Cet organisme artificiel n\u00e9cessite au minimum quatre cellules pour compter les heures (deux cellules \u00e0 l’extr\u00eame gauche) et les minutes (deux cellules \u00e0 la droite des pr\u00e9c\u00e9dentes). La photo montre un \u00ab\u00a0organisme\u00a0\u00bb \u00e0 huit cellules, formant un syst\u00e8me reconfigurable dynamiquement. Les quatre cellules restantes (\u00e0 l’extr\u00eame droite) peuvent \u00eatre utilis\u00e9es pour obtenir une copie de la montre originale (autor\u00e9plication) ou pour servir de \u00ab\u00a0pi\u00e8ces de rechange\u00a0\u00bb destin\u00e9es \u00e0 l’\u00e9ventuelle r\u00e9paration de la montre originale.<\/p>\n Firefly<\/strong><\/p>\n la machine qui \u00e9volue comme les singes de Darwin<\/strong><\/p>\n [photo Firefly]<\/p>\n Le prototype \u00ab\u00a0Firefly\u00a0\u00bb (la luciole) est une machine informatique \u00e9volutive. Cette machine est constitu\u00e9e d’une longue file de 56 \u00ab\u00a0organismes\u00a0\u00bb extr\u00eamement simples, concr\u00e9tis\u00e9s chacun par une diode lumineuse pouvant \u00eatre allum\u00e9e ou \u00e9teinte. Comme dans l’exemple des essaims de lucioles, les organismes commencent \u00e0 scintiller de fa\u00e7on tout \u00e0 fait al\u00e9atoire puis, gr\u00e2ce \u00e0 un processus d’\u00e9volution darwinien embarqu\u00e9 dans la machine, ils se synchronisent progressivement pour vibrer enfin \u00e0 l’unisson.<\/p>\n Sources: Laboratoire des syst\u00e8mes logiques<\/a>, EPFL<\/a> & \u00ab\u00a0Configurable Computing\u00a0\u00bb<\/a> par John Villasenor and William H. Mangione-Smith. In: \u00ab\u00a0Scientific American\u00a0\u00bb<\/a>, New York , juin 1997.<\/p>\n <\/p>\n Pour en savoir plus<\/strong><\/p>\n \u00ab\u00a0Configurable Computing\u00a0\u00bb,<\/a><\/strong> par John Villasenor and William H. Mangione-Smith. In: Scientific American<\/em>,<\/a> New York , juin 1997.<\/p>\n \u00ab\u00a0Vie artificielle: doux r\u00eave ou dure r\u00e9alit\u00e9?\u00a0\u00bb<\/strong> Par Daniel Mange. In: Synergies<\/em>, Lausanne, 1995.<\/p>\n \u00ab\u00a0Biowatch, la montre qui s’autor\u00e9pare\u00a0\u00bb,<\/strong> par Jean-Michel Le Corfec. In: Sciences et Avenir<\/em>, Paris, No 71, juin 1997.<\/p>\n \u00ab\u00a0If the Milieu is Reasonable: Lessons from Nature on Creating Life\u00a0\u00bb,<\/strong> par Moshe Sipper. In: Journal of Transfigural Mathematics<\/em>, Berlin\/Little Rock, \u00ab\u00a0Introduction to Embryonics: Towards New Self-repairing and Self-reproducing Hardware Based on Biological-like Properties\u00a0\u00bb, <\/strong>par Daniel D. Mange et Andr\u00e9 Stauffer. In: Artificial Life and Virtual Reality<\/em> (N. Magnenat, Thalmann and D. Thalmann, Ed.), John Wiley, Chichester, England, 1994.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Demain, les ordinateurs presque vivants Par Jean-Bernard Desfayes et la r\u00e9daction du Temps strat\u00e9gique Jean-Bernard Desfayes, journaliste ind\u00e9pendant \u00e0 la Radio romande, ancien r\u00e9dacteur en chef du Matin (Lausanne), est connu notamment pour ses ouvrages de vulgarisation de la conqu\u00eate de l’espace, Espace Nicollier (Lausanne, Desfayes, 1992) et L’ann\u00e9e Hubble \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":810,"parent":809,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-817","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/817","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=817"}],"version-history":[{"count":1,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/817\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":818,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/817\/revisions\/818"}],"up":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/809"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/810"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=817"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}
\net la r\u00e9daction du Temps strat\u00e9gique<\/em><\/p>\nSavez-vous que la puce (ou microprocesseur) de votre ordinateur personnel est une puce \u00e0 tout faire? Une puce g\u00e9n\u00e9raliste? Elle n’a en effet pas \u00e9t\u00e9 dessin\u00e9e sp\u00e9cifiquement pour utiliser le programme Word avec lequel est \u00e9crit ce texte, mais s’en accommode fort bien. Elle n’a pas non plus \u00e9t\u00e9 dessin\u00e9e sp\u00e9cifiquement pour faire fonctionner un programme de simulation de vol, un programme de dessin, ou un programme de retouche photographique, mais elle s’en accommode \u00e9galement. Bref, la puce de votre ordinateur est admirable sans rien dire du fait que, vendue chaque ann\u00e9e \u00e0 des millions d’exemplaires, son prix s’est effondr\u00e9.<\/p>\n
\nC’est pourquoi, il existe d’autres puces aussi: les puces sp\u00e9cialis\u00e9es, dessin\u00e9es pour n’accomplir qu’une seule t\u00e2che, mais \u00e0 tr\u00e8s grande vitesse. Une puce sp\u00e9cialis\u00e9e dans la graphisme, par exemple, va pouvoir tracer des lignes sur l’\u00e9cran de votre ordinateur, ou y produire des images, 10 ou 100 fois plus vite qu’une puce \u00e0 tout faire. En outre, la puce sp\u00e9cialis\u00e9e est plus petite, et consomme moins de courant que la puce g\u00e9n\u00e9raliste. Pourtant elle a deux d\u00e9fauts majeurs.
\nLe premier d\u00e9faut tient \u00e0 son hyper-sp\u00e9cialisation: si elle ex\u00e9cute parfaitement et \u00e0 une vitesse imbattable la t\u00e2che pr\u00e9cise pour laquelle on l’a dessin\u00e9e, en revanche elle se plante d\u00e8s que cette t\u00e2che est modifi\u00e9e f\u00fbt-ce d’un chou\u00efa! Le second d\u00e9faut tient \u00e0 son co\u00fbt: la puce sp\u00e9cialis\u00e9e, par d\u00e9finition dessin\u00e9e sp\u00e9cialement et fabriqu\u00e9e en petite s\u00e9rie, co\u00fbte cher. Cela en limite l’usage \u00e0 des domaines eux aussi \u00ab\u00a0pointus\u00a0\u00bb: calcul scientifique ou compression et d\u00e9compression des images vid\u00e9o par exemple.
\nOr il y quelque temps d\u00e9j\u00e0 que ce choix corn\u00e9lien entre la puce \u00e0 tout faire mais lente et la puce rapide mais monomaniaque, a \u00e9t\u00e9 lev\u00e9. Voici commen<\/p>\n
\n\u00ab\u00a0Certains savants, \u00e9crivait r\u00e9cemment le professeur Mange dans la revue \u00ab\u00a0Synergies\u00a0\u00bb, craignent que le XXIe si\u00e8cle ne voie l’affrontement de deux groupes politiques majeurs: les naturistes, qui d\u00e9fendront la domination de l’esp\u00e8ce humaine, et les artificistes, qui voudront donner leur chance aux machines \u00e9volutives pour leur permettre de devenir une nouvelle forme d’esp\u00e8ce dominante. La motivation des premiers sera la peur d’\u00eatre asservis par une population sup\u00e9rieure; celle des seconds sera la curiosit\u00e9, voire l’\u00e9merveillement. En chacun de nous sommeillent un naturiste et un artificiste. Depuis le p\u00e9ch\u00e9 originel la pomme cueillie sur l’arbre de la Connaissance l’homme n’a cess\u00e9 de balancer entre sa curiosit\u00e9 insatiable, la fission nucl\u00e9aire par exemple, et le d\u00e9go\u00fbt de sa propre cr\u00e9ation, en l’esp\u00e8ce l’an\u00e9antissement de Hiroshima. Les cr\u00e9atures artificielles qui domineront l’homme du XXIe si\u00e8cle seront-elles plus sages?\u00a0\u00bb<\/p>\n<\/div>\n
\nVol. 3, No 1, 1997.<\/p>\n