{"id":809,"date":"2015-01-08T22:27:59","date_gmt":"2015-01-08T21:27:59","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=809"},"modified":"2015-01-21T15:05:47","modified_gmt":"2015-01-21T14:05:47","slug":"des-ordinateurs-presque-vivants-dossier","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=809","title":{"rendered":"Des ordinateurs presque vivants – dossier"},"content":{"rendered":"
Pardon du peu, mais vous tenez entre vos mains un entonnoir cosmique!<\/p>\n
Prenez les mill\u00e9naires d’histoire des civilisations que vous offre Fernand Braudel. Versez-les avec pr\u00e9cautions dans l’entonnoir. Voyez le temps et l’espace se resserrer jusqu’\u00e0 n’\u00eatre plus qu’un point infime: ici et aujourd’hui. Puis se concentrer encore en \u00e9lectrons qui se bousculent dans des ordinateurs scrutant l’avenir. Des ordinateurs presque vivants, qui n’ob\u00e9iront plus, demain, qu’aux lois darwiniennes de la survie des plus aptes.<\/p>\n
Infiniment grand, infiniment petit, m\u00eame d\u00e9fi.<\/p>\n
Attention au vertige! Tenez la rampe. Bonne lecture.<\/p>\n
par Claude Monnier <\/strong><\/p>\n Ces angoisses constellent l’Histoire. Chaque peuple, chaque civilisation, craint, une fois ou l’autre, d’\u00eatre d\u00e9bord\u00e9, lamin\u00e9, effac\u00e9.<\/p>\n Mais ces craintes [voir le grand dossier de ce num\u00e9ro<\/em>] ont-elle un sens?<\/p>\n \u00ab\u00a0Guerre des civilisations\u00a0\u00bb: l’expression m\u00eame est impossible. Parce que les civilisations sont lourdes, lentes et leur dur\u00e9e d\u00e9passant de cent fois, de mille fois, la dur\u00e9e d’une vie humaine n’\u00e9voluent que de mani\u00e8re insensible. Alors que les guerres sont rapides et brutales.<\/p>\n Guerres et civilisations n’\u00e9voluent pas dans la m\u00eame ligue. Leurs rythmes et leurs sens sont diff\u00e9rents. Dans les guerres, il y a des vainqueurs et des vaincus. Dans le jeu mill\u00e9naire des civilisations il n’y a, en revanche, ni vainqueurs, ni vaincus, seulement d’imperceptibles recouvrements de peuples les uns par les autres, d’insensibles m\u00e9langes de cultures et de coutumes. Jamais une civilisation ne dispara\u00eet comme \u00e7a, sans crier gare. Mais jamais non plus une civilisation ne reste intacte: sans cesse elle se transforme, change de nature, de configuration, et surtout de dominante.<\/p>\n Si demain, ce qu’\u00e0 Dieu ne plaise, des pays chr\u00e9tiens entraient en guerre avec des pays islamiques, les civilisations chr\u00e9tienne et islamique n’en seraient gu\u00e8re affect\u00e9es, et ce quelle que soit l’issue des combats militaires. Car aucun \u00e9v\u00e9nement bref, aussi violent et g\u00e9ographiquement \u00e9tendu soit-il, ne peut infl\u00e9chir la tr\u00e8s longue dur\u00e9e – pas plus que la petite cuill\u00e8re n’a le pouvoir de vider l’oc\u00e9an.<\/p>\n C’est pourquoi, lorsqu’une civilisation, pour des raisons qui importent peu ici, glisse sur une pente longue, s’affaiblit inexorablement sur plusieurs si\u00e8cles, rien de ce que l’une ou l’autre de ses g\u00e9n\u00e9rations vivantes pourra entreprendre d’audacieux, de volontaire, de brutal, ne pourra la sauver de son d\u00e9clin. Nul, en effet, ne peut arr\u00eater un fleuve qui roule vers la mer.<\/p>\n Je ne sais si notre civilisation occidentale est en train de d\u00e9cliner. Le recul manque pour que l’on puisse l’affirmer de mani\u00e8re p\u00e9remptoire. Je sais en revanche qu’elle a \u00e9t\u00e9 dominante durant un si\u00e8cle et demi, et qu’elle commence aujourd’hui \u00e0 en subir des retours de b\u00e2ton. Les technologies, les th\u00e9ories politiques et sociales, dont elle s’est servie pour exprimer sa puissance, lui reviennent sous forme de produits concurrents bon march\u00e9, de d\u00e9fis politiques, de contestations id\u00e9ologiques. La Chine et le Japon lui tiennent haut le crachoir. L’Afrique n’est plus son n\u00e8gre docile. L’Am\u00e9rique latine a secou\u00e9 son joug.<\/p>\n Certains voient dans ce d\u00e9clin tout relatif un grand malheur. J’y vois une chance unique. Hier, nous \u00e9tions trop forts, et avons abus\u00e9 de notre force. Nous avons r\u00e9duit et humili\u00e9 plusieurs g\u00e9n\u00e9rations de peuples colonis\u00e9s. Mais le temps et notre relatif affaiblissement gomment aujourd’hui ces in\u00e9quit\u00e9s grossi\u00e8res. Les courbes d’\u00e9volution des principales civilisations se retrouvent pratiquement \u00e0 m\u00eame hauteur. La discussion devient plus \u00e9quilibr\u00e9e. Le respect, la curiosit\u00e9, l’amiti\u00e9 mutuels deviennent possibles. C’est doux, c’est plaisant, et parfois excitant.<\/p>\n Mais ce relatif \u00e9quilibre durera-t-il? Il est probable qu’apr\u00e8s leur croisement actuel, les courbes d’\u00e9volution des civilisations continueront \u00e0 suivre leur pente naturelle et divergeront \u00e0 nouveau, dessinant une configuration qui ne nous sera sans doute gu\u00e8re favorable. Mais ce sera l\u00e0 l’Histoire de nos arri\u00e8re-arri\u00e8re-petits-enfants. Elle \u00e9chappe \u00e0 notre pouvoir. C’est pourquoi, plut\u00f4t que de nous angoisser cent ans \u00e0 l’avance, nous ferions mieux de profiter de l’actuelle embellie.<\/p>\n Claude Monnier<\/p>\n \n \u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 82, Gen\u00e8ve, juillet-ao\u00fbt 1998.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Vertigo Pardon du peu, mais vous tenez entre vos mains un entonnoir cosmique! Prenez les mill\u00e9naires d’histoire des civilisations que vous offre Fernand Braudel. Versez-les avec pr\u00e9cautions dans l’entonnoir. 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L’expression \u00e9voque des cavaliers mongols labourant en technicolor et st\u00e9r\u00e9o la poussi\u00e8re des steppes, des hordes barbares arrasant l’Europe romaine, des foules appauvries traversant d\u00e9serts et oc\u00e9ans dans l’espoir d’un emploi sous nos latitudes, des invasions de religions et de cultures \u00e9trang\u00e8res…<\/p>\n