{"id":71,"date":"2014-12-28T01:23:16","date_gmt":"2014-12-28T00:23:16","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=71"},"modified":"2015-01-18T10:42:28","modified_gmt":"2015-01-18T09:42:28","slug":"71-2","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=71","title":{"rendered":"Chaos c\u00e9r\u00e9bral"},"content":{"rendered":"

SCIENCE<\/p>\n

Le cerveau de l\u2019homme engendre du chaos…<\/h3>\n

…un chaos qui ob\u00e9it, comme les ph\u00e9nom\u00e8nes m\u00e9t\u00e9orologiques, aux lois de la dynamique non lin\u00e9aire (ou \u00ab\u00a0chaos d\u00e9terministe\u00a0\u00bb)<\/p>\n

par\u00a0 Agnessa Baloyantz<\/p>\n

Agnessa Baloyantz, docteur en sciences chimiques, agr\u00e9g\u00e9e de la Facult\u00e9 et professeur, \u00e9tait membre du Centre de recherche sur les ph\u00e9nom\u00e8nes non lin\u00e9aires et les syst\u00e8mes complexes (Centre for Non-Linear Phenomena and Complex Systems) de l\u2019Universit\u00e9 Libre de Bruxelles.<\/p>\n

\"Pour comprendre la mani\u00e8re dont fonctionne un syst\u00e8me macroscopique, on se contentait, jusqu’\u00e0 une \u00e9poque r\u00e9cente, de le d\u00e9composer en ses micro-\u00e9l\u00e9ments, plus faciles \u00e0 analyser. Ce n\u2019est donc pas un hasard si les grandes d\u00e9couvertes scientifiques de ce si\u00e8cle ont port\u00e9 sur l’atome et ses particules \u00e9l\u00e9mentaires, sur les cellules biologiques et leurs structures microscopiques, enfin sur la mol\u00e9cule d\u2019ADN (ou acide d\u00e9soxyribonucl\u00e9ique), support de l’h\u00e9r\u00e9dit\u00e9.<\/p>\n

Mais cette mani\u00e8re de \u00ab\u00a0r\u00e9duire\u00a0\u00bb la r\u00e9alit\u00e9 \u00e0 ses \u00e9l\u00e9ments les plus simples a fini par montrer ses limites. Chaque jour, d\u00e9sormais, on d\u00e9couvre de nouveaux ph\u00e9nom\u00e8nes physiques ou chimiques \u2014 les turbulences a\u00e9rodynamiques ou les r\u00e9actions chimiques oscillantes par exemple \u2014 mais aussi biologiques, \u00e9cologiques, m\u00e9t\u00e9orologiques ou \u00e9conomiques, que l\u2019on ne peut comprendre par l’analyse des seuls \u00e9l\u00e9ments qui les constituent [On lira, \u00e0 ce propos, \u00ab\u00a0Et si les pr\u00e9visions du temps \u00e9taient impossibles par principe?\u00a0\u00bb, par Ren\u00e9 Chaboud, dans \u00ab\u00a0Le Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 25 de l\u2019\u00e9t\u00e9 1988]. Pour comprendre ces ph\u00e9nom\u00e8nes, on doit imp\u00e9rativement \u00e9tudier leur \u00ab\u00a0comportement d’ensemble\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Une th\u00e9orie d\u00e9velopp\u00e9e dans les ann\u00e9es 1950 sugg\u00e8re que la mati\u00e8re inerte tend \u00e0 \u00ab\u00a0s’auto-organiser\u00a0\u00bb, et que la vie elle-m\u00eame serait issue de mati\u00e8re inerte qui se serait ainsi auto-organis\u00e9e, comme que j’ai essay\u00e9 de le montrer dans mon ouvrage Molecules dynamics and life. An introduction to self-organization of matter, Londres, Wiley, 1986. Les mol\u00e9cules ou les \u00eatres vivants faisant partie d’un ensemble seraient donc condamn\u00e9s \u00e0 interagir, \u00e0 \u00ab\u00a0coop\u00e9rer\u00a0\u00bb. Cette \u00ab\u00a0coop\u00e9ration\u00a0\u00bb produirait des propri\u00e9t\u00e9s collectives nouvelles d\u00e9passant la simple addition des propri\u00e9t\u00e9s individuelles. [On lira, sur un th\u00e8me proche, l’article de Jean-Louis Deneubourg: \u00ab\u00a0Individuellement les insectes sont b\u00eates, collectivement ils sont intelligents…\u00a0\u00bb, dans \u00ab\u00a0Le Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 65 de septembre 1995].<\/p>\n

La question que nous nous posons, dans nos recherches actuelles, est de savoir si les principes sous-jacents aux ph\u00e9nom\u00e8nes d’auto-organisation de la mani\u00e8re inerte permettraient d’expliquer mieux que cela n’a \u00e9t\u00e9 le cas jusqu’ici la mani\u00e8re dont fonctionne le cerveau humain.<\/p>\n

La question est difficile, parce que situ\u00e9e sur ce que je crois \u00eatre la fronti\u00e8re extr\u00eame de la science, et ce pour deux raisons.<\/p>\n

La premi\u00e8re est que sur notre plan\u00e8te le cerveau est le syst\u00e8me le plus complexe que l’on connaisse – ce qui promet!<\/p>\n

La seconde est que nous ne pouvons comprendre le cerveau qu’avec notre cerveau, une d\u00e9marche circulaire probl\u00e9matique. Jusqu’ici, en effet, les scientifiques, gr\u00e2ce \u00e0 leur cerveau, et gr\u00e2ce surtout \u00e0 la logique et aux math\u00e9matiques produits par ce cerveau, \u00ab\u00a0comprenaient\u00a0\u00bb des ph\u00e9nom\u00e8nes naturels ext\u00e9rieurs au cerveau. Ils peuvent parfaitement faire de m\u00eame avec le cerveau, s’ils se limitent \u00e0 le consid\u00e9rer comme un ensemble de tissus cellulaires et \u00e9tudient, par exemple, de quelle mani\u00e8re, chimique et \u00e9lectrique, ces tissus communiquent entre eux. En revanche s’ils veulent savoir comment cet amas cellulaire permet \u00e0 l’\u00eatre humain de \u00ab\u00a0voir\u00a0\u00bb, d'\u00a0\u00bbentendre\u00a0\u00bb et de \u00ab\u00a0comprendre\u00a0\u00bb, s’ils veulent d\u00e9couvrir de quelle mani\u00e8re les lois ordinaires de la chimie et de la physique gouvernent le fonctionnement du psychisme humain, il risquent de se heurter au probl\u00e8me m\u00e9thodologique de d\u00e9marche circulaire \u00e9voqu\u00e9 plus haut.<\/p>\n

Pour ce qui nous concerne, nous fondons nos recherches actuelles sur l’hypoth\u00e8se simple que les ph\u00e9nom\u00e8nes psychologiques et cognitifs [cognitifs: ayant trait \u00e0 la capacit\u00e9 de conna\u00eetre] sont le r\u00e9sultat de processus physiques et chimiques se d\u00e9roulant dans le cerveau. Cette hypoth\u00e8se para\u00eet \u00ab\u00a0tenir la route\u00a0\u00bb en l’\u00e9tat actuel des connaissances; c\u2019est la seule que je consid\u00e9rerai dans cet article.<\/p>\n

Nous posons ensuite une seconde hypoth\u00e8se: que les activit\u00e9s c\u00e9r\u00e9brales (psychologiques et cognitives) sont des propri\u00e9t\u00e9s nouvelles surgissant de l’auto-organisation des divers ensembles de neurones du cortex c\u00e9r\u00e9bral. Nous avons d\u00e9montr\u00e9 que l’activit\u00e9 des neurones elles-m\u00eames d\u00e9coule de l’auto-organisation de courants ioniques circulant entre elles ou des ions qu’elles \u00e9changent [ions: atomes portant une charge \u00e9lectrique, positive ou n\u00e9gative]. Pour simplifier l’explication, je ne consid\u00e9rerai cependant ici les propri\u00e9t\u00e9s auto-organisatrices que des seules neurones.<\/p>\n

<\/div>\n

Les \u00e9tudes de l’activit\u00e9 c\u00e9r\u00e9brale humaine pourraient, \u00e0 terme, ouvrir des portes psychiques nouvelles et entra\u00eener des cons\u00e9quences socioculturelles incalculables. Mais si elles connaissent un tel essor, aujourd’hui, c’est qu\u2019au-del\u00e0 de leur int\u00e9r\u00eat scientifique pur, elles font esp\u00e9rer aux industriels des retomb\u00e9es majeures, le d\u00e9veloppement notamment de robots autonomes et \u00ab\u00a0intelligents\u00a0\u00bb, la cr\u00e9ation de nouveaux ordinateurs, ou encore de \u00ab\u00a0r\u00e9seaux de neurones\u00a0\u00bb plus performants, inspir\u00e9s du fonctionnement en parall\u00e8le des diff\u00e9rentes r\u00e9gions du cerveau. Il suffit, pour le comprendre, de comparer le fonctionnement des ordinateurs les plus modernes avec ce que l’on sait aujourd’hui du fonctionnement du cerveau humain.<\/p>\n

Alors que les ordinateurs calculent \u00e0 l’aide d’algorithmes [ensemble des r\u00e8gles op\u00e9ratoires n\u00e9cessaires \u00e0 un calcul] et sont de ce fait tr\u00e8s vuln\u00e9rables aux erreurs introduites en cours de processus, le cerveau, lui, est beaucoup moins vuln\u00e9rable. Pour la simple raison qu\u2019il est constitu\u00e9 d’un ensemble de syst\u00e8mes interconnect\u00e9s, proc\u00e9dant ind\u00e9pendamment au traitement de l\u2019information, de fa\u00e7on certes tr\u00e8s peu flexible, mais, de ce fait m\u00eame, tr\u00e8s sp\u00e9cifique et tr\u00e8s efficace. Les syst\u00e8mes c\u00e9r\u00e9braux les plus connus sont les cortex visuel, cortex moteur, cortex auditif, auxquels il faut ajouter de nombreuses autres r\u00e9gions corticales dou\u00e9es de fonctions sp\u00e9cifiques. Il est int\u00e9ressant de noter que ces cortex, dou\u00e9s de propri\u00e9t\u00e9s diff\u00e9rentes, sont pourtant constitu\u00e9s de neurones identiques.<\/p>\n

Autre diff\u00e9rence: alors que la taille des ordinateurs est th\u00e9oriquement illimit\u00e9e, le volume du cerveau des mammif\u00e8res, lui, est limit\u00e9 par les dimensions de la r\u00e9gion pelvienne des femelles leur donnant naissance. C\u2019est pourquoi l’\u00eatre humain, malgr\u00e9 sa longue \u00e9volution, doit se contenter d’un volume c\u00e9r\u00e9bral moyen de 1.5 litre. En d\u00e9pit de ce handicap, les connexions entre ses neurones atteignent une longueur totale de quelque 100 millions de m\u00e8tres.<\/p>\n

Troisi\u00e8me diff\u00e9rence enfin: le cerveau humain consomme beaucoup moins d’\u00e9nergie que l’ordinateur. Pour effectuer une op\u00e9ration \u00e9l\u00e9mentaire, un neurone utilise 10-15 joules, un ordinateur moderne 10-7 joules, soit 100 millions de fois plus.<\/p>\n

Bref, le cerveau humain calcule de mani\u00e8re plus fiable, plus efficace et plus \u00e9conomique que l’ordinateur le plus rapide.<\/p>\n

Anatomiquement, le cerveau est constitu\u00e9s de neurones, cellules dont la caract\u00e9ristique est d’avoir une longue queue, l’axon, et de nombreuses arborescences, les dendrites -d\u2019o\u00f9 l’aspect enchev\u00eatr\u00e9 du tissu des cortex. Cet enchev\u00eatrement permet un nombre extraordinairement \u00e9lev\u00e9 de connexions: de 1000 \u00e0 100’000 par neurone. Il faut savoir en outre que les m\u00eames neurones se retrouvent \u00e0 la fois dans des couches, dans des colonnes et dans des amas appel\u00e9s noyaux. Ces couches, colonnes et amas sont dou\u00e9s chacun de fonctions sp\u00e9cifiques. Les neurones communiquent entre elles par le biais de processus physico-chimiques et l’\u00e9change d’ions charg\u00e9s \u00e9lectriquement.<\/p>\n

Lorsque l’on veut conna\u00eetre l’activit\u00e9 \u00e9lectrique g\u00e9n\u00e9rale d\u2019un cerveau, on mesure (sur le cuir chevelu du sujet ordinairement) le signal qu’il \u00e9met. Ce signal, tr\u00e8s faible, pr\u00e9sente une amplitude ne d\u00e9passant gu\u00e8re quelques dizaines de millivolts (\u00b5V); on enregistre sa trace graphique sur un \u00e9lectroenc\u00e9phalogramme (EEG).<\/p>\n

Les \u00e9lectroenc\u00e9phalogrammes servent depuis longtemps d’instrument de diagnostic, lorsqu\u2019il s\u2019agit d\u2019\u00e9valuer notamment les troubles du sommeil, mais depuis quelques ann\u00e9es notre groupe de recherche les \u00e9tudie dans une autre optique, avec les outils conceptuels de la \u00ab\u00a0dynamique non lin\u00e9aire\u00a0\u00bb, et plus sp\u00e9cialement ceux de la \u00ab\u00a0th\u00e9orie du chaos\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Pour la bonne compr\u00e9hension des choses, il faut que je fasse ici deux digressions: l’une pour \u00e9voquer les postulats de la th\u00e9orie du chaos, l’autre pour rappeler les principaux rythmes \u00e9lectroenc\u00e9phalographies de l’\u00eatre humain, qui sont l’expression du chaos d\u00e9terministe de ses neurones.<\/p>\n

Jusqu’au milieu de ce si\u00e8cle, on distinguait deux types de ph\u00e9nom\u00e8nes naturels. D’un c\u00f4t\u00e9, les ph\u00e9nom\u00e8nes al\u00e9atoires, qui sont par cons\u00e9quent impr\u00e9visibles, de l’autre, les ph\u00e9nom\u00e8nes ob\u00e9issant \u00e0 une loi d\u00e9terministe, qui de ce fait sont pr\u00e9visibles. D\u2019ailleurs, on estimait que la plupart des ph\u00e9nom\u00e8nes physiques (le mouvement du balancier d’une pendule, par exemple) ob\u00e9issaient \u00e0 une loi d\u00e9terministe. Connaissant leurs conditions initiales de ces ph\u00e9nom\u00e8nes (dans l\u2019exemple: la vitesse et la position du balancier) on pouvait pr\u00e9dire leur comportement futur.<\/p>\n

Or, il y a quelques ann\u00e9es, on a pu d\u00e9montrer qu’une l\u00e9g\u00e8re modification des conditions initiales d\u2019un syst\u00e8me d\u00e9crit par des lois d\u00e9terministes peut suffire \u00e0 rendre parfaitement impr\u00e9visible son comportement. On dit de ces syst\u00e8mes sensibles aux conditions initiales qu’ils sont \u00ab\u00a0chaotiques\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Tr\u00e8s vite on se rendit compte que ces syst\u00e8mes chaotiques, malgr\u00e9 leur apparence al\u00e9atoire, ob\u00e9issent \u00e0 un pseudo-ordre. Les grandeurs qui les d\u00e9finissent, loin de varier dans le temps de mani\u00e8re absolument al\u00e9atoire et illimit\u00e9e, apparaissent en effet confin\u00e9es, tenues en laisse, ma\u00eetris\u00e9es, par un \u00e9l\u00e9ment d’ordre, appel\u00e9 \u00ab\u00a0attracteur \u00e9trange\u00a0\u00bb. La pr\u00e9sence d’un attracteur \u00e9trange caract\u00e9rise donc ce que l’on en est venu \u00e0 appeler le \u00ab\u00a0chaos d\u00e9terministe\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Ces syst\u00e8mes sont donc \u00e0 la fois al\u00e9atoires et d\u00e9termin\u00e9s, ce qui n’est pas une mince contradiction. Ils peuvent par ailleurs renfermer en eux-m\u00eames une infinit\u00e9 de mouvements p\u00e9riodiques instables de fr\u00e9quences diff\u00e9rentes. A telle enseigne que m\u00eame des syst\u00e8mes chaotiques simples, ne comportant que trois grandeurs (par exemple le \u00ab\u00a0mod\u00e8le de Lorenz\u00a0\u00bb, d\u00e9crivant les turbulences atmosph\u00e9riques), peuvent d\u00e9velopper une vari\u00e9t\u00e9 infinie de comportements \u2014ce qui les rend diablement utiles lorsque l\u2019on veut d\u00e9crire des processus biologiques ou cognitifs, eux aussi chaotiques.<\/p>\n

Le chaos, d\u2019ailleurs, n\u2019affecte pas les syst\u00e8mes seulement dans leur d\u00e9veloppement temporel, mais aussi dans leur \u00e9tendue spatiale, des ph\u00e9nom\u00e8nes coh\u00e9rents entre eux se produisant au m\u00eame moment \u00e0 diff\u00e9rents endroits d’un m\u00eame syst\u00e8me. On parle alors de chaos spatio-temporel. [Lire aussi l\u2019article de James Gleick, \u00ab\u00a0Le chaos troisi\u00e8me r\u00e9volution scientifique du si\u00e8cle\u00a0\u00bb, dans \u00ab\u00a0Le Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 28 du printemps 1989).<\/p>\n

Quelques mots maintenant pour rappeler les principaux rythmes enc\u00e9phalographiques de l’\u00eatre humain, que notre \u00e9quipe de recherche a analys\u00e9 avec les nouveaux outils de la th\u00e9orie du chaos d\u00e9terministe. On en distingue quatre, en gros.<\/p>\n

Le rythme d’\u00e9veil, souvent appel\u00e9 rythme b\u00eata (oscillations de fr\u00e9quence relativement hautes, de 15 \u00e0 40 Hz, amplitude basse, de 10 \u00e0 30 \u00b5V), qui se manifeste lorsque le sujet est attentif et a les yeux ouverts. D\u00e8s que le sujet ferme les yeux, les oscillations prennent la forme de \u00ab\u00a0fuseaux\u00a0\u00bb, de 8 \u00e0 12 Hz, et l’amplitude cro\u00eet jusqu’\u00e0 50 ou 100 \u00b5V, principalement dans la r\u00e9gion occipitale; on parle alors de rythme alpha.<\/p>\n

Le rythme de sommeil. La nuit, le sommeil d’un sujet normal se subdivise en plusieurs cycles de 60 \u00e0 90 minutes, qui se d\u00e9composent eux-m\u00eames en sommeil lent, puis en sommeil paradoxal ( REM, pour Rapid-Eye-Movement ou mouvements oculaires rapides), lequel finit par devenir dominant. Au cours du sommeil paradoxal, le sujet r\u00eave beaucoup, son tonus musculaire diminue et son \u00e9lectroenc\u00e9phalogramme pr\u00e9sente des caract\u00e9ristiques proches de celles de l’\u00e9veil actif.<\/p>\n

Le sommeil lent est divis\u00e9 lui-m\u00eame en quatre stades. Le premier, qui succ\u00e8de directement \u00e0 l’\u00e9tat d’\u00e9veil, est un stade de transition. Le deuxi\u00e8me, qui marque v\u00e9ritablement l’entr\u00e9e dans le sommeil lent, pr\u00e9sente \u00e0 l’\u00e9lectroenc\u00e9phalogramme des ondes lentes (10-14 Hz), d’amplitude moyenne, et de courte dur\u00e9e (d’une demi-seconde \u00e0 deux secondes). Le troisi\u00e8me stade marque l’entr\u00e9e dans le sommeil profond: les ondes, appel\u00e9es delta, sont de plus en plus lentes (0.5 \u00e0 3 Hz) et de grande amplitude (jusqu’\u00e0 200 \u00b5V). Le quatri\u00e8me stade est caract\u00e9ris\u00e9 par une abondance d’ondes delta. Le sommeil profond produit donc une activit\u00e9 \u00e9lectrique tr\u00e8s importante, mais dont la nature diff\u00e8re grandement de l’activit\u00e9 \u00e9lectrique produite par l’\u00e9tat d’\u00e9veil. Je montrerai plus loin que les hautes amplitudes du sommeil profond sont associ\u00e9es \u00e0 une synchronisation des neurones, raison pour laquelle on dit que le sommeil profond est synchronis\u00e9, par opposition au sommeil paradoxal (REM), d\u00e9synchronis\u00e9.<\/p>\n

Il va sans dire que les pathologies c\u00e9r\u00e9brales produisent des \u00e9lectroenc\u00e9phalogrammes particuliers. Le \u00ab\u00a0petit-mal\u00a0\u00bb, par exemple, une forme d’\u00e9pilepsie g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e apparaissant dans l’enfance et disparaissant en g\u00e9n\u00e9ral \u00e0 la pubert\u00e9, provoque des convulsions de courte dur\u00e9e, lesquelles se signalent dans l’\u00e9lectroenc\u00e9phalogramme par des oscillations r\u00e9guli\u00e8res, g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9es et de grande amplitude, appel\u00e9es \u00ab\u00a0complexes pointes-ondes\u00a0\u00bb. La maladie de Creutzfeldt-Jacob, aujourd’hui tr\u00e8s m\u00e9diatis\u00e9e, se signale elle aussi, mais \u00e0 son stade terminal, par des oscillations de grande amplitude.<\/p>\n

En\u00a0 \u00e9tudiant les \u00e9lectroenc\u00e9phalogrammes avec les outils de la th\u00e9orie du chaos, nous avons pu montrer que les diff\u00e9rents rythmes du cerveau humain ob\u00e9issent aux \u00ab\u00a0lois\u00a0\u00bb du chaos temporel. Que l\u2019activit\u00e9 du cortex, notamment, devient de plus en plus coh\u00e9rente \u00e0 mesure que le sujet s\u2019\u00e9loigne de l\u2019\u00e9tat d\u2019\u00e9veil. Et que l’activit\u00e9 d\u2019ensemble des neurones atteint une coh\u00e9rence plus grande encore dans le sommeil profond, et maximale dans le \u00ab\u00a0petit-mal\u00a0\u00bb \u00e9pileptique et la maladie de Creutzfeldt-Jacob, mentionn\u00e9s plus haut.<\/p>\n

En nous fondant sur ce que nous savons actuellement du cerveau et \u00e0 partir d’\u00e9lectroenc\u00e9phalogrammes refl\u00e9tant la moyenne d\u2019activit\u00e9 de millions de neurones, nous avons donc construit des mod\u00e8les simples qui nous ont permis de d\u00e9montrer que l\u2019activit\u00e9 du cortex ob\u00e9it aux \u00ab\u00a0lois\u00a0\u00bb du chaos spatio-temporel.<\/p>\n

A ce point, une question se pose \u00e9videmment: comment l’\u00eatre humain peut-il voir, entendre, m\u00e9moriser ou raisonner gr\u00e2ce \u00e0 une dynamique c\u00e9r\u00e9brale de type chaos d\u00e9terministe?<\/p>\n

Pour donner une premi\u00e8re r\u00e9ponse, toute partielle, \u00e0 cette question centrale, nous avons commenc\u00e9 r\u00e9cemment \u00e0 nous pencher sur le ph\u00e9nom\u00e8ne de l\u2019attention, qui est l\u2019un des ph\u00e9nom\u00e8nes fondamentaux du processus cognitif. Aucune exp\u00e9rience sensorielle n\u2019est en effet possible tant que nous ne sommes pas attentifs au flux d\u2019informations qui s’abat sur nous. Nous pouvons fixer une sc\u00e8ne champ\u00eatre du regard sans rien voir, ou \u00eatre entour\u00e9s de bruits ambiants sans rien entendre. Le paysage et les sons trouvent leur signification seulement lorsque nous devenons attentifs.<\/p>\n

L’\u00e9v\u00e9nement qui nous fait passer de l\u2019\u00e9tat d\u2019inattention \u00e0 celui d\u2019attention a parfois un contenu informationnel tr\u00e8s faible: un mouvement suspect dans la sc\u00e8ne champ\u00eatre, ou la voix d\u2019une amie, quelque part, tr\u00e8s loin, \u00e0 l’autre bout du salon o\u00f9 est offerte une r\u00e9ception anim\u00e9e. D\u00e8s que nous sommes attentifs, en revanche, notre cerveau devient capable d\u2019\u00e9valuer et d\u2019analyser le flux d’informations qui nous vient de notre environnement.<\/p>\n

Pour \u00e9tudier ce ph\u00e9nom\u00e8ne d’attention, nous avons construit un mod\u00e8le simple, \u00e0 l\u2019aide de neurones \u00e9lectroniques \u00e9l\u00e9mentaires et en ne retenant du cortex c\u00e9r\u00e9bral, dont la complexit\u00e9 est extr\u00eame, que quelques \u00e9l\u00e9ments-cl\u00e9: sa structuration en couches multiples (ramen\u00e9e \u00e0 deux dans le mod\u00e8le) et l\u2019existence d\u2019une dynamique de type chaos spatio-temporel dans chacune de ces couches. Dans notre mod\u00e8le, des oscillateurs r\u00e9guliers jouent le r\u00f4le de neurones; interconnect\u00e9s, ils donnent naissance \u00e0 un chaos spatio-temporel. La premi\u00e8re couche du mod\u00e8le fixe l’attention; l’information du monde ext\u00e9rieur arrive au niveau des liens entre les deux couches et, une fois trait\u00e9e, se lit (se mesure) sur la deuxi\u00e8me couche (appel\u00e9e \u00ab\u00a0couche de sortie\u00a0\u00bb) sous forme de fr\u00e9quences et d’amplitudes vari\u00e9es. Si, au cours de l’exp\u00e9rience, la couche d'\u00a0\u00bbattention\u00a0\u00bb n’est pas activ\u00e9e, elle reste chaotique, de m\u00eame d’ailleurs que la \u00ab\u00a0couche de sortie\u00a0\u00bb, avec pour cons\u00e9quence, alors, que les diff\u00e9rentes informations arrivant dans le cortex restent embrouill\u00e9es et indistinctes.<\/p>\n

Comme je l\u2019ai expliqu\u00e9 plus haut, un chaos spatio-temporel renferme en lui-m\u00eame une infinit\u00e9 d\u2019oscillations, r\u00e9guli\u00e8res et instables, qui peuvent \u00eatre stabilis\u00e9es par de faibles changements de conditions. Nous donnons alors \u00e0 la premi\u00e8re couche de notre mod\u00e8le un influx sensoriel (c\u2019est-\u00e0-dire \u00e9lectrique) tr\u00e8s faible, qui l\u2019entra\u00eene dans une dynamique d\u2019oscillations r\u00e9guli\u00e8res. Le syst\u00e8me est alors \u00ab\u00a0attentif\u00a0\u00bb, car dans cet \u00e9tat, et dans cet \u00e9tat seulement, il est capable de percevoir les objets statiques ou mobiles qui lui sont pr\u00e9sent\u00e9s, de distinguer leurs formes, de rep\u00e9rer leur mouvement et d\u2019\u00e9valuer leur vitesse.<\/p>\n

C’est ainsi qu’en nous fondant sur les th\u00e9ories de l\u2019auto-organisation de la mati\u00e8re inerte et du chaos d\u00e9terministe, et sur les r\u00e9sultats de mesures \u00e9lectroenc\u00e9phalogrammiques, nous avons pu d\u00e9velopper une th\u00e9orie coh\u00e9rente de l\u2019\u00e9tat d\u2019attention et entreprendre de la v\u00e9rifier. Cette th\u00e9orie nous am\u00e8ne \u00e0 pr\u00e9dire que l\u2019attention d\u00e9coule de l\u2019activit\u00e9 r\u00e9guli\u00e8re de l\u2019une des couches du cortex \u2014 la quatri\u00e8me, si l\u2019on en croit certaines de nos exp\u00e9riences r\u00e9centes.<\/p>\n

Ce n\u2019est l\u00e0, bien s\u00fbr, qu\u2019un tout premier pas dans la compr\u00e9hension des modes de fonctionnement du cerveau, mais sur une piste qui nous para\u00eet extraordinairement prometteuse.<\/p>\n

Premi\u00e8rement, parce que la th\u00e9orie qui sous-tend cette compr\u00e9hension est fond\u00e9e non pas, comme dans la construction de r\u00e9seaux de neurones, sur des algorithmes difficilement applicables au cerveau humain, mais sur les donn\u00e9es dynamiques que les enc\u00e9phalogrammes mettent en \u00e9vidence.<\/p>\n

Deuxi\u00e8mement, parce que cette th\u00e9orie permet d’expliquer ais\u00e9ment la raison pour laquelle nous ne pouvons fixer longuement des yeux un m\u00eame objet: l’\u00e9tat attentif, en raison de sa nature chaotique, tend \u00e0 \u00eatre intermittent ou de courte dur\u00e9e.<\/p>\n

Troisi\u00e8mement, parce que cette th\u00e9orie permet d’expliquer les capacit\u00e9s infinies du cerveau humain. Le chaos spatio-temporel produit par le cerveau contient en effet en son sein, on l’a vu plus haut, une infinit\u00e9 de mouvements p\u00e9riodiques instables de fr\u00e9quence diff\u00e9rente, et offre donc des possibilit\u00e9s d’ajustements, de mises au point et de rodages infinies.<\/p>\n

\u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 73, Gen\u00e8ve, D\u00e9cembre 1996.<\/div>\n
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ADDENDA<\/strong><\/p>\n

A propos de nos ondes c\u00e9r\u00e9brales<\/strong><\/p>\n

Ce qu\u2019on appelle oscillations<\/strong>. Une oscillation est une \u00ab\u00a0variation d’une grandeur m\u00e9canique, \u00e9lectrique, etc., caract\u00e9ris\u00e9e par un changement p\u00e9riodique de sens\u00a0\u00bb. Cette variation s’exprime en un aller et retour d’un corps autour d’une position d’\u00e9quilibre, passant successivement par une valeur maximale et une valeur minimale. Les oscillations peuvent \u00eatre r\u00e9guli\u00e8res (p\u00e9riodiques) ou d\u00e9croissantes (amorties). Le cycle d’une oscillation est le temps \u00e9coul\u00e9 entre deux passages successifs par la position d’\u00e9quilibre. La fr\u00e9quence d’une oscillation est le nombre de cycles par seconde exprim\u00e9 en hertz (Hz). Le hertz est la fr\u00e9quence d’un courant dont la p\u00e9riode est une seconde.<\/p>\n

L’amplitude est une grandeur qui exprime l’\u00e9cart ou l’\u00e9loignement d’une oscillation par rapport \u00e0 son point d’\u00e9quilibre.<\/p>\n

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O<\/strong>ndes c\u00e9r\u00e9brales<\/strong>. Le cerveau \u00e9met un tr\u00e8s faible courant \u00e9lectrique du fait de son activit\u00e9, m\u00eame en \u00e9tat de sommeil ou de coma. Pour suivre cette activit\u00e9, on place des paires d’\u00e9lectrodes \u00e0 diff\u00e9rents endroits du cr\u00e2ne au niveau du scalp. La variation de la diff\u00e9rence de potentiel enregistr\u00e9e entre deux \u00e9lectrodes (exprim\u00e9 en \u00b5v ou millioni\u00e8mes de volt) est enregistr\u00e9e et reproduite en courbe EEG. On a pu dresser ainsi diff\u00e9rents types de variations correspondant \u00e0 des oscillations de fr\u00e9quences et d’\u00e9tats physiologiques particuliers.<\/p>\n

Les ondes alpha<\/strong>, capt\u00e9es sur la partie post\u00e9rieure de la t\u00eate, correspondent aux courbes EEG d’une personne \u00e9veill\u00e9e mais au repos, les yeux ferm\u00e9s. Le rythme alpha est r\u00e9gulier, ses fr\u00e9quences sont assez basses (entre 8 \u00e0 12 Hz), son amplitude est faible (de 25 \u00e0 60\u00a0\u00b5v).<\/p>\n

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Les ondes b\u00eata<\/strong>, capt\u00e9es sur les aires centrales et frontale du cerveau, correspondent \u00e0 des oscillations de fr\u00e9quence plus \u00e9lev\u00e9es (de 15 \u00e0 40 Hz) mais d\u2019amplitude basse (de 10 \u00e0 30 \u00b5V). Elles r\u00e9v\u00e8lent l’\u00e9tat d’un sujet attentif, yeux ouverts.<\/p>\n

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Les ondes delta<\/strong>, les plus lentes des ondes c\u00e9r\u00e9brales, ont une fr\u00e9quence faible (2-3 Hz) mais une amplitude forte. Elles sont obtenues chez un sujet en \u00e9tat de sommeil lent.<\/p>\n

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Les ondes th\u00eata<\/strong>, de fr\u00e9quences assez basses (4-8 Hz), sont produites lors de la premi\u00e8re phase du sommeil lent (l’endormissement) ou dans un \u00e9tat de profonde relaxation.<\/p>\n

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Le sommeil paradoxal (ou REM) <\/strong>correspond \u00e0 l’\u00e9tat de sommeil profond pendant lequel se d\u00e9roule une bonne partie de l’activit\u00e9 onirique. Le sommeil paradoxal repr\u00e9sente 20% de la dur\u00e9e totale du sommeil. L’activit\u00e9 c\u00e9r\u00e9brale durant le sommeil paradoxal se traduit par des ondes aux fr\u00e9quences et amplitudes similaires \u00e0 celles d’un sujet \u00e9veill\u00e9. On peut identifier le sommeil paradoxal par trois caract\u00e9ristiques principales: des ondes c\u00e9r\u00e9brales mixtes de basses amplitudes; une alternance du sommeil REM et des autres phases du sommeil; une suppression du tonus musculaire de la r\u00e9gion faciale.<\/p>\n

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Le Chaos ou le sens du d\u00e9sordre<\/strong><\/p>\n

Le chaos est un comportement impr\u00e9visible apparaissant dans un syst\u00e8me d\u00e9terministe si sensible aux conditions initiales qu’une l\u00e9g\u00e8re variation de ces derni\u00e8res suffit pour que le syst\u00e8me global subisse des effets impr\u00e9visibles et par l\u00e0 m\u00eame chaotiques. Les premi\u00e8res r\u00e9flexions scientifiques sur le chaos remontent aux questions que le math\u00e9maticien fran\u00e7ais Henri Poincar\u00e9 se posait en 1899 sur la non pr\u00e9visibilit\u00e9 de syst\u00e8mes d\u00e9terministes tel que le mouvement des plan\u00e8tes. Mais il fallut attendre 1963 pour qu’Edward Lorenz, un m\u00e9t\u00e9orologue du Massachusetts Institute of Technology (MIT), mette en \u00e9vidence le caract\u00e8re chaotique des conditions m\u00e9t\u00e9orologiques. Alors qu’il cherchait \u00e0 d\u00e9terminer ces conditions \u00e0 partir de donn\u00e9es initiales (pression atmosph\u00e9rique, vents, temp\u00e9ratures, etc.) enregistr\u00e9es sur son ordinateur, il constata, par pur hasard, au travers d’une nouvelle saisie des donn\u00e9es de base, qu’une modification minime de ces derni\u00e8res (de l’ordre de un pour mille, correspondant \u00e0 l’oubli des trois derniers chiffres d’un nombre \u00e0 six d\u00e9cimales!) entra\u00eenait des r\u00e9sultats radicalement diff\u00e9rents de ceux pr\u00e9c\u00e9demment d\u00e9finis. Il en tira la conclusion que les conditions m\u00e9t\u00e9orologiques ne peuvent \u00eatre pr\u00e9visibles \u00e0 long terme en raison de \u00ab\u00a0la d\u00e9pendance sensible aux conditions initiales\u00a0\u00bb. Lorenz imagina \u00e0 cette occasion l’image canonique du battement d’ailes de quelques papillons capables de provoquer des temp\u00eates aux antipodes [on lira \u00e0 ce propos \u00ab\u00a0Le papillon qui fait les temp\u00eates\u00a0\u00bb, par Nicolas Witkowksi, dans le Forum du \u00ab\u00a0Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 71 de septembre 1996]. La d\u00e9couverte de Lorenz intrigua un certain nombre de physiciens, mais aussi de math\u00e9maticiens, qui fournirent au d\u00e9but des ann\u00e9es 70 l’ossature math\u00e9matique qui allait permettre l’\u00e9tude des ph\u00e9nom\u00e8nes erratiques.<\/p>\n

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Les fractales<\/strong><\/p>\n

Les math\u00e9matiques fractales, mises au point en 1971 par Beno\u00eet Mandelbrot, un math\u00e9maticien d’origine fran\u00e7aise employ\u00e9 au d\u00e9but des ann\u00e9es 60 dans le d\u00e9partement de recherche pure d’IBM, ont apport\u00e9 une aide particuli\u00e8re \u00e0 la compr\u00e9hension du chaos. Pour d\u00e9crire les structures g\u00e9n\u00e9r\u00e9es par son ordinateur \u00e0 partir de simples \u00e9quations, Mandelbrot \u00e9labora en effet une nouvelle g\u00e9om\u00e9trie appliqu\u00e9e \u00e0 des espaces fragment\u00e9s, rugueux ou enchev\u00eatr\u00e9s, toutes imperfections n\u00e9glig\u00e9es par la g\u00e9om\u00e9trie classique mais qui servent \u00e0 d\u00e9crire et calculer des objets qui vont du flocon de neige aux poussi\u00e8res de galaxies. Pour nommer ces structures extr\u00eamement complexes caract\u00e9ris\u00e9es par une invariance d’\u00e9chelle, Beno\u00eet Mandelbrot inventa le mot fractal(e) \u00e0 partir d’une \u00e9tymologie latine, fractus, signifiant bris\u00e9, de frangere: casser, briser.<\/p>\n

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Un objet fractal r\u00e9v\u00e8le une forme fragment\u00e9e qui, lorsqu\u2019elle est subdivis\u00e9e en parties, reproduit toujours la m\u00eame forme, ind\u00e9pendamment de l’\u00e9chelle. Cette structure permet de d\u00e9crire des formes g\u00e9om\u00e9triques compliqu\u00e9es telles que nuages, montagnes, c\u00f4tes maritimes et ph\u00e9nom\u00e8nes de turbulence.<\/p>\n

Le simple et le complexe<\/strong><\/p>\n

L’\u00e9tude du chaos a permis de d\u00e9couvrir la structure complexe de ph\u00e9nom\u00e8nes apparemment simples, et inversement, la structure simple de ph\u00e9nom\u00e8nes apparemment complexes. Les ph\u00e9nom\u00e8nes chaotiques s’inscrivent dans les nouveaux champs de la pens\u00e9e complexe, aux c\u00f4t\u00e9s de la science non-lin\u00e9aire, des syst\u00e8mes dynamiques, de l’auto-organisation, de la vie artificielle, des r\u00e9seaux de neurones, etc., que seuls les ordinateurs sont capables d’\u00e9tudier.<\/p>\n

Les attracteurs \u00e9tranges<\/strong><\/p>\n

L’attracteur \u00e9trange est une figure qui repr\u00e9sente l’ensemble des trajectoires d’un syst\u00e8me donn\u00e9 en proie \u00e0 un mouvement chaotique. On peut d\u00e9finir l’attracteur \u00e9trange comme une carte des \u00e9tats impr\u00e9visibles et chaotiques; il r\u00e9v\u00e8le un ordre, une contrainte cach\u00e9s, un \u00ab\u00a0espace des phases\u00a0\u00bb vers lequel convergent des ph\u00e9nom\u00e8nes chaotiques. On pourrait comparer cet \u00ab\u00a0espace des phases\u00a0\u00bb \u00e0 une vall\u00e9e dont toutes les eaux ruisselantes convergeraient vers un cours d’eau unique. La nature fractale et les propri\u00e9t\u00e9s de l’attracteur \u00e9trange ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9couvertes en 1971 par David Ruelle et Floris Takens.<\/p>\n

Le mod\u00e8le attracteur de Lorenz<\/strong> d\u00e9signe le premier attracteur \u00e9trange, mis en \u00e9vidence par Edward Lorenz, cit\u00e9 plus haut. Lorenz, ayant simul\u00e9 la convection de fluides [on appelle convection le mouvement qui anime un fluide soumis \u00e0 une variation de temp\u00e9rature] enregistra les variables du syst\u00e8me et les transposa dans un espace \u00e0 trois dimensions. \u00c9mergea alors une double spirale en trois dimensions, c\u00e9l\u00e8bre pour son \u00e9vocation de face de hibou ou d’ailes de papillon: le premier attracteur \u00e9trange.<\/p>\n

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Une r\u00e9action chimique oscillante<\/strong> est l\u2019expression de ph\u00e9nom\u00e8nes chaotiques dans la cin\u00e9tique [le mouvement] de certaines r\u00e9actions chimiques en r\u00e9acteur ouvert, o\u00f9 les produits initiaux entrent en continu et les produits finaux sortent aussi en continu -mais sortent dans des concentrations qui oscillent de fa\u00e7on impr\u00e9visible.<\/div>\n
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Notre cerveau et ses d\u00e9pendances<\/strong><\/strong><\/p>\n<\/div>\n

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Le cortex c\u00e9r\u00e9bral<\/strong> est la couche externe du cerveau, de substance grise, \u00e9paisse de 3 \u00e0 4 millim\u00e8tres. En coupe, le cortex est constitu\u00e9 de six couches de cellules nerveuses appel\u00e9es neurones. Ces couches de cortex, \u00e9tag\u00e9es et fonctionnellement sp\u00e9cialis\u00e9es, sont la couche mol\u00e9culaire (1), la couche granuleuse externe ou des petites cellules pyramidales (2), la couche des cellules pyramidales moyennes (3), la couche granuleuse interne (4), la couche des grandes cellules pyramidales (5) et la couche des cellules polymorphes (6).<\/p>\n

Coupe du cr\u00e2ne et de l’\u00e9corce c\u00e9r\u00e9brale<\/p>\n

(figure)<\/p>\n

Structure g\u00e9n\u00e9rale du cortex c\u00e9r\u00e9bral<\/p>\n

(figure)<\/span><\/span><\/p>\n

1 couche mol\u00e9culaire<\/p>\n

2 couche granuleuse externe ou des petites cellules pyramidales<\/p>\n

3 couche des cellules pyramidales moyennes<\/p>\n

4 couche granuleuse interne<\/p>\n

5 couche des grandes cellules pyramidales<\/p>\n

6 couche des cellules polymorphes<\/p>\n

Source: \u00ab\u00a0Le Soir\u00a0\u00bb<\/p>\n

Le cerveau se compose d’un tr\u00e8s grand nombre de cellules nerveuses enchev\u00eatr\u00e9es et de formes diff\u00e9rentes suivant leurs localisation.<\/em><\/p>\n

\u00a0<\/strong><\/p>\n

Localisation et fonctions psychomotrices des aires corticales<\/strong><\/p>\n

Le cortex c\u00e9r\u00e9bral a une structure multicouches. Les connections \u00e9mergeant d’une couche donn\u00e9e ou les projections que celle-ci renvoie sont sp\u00e9cifiques \u00e0 chaque couche. Le toucher, la vision, le mouvement, la parole, etc., ont leur aire corticale sp\u00e9cifique.<\/p>\n

\"\"<\/div>\n

Le neurone<\/strong> est l’unit\u00e9 fondamentale du tissu nerveux. C’est une cellule nerveuse, de forme variable (unipolaire, bi ou multipolaire) dont la fonction principale est d’initier et de conduire les stimuli de l’influx nerveux. Les neurones sont en quelque sorte des unit\u00e9s de r\u00e9ception ou de transmission d’information circulant d’une partie \u00e0 l’autre du corps. A la diff\u00e9rence des autres cellules vivantes, un neurone se forme d\u00e9finitivement lors de la vie f\u0153tale et ne se reproduit pas; sa perte est donc irr\u00e9m\u00e9diable (quelque mille neurones meurent chaque jour chez l’\u00eatre humain). Le cerveau humain compte une dizaine de milliards de neurones g\u00e9n\u00e9rant un courant \u00e9lectrique et des r\u00e9actions chimiques, interconnect\u00e9s en r\u00e9seau complexe.<\/p>\n

La structure du neurone se pr\u00e9sente comme une cellule nerveuse de taille variable (4 \u00e0 130 milli\u00e8mes de millim\u00e8tre) se composant de deux types de prolongements:<\/p>\n

l’axone<\/strong>, filament unique et constant, dont la longueur varie de 0,1 millim\u00e8tre \u00e0 2 m\u00e8tres, o\u00f9 l’influx circule en sens unique, les stimuli \u00e9tant transport\u00e9s \u00e0 l’ext\u00e9rieur de la cellule nerveuse<\/p>\n

les dentrites<\/strong>, prolongements plus courts, de nombre variable, ramifi\u00e9s comme les branches d’un arbre, r\u00e9ceptionnent les stimuli provenant des terminaisons d’axones d’autres neurones.<\/p>\n

Entre deux neurones, se trouve la synapse qui est le point de jonction d’un circuit neural: l’axone d’un neurone y affleure le corps cellulaire ou les dentrites d’un autre neurone. Les synapses sont polaris\u00e9s, c’est-\u00e0-dire que les stimuli entre deux neurones circulent dans un sens unique, ce qui implique l’existence d’un neurone excitateur ou moteur et d’un neurone inhibiteur ou sensitif. Les terminaisons synaptiques sont les lieux o\u00f9 sont contenus les neurotransmetteurs, qui sont des mol\u00e9cules qui modulent et r\u00e9gulent le syst\u00e8me nerveux. Chaque synapse contient des milliers de mol\u00e9cules de neurotransmetteurs (comme la dopamine, l’adr\u00e9naline, l’acetylcholine, etc.).<\/p>\n

Liaison entre neurones<\/strong><\/p>\n

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\"\"<\/span><\/span><\/p>\n

Les dentrites sont les parties r\u00e9ceptives des neurones. L’axone, en raison des propri\u00e9t\u00e9s chimiques de sa membrane, est le c\u00e2ble de transmission de l’influx nerveux. La synapse est le lieu de transfert des informations entre neurones, les \u00e9v\u00e9nements chimiques et \u00e9lectriques qui s’y d\u00e9roulent durent un temps extr\u00eamement court (de l’ordre de la milliseconde).<\/p>\n

Le r\u00e9seau de neurones d\u00e9signe un ensemble d\u2019automates tr\u00e8s simples interconnect\u00e9s, qui se transmettent les uns aux autres soit des stimulations positives (excitatrices), soit des simulations n\u00e9gatives (inhibitrices). Ce r\u00e9seau est model\u00e9 d\u2019apr\u00e8s le syst\u00e8me nerveux humain et ses milliards de connexions synaptiques. Le syst\u00e8me nerveux humain a \u00e9volu\u00e9 pendant 100 millions d’ann\u00e9es avant de parvenir \u00e0 son niveau actuel de complexit\u00e9 et de coh\u00e9rence. Certains r\u00eavent de pouvoir dupliquer un jour les intelligences humaine et animale.<\/p>\n

Sources: Molecules, dynamics & life: an introduction to self-organization of matter<\/em>, par Agnessa Babloyantz (New York, Wiley, 1986). Anatomie humaine descriptive topographique<\/em>, par H. Rouvi\u00e8re, tome III, membres, syst\u00e8me nerveux central<\/em>, Paris, Masson et Cie, 1970.<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

SCIENCE Le cerveau de l\u2019homme engendre du chaos… …un chaos qui ob\u00e9it, comme les ph\u00e9nom\u00e8nes m\u00e9t\u00e9orologiques, aux lois de la dynamique non lin\u00e9aire (ou \u00ab\u00a0chaos d\u00e9terministe\u00a0\u00bb) par\u00a0 Agnessa Baloyantz Agnessa Baloyantz, docteur en sciences chimiques, agr\u00e9g\u00e9e de la Facult\u00e9 et professeur, \u00e9tait membre du Centre de recherche sur les ph\u00e9nom\u00e8nes \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1171,"parent":43,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-71","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/71","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=71"}],"version-history":[{"count":8,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/71\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1172,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/71\/revisions\/1172"}],"up":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/43"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1171"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=71"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}