{"id":658,"date":"2015-01-06T13:30:16","date_gmt":"2015-01-06T12:30:16","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=658"},"modified":"2015-01-07T01:00:42","modified_gmt":"2015-01-07T00:00:42","slug":"portrait-de-ben-bella","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=658","title":{"rendered":"Portrait de Ben Bella"},"content":{"rendered":"
Par Charles-Henri Favrod<\/strong><\/p>\n \n Ce portrait est paru dans Le Temps strat\u00e9gique No 3, hiver 1982-1983.<\/p>\n Ahmed Ben Bella, pr\u00e9sident de la R\u00e9publique alg\u00e9rienne renvers\u00e9 par Boumedi\u00e8ne en 1965, emprisonn\u00e9 quatorze ans dans le Sud alg\u00e9rien, est libre aujourd’hui, exil\u00e9 volontaire en France. Charles-Henri Favrod, qui lui a longuement rendu visite il y a peu, nous invite \u00e0 un voyage en zig-zag dans une destin\u00e9e peu commune.<\/strong><\/p>\n Charles-Henri Favrod<\/em>,\u00a0a \u00e9t\u00e9 m\u00eal\u00e9 de pr\u00e8s aux contacts secrets qui ont permis, d\u00e8s 1961, \u00e0 la France et a la \u00ab\u00a0gu\u00e9rilla\u00a0\u00bb alg\u00e9rienne, de n\u00e9gocier l’ind\u00e9pendance de l’Alg\u00e9rie. Grand voyageur, il a \u00e9crit plusieurs livres sur l’Asie, l’Afrique, le monde arabe et, en particulier, la guerre d’Alg\u00e9rie et les d\u00e9buts du FLN. Il a cr\u00e9\u00e9 et dirige l’Encyclop\u00e9die du monde actuel.<\/p>\n J<\/strong>‘ai vu Ahmed Ben Bella pour la premi\u00e8re fois au Caire, en 1953. Il venait d’y arriver et de rejoindre le Bureau du Maghreb, dont les t\u00e9nors \u00e9taient \u00e0 l’\u00e9poque le Tunisien Salah Ben Youssef et la Marocain Allal el-Fassi. On parlait encore peu de l’Alg\u00e9rie, apparemment r\u00e9sign\u00e9e \u00e0 son sort d\u00e9partemental, mais la Tunisie et le Maroc \u00e9taient tout pr\u00e8s d’obtenir leur ind\u00e9pendance. Les Alg\u00e9riens se montraient discrets et s’appliquaient \u00e0 ne pas se faire trop remarquer dans une \u00c9gypte plus nationaliste et fi\u00e9vreuse que jamais, un an apr\u00e8s la prise du pouvoir par Gamal Abdel Nasser et les Officiers libres.<\/p>\n Les Alg\u00e9riens ? En effet, rue Sarwatt-Pacha, il y a d\u00e9j\u00e0, depuis 1951, Mohamed Khider, d\u00e9put\u00e9 du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libert\u00e9s d\u00e9mocratiques) derri\u00e8re lequel se dissimule le PPA, le Parti du peuple alg\u00e9rien, interdit. Et, depuis 1952, Hocine A\u00eft Ahmed, fondateur de l’Organisation sp\u00e9ciale, OS, rompu \u00e0 l’action clandestine, est aussi au Caire parce que la police fran\u00e7aise, en Alg\u00e9rie, a commenc\u00e9 \u00e0 remonter les fili\u00e8res et \u00e0 comprendre que la r\u00e9sistance s’organise.<\/p>\n En 1949, hold-up<\/strong> Le r\u00e9v\u00e9lateur a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9cis\u00e9ment l’attaque de la poste d’Oran, en avril 1949. Militant de l’OS, responsable de l’Oranie, Ben Bella a \u00e9t\u00e9 charg\u00e9 par A\u00eft Ahmed de pr\u00e9parer ce hold-up pour procurer des fonds \u00e0 l’Organisation sp\u00e9ciale du PPA-MTLD. Le Comit\u00e9 central du parti ne fait en effet pas confiance aux jeunes militants qui estiment qu’il faut aller chercher l’argent l\u00e0 o\u00f9 il est. La police fran\u00e7aise croit d’abord \u00e0 un coup mont\u00e9 par Pierrot-le-Fou, dont les exploits d\u00e9fraient alors la chronique en m\u00e9tropole. Puis, Police judiciaire et Renseignements g\u00e9n\u00e9raux comparent leurs informations et d\u00e9couvrent la v\u00e9rit\u00e9. En mars 1950, Ben Bella est arr\u00eat\u00e9 \u00e0 Alger, condamn\u00e9, au cours d’un spectaculaire proc\u00e8s, \u00e0 huit ans de d\u00e9tention, non sans avoir profit\u00e9 du tribunal pour tenir d’ardents propos r\u00e9volutionnaires et nationalistes. En avril 1952, il s’\u00e9vade de la prison de Blida, r\u00e9ussit \u00e0 gagner Marseille et Paris, o\u00f9 il se cache dans une mansarde de la rue Rochechouart. Puis, via la Suisse, c’est l’\u00c9gypte.<\/p>\n En 1953, je rencontrai Ben Bella dans la librairie de Lotfallah Soliman, tout pr\u00e8s du Bureau du Maghreb. Comme tous les nationalistes de langue fran\u00e7aise, il y venait lire les journaux de Paris et ne n\u00e9gligeait surtout pas L’\u00c9quipe. En effet, passionn\u00e9 de football d\u00e8s l’enfance, il ne dissimulait pas sa br\u00e8ve appartenance \u00e0 l’Olympique de Marseille, durant sa p\u00e9riode de service militaire, ni le plaisir qu’il avait pris \u00e0 constituer une \u00e9quipe d’amateurs dans sa petite ville natale. Parmi tous les paradoxes qui jalonnent la vie d’Ahmed Ben Bella, il faut savoir qu’il aurait bien pu devenir footballeur professionnel en France, ou faire une carri\u00e8re militaire, voire conserver la nationalit\u00e9 marocaine qu’avaient ses parents. Durant la Seconde Guerre mondiale, il sera d’ailleurs vers\u00e9 dans un goum (compagnie) de tabors marocains, en qualit\u00e9 de sergent-chef, puis d’adjudant.<\/p>\n Pr\u00e9cis\u00e9ment, quand je fis la connaissance de Ben Bella, voil\u00e0 pr\u00e8s de trente ans, il passait d\u00e9j\u00e0 pour avoir la baraka, une r\u00e9putation formidable de \u00ab\u00a0trompe-la-mort\u00a0\u00bb \u00e0 toute \u00e9preuve, bard\u00e9 d’une part de citations de l’Arm\u00e9e fran\u00e7aise et consid\u00e9r\u00e9 d’autre part comme \u00ab\u00a0tr\u00e8s dangereux\u00a0\u00bb dans le fichier de la police. Mais l’\u00e9poque n’\u00e9tait gu\u00e8re \u00e0 la confidence et il m’a fallu attendre le nouvel exil que s’impose actuellement Ben Bella pour obtenir qu’il se raconte enfin. J’ai d\u00e9couvert d’ailleurs que sa l\u00e9gende est plut\u00f4t en de\u00e7\u00e0 de la v\u00e9rit\u00e9. R\u00e9volutionnaire professionnel, il ne s’est jamais beaucoup embarrass\u00e9 de souvenirs. Le peu de papiers et de photographies qu’il pouvait avoir a disparu au cours des perquisitions de l’\u00e9poque militante et clandestine. Ses dossiers personnels de chef d’\u00c9tat n’ont pas surv\u00e9cu \u00e0 sa chute, en juin 1965. J’ai rarement vu un homme plus indiff\u00e9rent \u00e0 cet \u00e9tat de choses. Pour reconstituer son dossier militaire, j’ai recouru aux archives qui, en ce qui concerne les sous-officiers de l’arm\u00e9e fran\u00e7aise, sont \u00e0 Pau. Pour disposer du texte de ses citations, il a fallu obtenir que Ben Bella en f\u00eet lui-m\u00eame la demande. Laborieuse d\u00e9marche, mais il dispose ainsi, aujourd’hui, de tous ses documents militaires, de la premi\u00e8re \u00e0 la derni\u00e8re croix de guerre!<\/p>\n \u00ab\u00a0Nous les Fran\u00e7ais\u00a0\u00bb,<\/strong> \u00ab\u00a0Brillants \u00e9tats de service\u00a0\u00bb, c’est ce que disait le mar\u00e9chal Juin \u00e0 Alain de S\u00e9rigny, l’ancien directeur de L’\u00c9cho d’Alger, champion de l’Alg\u00e9rie fran\u00e7aise, peu suspect de la moindre sympathie \u00e0 l’\u00e9gard de Ben Bella. \u00ab\u00a0Conduite militaire tout \u00e0 fait correcte\u00a0\u00bb, c’est ce que dit toujours le colonel Argoud, ancien de l’OAS, qui demeure convaincu que, si Ben Bella avait pu devenir officier, il n’aurait jamais choisi \u00ab\u00a0la r\u00e9bellion\u00a0\u00bb. En 1940, sergent au 14e r\u00e9giment d’infanterie alpine, Ahmed Ben Bella obtient la Croix de guerre pour avoir abattu un stuka dans le port de Marseille. Et en 1944, au 5e r\u00e9giment de tirailleurs marocains, il est quatre fois cit\u00e9, dont deux fois \u00e0 l’ordre de l’arm\u00e9e, et le g\u00e9n\u00e9ral de Gaulle lui remet en personne la M\u00e9daille militaire, lors d’un prise d’armes qui consacre l’\u00e9norme sacrifice des soldats nord-africains en Italie.<\/p>\n C’est durant la bataille du Monte Cassino que Ben Bella sauve son capitaine, Offel de Villaucourt. Celui-ci, mort aujourd’hui, a racont\u00e9 les p\u00e9rip\u00e9ties \u00e0 ses camarades, en particulier \u00e0 Antoine Argoud, avec qui il fut \u00e0 l’\u00c9cole de guerre, de 1951 \u00e0 1953, et au g\u00e9n\u00e9ral de Camas, n\u00e9gociateur d’Evian et dernier commandant sup\u00e9rieur en Alg\u00e9rie, auquel il fut attach\u00e9 en qualit\u00e9 de chef d’\u00e9tat-major. Il y a d\u00e9cid\u00e9ment de bien singuliers destins, parall\u00e8les et contradictoires, dans l’arm\u00e9e fran\u00e7aise contrainte \u00e0 la d\u00e9colonisation apr\u00e8s les d\u00e9chirements id\u00e9ologiques de la Seconde Guerre mondiale.<\/p>\n Ben Bella n’a cess\u00e9 de dire \u00ab\u00a0nous les Fran\u00e7ais\u00a0\u00bb \u00e0 chaque fois qu’il \u00e9voque sa campagne d’Italie et le combat contre le nazisme. Le choc a \u00e9t\u00e9 d’autant plus grand pour lui que le 8 mai 1945, jour de \u00ab\u00a0sa victoire\u00a0\u00bb, l’arm\u00e9e fran\u00e7aise d’Alg\u00e9rie, l’aviation et la marine, le g\u00e9n\u00e9ral de Gaulle au pouvoir \u00e0 Paris avec des ministres communistes, r\u00e9prim\u00e8rent f\u00e9rocement les \u00e9meutes du Constantinois. Le g\u00e9n\u00e9ral Duval mit le paquet, comme on dit, donnant quartier libre \u00e0 ses tirailleurs s\u00e9n\u00e9galais. Ce fut un terrible massacre.<\/p>\n C’est \u00e9videmment ce jour-l\u00e0 que Ben Bella commence \u00e0 comprendre o\u00f9 se trouve son camp. Il ne joue pas tout de suite la carte de la violence. Mais, comme tous les futurs fondateurs du Front de lib\u00e9ration nationale, il sait bien que le 8 mai 1945 est en fait le premier jour de la longue guerre d’Alg\u00e9rie. Responsable de la logistique d\u00e8s 1953, autrement dit du ravitaillement en armes, voyageant beaucoup entre l’\u00c9gypte et le Maroc, souvent en Italie ou en Espagne, il \u00e9chappa de peu \u00e0 des attentats organis\u00e9s par les services fran\u00e7ais: une bombe dans son bureau du Caire, un tueur \u00e0 l’h\u00f4tel Excelsior de Tripoli. Jusqu’\u00e0 l’avion d’Air Atlas, en octobre 1956, qui lui vaut \u00e0 nouveau la prison et commence \u00e0 confirmer sa vocation de d\u00e9tenu politique permanent, de Monte-Cristo des temps modernes.<\/p>\n L’\u00e9tat-civil et toutes les fiches de police font na\u00eetre Ahmed Ben Bella, dit \u00ab\u00a0Hemmimed\u00a0\u00bb, alias Abdelkader Mebtouche ou Messaoud Mezziani, le 25 juin 1916. Cette date est fausse. Il est n\u00e9 en r\u00e9alit\u00e9 le 25 d\u00e9cembre 1918. Son p\u00e8re l’avait vieilli de deux ans pour qu’il p\u00fbt se pr\u00e9senter plus t\u00f4t au certificat d’\u00e9tudes. Ce p\u00e8re, Embarek Ben Madjoub, \u00e9tait un tout petit paysan pr\u00e8s de Marnia, \u00e0 la fronti\u00e8re alg\u00e9ro-marocaine, et comme il venait de perdre son fils a\u00een\u00e9, sachant qu’il aurait besoin d’aide aux champs, il imagina ce stratag\u00e8me pour gagner deux ans sur l’adversit\u00e9. De ses cinq fils, seul Ahmed est encore en vie. Deux filles vivent toujours \u00e0 Marnia. Quant \u00e0 la m\u00e8re, elle a atteint un \u00e2ge tr\u00e8s avanc\u00e9, probablement 96 ans. D\u00e9v\u00eatue en 1972, lors d’une visite qu’elle faisait \u00e0 son fils prisonnier de la S\u00e9curit\u00e9 militaire, elle prit froid et fut emport\u00e9e par la pneumonie.<\/p>\n Cette femme, tout \u00e0 fait admirable, toujours ferme et solidaire dans les \u00e9preuves qui ne lui furent pas m\u00e9nag\u00e9es, sentait la mort venir et pressait son fils de se marier pour qu’il ne rest\u00e2t pas seul dans sa captivit\u00e9. Elle avait beaucoup de peine \u00e0 obtenir le droit de visite et craignait les effets de la solitude sur le prisonnier. En 1971, avec l’aide de l’ancien directeur de cabinet du pr\u00e9sident, Hadj Sma\u00efn, et l’appui du grand mufti d’Alger, un mariage religieux et indissoluble fut consacr\u00e9. Ben Bella n’y assistait \u00e9videmment pas, ni sa future femme, la journaliste Zohra Sellami. Celle-ci avait accept\u00e9 de devenir l’\u00e9pouse de l’ancien pr\u00e9sident, bien qu’elle n’en f\u00fbt gu\u00e8re proche auparavant; elle passait m\u00eame pour une adversaire politique. Mais, d\u00e8s qu’elle put le rencontrer, dans la maison o\u00f9 il \u00e9tait d\u00e9tenu pr\u00e9s d’Alger, elle c\u00e9da \u00e0 son charme. Et c’est depuis un couple tr\u00e8s uni.<\/p>\n La prison. La prison. <\/strong> Zohra Sellami accepta l’emprisonnement dans les deux pi\u00e8ces qui \u00e9taient r\u00e9serv\u00e9es \u00e0 Ben Bella au Ch\u00e2teau Holden, du nom du colon anglais qui avait fait construire cette villa isol\u00e9e proche de Douera, \u00e0 une vingtaine de kilom\u00e8tres au sud d’Alger. Lieu d’interrogatoire de l’arm\u00e9e fran\u00e7aise durant la guerre d’Alg\u00e9rie (on y a trouv\u00e9 un charnier), la maison abrita des orphelins de guerre et des petits cireurs, jusqu’au coup d’\u00c9tat militaire de 1965. Ce n’est pas seulement par d\u00e9rision que Ben Bella fut incarc\u00e9r\u00e9 dans une de ces maisons d’enfants auxquels il accordait volontiers ses moments de loisir, allant jouer au football et partager un repas avec eux. Non, le Ch\u00e2teau Holden, isol\u00e9 dans un grand parc, \u00e9tait tr\u00e8s facile \u00e0 interdire \u00e0 tout curieux. La S\u00e9curit\u00e9 militaire tirait d’ailleurs sur qui en approchait trop: l’ambassadeur de l’Inde, amateur de pique-nique, faillit n’en pas revenir, apr\u00e8s avoir re\u00e7u une balle de mitraillette dans son \u00e9pais turban.<\/p>\n Boumedi\u00e8ne (1965):<\/strong> Apr\u00e8s le coup d’\u00c9tat de 1965, Ben Bella, arr\u00eat\u00e9 en pleine nuit et en pyjama, non autoris\u00e9 \u00e0 emporter ses v\u00eatements, en d\u00e9duisit qu’il allait \u00eatre rapidement ex\u00e9cut\u00e9. D\u00e9tenu d’abord dans une cave du Minist\u00e8re de la d\u00e9fense (\u00e0 l’ancien quartier Rignault, si\u00e8ge du nouveau pouvoir comme la villa Joly \u00e9tait le si\u00e8ge de l’ancien), cette pr\u00e9sence souterraine permit au colonel Boumedi\u00e8ne de diriger son pouce vers le sol et de pr\u00e9ciser \u00e9nigmatiquement \u00e0 l’ambassadeur de France, Georges Gorse, puis au repr\u00e9sentant du g\u00e9n\u00e9ral de Gaulle, Jean de Broglie, que \u00ab\u00a0l’ancien pr\u00e9sident Ben Bella \u00e9tait \u00e0 sa merci, sous son talon\u00a0\u00bb. Objet d’une surveillance constante, soumis au secret absolu, porte de la cellule toujours ouverte, sous la menace des armes de deux factionnaires toujours muets, Ahmed Ben Bella n’eut personne \u00e0 qui parler durant huit mois. Assez vite transf\u00e9r\u00e9 au Ch\u00e2teau Holden, il connut un r\u00e9gime qu’il appelle lui-m\u00eame \u00ab\u00a0de tombeau\u00a0\u00bb et qui aurait d\u00fb provoquer \u00e0 court terme la d\u00e9mence. Cantonn\u00e9 dans deux pi\u00e8ces aux fen\u00eatres blanchies \u00e0 la chaux, surveill\u00e9 par cam\u00e9ras de t\u00e9l\u00e9vision et micros, jamais autoris\u00e9 \u00e0 se rendre dans le jardin, il eut enfin droit aux visites de sa m\u00e8re qu’on fouillait m\u00e9ticuleusement, au point de d\u00e9faire ses nattes, et \u00e0 qui on imposait en d\u00e9pit de son grand \u00e2ge un voyage de trois jours pour lui faire croire que la r\u00e9sidence de son fils n’\u00e9tait pas dans la Mitidja, mais tr\u00e8s \u00e9loign\u00e9e d’Alger.<\/p>\n C’est cette captivit\u00e9 que sa jeune femme, Zohra, accepta d\u00e8s 1971 et jusqu’\u00e0 l’\u00e9t\u00e9 1979. Elle fit la connaissance intime de son mari sous les cam\u00e9ras de la S\u00e9curit\u00e9 militaire et ironise volontiers \u00e0 ce propos, en ajoutant: \u00ab\u00a0Ils n’en avaient tout de m\u00eame pas mis dans les waters!\u00a0\u00bb Comme elle ne pouvait avoir d’enfant, elle d\u00e9cida tr\u00e8s vite d’adopter deux petites filles, Mehdia et Nourreya, qui partag\u00e8rent d\u00e9s lors la captivit\u00e9 de leur parents, et leur valurent d’ailleurs une pi\u00e8ce suppl\u00e9mentaire et bient\u00f4t l’acc\u00e8s \u00e0 une petite cour int\u00e9rieure, travers\u00e9e par un formidable courant d’air. La libert\u00e9 quoi!<\/p>\n Les conditions s’am\u00e9liorent quand meurt Boumedi\u00e8ne, \u00e0 la fin de 1978. Mais six mois s’\u00e9coulent avant la d\u00e9cision du transfert en r\u00e9sidence surveill\u00e9e dans le sud, \u00e0 M’Sila. P\u00e9riode probatoire de dix-huit mois, au terme de laquelle le pr\u00e9sident Chadli alloue aux Ben Bella une pension de 12 000 dinars (4000 francs fran\u00e7ais au taux de change r\u00e9el) et une villa \u00e0 Alger-Bologhine, en avril 1981. En septembre, c’est le p\u00e8lerinage de reconnaissance \u00e0 La Mecque, puis un voyage aux \u00c9tats-Unis, dans les r\u00e9serves indiennes.<\/p>\n Et bient\u00f4t la d\u00e9cision de ne pas retourner en Alg\u00e9rie. Ben Bella rompt d\u00e9sormais le silence, ne se g\u00eane plus et donne son avis sur tous les probl\u00e8mes, \u00e0 commencer par ceux de son pays: l’agriculture \u00ab\u00a0assassin\u00e9e\u00a0\u00bb, l’industrialisation \u00ab\u00a0massive et ruineuse\u00a0\u00bb, les revendications kabyles \u00ab\u00a0l\u00e9gitimes\u00a0\u00bb, les bavures de la guerre d’ind\u00e9pendance \u00ab\u00a0innombrables\u00a0\u00bb, le sort des harkis et des pieds-noirs \u00ab\u00a0\u00e0 revoir\u00a0\u00bb. Et surtout, \u00e0 propos du FLN, la formule choc: \u00ab\u00a0Le parti unique est un mal unique!\u00a0\u00bb<\/p>\n L’ancien pr\u00e9sident<\/strong> A soixante-quatre ans, dont vingt-deux pass\u00e9s en d\u00e9tention, Ahmed Ben Bella d\u00e9range. Non seulement, il critique ouvertement le r\u00e9gime du pr\u00e9sident Chadli Bendjedid, \u00ab\u00a0apr\u00e8s lui avoir largement laiss\u00e9 le temps de faire ses preuves\u00a0\u00bb, mais il parle ouvertement de \u00ab\u00a0corruption et incurie\u00a0\u00bb. A l’entendre quelques privil\u00e9gi\u00e9s ponctionnent financi\u00e8rement le pays pour investir ailleurs, en Europe et aux \u00c9tats-Unis. Il d\u00e9passe d’ailleurs largement les fronti\u00e8res de l’Alg\u00e9rie pour parler de la mani\u00e8re dont la plupart des pays pauvres sont gouvern\u00e9s. Il d\u00e9plore aussi la mani\u00e8re dont est men\u00e9 le dialogue Nord-Sud. Palabre interminable tandis que s’aggrave le grand g\u00e9nocide plan\u00e9taire par la faim. Bref, dit-il avec Voltaire, le monde est un grand naufrage et chacun croit pouvoir se sauver en criant \u00ab\u00a0sauve qui peut\u00a0\u00bb!<\/p>\n Ben Bella dans la<\/strong> Que veut Ben Bella aujourd’hui? Contrairement \u00e0 ce que pensent ses adversaires politiques d’Alger, il n’a aucune ambition nationale. Le pouvoir supr\u00eame, il l’a eu et n’a rien pu en faire. J’ai vu en sa compagnie un film tourn\u00e9 lors de son dernier voyage officiel \u00e0 Oran, le 18 juin 1965, quelques heures avant le coup d’\u00c9tat. Tous ceux qui vont le trahir sont l\u00e0, attentifs, empress\u00e9s, humbles, mais d\u00e9j\u00e0 ma\u00eetres du jeu.<\/p>\n Non, Ben Bella souhaite se battre pour un nouvel ordre mondial. Il se veut militant des droits de l’homme. On l’a vu d\u00e9filer en faveur de Solidarit\u00e9, des Afghans, d’Amnesty International. Les livres de Jaulin 1 <\/strong>sur l’extermination des Indiens, qu’il a lus durant sa captivit\u00e9, l’ont profond\u00e9ment \u00e9mu. L’ethnocide lui para\u00eet la pire infamie et il n’est pas loin de penser que c’est l’actuel sort des Palestiniens. Il pr\u00e9side la Commission islamique pour les droits de l’homme au sein du Conseil islamique mondial. Ses adversaires ironisent d’ailleurs sur son actuelle attitude religieuse et veulent en faire un marabout anachronique, ce qui est tout \u00e0 fait contraire \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9. Ben Bella a toujours manifest\u00e9 sa foi en l’Islam, sans affectation. Il situe sa premi\u00e8re prise de conscience politique \u00e0 un jour de son adolescence, o\u00f9, \u00e0 l’\u00e9cole primaire sup\u00e9rieure de Tlemcen, son instituteur, tout \u00e0 sa foi d’Adventiste du Septi\u00e8me Jour, crut bon de traiter le proph\u00e8te Mohamed d’imposteur!<\/p>\n En 1962, quand Ben Bella devient pr\u00e9sident de la R\u00e9publique alg\u00e9rienne, Boumedi\u00e8ne est d\u00e9j\u00e0 tout puissant. Il est venu \u00e0 bout du GPRA, le gouvernement provisoire, et le Bureau politique, qu’il a fait triompher, lui doit tout. Boumedi\u00e8ne n’accorde ainsi le certificat de \u00ab\u00a0r\u00e9volutionnaire\u00a0\u00bb qu’\u00e0 ceux qui lui sont fid\u00e8les depuis 1960 au moins. On le voit bien dans la constitution du premier gouvernement, le 26 septembre 1962, o\u00f9 le dosage n’emp\u00eache pas l’arm\u00e9e d’avoir la haute main sur tous les rouages de l’\u00c9tat. Il y a l\u00e0 en germe les \u00e9l\u00e9ments du coup d’\u00c9tat du 19 juin 1965. Et, comme Mirabeau l’a dit de la Prusse, \u00ab\u00a0l’Alg\u00e9rie n’est pas un pays qui a une arm\u00e9e, mais une arm\u00e9e qui a un pays\u00a0\u00bb. Ben Bella n’a vraiment rien tent\u00e9 de s\u00e9rieux pour r\u00e9duire le pouvoir de l’\u00e9tat-major. Sans doute parce que celui-ci \u00e9tait le seul organisme moderne en mesure de d\u00e9passer les r\u00e9gionalismes, de forger l’\u00c9tat \u00e0 son image, de centraliser et de hi\u00e9rarchiser, de contr\u00f4ler les courants sociaux et id\u00e9ologiques, bref de faire la loi.<\/p>\n \u00ab\u00a0Ne te fatigue pas,<\/strong> Le 9 septembre 1962, Ben Bella d\u00e9clare: \u00ab\u00a0L’Arm\u00e9e nationale populaire est \u00e0 Alger, le Bureau politique a triomph\u00e9 gr\u00e2ce au peuple…\u00a0\u00bb Croit-il vraiment ce qu’il dit? Le 19 juin 1965, l’arm\u00e9e est toujours \u00ab\u00a0populaire\u00a0\u00bb, mais le peuple ne bouge pas quand les officiers de l’\u00e9tat-major arr\u00eatent, dans la nuit, le pr\u00e9sident Ben Bella qui tente encore d’argumenter. \u00ab\u00a0Ne te fatigue pas, Si Ahmed, lui disent-ils, voil\u00e0 longtemps que tu parles et que nous ne t’\u00e9coutons plus…\u00a0\u00bb L’ont-ils jamais \u00e9cout\u00e9? Il leur a servi de marche-pied, leur a donn\u00e9 le pouvoir, leur a garanti les pr\u00e9bendes. D\u00e9cid\u00e9ment, il y a d\u00e9j\u00e0 longtemps que la guerre d’Alg\u00e9rie est finie!<\/p>\n Mais pr\u00e9cis\u00e9ment Ben Bella souhaite recommencer la guerre. Contre l’injustice, l’arbitraire, la faim, le partage in\u00e9gal des ressources. Cet id\u00e9alisme peut faire sourire, mais Ben Bella a pour lui le prestige d’avoir surv\u00e9cu \u00e0 un r\u00e9gime de haute s\u00e9curit\u00e9, d’avoir moralement toujours fait face, d’avoir su trouver les moyens du sang-froid. C’est en effet un homme tranquille, frugal, indiff\u00e9rent \u00e0 l’argent, sans besoin particulier, qui ne poss\u00e8de d’ailleurs rien.<\/p>\n Je suis all\u00e9 avec lui \u00e0 la prison de la Sant\u00e9. Il souhaitait revoir la 6e Division, o\u00f9 il fut d\u00e9tenu de novembre 1956 \u00e0 mars 1959, au r\u00e9gime de la haute surveillance, avec Khider, A\u00eft Ahmed et Boudiaf. La visite commen\u00e7a par un quiproquo de taille. Comme nous nous annoncions \u00e0 la porte principale, d\u00fbment pr\u00e9c\u00e9d\u00e9s d’une autorisation du garde des Sceaux, le guichetier pr\u00e9vint le directeur par le t\u00e9l\u00e9phone int\u00e9rieur: \u00ab\u00a0Monsieur Ben Barka est arriv\u00e9…\u00a0\u00bb Un autre t\u00e9l\u00e9phone, arabe, courait les couloirs et bient\u00f4t tous les d\u00e9tenus surent quel \u00e9trange visiteur \u00e9tait l\u00e0. Quand nous arriv\u00e2mes dans la petite cour o\u00f9 Ben Bella pouvait autrefois taper dans un ballon, ce fut une grande clameur derri\u00e8re les barreaux. Et le directeur, M. Jaffard, fut aussit\u00f4t instamment pri\u00e9 de ne pas s\u00e9vir contre ceux qui avaient manqu\u00e9 \u00e0 la discipline en acclamant l’ancien pr\u00e9sident.<\/p>\n Ce directeur n’\u00e9tait pas \u00e0 la Sant\u00e9 en 1956-1957, mais il avait la responsabilit\u00e9 de la grande prison de Barberousse \u00e0 Alger, en 1960-1962, quand le FLN et l’OAS y cohabitaient.<\/p>\n Et il manifestait une certaine inqui\u00e9tude \u00e0 l’avouer. Alors, Ben Bella: \u00ab\u00a0C’est le pass\u00e9, tout \u00e7a, et je n’en veux \u00e0 personne, et en tout cas pas \u00e0 celui qui nous accueillit, Hyacinthe Mariani, directeur \u00e0 l’\u00e9poque o\u00f9 la Sant\u00e9 comptait pr\u00e8s de trois fois plus de d\u00e9tenus qu’elle n’en pouvait abriter, presque tous Alg\u00e9riens. J’ai connu, depuis, une autre forme d’emprisonnement, beaucoup plus sournoise et nocive, en Alg\u00e9rie!\u00a0\u00bb<\/p>\n J’ai accompagn\u00e9 aussi Ben Bella, rue Cadet, rue Rochechouart, o\u00f9 il se cacha en 1953, apr\u00e8s son \u00e9vasion de la prison de Blida. La F\u00e9d\u00e9ration de France du PPA-MTLD avait d\u00e9j\u00e0 ses planques et ses r\u00e9seaux. Alors que l’administration coloniale assurait qu’il n’y avait rien ou pas grand chose \u00e0 signaler, la r\u00e9volution commen\u00e7ait \u00e0 renforcer son appareil clandestin en m\u00e9tropole comme en Alg\u00e9rie. Le championnat du monde de football, le Mundial de 1954 \u00e0 Berne, allait permettre une rencontre au sommet entre une d\u00e9l\u00e9gation venue d’Alger, une d\u00e9l\u00e9gation venue du Caire et la d\u00e9l\u00e9gation de la F\u00e9d\u00e9ration de France, toutes trois consid\u00e9r\u00e9es comme \u00ab\u00a0sportives\u00a0\u00bb, alors qu’elles avaient \u00e0 coordonner leur action, \u00e0 d\u00e9terminer une politique, \u00e0 fixer en commun la date de l’insurrection du ler novembre 1954. D\u00e9j\u00e0, la Suisse jouait un r\u00f4le, sans que l’on s\u00fbt tr\u00e8s bien ce qui se tramait. La police f\u00e9d\u00e9rale v\u00e9rifia des identit\u00e9s, d\u00e9couvrit des faux passeports, en tira peut-\u00eatre des conclusions. L’\u00e9v\u00e9nement qui se pr\u00e9pare chemine toujours \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l’\u00e9v\u00e9nement qui se fait et qu’on commente \u00e0 chaud.<\/p>\n C’est pourquoi on ne saurait passer d\u00e9j\u00e0 Ben Bella au compte de profits et pertes de l’Histoire.<\/p>\n Homme actif et d\u00e9cid\u00e9, il entend servir encore. Il se veut discret, parce que le gouvernement fran\u00e7ais qui l’accueille lui a rappel\u00e9 le devoir de r\u00e9serve. Mais il ne cessera pas de se battre, d\u00e9sormais, pour que le monde fasse meilleure figure. \u00ab\u00a0Apr\u00e8s tant d’ann\u00e9es de solitude, tant de contrainte hors du cours des hommes et des choses, je me dois d’\u00eatre pr\u00e9sent au monde!\u00a0\u00bb.<\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n 1<\/strong> Voir Robert Jaulin, L’ethnocide \u00e0 travers les Am\u00e9riques<\/em>, Paris, Fayard ,1972 et La paix blanche. Introduction \u00e0 l’ethnocide, <\/em>Paris, Seuil, 1972.<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Ahmed Ben Bella,\u00a0pr\u00e9sident un peu prisonnier beaucoup,\u00a0exil\u00e9 sans amertume Par Charles-Henri Favrod Ce portrait est paru dans Le Temps strat\u00e9gique No 3, hiver 1982-1983. Ahmed Ben Bella, pr\u00e9sident de la R\u00e9publique alg\u00e9rienne renvers\u00e9 par Boumedi\u00e8ne en 1965, emprisonn\u00e9 quatorze ans dans le Sud alg\u00e9rien, est libre aujourd’hui, exil\u00e9 volontaire en \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":705,"parent":643,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-658","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/658","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=658"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/658\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":749,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/658\/revisions\/749"}],"up":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/643"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/705"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=658"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}<\/div>\n
\n \u00ab\u00a0politique\u00a0\u00bb \u00e0 Oran:<\/strong>
\n la police le prend<\/strong>
\n pour Pierrot-le-Fou<\/strong><\/p>\n
\n dit toujours Ben Bella<\/strong>
\n en \u00e9voquant<\/strong>
\n la Deuxi\u00e8me Guerre<\/strong><\/p>\n<\/div>\n
\n Prisonnier politique <\/strong>
\n est-ce une vocation?<\/strong><\/p>\n
\n \u00ab\u00a0Ben Bella est \u00e0 ma merci,<\/strong>
\n sous mon talon\u00a0\u00bb.<\/strong><\/p>\n
\n accuse:\u00a0\u00bbl’Alg\u00e9rie<\/strong>
\n aujourd’hui?<\/strong>
\n Corruption, incurie!\u00a0\u00bb<\/strong><\/p>\n
\n trappe de l’Histoire?<\/strong>
\n C’est un peu t\u00f4t,<\/strong>
\n Messieurs!<\/strong><\/p>\n
\n Si Ahmed…<\/strong>
\n Nous ne t’\u00e9coutons<\/strong>
\n plus!\u00a0\u00bb<\/strong><\/p>\n<\/div>\n