{"id":65,"date":"2014-12-28T01:09:35","date_gmt":"2014-12-28T00:09:35","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=65"},"modified":"2015-01-17T12:54:04","modified_gmt":"2015-01-17T11:54:04","slug":"une-science-ironique","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=65","title":{"rendered":"Une science ‘ironique’ ?"},"content":{"rendered":"
SCIENCE\/POLEMIQUE<\/p>\n
Par John Horgan<\/strong><\/p>\n John Horgan<\/em>, ancien r\u00e9dacteur senior du \u00ab\u00a0Scientific American\u00a0\u00bb<\/em>, auteur de The End of Science. Facing the Limits of Knowledge in the Twilight of the Scientific Age<\/em> (Addison-Wesley, 1996), pr\u00e9pare actuellement Why Freud Isn’t Dead<\/em>, un ouvrage \u00e0 propos de la mani\u00e8re dont la science a \u00e9chou\u00e9 \u00e0 comprendre l’esprit humain: il y critique notamment la psychiatrie, les neurosciences, la g\u00e9n\u00e9tique comportementale, la psychologie \u00ab\u00a0darwinienne\u00a0\u00bb et l’intelligence artificielle.<\/p>\n \u00ab\u00a0Railler (…) le progr\u00e8s est de la derni\u00e8re imb\u00e9cilit\u00e9, le signe m\u00eame d’une \u00e2me pauvre et d’un esprit minable.\u00a0\u00bb<\/p>\n Peter Medawar<\/p>\n J’\u00e9tais jadis comme feu Peter Medawar, prix Nobel britannique de biologie, je croyais avec ferveur au progr\u00e8s scientifique. En fait, si je suis devenu journaliste scientifique, c’est dans une large mesure parce que je voyais dans la science la plus noble des cr\u00e9ations de l’homme. Peut-on imaginer d\u00e9fi plus grisant que d’\u00eatre sur terre afin de comprendre pourquoi nous y sommes? Avenir plus radieux que celui que la science nous pr\u00e9pare?<\/p>\n Jadis j’admettais, sans y avoir r\u00e9fl\u00e9chi vraiment, que notre qu\u00eate de la connaissance et de la puissance ne conna\u00eetrait jamais de fin. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990 cependant, j’ai cess\u00e9 de croire \u00e0 la nature illimit\u00e9e de la science. L\u00e0 o\u00f9 je voyais auparavant des d\u00e9fis et des oppportunit\u00e9s, je me suis mis \u00e0 voir des limites et des barri\u00e8res. Aujourd’hui, je suis convaincu que les jours de gloire de la science sont pass\u00e9s.<\/p>\n M\u00eame ceux qui sont plus optimistes que moi reconnaissent que les temps sont devenus difficiles pour les chercheurs, assi\u00e9g\u00e9s d\u00e9sormais par une arm\u00e9e de technophobes, de fanatique du droit des animaux, d’int\u00e9gristes religieux, de philosophes post-modernes et… de politiciens soucieux de pr\u00e9server les deniers publics: les fonds destin\u00e9s \u00e0 la recherche fondamentale ont en effet commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9cro\u00eetre, en Europe, aux Etats-Unis, dans tout le monde industrialis\u00e9, apr\u00e8s avoir connu plusieurs d\u00e9cennies d’une croissance extraordinaire.<\/p>\n La science elle-m\u00eame d\u00e9couvre les limites de sa propre puissance. La th\u00e9orie de la relativit\u00e9 sp\u00e9ciale d’Einstein prouve qu’il est impossible de transmettre de la mati\u00e8re ou m\u00eame de l’information \u00e0 une vitesse sup\u00e9rieure \u00e0 celle de la lumi\u00e8re. La m\u00e9canique quantique, que notre connaissance des micro-mondes sera toujours un peu floue. La th\u00e9orie du chaos, que nous ne serons jamais capables de pr\u00e9dire avec une totale pr\u00e9cision certains ph\u00e9nom\u00e8nes, m\u00e9t\u00e9orologiques pare exemple, parce que de minuscules variations des conditions initiales peuvent entra\u00eener des cons\u00e9quences finales \u00e9normes. La biologie \u00e9volutionniste, enfin, que les humains sont des animaux d\u00e9termin\u00e9s par s\u00e9lection naturelle pour se reproduire, et non pour d\u00e9couvrir les v\u00e9rit\u00e9s profondes de la nature. Ces limitations rendront la recherche de la v\u00e9rit\u00e9 difficile au cours des ann\u00e9es \u00e0 venir.<\/p>\n La menace la plus grave pesant sur l’avenir de la science provient toutefois, j’en suis convaincu, de ses triomphes pass\u00e9s. Elle a d\u00e9couvert tant de choses, en effet, qu’il ne lui reste presque plus rien \u00e0 d\u00e9couvrir!<\/p>\n Voyez ce que la science a d\u00e9j\u00e0 accompli.<\/p>\n Les chercheurs ont \u00e9tabli une esp\u00e8ce de carte de la r\u00e9alit\u00e9 physique, laquelle s’\u00e9tend du micro-monde des quarks et des \u00e9lectrons au macro-monde des plan\u00e8tes, des \u00e9toiles et des galaxies. Les physiciens ont montr\u00e9 que toute mati\u00e8re est constitu\u00e9e d’un petit nombre de particules essentielles, elles-m\u00eames gouvern\u00e9es par quelques forces de base. Ils ont int\u00e9gr\u00e9 ces particules et ces forces dans des th\u00e9ories math\u00e9matiques extraordinairement pr\u00e9cises.<\/p>\n Puis, ayant ordonn\u00e9 leurs connaissances, ils ont livr\u00e9 un r\u00e9cit, peut-\u00eatre pas tr\u00e8s d\u00e9taill\u00e9 mais impressionnant, de la mani\u00e8re dont les humains sont apparus sur terre. Ils racontent qu’il y a quinze milliards d’ann\u00e9es \u2014 \u00e0 plus ou moins cinq milliards pr\u00e8s \u2014, une explosion a produit l’univers, et que l’univers continue aujourd’hui encore \u00e0 se dilater. Qu’il y a environ 4.5 milliards d’ann\u00e9es, les d\u00e9tritus r\u00e9sultant de l’explosion d’une \u00e9toile \u2014 une supernova \u2014 se sont condens\u00e9s pour former notre syst\u00e8me solaire. Qu’au cours des quelque centaines de millions d’ann\u00e9es suivantes, pour des raisons qui nous resteront peut-\u00eatre \u00e0 jamais inconnues, des microbes unicellulaires porteurs d’une mol\u00e9cule ing\u00e9nieuse, l’ADN, sont apparus sur terre. Que ces organismes primordiaux, aiguillonn\u00e9s par la s\u00e9lection naturelle, ont \u00e9volu\u00e9 pour se diversifier en une collection extraordinaire de cr\u00e9atures de plus en plus complexes, dont Homo sapiens<\/em>.<\/p>\n J’ai la conviction que cette carte fondamentale de la r\u00e9alit\u00e9 sera valable dans 100 ans ou 1000 ans autant qu’aujourd’hui. Pour la simple raison qu’elle est vraie. Je crois aussi que, compte tenu des limitations physiques, cognitives, sociales et \u00e9conomiques qui freinent de nouvelles recherches, la science ne pourra plus enrichir nos connaissances de fa\u00e7on significative. Lorsque je dis la science, je ne parle pas, bien s\u00fbr, de science appliqu\u00e9e, mais de science fondamentale \u2014 la pure, la grande, celle qui s’efforce de r\u00e9pondre aux questions que nous nous posons sur l’univers et sur la place que nous y occupons. La recherche scientifique ne pourra plus produire, d\u00e9sormais, de grandes r\u00e9v\u00e9lations ou de grandes r\u00e9volutions, mais seulement de petits progr\u00e8s ob\u00e9issant \u00e0 la loi des rendements d\u00e9croissants.<\/p>\n En v\u00e9rit\u00e9, la grande majorit\u00e9 des chercheurs ne fait aujourd’hui que compl\u00e9ter le d\u00e9tail des grands mod\u00e8les qu’ont \u00e9tablis leurs pr\u00e9d\u00e9cesseurs. Ils essaient de comprendre en termes quantiques tel nouveau supraconducteur \u00e0 haute temp\u00e9rature, ou comment la mutation d’une s\u00e9quence donn\u00e9e d’ADN d\u00e9clenche un cancer du sein.<\/p>\n Seuls quelques chercheurs, trop ambitieux et cr\u00e9atifs pour compl\u00e9ter seulement le travail des grands pionniers, r\u00eavent de d\u00e9passer les v\u00e9rit\u00e9s admises, et de cr\u00e9er des r\u00e9volutions analogues \u00e0 celles que provoqu\u00e8rent jadis la th\u00e9orie de l’\u00e9volution de Darwin ou la th\u00e9orie de la m\u00e9canique quantique. Mais ils n’ont gu\u00e8re d’autre choix, d\u00e9sormais, que de faire ce que j’appelle de la \u00ab\u00a0science ironique\u00a0\u00bb. La science ironique ressemble \u00e0 la philosophie, \u00e0 la th\u00e9ologie, \u00e0 la critique litt\u00e9raire, en ceci qu’elle propose des points de vue et des opinions \u00ab\u00a0int\u00e9ressants\u00a0\u00bb, qui provoquent le d\u00e9bat. Mais elle n’accro\u00eet pas notre compr\u00e9hension de la v\u00e9rit\u00e9. A la diff\u00e9rence des quarks, de la double h\u00e9lice de l’ADN ou de l’expansion de l’univers, elle ne peut \u00eatre valid\u00e9e ni par l’observation ni par l’exp\u00e9rience de laboratoire.<\/p>\n Au cours de ce si\u00e8cle, l’essentiel de la science ironique a \u00e9t\u00e9 produit par les sciences sociales, qui ont propos\u00e9 des mod\u00e8les aussi spectaculairement sp\u00e9culatifs que la psychologie freudienne, le marxisme, le structuralisme ou la th\u00e9orie g\u00e9n\u00e9rale des syst\u00e8mes.<\/p>\n Cependant, m\u00eame les sciences dures, comme la physique ou la chimie, ont produit leurs propres th\u00e9ories ironiques. Je pense, par exemple, \u00e0 la th\u00e9orie des cordes, qui, pendant plus d’une dizaine d’ann\u00e9es, a tenu le pompon dans la course \u00e0 une th\u00e9orie unifi\u00e9e de la physique. Appel\u00e9e souvent \u00ab\u00a0th\u00e9orie de toutes les choses\u00a0\u00bb (theory of everything<\/em>), elle postule que toute la mati\u00e8re et toute l’\u00e9nergie de l’univers, de m\u00eame que le temps et l’espace, d\u00e9coulent de particules infinit\u00e9simale en forme de cordes qui fr\u00e9tilleraient dans un hyperespace comprenant une dizaine de dimensions ou davantage.<\/p>\n Mais, manque de chance, le micromonde suppos\u00e9ment habit\u00e9 par les \u00ab\u00a0cordes\u00a0\u00bb est inaccessible aux exp\u00e9rimentateurs humains. Une \u00ab\u00a0corde\u00a0\u00bb serait en effet aussi petite par rapport \u00e0 un proton qu’un proton par rapport au syst\u00e8me solaire. Pour explorer ce monde infinit\u00e9simal, il faudrait disposer d’un acc\u00e9l\u00e9rateur de particules d’un rayon de 1000 ann\u00e9es-lumi\u00e8re, alors m\u00eame que le rayon de la totalit\u00e9 du syst\u00e8me solaire est d’un \u00ab\u00a0jour\u00a0\u00bb-lumi\u00e8re seulement. C’est cette impossibilit\u00e9 de prouver exp\u00e9rimentalement la th\u00e9orie des cordes qui a fait dire \u00e0 Sheldon Glashow, prix Nobel de l’universit\u00e9 de Harvard, qu’elle ressemblait fort \u00e0 de la th\u00e9ologie m\u00e9di\u00e9vale.<\/p>\n D’autres th\u00e9ories ironiques ont fleuri dans les sciences dures, entre autres raisons parce que les journalistes \u2014 dont je suis \u2014 les adorent. Voyez par exemple la th\u00e9orie d’Andrei Linde, un physicien russe pour qui notre cosmos pourrait n’\u00eatre qu’un cosmos parmi une infinit\u00e9 d’autres, dont les lois physiques sont peut-\u00eatre totalement diff\u00e9rentes du n\u00f4tre. L’hypoth\u00e8se Ga\u00efa de James Lovelock et Lynn Margulis, pour qui la biosph\u00e8re est un organisme vivant. Ou les th\u00e9ories anti-darwiniennes de Brian Goodwin et Stuart Kauffman, pour qui l’\u00e9volution des esp\u00e8ces pourraient n’\u00eatre pas gouvern\u00e9es par les lois de la s\u00e9lection naturelle, mais par de myst\u00e9rieuses \u00ab\u00a0lois de la complexit\u00e9\u00a0\u00bb.<\/p>\n Les optimistes pr\u00e9tendent que l’existence m\u00eame de ces th\u00e9ories tir\u00e9es par les cheveux et improuvables indique bien la vitalit\u00e9 de la science et ses possibilit\u00e9s illimit\u00e9es. Pour ma part, j’y vois le signe d’une science d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e parce que mortellement atteinte.<\/p>\n Je suis convaincu que nous ne d\u00e9couvrirons jamais d’autres univers. En revanche, nous d\u00e9couvrirons peut-\u00eatre que la vie existe ou a exist\u00e9 ailleurs dans l’univers. Une \u00e9quipe de chercheurs am\u00e9ricains n’a-t-elle point annonc\u00e9 en 1996 avoir trouv\u00e9, dans une m\u00e9t\u00e9orite antarctique de la taille d’une pomme de terre, des preuves d’une vie sur Mars? Cette d\u00e9couverte fit \u00e0 juste titre la une de tous les journaux du monde. H\u00e9las, les sp\u00e9cialistes des tr\u00e8s vieux microfossiles \u2014 qui en connaissent long sur l’origine de la vie sur terre \u2014 consid\u00e8rent que les quelques \u00e9l\u00e9ments chimiques organiques et les particules \u00e0 vague forme de microbes terrestres trouv\u00e9s dans le m\u00e9t\u00e9orite sont des preuves bien l\u00e9g\u00e8res. Le seul v\u00e9ritable moyen de savoir s’il y a de la vie sur Mars serait d’envoyer sur la Plan\u00e8te rouge une exp\u00e9dition, qui y r\u00e9aliserait des forages jusqu’\u00e0 une profondeur o\u00f9 l’eau et la temp\u00e9rature seraient suffisantes pour que la vie soit l\u00e0 th\u00e9oriquement possible.<\/p>\n Mais imaginons que les chercheurs r\u00e9ussissent finalement \u00e0 prouver que la vie existe ou a exist\u00e9 sur Mars. Leur d\u00e9couverte donnerait assur\u00e9ment un coup de fouet aux \u00e9tudes sur les origines de vie et \u00e0 la biologie en g\u00e9n\u00e9ral. En revanche, elle ne signifierait nullement que la science se trouve soudain lib\u00e9r\u00e9e des limitations \u00e9voqu\u00e9es plus haut. Si l’on trouvait de la vie sur Mars, cela prouverait que la vie a surgi dans notre syst\u00e8me solaire, peut-\u00eatre sur Mars avant de se transmettre \u00e0 la Terre, ou sur la Terre avant de se transmettre \u00e0 Mars, mais rien de plus.<\/p>\n Nous continuerions en effet \u00e0 ignorer si la vie existe ailleurs dans l’univers, et comment nous pourrions nous y prendre pour le savoir. Et m\u00eame si, un jour, nous r\u00e9ussissions \u00e0 construire un v\u00e9hicule spatial capable de se d\u00e9pacer \u00e0 une vitesse de 1 million de kilom\u00e8tres par heure, son \u00e9quipage aurait encore besoin de 5000 ans pour atteindre Alpha du Centaure, l’\u00e9toile la plus proche.<\/p>\n Si les partisans du programme am\u00e9ricain de recherche d’une intelligence extraterrestre (Search for Extraterrestrial Intrelligence, SETI<\/em>) tiennent pour probable l’existence de civilisations de haute technologie ailleurs dans l’univers, c’est pour la seule raison que nous avons sur terre une civilisation de haute technologie: physiciens, ils ont du r\u00e9el une vision extr\u00eamement d\u00e9terministe.<\/p>\n Les biologistes jugent pourtant leur raisonnement de physiciens absurde, parce que l’\u00e9volution des esp\u00e8ces d\u00e9pend d’\u00e9v\u00e9nements impr\u00e9visibles. Stephen Jay Gould, le biologiste de Harvard et auteur de best-sellers scientifiques, dit que si l’on refaisait un million de fois la Grande Exp\u00e9rience qui a permis \u00e0 la vie d’\u00e9clore, l’\u00e9volution qui suivrait cet \u00e9v\u00e9nement ne d\u00e9boucherait probablement jamais sur les mammif\u00e8res tels que nous les connaissons aujourd’hui, et moins encore sur ces dr\u00f4les de primates debout sur leurs deux pattes et disposant de cerveaux ridiculement \u00e9normes! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Ernst Mayr, l’un des biologistes \u00e9volutionniste les plus \u00e9minents de ce si\u00e8cle, ne voit dans notre recherche d’une vie extraterrestre que gaspillage de temps et d’argent.<\/p>\n La plupart des gens trouvent grotesque l’id\u00e9e que la science puisse toucher \u00e0 sa fin. Il est facile de comprendre pourquoi: nous sommes plong\u00e9s jour et nuit dans une atmosph\u00e8re de progr\u00e8s, r\u00e9el et \u00ab\u00a0bidon\u00a0\u00bb. Nos ordinateurs deviennent toujours plus petits et plus rapides, nos voitures plus a\u00e9rodynmiques, nos t\u00e9l\u00e9visions capables de recevoir plus de cha\u00eenes. Et puis, comment oser pr\u00e9tendre que la science approche de son terme alors que l’homme n’a pas encore construit les vaisseaux spatiaux plus rapides que la lumi\u00e8re \u00e0 l’honneur dans Star Trek<\/em>, la s\u00e9rie t\u00e9l\u00e9 de science-fiction, et ne s’est pas encore dot\u00e9 du pouvoir psychique fantastique d\u00e9crits par je ne sais quels romans \u00e0 la noix?<\/p>\n La science contribue elle-m\u00eame \u00e0 r\u00e9pandre ce genre d’\u00e2neries. Les revues de physiques les plus s\u00e9rieuses ne craignent pas de publier des discussions sur les voyages dans le temps, la t\u00e9l\u00e9portation, les univers parall\u00e8les. Brian Josephson, prix Nobel de l’universit\u00e9 de Cambridge, n’a-t-il point d\u00e9clar\u00e9 que la physique ne pourrait se consid\u00e9rer comme achev\u00e9e \u00e0 moins de prendre en compte la perception extrasensorielle et la t\u00e9l\u00e9kin\u00e9sie? Il est vrai que Josephson a abandonn\u00e9 depuis longtemps la physique r\u00e9elle, au profit du mysticisme et des sciences occultes.<\/p>\n Si l’avenir de la science fondamentale para\u00eet aujourd’hui d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9, celui de la science appliqu\u00e9e appara\u00eet plus prometteur en revanche. Longtemps encore les chercheurs pourront s’occuper \u00e0 d\u00e9velopper des mat\u00e9riaux nouveaux; des ordinateurs plus rapides et plus sophistiqu\u00e9s; des techniques de g\u00e9nie g\u00e9n\u00e9tique destin\u00e9es \u00e0 nous permettre de vivre en meilleure sant\u00e9 et plus longtemps. Mais ces progr\u00e8s-l\u00e0 nous apporteront-ils des \u00ab\u00a0surprises\u00a0\u00bb essentielles, un glissement r\u00e9volutionnaire de nos connaissances de base? Contraindront-ils les scientifiques \u00e0 r\u00e9viser leur carte de l’univers, leur r\u00e9cit du Big Bang et de ses suites? Sans doute pas. Durant ce si\u00e8cle, la science appliqu\u00e9e a confirm\u00e9 la justesse des mod\u00e8les th\u00e9oriques existants plus qu’elle ne l’a infirm\u00e9e. Les lasers et les transistors ont confirm\u00e9 les lois de la m\u00e9canique quantique. Le g\u00e9nie g\u00e9n\u00e9tique a confirm\u00e9 le mod\u00e8le d’\u00e9volution fond\u00e9 sur l’ADN.<\/p>\n Et pourtant, m\u00eame la science appliqu\u00e9e pourrait approcher de ses limites. On croyait dur comme fer, jadis, que les physiciens allaient pouvoir utiliser leur connaissance de la fusion nucl\u00e9aire \u2014 au c\u0153ur de la bombe \u00e0 hydrog\u00e8ne \u2014 pour d\u00e9velopper une \u00e9nergie bon march\u00e9, propre et illimit\u00e9e. Mais, 50 ans et quelques milliards de dollars plus tard, ce r\u00eave est \u00e0 deux doigts de s’\u00e9vanouir. Les chercheurs disent bien s\u00fbr, comme ils l’ont toujours fait: \u00ab\u00a0Continuez \u00e0 nous donner des fonds, et dans 20 ans nous vous fournirons une \u00e9nergie tellement bon march\u00e9 vous pourrez supprimer tous les compteurs de la terre\u00a0\u00bb. Malgr\u00e9 leur plaidoyer, le gouvernement am\u00e9ricain a, au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es, r\u00e9duit radicalement son financement de la fusion, si bien que les chercheurs m\u00eame les plus optimistes disent maintenant qu’il leur faudra 50 ans au moins avant de pouvoir construire des r\u00e9acteurs \u00e0 fusion viables \u00e9conomiquement. Les pessimistes consid\u00e8rent, quant \u00e0 eux, que l’\u00e9nergie de fusion est un r\u00eave qui ne se r\u00e9alisera sans doute jamais, tant les obstacles techniques, \u00e9conomiques et politiques qui jonchent sa route sont \u00e9normes.<\/p>\n Dans le domaine de la biologie appliqu\u00e9e, le progr\u00e8s le plus spectaculaire serait \u00e9videmment de ma\u00eetriser l’immortalit\u00e9. De nombreux chercheurs s’efforcent d’identifier les m\u00e9canismes pr\u00e9cis du vieillissement. Peut-\u00eatre sauront-ils demain les bloquer, permettre aux \u00eatres humains aptes de vivre des centaines d’ann\u00e9es, et peut-\u00eatre pour toujours. Les biologistes \u00e9volutionnistes r\u00e9torquent cependant que l’immortalit\u00e9 est vraisemblablement impossible. La s\u00e9lection naturelle nous a constitu\u00e9s en effet pour vivre le temps d’engendrer et d’\u00e9lever nos enfants. La s\u00e9nescence ne d\u00e9coulerait donc pas d’une cause unique, ni m\u00eame d’une suite de causes, mais serait inextricablement li\u00e9e \u00e0 notre \u00eatre.<\/p>\n L’incapacit\u00e9 de la science \u00e0 vaincre la mort pourrait toutefois avoir un bon c\u00f4t\u00e9, pour les chercheurs tout au moins. Harvey Sapolsky, professeur de politique sociale au MIT (Massachusetts Institute of Technology), note que, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la science doit l’essentiel de son financement \u00e0 des pr\u00e9occupations de d\u00e9fense nationale. Cela explique pourquoi elle a de plus en plus de peine, depuis que l’Empire du mal sovi\u00e9tique a disparu, \u00e0 justifier ses budgets colossaux. Sapolsky sugg\u00e8re donc de remplacer l’ennemi sovi\u00e9tique d\u00e9faillant par la mortalit\u00e9. Si la science se fixait comme objectif primordial de vaincre la mort, conclut-il, elle serait assur\u00e9e de recevoir des fonds de recherche jusqu’\u00e0 la fin des temps \u2014 puisque vaincre la mort est un objectif vraisemblablement inatteignable.<\/p>\n Mais la r\u00e9action de loin la plus commune, lorsque l’on sugg\u00e8re que la science touche aujourd’hui \u00e0 sa fin, est du style: \u00ab\u00a0On disait la m\u00eame chose il y a cent ans\u00a0\u00bb. Le raisonnement est le suivant: \u00e0 la fin du 19\u00e8 si\u00e8cle, les scientifiques croyaient tout savoir; mais Einstein et d’autres physiciens d\u00e9couvrirent la relativit\u00e9 et la m\u00e9canique quantique, ouvrant des horizons nouveaux et immenses \u00e0 la physique et aux autres branches de la science; moralit\u00e9: quiconque oserait pr\u00e9tendre aujourd’hui que la science touche \u00e0 sa fin est s\u00fbr d’appara\u00eetre, demain, aussi myope que les physiciens du si\u00e8cle pass\u00e9. Bill Gates raconte une anecdote de m\u00eame tonneau dans \u00ab\u00a0The Road Ahead\u00a0\u00bb [La route du futur], affirmant qu’au 19\u00e8 si\u00e8cle un pr\u00e9pos\u00e9 aux brevets du gouvernement am\u00e9ricain avait donn\u00e9 sa d\u00e9mission tant il \u00e9tait convaincu qu’il ne restait d\u00e9sormais plus rien \u00e0 inventer.<\/p>\n H\u00e9las, ces histoires sont fausses. Les physiciens de la fin du 19\u00e8, loin de se croire omniscients, d\u00e9battaient de la question essentielle de savoir si les atomes existent vraiment. Et aucun pr\u00e9pos\u00e9 am\u00e9ricain aux brevets n’a jamais d\u00e9missionn\u00e9 dans les conditions rocambolesques \u00e9voqu\u00e9es par Bill Gates.<\/p>\n Quant au fait que la science se soit d\u00e9velopp\u00e9e de fa\u00e7on spectaculaire au cours du 20\u00e8 si\u00e8cle \u00e9coul\u00e9, il ne prouve en rien qu’elle va continuer \u00e0 le faire de la m\u00eame mani\u00e8re longtemps encore, ou pour l’\u00e9ternit\u00e9. Dans une perspective historique longue, le progr\u00e8s scientifique rapide du 20\u00e8 si\u00e8cle n’appara\u00eet point comme un caract\u00e8re durable, mais comme une aberration momentan\u00e9e due \u00e0 la convergence singuli\u00e8re de facteurs \u00e9conomiques, politiques et intellectuels.<\/p>\n J. B. Bury, un historien, a fort bien montr\u00e9, d’ailleurs, que le concept de progr\u00e8s n’est vieux que de quelques centaines d’ann\u00e9es. Avant la fin du moyen \u00e2ge, la plupart des chercheurs de v\u00e9rit\u00e9 voyaient l’Histoire comme une d\u00e9g\u00e9n\u00e9rescence: pour eux, les anciens Grecs avaient atteint le sommet de la connaissance math\u00e9matique et scientifique, puis la civilisation n’avait fait que r\u00e9gresser. Ce sont les pr\u00e9curseurs de la science moderne empirique, les Descartes, Newton, Bacon et autres Leibniz, qui, les premiers, ont avanc\u00e9 l’id\u00e9e que les humains peuvent acqu\u00e9rir et accumuler de la connaissance par l’\u00e9tude de la nature. La plupart de ces pr\u00e9-scientifiques pensaient n\u00e9anmoins que cette accumulation \u00e9tait un processus fini, si bien qu’un jour l’humanit\u00e9 atteindrait la connaissance totale, qui lui permettrait de construire enfin une utopie, c’est-\u00e0-dire une soci\u00e9t\u00e9 parfaite.<\/p>\n Mais avec l’arriv\u00e9e de Darwin et de ses th\u00e9ories de l’\u00e9volution, certains intellectuels tomb\u00e8rent tellement amoureux du progr\u00e8s, qu’ils se convainquirent qu’il \u00e9tait s\u00fbrement, ou forc\u00e9ment, \u00ab\u00a0\u00e9ternel\u00a0\u00bb. Gunther Stent, un biologiste de Berkeley, montre comment, depuis la publication, en 1859, du fameux ouvrage \u00ab\u00a0De l’origine des esp\u00e8ces au moyen de la s\u00e9lection naturelle\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0l’id\u00e9e de progr\u00e8s acquit un statut de religion scientifique (…) Cette vision optimiste des choses est devenue g\u00e9n\u00e9rale dans les pays industrialis\u00e9s (…) C’est pourquoi pr\u00e9tendre que le progr\u00e8s touche \u00e0 sa fin appara\u00eet aussi bizarre aujourd’hui que, jadis, l’affirmation que la Terre tourne autour du Soleil.\u00a0\u00bb<\/p>\n Que les Etats-nations modernes soient devenus des supporters fervents de la science-sans-limites ne saurait surprendre. Cette derni\u00e8re n’a-t-elle pas produit des merveilles telles que l’\u00e9nergie nucl\u00e9aire, les fus\u00e9es, le radar, les ordinateurs? En 1945, Vannevar Bush, un physicien am\u00e9ricain, \u00e9crivait que la science est \u00ab\u00a0un arri\u00e8re-pays encore largement inexplor\u00e9\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0cl\u00e9 essentielle\u00a0\u00bb de la s\u00e9curit\u00e9 militaire et \u00e9conomique des \u00c9tats-Unis. Son essai (\u00ab\u00a0Science: The Endless Frontier\u00a0\u00bb) inspira la construction de la National Science Foundation, qui fut charg\u00e9e de financer la recherche fondamentale am\u00e9ricaine \u00e0 une \u00e9chelle jamais vue jusque l\u00e0. En ce temps-l\u00e0, l’Union sovi\u00e9tique croyait au progr\u00e8s scientifique et technologique encore plus fort que l’Am\u00e9rique, si c’est possible. Engels n’avait-il point \u00e9crit, \u2014 dans son tract inachev\u00e9, \u00ab\u00a0La dialectique de la nature\u00a0\u00bb, publi\u00e9 en URSS en 1925 \u2014 que la science est destin\u00e9e \u00e0 progresser toujours d’un pas rapide?<\/p>\n Mais aujourd’hui, des forces puissantes \u2014 sociales, politiques et \u00e9conomiques, \u2014 freinent ce progr\u00e8s scientifique et technique suppos\u00e9 sans limite. Depuis la fin de la Guerre froide, les \u00c9tats-Unis et les r\u00e9publiques de l’ancienne Union sovi\u00e9tique n’ont plus besoin de se prouver les unes aux autres leur puissance respective en construisant des stations spatiales et des acc\u00e9l\u00e9rateurs g\u00e9ants. Quant aux simples citoyens, ils se pr\u00e9occupent de plus en plus des cons\u00e9quences n\u00e9fastes de la science et de la technologie, telles que la pollution, la contamination nucl\u00e9aire, les armes de destruction massive.<\/p>\n M\u00eame les leaders politiques, d\u00e9fenseurs traditionnels du progr\u00e8s scientifique, commencent \u00e0 tourner casaque. Vaclav Havel, po\u00e8te et pr\u00e9sident, d\u00e9clarait en 1992 que l’Union sovi\u00e9tique avait incarn\u00e9, et par cons\u00e9quent discr\u00e9dit\u00e9 pour toujours, le \u00ab\u00a0culte [scientifique] de l’objectivit\u00e9\u00a0\u00bb, exprimant l’espoir que la dissolution de l’\u00c9tat communiste \u00ab\u00a0mettra fin \u00e0 une \u00e8re moderne (…) domin\u00e9e par la conviction que (…) le monde (…) est un syst\u00e8me totalement connaissable, gouvern\u00e9 par un nombre fini de lois universelles que l’homme peut comprendre et utiliser \u00e0 son avantage.\u00a0\u00bb<\/p>\n Au d\u00e9but du si\u00e8cle, Oswald Spengler proph\u00e9tisait d\u00e9j\u00e0 la fin de la science, affirmant, dans son \u00ab\u00a0D\u00e9clin de l’Occident\u00a0\u00bb (1918), que la science ob\u00e9it \u00e0 des cycles. Aux p\u00e9riodes \u00ab\u00a0romantiques\u00a0\u00bb d’\u00e9tude de la nature et d’invention de nouvelles th\u00e9ories, \u00e9crivait-il, succ\u00e8dent des p\u00e9riodes de consolidation au cours desquelles la connaissance scientifique se fossilise. Pour lui, l’arrogance croissante des scientifiques, de moins en moins tol\u00e9rants des autres syst\u00e8mes de croyances, religieux notamment, allait fatalement provoquer une rebellions contre la science et un renouveau du fondamentalisme religieux et de quelques autres syst\u00e8mes de croyances irrationnelles. Ce renversement de cycle, pr\u00e9disait-il, commencerait avec la fin du 20\u00e8 si\u00e8cle.<\/p>\n Mais l’analyse de Spengler para\u00eet encore trop optimiste. Le mod\u00e8le cyclique qu’il d\u00e9crit implique en effet que la science pourra un jour rena\u00eetre et faire \u00e0 nouveau de grandes d\u00e9couvertes. L’ennui est que la science n’est pas cyclique, mais lin\u00e9aire: elle ne peut d\u00e9couvrit qu’une seule fois le tableau p\u00e9riodique des \u00e9l\u00e9ments, le ph\u00e9nom\u00e8ne d’expansion de l’univers ou la structure de l’ADN. Richard Feynman, prix Nobel de physique, \u00e9crivait en 1965, dans \u00ab\u00a0The Character of Physical Law\u00a0\u00bb, que \u00ab\u00a0nous vivons dans l’\u00e2ge de la d\u00e9couverte des lois fondamentales de la nature, qui jamais ne reviendra.\u00a0\u00bb<\/p>\n Il est vrai qu’\u00e0 ce jour, la science moderne reste encore incapable de r\u00e9pondre \u00e0 certaines questions essentielles: de quelle mani\u00e8re exacte l’univers a-t-il \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9, et n’est-il qu’un univers parmi d’autres? Les quarks et les \u00e9lectrons sont-ils compos\u00e9s de particules plus petites, toujours plus petites, et ainsi de suite ad infinitum<\/em>? Le d\u00e9but de la vie \u00e9tait-il vraiment \u00ab\u00a0in\u00e9vitable\u00a0\u00bb, et in\u00e9vitable l’apparition d’\u00eatres suffisamment intelligents pour cr\u00e9er la science? Et surtout: pourquoi y a-t-il quelque chose plut\u00f4t que rien?<\/p>\n Compte tenu de nos humaines limitations, il est cependant probable que nous ne pourrons jamais y r\u00e9pondre clairement.<\/p>\n C’est la raison pour laquelle est n\u00e9e ce que j’ai appel\u00e9 plus haut la science ironique: la th\u00e9orie des cordes, l’hypoth\u00e8se Gaia, et toutes ces sortes de choses. Je ne pr\u00e9tends nullement que la science ironique est d\u00e9pourvue de valeur, au contraire m\u00eame. Car, tout comme la grande litt\u00e9rature, l’art ou la philosophie, elle nous inspire le doute et la crainte, nous laisse sid\u00e9r\u00e9s par le myst\u00e8re de l’univers, au lieu de nous conforter dans nos certitudes. En nous rappelant sans cesse que nos connaissances ne sont que des demi-connaissances, elle maintient intactes nos capacit\u00e9s d’\u00e9merveillement, et les maintiendra intactes m\u00eame lorsque la science empirique aura atteint son terme. Le seul inconv\u00e9nient de la science ironique est qu’elle ne nous fait point approcher de la v\u00e9rit\u00e9.<\/p>\n Ceux qui annoncent la fin du progr\u00e8s sont souvent accus\u00e9s de manquer d’imagination. Il est vrai que notre culture populaire \u2014 qui s’\u00e9tend de Star Trek<\/em> \u00e0 Star Wars<\/em> en passant par les messages de la publicit\u00e9 et la rh\u00e9torique des politiciens \u2014 ne cesse de nous promettre des lendemains meilleurs, et que les scientifiques (et les journalistes) ne cessent d’\u00e9crire que nous nous trouvons \u00e0 la veille de grandes r\u00e9v\u00e9lations, de perc\u00e9es d\u00e9cisives et autres d\u00e9couvertes du saint Graal. Je confesse humblement avoir \u00e9crit moi-m\u00eame des histoires de ce genre.<\/p>\n Il serait de bonne hygi\u00e8ne toutefois que le public accepte au moins d’envisager ce que serait notre destin collectif si, malgr\u00e9 ce que disent les scientifiques, l’humanit\u00e9 avait vraiment d\u00e9couvert l’essentiel de ce qu’il y a \u00e0 d\u00e9couvrir; si demain nous ne connaissions pour l’essentiel que ce ce que nous connaissons aujourd’hui; si nous ne r\u00e9ussissions jamais \u00e0 construire des vaisseaux spatiaux capables de d\u00e9former l’espace-temps et de nous emmener dans d’autres galaxies ou d’autres univers; si le g\u00e9nie g\u00e9n\u00e9tique ne nous permettait jamais de devenir infiniment sages ou immortels; si nous devions renoncer d\u00e9finitivement \u00e0 d\u00e9couvrir l’esprit m\u00eame de Dieu, je cite le propos de Stephen Hawkins, physicien britannique et… ath\u00e9e convaincu; si nous ne r\u00e9ussissions jamais \u00e0 savoir pourquoi, dans l’univers, il y a quelque chose plut\u00f4t que rien.<\/p>\n Si la science se trouvait bel et bien enferm\u00e9e dans un tel cul-de-sac, qu’adviendrait-il de l’humanit\u00e9?<\/p>\n Que l’on me permette de rappeler ici deux proph\u00e9ties int\u00e9ressantes. Dans \u00ab\u00a0The Coming of the Golden Age\u00a0\u00bb (1970), Gunther Stent \u00e9crit que plus la science nous rapprochera de l’universelle abondance, moins nous \u00e9prouverons le besoin d’acqu\u00e9rir de nouvelles connaissances, si bien que nous finirons par nous retrouver dans un \u00e9tat de \u00ab\u00a0nouvelle Polyn\u00e9sie\u00a0\u00bb, o\u00f9 nous ne chercherons plus que le plaisir pour le plaisir, dans les drogues, les r\u00e9alit\u00e9s virtuelles ou la stimulation \u00e9lectronique directe des zones de plaisir de notre cerveau.<\/p>\n Dans \u00ab\u00a0La fin de l’Histoire\u00a0\u00bb (1992), Francis Fukuyama sugg\u00e8re, quant \u00e0 lui, que le triomphe de la d\u00e9mocratie lib\u00e9rale et capitaliste sur le socialisme, a mis un terme \u00e0 notre qu\u00eate du syst\u00e8me politique le moins nocif et le plus juste. Mais Fukuyama, qui est un \u00e9l\u00e8ve de Nietzsche, dit craindre cependant que notre insatiable volont\u00e9 de pouvoir, notre constant besoin de vaincre, ne nous emp\u00eachent \u00e0 tout jamais d’\u00eatre contents de l’abondance et du confort que ce meilleur des mondes possibles pourrait nous assurer, et qu’en cons\u00e9quence nous recommencions toujours et toujours \u00e0 jouer \u00e0 la guerre, juste pour nous occuper.<\/p>\n Si Fukuyama montre l\u00e0 des signes d’intoxication nietzsch\u00e9enne grave \u2014 que je reconnais parce que j’ai souffert des m\u00eames dans ma jeunesse \u2014, Gunther Stent donne, lui, l’impression d’avoir \u00e9t\u00e9 trop influenc\u00e9 par la culture hippie, n\u00e9e, comme on le sait, \u00e0 Berkeley, o\u00f9 il enseignait. Je ne crois pas, pour ma part, que notre destin sera de verser soit dans les guerres idiotes que craint Fukuyama, soit dans la jouissance idiotes que d\u00e9nonce Stent. Mais qu’arriv\u00e9s au bout des grandes d\u00e9couvertes scientifiques, nous continuerons notre petit bonhomme de chemin en h\u00e9sitant sans cesse, comme hier, entre le plaisir et la guerre, entre la clart\u00e9 et la confusion, entre la bienveillance et la cruaut\u00e9, et que le monde ne sera pas tr\u00e8s diff\u00e9rent de ce qu’il est aujourd’hui. Peter Medawar, que je citais en exergue, dirait sans doute que mon \u00e2me est pauvre et mon esprit minable. Se pourrait-il que je sois simplement r\u00e9aliste?<\/p>\n Si l’on veut comprendre pourquoi la science est un territoire o\u00f9 jamais les conqu\u00eates ne prendront fin, il ne faut pas dresser le catalogue de ce que nous savons mais la liste de ce que nous ignorons encore. Ces grandes questions sans r\u00e9ponse sont le moteur de la recherche fondamentale. Elles tombent dans trois cat\u00e9gories. Qu’est-ce qui existe? Comment ce qui existe est advenu? Et comment la nature fonctionne-t-elle?<\/p>\n La question \u00ab\u00a0qu’est-ce qui existe?\u00a0\u00bb est la question premi\u00e8re de toute science. Les explorateurs scientifiques des si\u00e8cles pass\u00e9s ont r\u00e9colt\u00e9 dans les terres les plus exotiques des sp\u00e9cimens d’animaux, de plantes et de min\u00e9raux. Les chimistes ont isol\u00e9 les uns apr\u00e8s les autres les \u00e9l\u00e9ments. Les astronomes ont dress\u00e9 la liste d’\u00e9toiles innombrables. Les physiciens ont scrut\u00e9 les ph\u00e9nom\u00e8nes \u00e9tranges associ\u00e9s \u00e0 l’\u00e9lectricit\u00e9 et au magn\u00e9tisme.<\/p>\n Et pourtant, m\u00eame apr\u00e8s des si\u00e8cles de labeur, la science n’a identifi\u00e9, estime-t-on ordinairement, qu’un ou deux pour-cent de toutes les esp\u00e8ces vivant sur la terre, n’a explor\u00e9 que la peau superficielle de la plan\u00e8te, n’a d\u00e9crit que quelques-unes des 80’000 prot\u00e9ines produites par notre corps. Nous connaissons certes aujourd’hui les quelque 100 \u00e9l\u00e9ments stables du tableau p\u00e9riodique, mais tr\u00e8s mal les combinaisons entre ces \u00e9l\u00e9ments, dont le nombre est quasiment infini. Et il existe, dans chacune de dizaines de milliards de galaxies de l’espace, ses dizaines de milliards d’\u00e9toiles \u2014 quelque chose comme un billion de syst\u00e8mes solaires pour chaque habitant de la terre. Il reste tant \u00e0 d\u00e9couvrir.<\/p>\n Et comme si la t\u00e2che de d\u00e9crire l’univers tangible n’\u00e9tait pas suffisante, il appara\u00eet aujourd’hui que la masse essentielle de l’univers \u2014 99%, disent certains \u2014 est manquante, parce que constitu\u00e9e d’une mati\u00e8re \u00e9trange ne ressemblant \u00e0 rien de ce que nous connaissons. Au cours des deux derni\u00e8res d\u00e9cennies, les astronomes ont d\u00e9couvert des preuve \u00e9crasantes que l’univers est parsem\u00e9 de mati\u00e8re sombre, une chose invisible que ne peuvent d\u00e9busquer nos t\u00e9lescopes m\u00eame les plus puissants.<\/p>\n La mati\u00e8re de l’univers que nous connaissons est presque tout enti\u00e8re concentr\u00e9e dans des galaxies, lesquelles existent \u00e0 une \u00e9chelle qui d\u00e9passe notre entendement. Chaque galaxie contient en effet des dizaines ou des centaines de milliards d’\u00e9toiles dans un espace dont le diam\u00e8tre peut d\u00e9passer 100’000 ann\u00e9es-lumi\u00e8re (une ann\u00e9e-lumi\u00e8re est la distance que la lumi\u00e8re franchit en une ann\u00e9e, soit approximativement 9.4 billions de kilom\u00e8tres). Par une nuit claire et \u00e0 l’\u0153il nu, nous pouvons voir toutes les \u00e9toiles et toutes les constellations de la Voie Lact\u00e9e, notre propre galaxie; mais avec des t\u00e9lescopes, on peut encore voir ais\u00e9ment des milliards d’autres galaxies.<\/p>\n Les galaxies sont le point de d\u00e9part logique pour les astronomes d\u00e9sireux d’\u00e9tudier la nature et la distribution de la masse de l’univers. Pour estimer la masse d’une galaxie, ils utilisent deux m\u00e9thodes compl\u00e9mentaires. Une m\u00e9thode simple et rapide: ils comptent les \u00e9toiles visibles et multiplient le nombre observ\u00e9 par la masse moyenne d’une \u00e9toile, d\u00e9termin\u00e9e par l’observation et le calcul th\u00e9orique. Ils obtiennent ainsi une valeur appel\u00e9e \u00ab\u00a0masse visible\u00a0\u00bb de la galaxie. Et une m\u00e9thode plus sophistiqu\u00e9e, qui d\u00e9finit la \u00ab\u00a0masse dynamique\u00a0\u00bb de la galaxie en observant la mani\u00e8re dont ses \u00e9toiles se d\u00e9placent.<\/p>\n Pour la seconde m\u00e9thode, les astronomes mesurent la position et la vitesse orbitale des \u00e9toiles ou des nuages en train de tournoyer au-dessus du noyau de la galaxie qu’ils \u00e9tudient, noyau qui est le lieu de forces gravitationnelles immenses. Plus la masse de la galaxie est grande, plus les \u00e9toiles tournent rapidement, ou alors elles sont happ\u00e9es par son noyau. Au terme de ces observations, pour peu que toutes les variables de la galaxie aient \u00e9t\u00e9 correctement prises en compte, la masse visible de la galaxie doit \u00eatre identique \u00e0 sa masse dynamique.<\/p>\n Mais dans les ann\u00e9es 1970, les astronomes ont d\u00e9couvert que certaines parties ext\u00e9rieures des galaxies spirales tournaient deux ou trois fois plus vite qu’elles n’auraient d\u00fb, compte tenu de la gravit\u00e9 des \u00e9toiles visibles. L’\u00e9quation simple qui d\u00e9crit les orbites n’a que trois variables: la distance orbitale, la vitesse orbitale et la masse. La distance et la vitesse orbitales, que l’on peut mesurer par le biais d’observations t\u00e9lescopiques, permettent de d\u00e9terminer la vraie masse de la galaxie. Conclusion: si l’\u00e9valuation de la masse d’une galaxie fond\u00e9e sur l’observation des \u00e9toiles visibles aboutit \u00e0 des r\u00e9sultats erron\u00e9s, c’est que l’essentiel de la mati\u00e8re de l’univers est sombre et invisible.<\/p>\n Les sp\u00e9culations sur la nature de la mati\u00e8re sombre abondent. Mais la premi\u00e8re chose \u00e0 faire est de d\u00e9terminer ce que la mati\u00e8re sombre n’est pas. Elle ne peut \u00eatre un amas ordinaire de mati\u00e8re, comme les boules de neige ou les trous noirs, parce que, dans ce cas, on d\u00e9tecterait ses effets sur la lumi\u00e8re arrivant de sources plus \u00e9loign\u00e9es qu’elle. Elle ne peut \u00eatre constitu\u00e9e non plus de particules charg\u00e9es \u00e9lectriquement, comme les \u00e9lectrons ou les protons, puisqu’on ne rep\u00e8re aucune radiation \u00e9lectromagn\u00e9tique. Le fait que l’on ne puisse d\u00e9tecter la mati\u00e8re sombre en laboratoire sugg\u00e8re qu’elle passe directement \u00e0 travers les atomes ordinaires.<\/p>\n Confront\u00e9s \u00e0 cette difficult\u00e9 intimidante, les chercheurs ont postul\u00e9, pour rendre compte de cette masse manquante, l’existence de particules subatomiques exotiques: neutrinos massifs ou axions, mini-trous noirs, ou amas de quarks appel\u00e9s aussi p\u00e9pites de quarks (quark nuggets<\/em>). Mais, en v\u00e9rit\u00e9, ils ne savent rien de s\u00fbr. C’est pourquoi, partout dans le monde, des \u00e9quipes de physiciens s’efforcent d’imaginer des d\u00e9tecteurs ultrasensibles, capables de capter quelques signaux subtils de la mati\u00e8re sombre. Cela leur prendra des dizaines d’ann\u00e9es, mais ils ne l\u00e2cheront s\u00fbrement pas prise par manque d’int\u00e9r\u00eat.<\/p>\n Si la science actuelle est tout enti\u00e8re fond\u00e9e sur l’observation et la mesure d’un pour cent seulement des briques de construction de la r\u00e9alit\u00e9 \u2014 la mati\u00e8re atomique ordinaire \u2014 comment penser que la physique ait atteint son terme? Notre qu\u00eate de la mati\u00e8re sombre, qui est encore dans son extr\u00eame enfance, n’est pas une qu\u00eate acad\u00e9mique banale. La nature et la quantit\u00e9 de masse manquante d\u00e9termineront en effet le destin ultime de l’univers. Sa gravit\u00e9 \u00e9norme ralentira-t-elle son expansion continue? Finira-t-elle par le condamner \u00e0 s’effondrer sur lui-m\u00eame? En v\u00e9rit\u00e9, le probl\u00e8me de la masse manquante est au c\u0153ur de nos efforts pour comprendre le pass\u00e9, le pr\u00e9sent et le futur du cosmos.<\/p>\n Et puis, de quelle mati\u00e8re \u00e9trange est donc constitu\u00e9e cette masse manquante? Comment pouvons-nous l’\u00e9tudier? Quelles lois gouvernement ses comportements? Et si nous r\u00e9ussissons un jour \u00e0 la capter et \u00e0 lui donner la forme que nous voulons, qui sait quelles technologies inou\u00efes en pourraient d\u00e9couler?<\/p>\n La naissance de la vie r\u00e9sultant d’un processus chimique, les questions sur l’origine de la vie pr\u00e9sentent l’avantage immense de pouvoir \u00eatre \u00e9tudi\u00e9es en laboratoire. On recourt pour cela \u00e0 deux strat\u00e9gies compl\u00e9mentaires.<\/p>\n En 1952, Harold Urey, professeur \u00e0 l’universit\u00e9 de Chicago, et Stanley Miller, l’un de ses \u00e9tudiants, provoqu\u00e8rent en laboratoire des \u00e9tincelles \u00e9lectriques dans une atmosph\u00e8re primordiale de m\u00e9thane, d’hydrog\u00e8ne et d’ammoniac circulant au-dessus d’un r\u00e9servoir d’eau chaude. Au bout de quelques jours, ils eurent la surprise de voir la solution, incolore \u00e0 l’origine, virer au rose, puis au rouge, puis au brun, \u00e0 mesure que se formait un riche bouillon de mol\u00e9cules organiques. Les exp\u00e9riences de ce genre font \u00e9voluer artificiellement les composants de carbone qui existaient \u00e0 l’\u00e9poque o\u00f9 la terre commen\u00e7ait \u00e0 se former, il y a 4.5 milliards d’ann\u00e9es. Elles sugg\u00e8rent que les oc\u00e9ans primitifs se sont sans doute remplis rapidement d’une vari\u00e9t\u00e9 de mol\u00e9cules organiques complexes. La concentration d’un tel m\u00e9lange organique a d\u00fb cro\u00eetre sans cesse, aucune vie n’existant pour s’en nourrir.<\/p>\n Mais, bien s\u00fbr, il y a une distance \u00e9norme entre la soupe organique st\u00e9rile pr\u00e9par\u00e9e par Miller et Urey, et une cellule vivante. Cette distance pourrait toutefois \u00eatre r\u00e9duite par la seconde strat\u00e9gie de recherche. L’id\u00e9e, l\u00e0, est d’\u00e9tudier les m\u00e9canismes de fonctionnement chimique de deux des organismes unicellulaires les plus primitifs de la terre: les mycoplasmes et les cynobact\u00e9ries.<\/p>\n Les mycoplasmes sont la forme de vie la plus simple que l’on connaisse; ils ont un diam\u00e8tre d’environ 1\/2500\u00e8 de millim\u00e8tre et d\u00e9pendent de leur environnement pour plusieurs types de substances nutritives, y compris des aminoacides et des bases d’acides nucl\u00e9iques. Les cynobact\u00e9ries, eux, sont des organismes unicellulaires plus grands et plus complexes, capables de survivre et de se reproduire \u00e0 partir des ingr\u00e9dients de base les plus simples: le dioxyde de carbone, l’azote, l’eau, et quelques min\u00e9raux.<\/p>\n La simplicit\u00e9 structurelle des mycoplasmes et chimique des cynobact\u00e9ries pourrait contribuer \u00e0 expliquer les m\u00e9canismes de la vie primitive. Par exemple, toutes les formes de vie ont une structure cellulaire, et toutes les formes de vie disposent des m\u00e9canismes m\u00e9taboliques qui leur permettent d’extraire l’\u00e9nergie dont elles ont besoin. On en peut d\u00e9duire que cette structure et ces m\u00e9canismes doivent avoir forc\u00e9ment exist\u00e9, d’une mani\u00e8re ou d’une autre, dans les premi\u00e8res cellules vivantes. En r\u00e9duisant ainsi les m\u00e9canismes m\u00e9taboliques aux r\u00e9actions chimiques les plus simples possibles, les chercheurs esp\u00e8rent d\u00e9couvrir la s\u00e9quence des \u00e9v\u00e9nements qui se sont probablement encha\u00een\u00e9s pour permettre \u00e0 la premi\u00e8re cellule de se reproduire.<\/p>\n Le d\u00e9but de la vie fut un \u00e9v\u00e9nement historique majeur, dont les nombreux d\u00e9tails se conservent aujourd’hui encore dans la structure chimique des cellules. En \u00e9tudiant cette structure, la recherche biochimique devrait donc pouvoir reconstituer les \u00e9tapes chimiques du d\u00e9but de la vie et peut-\u00eatre m\u00eame les reproduire. Mais m\u00eame si, d’ici quelques si\u00e8cles, nous r\u00e9ussissons \u00e0 conna\u00eetre en d\u00e9tail la s\u00e9quence chimique qui a fait surgir la vie sur la terre, qui sait si, ailleurs dans l’univers, des s\u00e9quences chimiques diff\u00e9rentes n’ont pas fait surgir elles aussi la vie? Cette qu\u00eate des innombrables origines possibles de la vie dans l’univers ne conna\u00eetra jamais de fin.<\/p>\n La troisi\u00e8me qu\u00eate scientifique, la plus illimit\u00e9e assur\u00e9ment, et qui mobilise le gros de la recherche fondamentale actuelle, tente de comprendre comment la nature fonctionne: comment les \u00e9toiles \u00e9voluent, comment les rochers s’\u00e9rodent, comment le cancer se d\u00e9veloppe, comment les atomes interagissent entre eux, comment les champignons se reproduisent, et des millions d’autres questions, toutes d’une complexit\u00e9 ahurissante.<\/p>\n Ainsi par exemple cette question, qui interpelle les chercheurs depuis tr\u00e8s longtemps: comment un simple \u0153uf fertilis\u00e9 peut-il se transformer en un \u00eatre humain? A mesure que l’embryon grandit, les cellules de l’\u0153uf doivent en effet d\u00e9velopper entre elles des relations spatiales hypersp\u00e9cifiques, et ce dans une s\u00e9quence temporelle immuable. A mesure que le nombre des cellules cro\u00eet par divisions, ces cellules se sp\u00e9cialisent et acqui\u00e8rent en effet une identit\u00e9 unique: la t\u00eate, l’intestin, les jambes, le c\u0153ur, le sang, les os, le cerveau.<\/p>\n Comment est-il possible que les g\u00e8nes d’un simple \u0153uf fertilis\u00e9 contiennent toutes les informations qui sont n\u00e9cessaires pour produire un individu aussi complexe? Cette question a \u00e9t\u00e9 pos\u00e9e pour la premi\u00e8re fois il y a un si\u00e8cle par Wilhelm Roux, un biologiste allemand, qui \u00e9tudiait des embryons de grenouilles au microscope. On la trouve aujourd’hui au c\u0153ur de l’un des domaines les plus excitants de la science. Et bien que des milliers de chercheurs y consacrent leurs meilleurs efforts, rien ne permet aujourd’hui de penser qu’elle recevra jamais de r\u00e9ponse.<\/p>\n Et m\u00eame si une r\u00e9ponse lui \u00e9tait un jour donn\u00e9e, elle serait vraisemblablement d’une complexit\u00e9 et d’une longueur sans \u00e9gales. L’analyse et la description des \u00e9tapes sp\u00e9cifiques aboutissant \u00e0 la production d’une simple mouche \u2014 les soies r\u00eaches de ses pattes, les facettes impeccablement ordonn\u00e9es de ses yeux, les nervures exquises de ses ailes \u2014 n\u00e9cessiteraient \u00e0 elles seules des milliers de volumes \u00e9pais, tous richement illustr\u00e9s et remplis \u00e0 ras bord de jargon g\u00e9n\u00e9tique. Le m\u00eame travail, pour l’\u00eatre humain, n\u00e9cessiterait sans doute des millions de volumes, sans que l’on sache aujourd’hui comment on en noircirait les pages.<\/p>\n Sans doute faudra-t-il donc des si\u00e8cles avant que nous ne connaissions le d\u00e9tail des processus de d\u00e9veloppement qui sculptent nos visages, nos corps et nos esprits. Mais des exp\u00e9riences de biologie d\u00e9veloppementale remarquables commencent \u00e0 faire surgir quelques principes de base. La biologie d\u00e9veloppementale surprend souvent parce qu’elle s’int\u00e9resse plus \u00e0 ce qui va mal qu’\u00e0 ce qui va bien. La raison en est qu’il est pratiquement impossible de d\u00e9busquer directement les m\u00e9canismes g\u00e9n\u00e9tiques du d\u00e9veloppement normal. Et qu’il en serait ainsi m\u00eame si l’on pouvait geler chacune des s\u00e9quences de ce m\u00e9canisme pour les examiner \u00e0 loisir. Il y a en effet trop de processus simultan\u00e9ment en cours, trop de g\u00e8nes qui agissent en m\u00eame temps. De surcro\u00eet, l’embryon humain se d\u00e9veloppe lentement et son \u00e9tude pose des probl\u00e8mes \u00e9thiques d\u00e9licats. L’\u00e9tude de notre propre esp\u00e8ce a donc beaucoup de peine \u00e0 progresser.<\/p>\n Pour tenter de contourner ces obstacles, des milliers de biologistes d\u00e9veloppementaux concentrent leurs efforts sur des organismes beaucoup plus simples et \u00e0 reproduction beaucoup rapide que l’organisme humain. Leur strat\u00e9gie de recherche standard consiste \u00e0 faire se reproduire des millions d’animaux \u00e0 vie courte, le plus souvent des mouches du vinaigre, Drosophila melanogaster<\/em>, dont le cycle de vie a le bon go\u00fbt de n’\u00eatre que de 10 \u00e0 14 jours, ou, \u00e0 d\u00e9faut, des vers plats, Caenorhabditis elegans<\/em>, ou des petits vert\u00e9br\u00e9s: poissons z\u00e9br\u00e9s, grenouilles, souris.<\/p>\n Dans le cas des mouches du vinaigre, le plus fr\u00e9quent, les biologistes d\u00e9veloppementaux exposent les insectes en train de se reproduire, ou leurs \u0153ufs, \u00e0 des rayons X ou \u00e0 des produits chimiques mutag\u00e8nes, et obtiennent ainsi une quantit\u00e9 \u00e9norme d’individus mutants. Lorsqu’une mouche ne r\u00e9ussit pas \u00e0 se d\u00e9velopper ou se d\u00e9veloppe de mani\u00e8re anormale, les \u00e9quipes de recherche se pr\u00e9cipitent pour identifier le g\u00e8ne responsable de ce malfonctionnement. Et \u00e0 mesure qu’elles d\u00e9busquent les g\u00e8nes critiques, elles commencent \u00e0 reconstituer le puzzle du d\u00e9veloppement de la vie.<\/p>\n Il va sans dire, cependant, que lorsque d’anciennes \u00e9nigmes se r\u00e9solvent, de nouvelles surgissent. Les progr\u00e8s r\u00e9cents de la recherche dans quelques domaines-cl\u00e9s, bri\u00e8vement \u00e9voqu\u00e9s ci-dessous, en attestent.<\/p>\n Contr\u00f4les chimiques \u00e0 l’int\u00e9rieur de l’\u0153uf.<\/strong> Le d\u00e9veloppement d’un organisme complexe commence longtemps avant l’acte sexuel, parfois des mois ou des ann\u00e9es avant que l’\u0153uf et le sperme ne soient r\u00e9unis. Chaque \u0153uf, par exemple, doit contenir une suite de messages chimiques complexes qui vont guider la formation initiale de l’embryon. Dans les vers plats, la premi\u00e8re division cellulaire produit toujours une plus grande cellule en t\u00eate et une plus petite en queue. Si l’on \u00f4te l’une de ces deux cellules, la division suivante produit de nouveau une cellule plus grande en t\u00eate et une plus petite en queue. On en peut d\u00e9duire que le message chimique contenu dans l’\u0153uf distingue d’embl\u00e9e la t\u00eate de la queue. Pourtant, l’\u0153uf ne peut contr\u00f4ler ind\u00e9finiment le d\u00e9veloppement de l’organisme. Si, apr\u00e8s deux divisions cellulaires (quatre cellules), l’on \u00f4te l’une quelconque de ces cellules, le vers va souffrir d’une d\u00e9formation grave. On peut en d\u00e9duire qu’apr\u00e8s deux divisions cellulaires, ce sont les cellules elles-m\u00eames qui s’envoient les unes aux autres les signaux qui vont guider le d\u00e9veloppement ult\u00e9rieur. Comment font-elles? C’est ce que les chercheurs essaient aujourd’hui de d\u00e9couvrir.<\/p>\n R\u00e9gulation des g\u00e8nes.<\/strong> Le processus qui fait qu’un g\u00e8ne sp\u00e9cifique produise ou ne produise pas une prot\u00e9ine est au c\u0153ur de la biologie d\u00e9veloppementale. Chaque cellule d’un organisme contient le g\u00e9nome complet de l’organisme, c’est-\u00e0-dire les instructions n\u00e9cessaires \u00e0 la production de toutes les prot\u00e9ines dont il pourrait avoir besoin. Or, malgr\u00e9 son potentiel universel, chaque cellule remplit des fonctions tr\u00e8s sp\u00e9cialis\u00e9es. Toutes les cellules du pancr\u00e9as, par exemple, contiennent l’ensemble des g\u00e8nes du corps humain, et pourtant chaque type d’entre elles produit seulement un nombre limit\u00e9 de prot\u00e9ines pancr\u00e9atiques sp\u00e9cifiques, notamment de l’insuline (unr hormone) et une vari\u00e9t\u00e9 d’enzymes digestives. Bien que les chercheurs sachent d\u00e9sormais que chaque \u00e9tape du d\u00e9veloppement est contr\u00f4l\u00e9 par une combinaison unique de signaux chimiques, ils ne font que commencer \u00e0 comprendre comment ces signaux r\u00e9gulent le d\u00e9veloppement et le fonctionnement de milliers de g\u00e8nes dans chaque cellule du corps.<\/p>\n Mort programm\u00e9e des cellules.<\/strong> La biologie d\u00e9veloppementale s’int\u00e9resse \u00e0 la mort des cellules autant qu’\u00e0 leur croissance. A mesure qu’un embryon se d\u00e9veloppe, la mort extraordinairement s\u00e9lective de certaines cellules sculpte en effet les creux, les cavit\u00e9s et les tubes de l’embryon, destin\u00e9s \u00e0 constituer les structures essentielles du corps du nouveau-n\u00e9. Les cellules constituant par exemple les tissus palm\u00e9s qui relient les doigts et les orteils en train de se former, finissent par mourir pour d\u00e9gager doigts et orteils. Dans le cerveau, de grandes quantit\u00e9s de cellules meurent, pour ne laisser vivre que celles d’entre elles qui ont construit des r\u00e9seaux interactifs et productifs. La mort programm\u00e9e \u00e9limine aussi les cellules du syst\u00e8me immunitaire capables de reconna\u00eetre les cellules de l’organisme auquel elles appartiennent, car elles risqueraient de les attaquer. De mani\u00e8re plus g\u00e9n\u00e9rale, la mort programm\u00e9e r\u00e9gule le nombre total des cellules de l’organisme durant toute la vie de ce dernier; elle supprime notamment les cellules d\u00e9fectueuses ou endommag\u00e9es. Mais comment les cellules savent-elles \u00e0 quel moment elles doivent mourir? C’est l’une grandes questions auxquelles la biologie d\u00e9veloppementale ne peut pour l’heure apporter de r\u00e9ponse.<\/p>\n Instructions d’assemblage.<\/strong> De nombreux organismes \u2014 par exemple les mouches, les vers, les poissons, les hommes \u2014 ont des plans corporels remarquablement semblables: un avant, un arri\u00e8re, et un long intestin qui s’\u00e9tend de l’un \u00e0 l’autre. En 1984, des biologistes qui travaillaient sur des mouches du vinaigre ont d\u00e9couvert qu’une mutation grotesque \u2014 des pattes poussant sur la t\u00eate des insectes \u00e0 la place d’antennes \u2014 co\u00efncidait avec un petit segment d\u00e9fectueux de l’ADN d’un g\u00e8ne. Ce segment, appel\u00e9 \u00ab\u00a0homeobox\u00a0\u00bb \u2014 qui code la synth\u00e8se d’une prot\u00e9ine capable de se fixer \u00e0 des segments sp\u00e9cifiques d’ADN \u2014, r\u00e9gule les g\u00e8nes qui d\u00e9terminent le d\u00e9veloppement des sch\u00e9mas corporels, notamment le sch\u00e9ma r\u00e9p\u00e9titif des pattes chez les arthropodes, des facettes oculaires chez les mouches, des vert\u00e8bres chez les mammif\u00e8res.<\/p>\n Des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb pratiquement identiques apparaissent plus de 100 fois sur le g\u00e9nome de la mouche, chacun d’eux li\u00e9 \u00e0 un g\u00e8ne de d\u00e9veloppement sp\u00e9cifique. Ces \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb et les g\u00e8nes qui leur sont associ\u00e9s se regroupent autour de deux s\u00e9quences chromosomales g\u00e9antes, chacune longue d’un quart de million de paires de bases! Les biologistes d\u00e9veloppementaux ont \u00e9t\u00e9 \u00e9tonn\u00e9s de d\u00e9couvrir que la mani\u00e8re dont ces g\u00e8nes sont ordonn\u00e9s le long des chromosomes est identique \u00e0 l’ordre avant-arri\u00e8re des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb dans l’embryon de la mouche. Lorsqu’une \u00ab\u00a0homeobox\u00a0\u00bb se brise, les instructions d’assemblage de la mouche se m\u00e9langent.<\/p>\n Mais ce qui a vraiment souffl\u00e9 les biologistes, c’est de d\u00e9couvrir dans toutes sortes d’organismes \u2014 des vers aux humains \u2014 des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb pratiquement identiques, qui diffusent des paquets d’instructions g\u00e9n\u00e9tiques d\u00e9terminant \u2014 des dents aux orteils \u2014 toutes sortes de structures anatomiques.<\/p>\n Les implications de cette d\u00e9couverte sont nombreuses. Auparavant, on pensait que chaque \u00e9tape du d\u00e9veloppement \u00e9tait une s\u00e9quence unique en son genre, d\u00e9clench\u00e9e par une combinaison elle aussi unique de signaux g\u00e9n\u00e9tiques. La d\u00e9couverte du r\u00f4le universel des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb sugg\u00e8re ce que de nombreux biologistes esp\u00e9raient: que le d\u00e9tail du d\u00e9veloppement des organismes ob\u00e9it \u00e0 des principes g\u00e9n\u00e9raux \u2014 et qu’en cons\u00e9quence les recherches conduites sur les mouches du vinaigre et quelques autres animaux ont un rapport direct avec le d\u00e9veloppement de l’embryon humain.<\/p>\n De fait, tant les principes g\u00e9n\u00e9raux que plusieurs des \u00e9tapes de d\u00e9tail observ\u00e9s dans le d\u00e9veloppement de la mouche \u00e9clairent le processus de d\u00e9veloppement humain \u2014 lequel est cependant, il est vrai, beaucoup plus complexe et difficile d’acc\u00e8s. Des chercheurs supputent aujourd’hui que certains d\u00e9fauts des s\u00e9quences de contr\u00f4le des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb pourraient \u00eatre responsables d’anomalies \u00e0 la naissance et d’avortements spontan\u00e9s chez les humains. Et pensent que si l’on pouvait un jour d\u00e9chiffrer le code des \u00ab\u00a0homeoboxes\u00a0\u00bb, les patients dont les reins ou les poumons sont endommag\u00e9s pourraient les r\u00e9g\u00e9n\u00e9rer \u00e0 partir d’une unique cellule saine; les victimes de l\u00e9sions au cerveau ou \u00e0 la moelle \u00e9pini\u00e8re pourraient produire de nouveaux neurones ou de nouvelles cellules nerveuses; et les patients canc\u00e9reux pourraient s\u00e9lectionner et supprimer leurs cellules malades. Les instructions n\u00e9cessaires \u00e0 remettre en nous toutes choses en \u00e9tat sont enfouies au plus profond de chacune de nos cellules; il suffirait en somme que nous apprenions \u00e0 d\u00e9busquer ces instructions et \u00e0 les lire.<\/p>\n Les quelques questions scientifiques pressantes \u00e9voqu\u00e9es dans cet article augurent, \u00e0 elles seules, de si\u00e8cles de recherches et de d\u00e9couvertes. Les critiques qui, comme John Horgan [auteur, dans ce num\u00e9ro, de \u00ab\u00a0La science? Il ne lui reste plus rien \u00e0 d\u00e9couvrir!\u00a0\u00bb] parlent de la fin de la physique, de la fin de la cosmologie, de la fin de la biologie \u00e9volutionniste, raisonnent comme si la connaissance scientifique existait en petits paquets s\u00e9par\u00e9s, ferm\u00e9s herm\u00e9tiquement. Or la nature ne conna\u00eet aucune limite de ce genre. La physique est une partie de la cosmologie qui est une partie de la g\u00e9ologie qui est une partie de la vie. Les questions les plus excitantes auxquelles devront r\u00e9pondre les chercheurs de l’avenir ne surgiront pas du c\u0153ur des connaissances \u00e9tablies, mais des surfaces de recoupement encore inexplor\u00e9es entre disciplines acad\u00e9miques traditionnelles.<\/p>\n D’ailleurs, le progr\u00e8s de la science se mesure moins, je le r\u00e9p\u00e8te, par les questions auxquelles elle a d\u00e9j\u00e0 donn\u00e9 r\u00e9ponse, que par la liste des questions qu’elle se pose encore. A vues humaines, ce questionnement ne cessera jamais.<\/p>\n <\/p>\n \u00a9 MIT’s Technology Review 1998. Tout est de la faute de Mary Shelley. Lorsque son anti-h\u00e9ros, Victor Frankenstein, s’est mis \u00e0 fricoter avec des forces qu’il ne comprenait pas, elle s’est fait la porte-parole de ceux qui doutent de la science. Depuis lors, ce doute horrible n’a cess\u00e9 de prosp\u00e9rer. Et le voici maintenant qui s’immisce dans l’establishment. John Horgan, ancien journaliste du \u00ab\u00a0Scientific American\u00a0\u00bb, auteur de The End of Science<\/em> [La fin de la science], ouvrage dont il reprend les th\u00e8mes principaux dans l’article ci-contre, pr\u00e9tend que l’\u00e2ge d’or de la science est pass\u00e9, et que l’humanit\u00e9 devra continuer \u00e0 vivre avec beaucoup de choses incompr\u00e9hensibles. La th\u00e8se de Horgan n’est pas tr\u00e8s convaincante.<\/p>\n Certes, il peut \u00eatre tentant pour des scientifiques de penser que les th\u00e9ories actuelles ne seront peut-\u00eatre jamais surpass\u00e9es. Richard Feynman, prix Nobel de physique, est de ceux-l\u00e0: \u00ab\u00a0Nous avons de la chance, dit-il, de vivre \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 il est encore possible de faire des d\u00e9couvertes. C’est comme l’Am\u00e9rique: on ne peut la d\u00e9couvrir qu’une fois.\u00a0\u00bb<\/p>\n La messe est dite?<\/strong> C’est vite dit!<\/em><\/strong>John Horgan consid\u00e8re que dans de nombreux domaines de la science, la messe est dite. La biologie a tout ce qu’il lui faut avec Darwin et la g\u00e9n\u00e9tique moderne; la cosmologie, avec le Big Bang; la physique, avec la m\u00e9canique quantique et la description standard de la structure de la mati\u00e8re. Horgan consid\u00e8re que dans d’autres domaines, la d\u00e9finition de la conscience ou l’unification des sciences sociales notamment, la science sera \u00e0 jamais impuissante.<\/p>\n Que reste-t-il alors? John Horgan, empruntant \u00e0 la th\u00e9orie litt\u00e9raire le terme \u00ab\u00a0ironique\u00a0\u00bb, sugg\u00e8re que ce qui reste c’est la science \u00ab\u00a0ironique\u00a0\u00bb: une sp\u00e9culation \u00e9rudite mais impossible \u00e0 prouver, sur la signification des th\u00e9ories scientifiques existantes et leurs interconnexions: telles les \u00ab\u00a0cordes\u00a0\u00bb (superstrings<\/em>) d’Edward Witten, physicien \u00e0 Princeton, qui seraient des brins d’\u00e9nergie multidimensionnels inimaginablement petits, ou tels les \u00ab\u00a0trous de vers\u00a0\u00bb de Stephen Hawking, cosmologiste britannique, cens\u00e9s relier entre elles des r\u00e9gions \u00e9loign\u00e9es de l’espace-temps.<\/p>\n Newton faisait aussi de la science \u00ab\u00a0ironique\u00a0\u00bb<\/strong>Mais la science n’est-elle affaire que de grande th\u00e9orie? Assur\u00e9ment non. La \u00ab\u00a0simple r\u00e9solution de probl\u00e8mes\u00a0\u00bb, comme dit un peu s\u00e8chement John Horgan dans son livre, occupe en effet l’essentiel du temps des chercheurs aujourd’hui. Et puis la distinction que Horgan fait entre la science \u00ab\u00a0ironique\u00a0\u00bb et la science \u00ab\u00a0r\u00e9elle\u00a0\u00bb tient difficilement la route. Que faisait Newton lorsqu’il sp\u00e9culait sur la structure de la mati\u00e8re? Et Kepler, lorsqu’il \u00e9voquait la musique des sph\u00e8res c\u00e9lestes? Les \u00ab\u00a0ironies\u00a0\u00bb des savants de jadis ont \u00e9t\u00e9 soit oubli\u00e9es, soit transform\u00e9es en th\u00e9ories modernes de plein droit.<\/p>\n Mais la vraie faiblesse de John Horgan est qu’il invoque un argument lui aussi impossible \u00e0 prouver. Les th\u00e9ories sont par d\u00e9finition efficaces lorsqu’elles permettent d’expliquer ce pour quoi les gens d’une \u00e9poque donn\u00e9e ont envie d’explications. Les faiblesses des th\u00e9ories n’apparaissent que plus tard, lorsque des faits nouveaux sont d\u00e9busqu\u00e9s et que certains faits anciens prennent un sens neuf. Notre fin de 20\u00e8 si\u00e8cle est-elle vraiment le dernier \u00e2ge des grandes th\u00e9ories, comme l’affirme Horgan? Il est possible que la r\u00e9ponse soit oui. Mais il est aussi possible qu’elle soit non. Chi lo s\u00e0?<\/em><\/p>\n Edward Carr, \u00ab\u00a0The reliability of science. Beyond our ken?\u00a0\u00bb, in:\u00a0\u00bbThe Economist\u00a0\u00bb, 20 juillet 1996.<\/p>\n <\/p>\n Les th\u00e9ories fusill\u00e9es par John Horgan<\/strong><\/p>\n<\/div>\n Les univers parall\u00e8les de Andrei Linde<\/strong> Le mod\u00e8le d’univers auto-reproducteur et inflationniste Source: <\/em>\u00ab\u00a0The Self-Reproducing Inflationary Universe\u00a0\u00bb par Andrei Linde. In: <\/em>\u00ab\u00a0Scientific American\u00a0\u00bb, No 271, November 1994.<\/p>\n La th\u00e9orie des cordes d’Edward Witten <\/strong> Sa th\u00e9orie repr\u00e9sente les particules \u00e9l\u00e9mentaires de la physique par des cordes extr\u00eamement petites (100 milliards de milliards de fois plus petites qu’un noyau d’hydrog\u00e8ne) \u00e9voluant dans un espace \u00e9trange \u00e0 10 ou 26 dimensions, pouvant vibrer \u00e0 diff\u00e9rentes fr\u00e9quences ou \u00ab\u00a0r\u00e9sonances\u00a0\u00bb. Pour d\u00e9crire les mouvements vibratoires d’une corde, il faut repr\u00e9senter un espace avec un grand nombre de dimensions. La topologie (science de l'\u00a0\u00bb\u00e9tude des lieux\u00a0\u00bb et qui est une sorte de \u00ab\u00a0g\u00e9om\u00e9trie de situation\u00a0\u00bb) joue ici un r\u00f4le majeur car elle permet d’imaginer comment, \u00e0 l’int\u00e9rieur de ces cordes, on peut voyager dans des mondes aux dimensions diff\u00e9rentes.<\/p>\n L’int\u00e9r\u00eat de la th\u00e9orie des cordes pour les th\u00e9oriciens de la physique est qu’elle surmonte et par l\u00e0 m\u00eame unifie les deux grandes th\u00e9ories de la physique moderne, celle de la relativit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale et celle de la m\u00e9canique quantique. Elle modifie notre compr\u00e9hension de l’espace-temps et notamment envisage ses autres am\u00e9nagements possibles.<\/p>\n Ces cordes se combinent et se s\u00e9parent, elles peuvent aussi se tordre, faire des boucles, elles se meuvent dans un espace-temps \u00e0 plus de 4 dimensions car il existe des dimensions nouvelles enroul\u00e9es dans leur espace interne.<\/em><\/p>\n Source: <\/em>\u00ab\u00a0Les dimensions secr\u00e8tes de l’univers<\/a>\u00a0\u00bb par Michel Gagnon. Association canadienne-fran\u00e7aise pour l’avancement des sciences, 1996.<\/p>\n <\/p>\n Les lois de la complexit\u00e9<\/strong> Parmi les membres de ce centre, deux biologistes ont avanc\u00e9 un certain nombre de \u00ab\u00a0lois\u00a0\u00bb de la complexit\u00e9. Ainsi Brian Goodwin, auteur de plusieurs ouvrages sur la biologie dont How The Leopard Changed Its Spots: The Evolution of Complexity<\/em> (New York, C. Scribner’s Sons, 1994), plaide pour un changement de perspective th\u00e9orique en biologie. Il appelle \u00e0 abandonner la vision darwiniste (comp\u00e9titivit\u00e9 des individus, \u00ab\u00a0guerre de tous contre tous\u00a0\u00bb, etc.) qu’il estime incompl\u00e8te car il montre que les organismes vivants sont plus que des machines \u00e0 survivre, qu’il y a, outre l’aspect comp\u00e9titif, \u00ab\u00a0\u00e9go\u00efste\u00a0\u00bb, destructif et r\u00e9p\u00e9titif chez les individus biologiques, des formes de coop\u00e9ration, v\u00e9ritablement altruistes, cr\u00e9atives et m\u00eames ludiques.<\/p>\n Stuart Kauffman, quant \u00e0 lui, a \u00e9crit deux livres remarqu\u00e9s, Origins of Order: Self-Organization and Selection in Evolution,<\/em> (New York, Oxford University Press, 1993) et At Home in the Universe: the search for the laws of complexity<\/em> (New York, Oxford University Press, 1995) dans lesquels il expose ces lois et leurs fonctions. \u00ab\u00a0Nous ne pourrons jamais esp\u00e9rer pr\u00e9dire les bifurcations exactes de l’arbre de la vie, affirme Kauffman, mais nous pouvons d\u00e9couvrir des lois puissantes qui pr\u00e9disent et expliquent leur forme g\u00e9n\u00e9rale (…) La vie (…) est un ph\u00e9nom\u00e8ne \u00e9mergent qui appara\u00eet lorsque la diversit\u00e9 mol\u00e9culaire du syst\u00e8me chimique pr\u00e9biotique augmente au-del\u00e0 d’un certain seuil de complexit\u00e9. Il n’y a pas de force vitale ou de substance externe dans ce tout \u00e9mergent et auto-reproducteur\u00a0\u00bb.<\/p>\n Source:<\/em> Santa Fe Institute<\/a><\/p>\n L’hypoth\u00e8se Ga\u00efa <\/strong> James Lovelock a popularis\u00e9 cette hypoth\u00e8se au travers de nombreux livres: La terre est un \u00eatre vivant : l’hypoth\u00e8se Ga\u00efa<\/em> (Monaco, Editions Le Rocher, 1986), Les \u00e2ges de Ga\u00efa <\/em>(Paris, Robert Laffont, 1990), Gaia : comment soigner une terre malade ? <\/em>(Paris, Robert Laffont, 1992).<\/p>\n <\/p>\n<\/div>\n <\/p>\n Gunther Siegmund Stent<\/strong>, n\u00e9 en 1924 \u00e0 Berlin, professeur \u00e9m\u00e9rite de neurobiologie \u00e0 l’universit\u00e9 de Californie (Berkeley). Auteur de nombreux ouvrages scientifiques, il s’est particuli\u00e8rement int\u00e9ress\u00e9, depuis les ann\u00e9es 1960, \u00e0 l’histoire et \u00e0 la philosophie des sciences. Il a \u00e9crit notamment The coming of the Golden Age; a view of the End of Progress <\/em>(Garden City, N.Y., Natural History Press, 1969), Paradoxes of Progress<\/em>(San Francisco, W. H. Freeman, cop. 1978).<\/p>\n Stephen Jay Gould<\/strong>, n\u00e9 en 1941, est un pal\u00e9ontologue qui enseigne la g\u00e9ologie, la biologie et l’histoire des sciences depuis 1967 \u00e0 l’universit\u00e9 de Harvard. Chroniqueur au magazine \u00ab\u00a0Natural History\u00a0\u00bb, il est l’auteur d’innombrables articles de vulgarisation scientifiques ainsi que de nombreux livres dont Darwin et les grandes \u00e9nigmes de la vie<\/em> (Paris, Pygmalion, 1979), Le pouce du panda : les grandes \u00e9nigmes de l’\u00e9volution<\/em> (Paris, Grasset, 1982), La foire aux dinosaures : r\u00e9flexions sur l’histoire naturelle <\/em>(Paris, Seuil, 1993), L’\u00e9ventail du vivant : le mythe du progr\u00e8s<\/em> (Paris, Seuil, 1997). Il est consid\u00e9r\u00e9 comme le chercheur scientifique le plus populaire des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n John Bagnell Bury<\/strong>, historien (1861-1927), auteur d’une histoire de la notion de progr\u00e8s qui fait r\u00e9f\u00e9rence jusqu’\u00e0 nos jours The idea of progress : an inquiry into its origin and growth <\/em>(New York, Dovar publications, 1955) publi\u00e9e pour la premi\u00e8re fois en 1932. Il y atteste notamment que \u00ab\u00a0l’id\u00e9e de Progr\u00e8s signifie que la civilisation s’est d\u00e9plac\u00e9e, se d\u00e9place et se d\u00e9placera encore vers une direction d\u00e9sirable.\u00a0\u00bb<\/p>\n<\/div>\n <\/p>\n SCIENCE\/POLEMIQUE La science ? Il ne lui reste plus rien \u00e0 d\u00e9couvrir! Par John Horgan John Horgan, ancien r\u00e9dacteur senior du \u00ab\u00a0Scientific American\u00a0\u00bb, auteur de The End of Science. Facing the Limits of Knowledge in the Twilight of the Scientific Age (Addison-Wesley, 1996), pr\u00e9pare actuellement Why Freud Isn’t Dead, un \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"parent":43,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-65","page","type-page","status-publish","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/65","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=65"}],"version-history":[{"count":11,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/65\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":148,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/65\/revisions\/148"}],"up":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/43"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=65"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}
\nFinie, la science? Tout reste \u00e0 d\u00e9couvrir !<\/h3>\n<\/div>\n
<\/h3>\n
\n\u00a9 paru dans Le Temps strat\u00e9gique, No 84, novembre-d\u00e9cembre 1998.<\/p>\n
\n<\/div>\n\u00a0La faiblesse de la th\u00e8se de John Horgan
\nest qu’elle aussi est improuvable!<\/h3>\n
\n<\/div>\n
\nAstrophysicien russe enseignant \u00e0 l’universit\u00e9 de Stanford depuis 1990, Andrei Linde a formul\u00e9 en 1982 une nouvelle th\u00e9orie de l’univers qui se veut une \u00ab\u00a0am\u00e9lioration\u00a0\u00bb du mod\u00e8le du Big Bang (l'\u00a0\u00bbexplosion initiale\u00a0\u00bb \u00e0 l’origine de la cr\u00e9ation de l’univers). Linde critique la th\u00e9orie du Big Bang pour les nombreux probl\u00e8mes physiques et philosophiques qu’elle soul\u00e8ve. Il consid\u00e8re notamment que les \u00e9quations physiques qui d\u00e9terminent le Big Bang pr\u00e9disent un univers beaucoup plus petit qu’il ne l’est en r\u00e9alit\u00e9 et que le mod\u00e8le th\u00e9orique n’explique pas pourquoi les diff\u00e9rentes r\u00e9gions de l’univers se ressemblent et les lointaines galaxies sont distribu\u00e9es de fa\u00e7on aussi uniforme dans toutes les directions au sein de l’univers. C’est pourquoi l’astrophysicien russe propose la th\u00e9orie d’un univers auto-reproducteur et \u00e0 tr\u00e8s forte croissance (self-reproducing inflationary universe<\/em>) qu’il a mod\u00e9lis\u00e9 gr\u00e2ce \u00e0 des simulations sur ordinateur. Selon lui, la croissance de l’univers \u00e0 son origine aurait \u00e9t\u00e9 extr\u00eamement rapide – elle aurait d\u00e9pass\u00e9 la vitesse de la lumi\u00e8re – et aurait ob\u00e9i \u00e0 un mod\u00e8le d'\u00a0\u00bbinflation chaotique\u00a0\u00bb. Alors que la th\u00e9orie classique du Big Bang d\u00e9crit un univers semblable une bulle de savon se gonflant graduellement, la th\u00e9orie de Linde d\u00e9crit un univers semblable \u00e0 une bulle qui produirait des bulles identiques, et ainsi de suite. L’univers d\u00e9crit par Linde enfanterait de nouveaux univers par auto-reproduction et selon une arborescence emprunt\u00e9e aux math\u00e9matiques fractales.<\/p>\n<\/div>\n
\nd’Andrei Linde
\n<\/strong><\/p>\n
\nPhysicien et math\u00e9maticien n\u00e9 en 1951 et enseignant \u00e0 l’universit\u00e9 de Princeton, Edward Witten est consid\u00e9r\u00e9 comme un des plus \u00e9minents sp\u00e9cialistes de la physique th\u00e9orique. En 1990, il a re\u00e7u la m\u00e9daille Fields, l’\u00e9quivalent du prix Nobel pour les math\u00e9matiques, pour ses mod\u00e9lisations de la th\u00e9orie des cordes (topological quantum field theory<\/em>). Selon Edward Witten, la th\u00e9orie des cordes dominera la physique des 50 prochaines ann\u00e9es et les \u00ab\u00a0physiciens sont en train de poser des questions qui impliquent de nouvelles math\u00e9matiques qui n’existent pas encore\u00a0\u00bb.<\/p>\n<\/div>\n
\nLes lois de la complexit\u00e9 sont des mod\u00e9lisations th\u00e9oriques de syst\u00e8mes dynamiques \u00e9tudi\u00e9s dans diverses disciplines : biologie, chimie, math\u00e9matiques, physique et informatique principalement. Ces syst\u00e8mes, qui vont de la fourmili\u00e8re aux march\u00e9s financiers, ne peuvent \u00eatre d\u00e9crits par l’analyse r\u00e9ductionniste (consistant \u00e0 d\u00e9couper le tout en plusieurs parties pour mieux l’appr\u00e9hender par d\u00e9composition de ses fonctions \u00e9l\u00e9mentaires), ni selon une perception lin\u00e9aire du temps. Pour tenter de r\u00e9pondre au d\u00e9fi croissant de ces ph\u00e9nom\u00e8nes complexes et contradictoires, des scientifiques se sont regroup\u00e9s au sein d’un centre de recherches pluridisciplinaires, le Santa Fe Institute, cr\u00e9\u00e9 en 1984 au Nouveau Mexique.<\/p>\n
\nL’hypoth\u00e8se Ga\u00efa est une th\u00e9orie de la vie sur terre propos\u00e9e \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1960 par le biochimiste britannique James E. Lovelock et la microbiologiste am\u00e9ricaine Lynn Margulisis. Ces deux chercheurs affirment que la Terre, compos\u00e9e de ses mati\u00e8res inorganiques et de ses organismes vivants, formerait un superorganisme appel\u00e9 Ga\u00efa (d’apr\u00e8s la divinit\u00e9 grecque personnifiant la Terre, \u00ab\u00a0m\u00e8re des Titans\u00a0\u00bb). Selon cette hypoth\u00e8se, la Terre serait un syst\u00e8me dynamique qui s’auto-r\u00e9gulerait et o\u00f9 \u00ab\u00a0le tout est plus que la somme de ses parties\u00a0\u00bb. Le processus d’\u00e9volution biologique y serait moins le r\u00e9sultat d’une s\u00e9lection par la comp\u00e9titivit\u00e9 entre individus qu’un processus de coop\u00e9ration des organismes en qu\u00eate de symbiose avec leur environnement.<\/p>\n
\nLe SETI <\/strong>(Search for Extraterrestrial Intelligence<\/em>) est un institut de recherches \u00e0 but non lucratif bas\u00e9 en Californie qui se consacre enti\u00e8rement \u00e0 l’\u00e9tude de l’intelligence et de la vie extraterrestres. Les diff\u00e9rents travaux et projets scientifiques d\u00e9velopp\u00e9s par cet institut sont financ\u00e9s par la NASA, le National Science Foundation et un grand nombre d’institutions priv\u00e9es. Ils concernent l’astronomie, les processus d’\u00e9volutions chimique et biologique et l’\u00e9tude des origines de la vie. Le principal chantier du SETI est le projet Phenix lanc\u00e9 en 1995 pour sonder les signaux radio de quelques 1000 \u00e9toiles situ\u00e9es \u00e0 200 ann\u00e9es-lumi\u00e8res de la Terre \u00e0 la recherche d’une source extraterrestre. Ce projet, qui co\u00fbte entre 4 et 5 millions de dollars par an, n’a enregistr\u00e9 aucune \u00ab\u00a0signature\u00a0\u00bb extraterrestre jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent; th\u00e9oriquement, il lui resterait 400 milliards d’\u00e9toiles \u00e0 scruter au sein de notre galaxie.<\/div>\n
\nImpossibility: The Limits of Science and the Science of Limits<\/strong>, par John Barrow. Oxford, Oxford University Press, 1998.
\nThe limits of science<\/strong>, par Peter B. Medawar. Oxford, New York, Oxford University Press, 1987.
\nThe coming of the Golden Age; a view of the end of progress<\/strong>, par Gunther Siegmund Stent. Garden City, N.Y., Natural History Press, 1969.<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"