{"id":614,"date":"2015-01-06T00:51:14","date_gmt":"2015-01-05T23:51:14","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=614"},"modified":"2015-01-25T00:41:26","modified_gmt":"2015-01-24T23:41:26","slug":"tchernobyl-apres-le-desastre","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=614","title":{"rendered":"Tchernobyl apr\u00e8s le d\u00e9sastre"},"content":{"rendered":"
SOCI\u00c9T\u00c9<\/p>\n
Par Eric Voice<\/strong><\/p>\n Eric Voice, docteur \u00e8s sciences, sp\u00e9cialiste en biochimie, radio-chimie et physique nucl\u00e9aire, a visit\u00e9 Tchernobyl pour le compte de l’Acad\u00e9mie russe des sciences, de l’Universit\u00e9 d’Essex et du Comit\u00e9 pour l’\u00e9tude du cheminement biog\u00e9ochimique des radionucl\u00e9ides dans l’environnement. Consultant ind\u00e9pendant, auteur de tr\u00e8s nombreux articles, Eric Voice est connu en Grande-Bretagne pour s’\u00eatre fait injecter volontairement un isotope du plutonium pour en \u00e9tudier in vivo les effets sur le m\u00e9tabolisme.<\/p>\n <\/p>\n Paradis terrestre? Le cr\u00e9pitement de mon petit compteur de Geiger rompt le silence, r\u00e9v\u00e9lant, tout autour de moi, un oc\u00e9an de radiations. Cinq microsieverts par heure, cinquante fois la radiation moyenne d’une for\u00eat en Suisse ou en France.<\/p>\n A travers les arbres, j’aper\u00e7ois le village de Tchernobyl, et plus loin la ville abandonn\u00e9e de Pripyat, proche des six r\u00e9acteurs nucl\u00e9aires. Je me trouve dans la tristement c\u00e9l\u00e8bre \u00ab\u00a0zone d’exclusion\u00a0\u00bb de Tchernobyl, un cercle de trente kilom\u00e8tres de rayon autour du r\u00e9acteur d\u00e9truit le 26 avril 1986. Apr\u00e8s l’explosion, les niveaux de radioactivit\u00e9 \u00e9taient si \u00e9lev\u00e9s dans cette zone que toute la population en fut \u00e9vacu\u00e9e. Je me trouve au cur m\u00eame de la zone dont les media de la plan\u00e8te enti\u00e8re – radios, journaux, t\u00e9l\u00e9visions – disent depuis des ann\u00e9es, je cite ici un journal londonien de 1994, que \u00ab\u00a0pas un \u00eatre humain n’y survit, pas un oiseau n’y chante\u00a0\u00bb et que \u00ab\u00a0ses for\u00eats sont rabougries et les animaux y naissent avec d’horribles mutilations\u00a0\u00bb.<\/p>\n Je m’enfonce dans la for\u00eat. Je suis maintenant sous la trajectoire suivie plusieurs jours durant par le nuage radioactif produit \u00e0 l’\u00e9poque par le r\u00e9acteur en feu. Le niveau de radiations y est vraiment \u00e9lev\u00e9. Certains jeunes sapins ont une dr\u00f4le d’allure: ils ne ressemblent plus gu\u00e8re \u00e0 des arbres de No\u00ebl, leur sommet est plus large que leur base, parce que les radiations, \u00e0 doses non-l\u00e9thales, stimulent la croissance des plantes.<\/p>\n J’arrive \u00e0 la \u00ab\u00a0For\u00eat Rouge\u00a0\u00bb, \u00e0 deux ou trois kilom\u00e8tres du r\u00e9acteur d\u00e9truit, site qui a absorb\u00e9, au moment de l’accident, la plus grande densit\u00e9 de particules radioactives. En 1986, la radioactivit\u00e9 y \u00e9tait si intense qu’elle tua les feuilles des arbres -mais pas les aiguilles des pins, plus r\u00e9sistantes. Les feuilles, avant de tomber, devinrent d’un rouge brillant (\u00ab\u00a0superbe, juste comme en automne\u00a0\u00bb, devait me d\u00e9clarer plus tard, avec un sourire d\u00e9sabus\u00e9, un employ\u00e9 de la centrale). Le plutonium \u00e9tait si abondant que l’arm\u00e9e rasa la for\u00eat et enterra les troncs au bulldozer. Aujourd’hui, les arbres sont en train de repousser; ils atteignent d\u00e9j\u00e0 un \u00e0 deux m\u00e8tres de hauteur.<\/p>\n Je rep\u00e8re sur le sol sablonneux de nombreuses empreintes. Des li\u00e8vres notamment, lesquels s’enfuient \u00e0 travers les broussailles \u00e0 mon approche. D’\u00e9lans aussi, beaucoup plus grandes, sabots fendus. Plus loin, les traces confuses d’une famille de sangliers. Depuis que les hommes l’ont abandonn\u00e9e, la \u00ab\u00a0zone d’exclusion\u00a0\u00bb est devenue une r\u00e9serve de vie sauvage. Un rapport, publi\u00e9 chaque ann\u00e9e par le Centre International de Recherche \u00e0 Tchernobyl, montre que certaines populations animales y sont aujourd’hui dix fois plus nombreuses qu’en 1986. Il estime que vivent actuellement, dans la zone des trente kilom\u00e8tres, 3000 renards, 600 \u00e9lans, 450 chevreuils, 40 loups et quelque 3000 sangliers. Avant l’accident, les sangliers, sur-chass\u00e9s pour leur chair d\u00e9licate, avaient pratiquement disparu de la r\u00e9gion.<\/p>\n Lorsque les gens furent \u00e9vacu\u00e9s, la plupart des animaux domestiques, gravement contamin\u00e9s, furent abattus. Quelques-uns en r\u00e9chapp\u00e8rent cependant. D\u00e8s que des recherches scientifiques syst\u00e9matiques devinrent possibles, on cr\u00e9a pour eux, dans la zone d’exclusion, deux fermes exp\u00e9rimentales. Dans celle que je visite, \u00e0 quelques kilom\u00e8tres du r\u00e9acteur d\u00e9truit, je trouve un troupeau compos\u00e9 d’une trentaine de vaches et d’un taureau (nomm\u00e9 \u00ab\u00a0Uranium\u00a0\u00bb!), appartenant \u00e0 la troisi\u00e8me g\u00e9n\u00e9ration apr\u00e8s l’accident. Ces animaux ont \u00e9t\u00e9 nourris de fourrage hautement radioactif, cultiv\u00e9 sp\u00e9cialement dans la zone d’exclusion. Ces descendants du troupeau \u00ab\u00a0originel\u00a0\u00bb ne semblent souffrir pour l’instant d’aucun trouble particulier, sanitaire ou physique. M\u00eame constatation pour les descendants des porcs, des ch\u00e8vres, des chiens, des renards, des visons et des nombreuses autres esp\u00e8ces \u00e9lev\u00e9es au m\u00eame endroit.<\/p>\n Avant l’accident, le plus grand centre de population de la zone \u00e9tait Pripyat, une ville de plus de 40’000 habitants, construite pour accueillir les travailleurs appel\u00e9s pour construire et faire fonctionner les six r\u00e9acteurs, situ\u00e9s deux kilom\u00e8tres plus loin. Se promener dans cette ville est une exp\u00e9rience \u00e9trange. Les rues sont vides et silencieuses. Les portes des immeubles de cinq \u00e9tages sont grandes ouvertes, les rebords de fen\u00eatres et les toits couverts sont couverts d’herbes folles. Des couvertures et des meubles, des cuisini\u00e8res et des r\u00e9frig\u00e9rateurs, ont \u00e9t\u00e9 \u00e9parpill\u00e9s par des pillards, qui ont p\u00e9n\u00e9tr\u00e9 de nuit dans la zone interdite. Les rues sont d\u00e9gag\u00e9es, mais tout le reste est envahi par la mauvaise herbe locale, l’absinthe, Artemisia absinthium,<\/em>haute d’un m\u00e8tre. En russe, armoise se dit \u00ab\u00a0Tchernobyl\u00a0\u00bb.<\/p>\n Vide, silence… Mais pas tout \u00e0 fait. Les habitants \u00e9vacu\u00e9s en 1986 n’avaient pas \u00e9t\u00e9 autoris\u00e9s \u00e0 emmener leurs chats domestiques avec eux. Depuis lors, la population f\u00e9line de Pripyat a explos\u00e9. Sauvage, craintive, elle se terre au moindre bruit suspect dans le Grand H\u00f4tel du Parti Communiste, dans le Centre Sportif ou dans les immeubles abandonn\u00e9s.<\/p>\n Avant la catastrophe, quelque 130 000 personnes vivaient dans la zone d’exclusion: 135 000 furent \u00e9vacu\u00e9es, mais 2000, qui vivaient l\u00e0 bien avant la construction des r\u00e9acteurs et poss\u00e9daient un petit lopin, refus\u00e8rent obstin\u00e9ment de s’en aller. Faute d’emploi, ou parce que personne ne voulait de leurs r\u00e9coltes, nombre d’entre elles finirent par s’en aller quand m\u00eame. Si bien qu’il ne reste, aujourd’hui, dans la zone d’exclusion, que 700 habitants.<\/p>\n Je me rends avec mon interpr\u00e8te, Irene Zhilinskaya, dans le petit village d’Opachichi, l’un des 74 villages qui ont \u00e9t\u00e9 \u00e9vacu\u00e9s apr\u00e8s la trag\u00e9die. Les buissons commencent \u00e0 couvrir les maisons abandonn\u00e9es, les jardins sont redevenus sauvages, les vergers sont touffus et imp\u00e9n\u00e9trables. Une seule maison est habit\u00e9e, propre et bien rang\u00e9e. Nous y sommes re\u00e7us par Olga Kusherenko, sa propri\u00e9taire, apr\u00e8s qu’Ir\u00e8ne l’e\u00fbt assur\u00e9 que je n’\u00e9tais ni un fonctionnaire du gouvernement, ni un grad\u00e9 de l’arm\u00e9e, de la police ou du KGB. Olga me gratifie d’un sourire timide: \u00ab\u00a0Ah, vous venez du monde capitaliste?\u00a0\u00bb<\/p>\n Le soleil filtre \u00e0 travers le verger, poules et poussins grattent la poussi\u00e8re, des tulipes tardives ornent l’entr\u00e9e. Olga vit avec sa m\u00e8re. Toutes deux sont n\u00e9es dans cette maison et y ont grandi. Elles disent ne pas comprendre pourquoi l’on fait un tel foin avec l’affaire. Oui, elles ont \u00e9t\u00e9 \u00e9vacu\u00e9es, il y a un bon bout de temps, en 1986: \u00ab\u00a0Le jeune soldat qui avait frapp\u00e9 \u00e0 notre porte nous dit: Voil\u00e0, il y a l\u00e0 un bus, montez dedans, vous n’avez le droit d’emporter que ce que vous pouvez tenir dans vos bras. Il ne nous pas expliqu\u00e9 pourquoi. Nous n’avions jamais quitt\u00e9 la maison auparavant. Nous n’avons pas aim\u00e9 \u00e7a. Alors nous sommes revenues \u00e0 pied. Ca nous a pris deux semaines, nous avons march\u00e9 tout le temps dans la for\u00eat, pour \u00e9viter les gardes.\u00a0\u00bb<\/p>\n Olga dit avoir 61 ans, sa m\u00e8re en a 80. Non, sa m\u00e8re n’est pas l\u00e0 pour l’instant; il fait beau, elle est all\u00e9e travailler leurs champs. Un tracteur? Ne dites pas de b\u00eatises. Pas non plus de cheval, non, ni de charrue. \u00ab\u00a0Dans cette r\u00e9gion, loin des fermes collectives, loin de tout, nous avons toujours cultiv\u00e9 nos champs \u00e0 la main.\u00a0\u00bb Olga et sa m\u00e8re, avec leur porc, leurs poulets, leurs pommes de terre, leurs l\u00e9gumes et leurs arbres fruitiers, semblent vivre en compl\u00e8te autarcie. Olga ne se plaint que d’une chose: ses voisins sont tous partis, elle ne sait \u00e0 qui parler. \u00ab\u00a0Mais je vais bien. Dites, j’ai l’air bien, n’est-ce pas?\u00a0\u00bb.<\/p>\n Le niveau de radiations gamma autour de la maison d’Olga et de sa m\u00e8re varie entre 0.5 et 1.0 microsievert par heure, soit cinq fois la radiation naturelle moyenne de pays comme la Suisse ou la France. Le niveau de plutonium y d\u00e9passe 0.1 curie par kilom\u00e8tre carr\u00e9.<\/p>\n Un moment plus tard, Olga nous invite \u00e0 entrer dans la maison. Les fen\u00eatres sont petites, il fait sombre. Peu \u00e0 peu, je parviens \u00e0 distinguer les murs, qui sont tapiss\u00e9s de pages de magazines, des bouquets de lilas dans chaque pi\u00e8ce et un autel avec ses ic\u00f4nes et sa lampe allum\u00e9e. Partout des broderies, au mur, encadr\u00e9es comme des peintures, ou sur les meubles, qui figurent des fleurs, des animaux, des paysages, des dessins g\u00e9om\u00e9triques; certaines sont anciennes, d’autres sont des propres mains d’Olga. Avec son accord, je prends quelques photos. Sans penser, je lui fais compliment d’une broderie repr\u00e9sentant un bouquet de lilas; elle l’arrache de son cadre, l’enveloppe dans un prospectus de propagande \u00e9lectorale qu’on vient de glisser sous sa porte (\u00ab\u00a0Oh! non! Plus de politique!\u00a0\u00bb) et m’en fait cadeau. Une g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 spontan\u00e9e, sans cesse pr\u00e9sente en ex-Union sovi\u00e9tique. Olga nous embrasse chaleureusement, nous dit adieu, puis continue \u00e0 nous faire de grands signes de la main jusqu’\u00e0 ce qu’elle nous perde de vue.<\/p>\n Olga Kusherenko para\u00eet en \u00e9clatante sant\u00e9. Mais qu’en est-il des autres habitants de Tchernobyl? Chaque jour, quelque 12’000 personnes viennent travailler dans la zone d’exclusion, 3000 pour faire fonctionner les deux r\u00e9acteurs encore en service, le reste pour continuer de nettoyer la zone, sans rien dire des scientifiques qui \u00e9tudient l’environnement, les animaux et les gens.<\/p>\n Je ne suis pas m\u00e9decin, et ne puis que citer ceux qui le sont. Autour d’une table, au Centre de recherche de Tchernobyl, j’ai pos\u00e9 de nombreuses questions au professeur Nicolai Arkhipov, directeur de recherche, et \u00e0 sept de ses collaborateurs. Non, me dirent-ils, on n’a constat\u00e9 dans la population animale du territoire, aucune hausse anormale du nombre des naissances difformes. Pour ce qui est des \u00eatres humains, les femmes qui signalent leur grossesse sont imm\u00e9diatement \u00e9loign\u00e9es de la zone d’exclusion; en tout cas, aucune hausse anormale de d\u00e9fauts cong\u00e9nitaux n’a \u00e9t\u00e9 observ\u00e9es chez leurs enfants, pas plus d’ailleurs que chez les enfants n\u00e9s dans la campagne ukrainienne entourant la zone d’exclusion. Oui, il existe un nombre anormalement \u00e9lev\u00e9 de cancers de la thyro\u00efde, mais pas en Russie, ni en Ukraine, ni aux alentours de la zone d’exclusion: en Bi\u00e9lorussie. Non, on n’a pas observ\u00e9 d’accroissement des leuc\u00e9mies infantiles; en fait, dans les villages les plus contamin\u00e9s, ceux de la r\u00e9gion de Gomal, \u00e0 150 kilom\u00e8tres au nord, le taux de leuc\u00e9mies infantiles est aujourd’hui inf\u00e9rieur \u00e0 ce qu’il \u00e9tait avant l’accident. Quant aux 700 habitants qui n’ont jamais quitt\u00e9 la zone d’exclusion, leur sant\u00e9 est meilleure que la normale, me dit la doctoresse Ekaterina Ganja, m\u00e9decin-chef du Centre, pour la raison sans doute qu’ils ont \u00e9t\u00e9 suivis m\u00e9dicalement de tr\u00e8s pr\u00e8s depuis 1986.<\/p>\n La r\u00e9gion de Tchernobyl a par ailleurs \u00e9t\u00e9 l’objet de plusieurs \u00e9tudes m\u00e9dicales \u00e0 grande \u00e9chelle. L’Organisation Mondiale de la Sant\u00e9 (OMS) a mis sur pied en 1990 un \u00ab\u00a0Projet international Tchernobyl\u00a0\u00bb, auquel ont particip\u00e9 l’Union Europ\u00e9enne, l’Organisation des Nations-unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le Comit\u00e9 des Nations-unies pour l’\u00e9tude des effets des radiations atomiques, et l’Organisation Internationale du Travail. Sous la direction du professeur Itsuzo Shigemitsu, directeur, \u00e0 Hiroshima, de la Fondation pour la Recherche sur les effets des radiations, quelque 200 scientifiques appartenant aux principales institutions m\u00e9dicales de 25 pays ont travaill\u00e9 dans la r\u00e9gion de Tchernobyl en 1990 et 1991. Leur rapport final conclut ceci: \u00ab\u00a0Nous avons trouv\u00e9, dans les populations de la zone contamin\u00e9e et des zones de contr\u00f4le [les zones de contr\u00f4le sont situ\u00e9es dans des r\u00e9gions n’ayant pu \u00eatre contamin\u00e9es par l’accident de Tchernobyl], des probl\u00e8mes sanitaires importants, mais qui ne sont pas li\u00e9s \u00e0 un ph\u00e9nom\u00e8ne d’irradiation. Nous n’avons pas trouv\u00e9 de probl\u00e8mes sanitaires attribuables directement \u00e0 un ph\u00e9nom\u00e8ne d’irradiation.\u00a0\u00bb La Ligue des Soci\u00e9t\u00e9s de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge a r\u00e9alis\u00e9, elle aussi, \u00e0 la m\u00eame \u00e9poque, une \u00e9tude qui concluait que les probl\u00e8mes sanitaires relev\u00e9s \u00ab\u00a0ne d\u00e9coulent pas de l’exposition aux radiations, m\u00eame si le public et un certain nombre de m\u00e9decins sont convaincus du contraire. [Nous avons constat\u00e9 en revanche que] le stress psychologique et l’anxi\u00e9t\u00e9 des gens [cons\u00e9cutifs \u00e0 l’accident] a provoqu\u00e9 chez eux des sympt\u00f4mes physiques et affect\u00e9 leur sant\u00e9 de plusieurs mani\u00e8res.\u00a0\u00bb<\/p>\n Il est clair que Tchernobyl a \u00e9t\u00e9, pour une population tr\u00e8s nombreuse, et pour toute une nation, un d\u00e9sastre de premi\u00e8re grandeur. Un d\u00e9sastre social, culturel, industriel, \u00e9conomique, oui, mais pas un d\u00e9sastre \u00e9cologique, puisque la vie sauvage, les animaux, les plantes n’en ont subi pratiquement aucun dommage. Et que les \u00eatres humains n’ont pas souffert (ou pas encore souffert) de maux de sant\u00e9 directement li\u00e9s \u00e0 l’irradiation.<\/p>\n Le personnel charg\u00e9 du nettoyage de la zone d’exclusion est inquiet, cependant. Les efforts de recherche scientifique qui devraient y \u00eatre conduits de fa\u00e7on urgente sont si consid\u00e9rables, et les ressources d\u00e9gag\u00e9es pour le faire si faibles, qu’ils ont le sentiment de se trouver confront\u00e9s \u00e0 une mission impossible. Le professeur Nicolai Arkhipov nous a fait remarquer que la majorit\u00e9 de ses coll\u00e8gues et lui-m\u00eame sont des volontaires. Les instituts scientifiques russes et ukrainiens responsables de la recherche radio\u00e9cologique \u00e0 Tchernobyl connaissent aujourd’hui de graves difficult\u00e9s financi\u00e8res. Les travaux qu’ils ont entrepris ont souffert en outre de la discorde entre la Russie et les autres r\u00e9publiques de l’ex-URSS. La perspective d’une remise en \u00e9tat du site est menac\u00e9e, comme la possibilit\u00e9 de tirer du d\u00e9sastre quelques le\u00e7ons utiles.<\/p>\n Il semble pourtant \u00e9vident que l’accident de Tchernobyl devrait servir au moins \u00e0 une \u00e9tude en profondeur des cons\u00e9quences qu’entra\u00eene la destruction d’une grande centrale nucl\u00e9aire. Une \u00ab\u00a0exp\u00e9rience involontaire\u00a0\u00bb d’un tel ordre de grandeur, qui a affect\u00e9 la plan\u00e8te enti\u00e8re, de mani\u00e8re aussi bien environnementale que sociale, m\u00e9dicale, \u00e9conomique et psychologique, est unique en effet. Or malgr\u00e9 cela, l’apr\u00e8s-Tchernobyl est une histoire de t\u00e2tonnements, de manque d’exp\u00e9rience, d’absence de connaissances de base.<\/p>\n Il serait tragique que le monde n\u00e9glige de se donner les moyens d’\u00e9valuer cet accident scientifiquement, et jusque dans ses derniers d\u00e9tails. Si, ce qu’\u00e0 Dieu ne plaise, une irradiation importante devait se produire \u00e0 nouveau, quelque part dans le monde, que ce soit par la faute d’un autre accident de r\u00e9acteur ou \u00e0 cause d’une attaque atomique, il serait \u00e9videmment vital que nous disposions alors d’une importante expertise de terrain.<\/p>\n Et puis, il y a autre chose. L’accident de Tchernobyl est devenu, pour beaucoup de gens, le symbole m\u00eame des dangers mortels de la puissance nucl\u00e9aire civile. Or, on l’a vu, de ce que l’on sait maintenant de l’accident de Tchernobyl, cette crainte est infond\u00e9e.<\/p>\n Il serait donc tragique que cette crainte retienne le monde de d\u00e9velopper sa capacit\u00e9 de g\u00e9n\u00e9rer de l’\u00e9lectricit\u00e9 nucl\u00e9aires. Cette \u00e9nergie sera en effet essentielle si l’on veut \u00e9viter que les hommes du XXIe si\u00e8cle ne soient condamn\u00e9s \u00e0 de r\u00e9elles catastrophes. Il y a aujourd’hui, sur la Terre, pr\u00e8s de 6 milliards d’habitants; on estime qu’il y en aura 10 milliards en 2030. Si nous voulons qu’\u00e0 cette date la population de la plan\u00e8te jouisse simplement du m\u00eame niveau de vie qu’aujourd’hui, il nous faudra doubler d’ici l\u00e0 notre production d’\u00e9nergie. Plus encore: si l’on veut qu’en 2030 les pays du tiers monde jouissent d’un niveau de vie approchant celui du monde occidental, il nous faudra non pas doubler, mais quadrupler, d’ici l\u00e0, notre production d’\u00e9nergie.<\/p>\n Moins pour faire rouler nos voitures ou tourner nos ordinateurs-joujoux, que pour chauffer nos maisons et cuire nos aliments le jour o\u00f9 les for\u00eats auront disparu de la surface de la Terre, pour synth\u00e9tiser les engrais qui nous permettront de mettre en culture de sols aujourd’hui inutilisables, pour faire fonctionner nos tracteurs et nos syst\u00e8mes d’irrigation. A d\u00e9faut de quoi, la vie humaine se d\u00e9gradera \u00e0 une vitesse tragique et dangereuse, dont nous n’avons aujourd’hui aucune id\u00e9e.<\/p>\n En 2030, les r\u00e9serves de p\u00e9trole de la plan\u00e8te seront en voie d’\u00e9puisement. Le charbon, pollue et aggrave l’effet de serre, raisons pour lesquelles les Sommets de l’environnement de Rio (1992) et de Berlin (1995) ont exig\u00e9 que l’on cesse d’en br\u00fbler autant. Ne reste donc, comme moyen de g\u00e9n\u00e9rer les quantit\u00e9s massives d’\u00e9nergie dont nous allons avoir besoin, que le nucl\u00e9aire.<\/p>\n Tchernobyl nous enseigne une rude le\u00e7on sur les dangers de conceptions au rabais, d’organisations miteuses et de surveillances laxistes. Mais cette le\u00e7on, pour am\u00e8re qu’elle soit, ne doit pas nous inciter \u00e0 renoncer \u00e0 l’avenir.<\/p>\n \u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 66, Gen\u00e8ve, octobre 1995.<\/p>\n ADDENDA<\/strong><\/p>\n Rappel des faits<\/strong><\/p>\n Le 26 avril 1986, \u00e0 01h 23, une explosion d\u00e9truisit le r\u00e9acteur no 4 de la centrale \u00e9lectronucl\u00e9aire de Tchernobyl, soulevant presque verticalement la dalle sup\u00e9rieure du r\u00e9acteur, qui p\u00e8se 2000 tonnes. Tous les tubes de force contenant les grappes de combustible furent rompus, une partie du coeur du r\u00e9acteur fut projet\u00e9e autour de l’installation et sur les b\u00e2timents voisins. Les rejets, entretenus par la combustion du graphite, dur\u00e8rent 10 jours, jusqu’au comblement du \u00ab\u00a0trou\u00a0\u00bb du r\u00e9acteur par des mat\u00e9riaux (sable, bore, plomb) largu\u00e9s par des h\u00e9licopt\u00e8res. Plus de 1,8 milliard de becquerels de produits de fission furent propag\u00e9s par le vent qui soufflait du sud au nord. Le panache radioactif toucha s\u00e9v\u00e8rement le nord de l’Ukraine, le sud de la Bi\u00e9lorussie et de la Russie.<\/p>\n Un \u00ab\u00a0sarcophage\u00a0\u00bb pourri<\/strong><\/p>\n Dans la semaine qui suivit l’accident, 135 000 personnes furent \u00e9vacu\u00e9es. Dans les premiers mois suivant l’accident, les interventions consist\u00e8rent essentiellement \u00e0 regrouper dans le r\u00e9acteur et autour de lui les d\u00e9bris radioactifs les plus importants. Ce combustible fut alors confin\u00e9 dans un \u00ab\u00a0sarcophage\u00a0\u00bb de b\u00e9ton et d’acier de 50 m\u00e8tres de haut, achev\u00e9 en novembre 1986. En 1991, le r\u00e9acteur no 2 fut arr\u00eat\u00e9 \u00e0 la suite d’un incendie. Les r\u00e9acteurs 1 et 3 n’ont jamais cess\u00e9 de fonctionner.<\/p>\n Le \u00ab\u00a0sarcophage\u00a0\u00bb construit \u00e0 la h\u00e2te dans des conditions extr\u00eamement difficiles, pr\u00e9sente de nombreux d\u00e9fauts: le toit fait de t\u00f4les n’est pas \u00e9tanche et repose, par l’interm\u00e9diaire d’une longue poutre m\u00e9tallique, sur des appuis appartenant au b\u00e2timent d’origine, qui ne sont pas stables. Le mur s\u00e9parant le sarcophage du b\u00e2timent interm\u00e9diaire qui le relie \u00e0 l’unit\u00e9 3 toujours en fonction est \u00e9galement instable, comme le sont d’autres \u00e9l\u00e9ments de la structure interne du b\u00e2timent.<\/p>\n Un magma radioactif \u00ab\u00a0irrigu\u00e9\u00a0\u00bb<\/strong><\/p>\n Le combustible rest\u00e9 dans le r\u00e9acteur pendant l’explosion a coul\u00e9 dans le fond du b\u00e2timent sous forme de lave, et se transforme actuellement en poudre. Par les fuites du toit et la condensation, des milliers de m\u00e8tres cubes d’eau traversent le magma radioactif. Il n’est pas certain que la dalle inf\u00e9rieure en b\u00e9ton du r\u00e9acteur soit \u00e9tanche. La nappe phr\u00e9atique se situe \u00e0 un m\u00e8tre en dessous de cette dalle.<\/p>\n Les experts estiment que 5% seulement des \u00e9l\u00e9ments radioactifs pr\u00e9sents dans le coeur du r\u00e9acteur au moment de l’explosion ont \u00e9t\u00e9 projet\u00e9s au loin. Il est tr\u00e8s difficile d’estimer la quantit\u00e9 de combustible qui est rest\u00e9 dans le coeur, et, selon les mesures, les \u00e9carts sont consid\u00e9rables. Les valeurs probables sont comprises entre 120 et 140 tonnes sur les 190 tonnes d’origine. Les 50 tonnes manquantes furent projet\u00e9es autour de la centrale et une grande partie fut enfouie au bulldozer autour du \u00ab\u00a0sarcophage\u00a0\u00bb et dans les 800 fosses de stockage.<\/p>\n La grande quantit\u00e9 d’eau qui fut d\u00e9vers\u00e9e sur le r\u00e9acteur apr\u00e8s l’accident a \u00e9t\u00e9 pomp\u00e9e et d\u00e9vers\u00e9e dans le bassin artificiel utilis\u00e9 pour le refroidissement des r\u00e9acteurs de Tchernobyl. La radioactivit\u00e9 s’est concentr\u00e9e dans les s\u00e9diments au fond du bassin et s’\u00e9coule au rythme de plusieurs centim\u00e8tres par an vers la rivi\u00e8re.<\/p>\n La centrale est morte, vive la centrale!<\/strong><\/p>\n Le 27 mai 1995, un consortium international men\u00e9 par la multinationale helv\u00e9tico-su\u00e9doise ABB, avec Kawasaki (Japon), CMS (\u00c9tats-Unis), Shanska (Su\u00e8de), Mannesbaum Anlagenbau (Allemagne) et Danish Power (Danemark), a sign\u00e9 avec le gouvernement ukrainien a sign\u00e9 un accord pour le remplacement de la centrale nucl\u00e9aire de Tchernobyl par une centrale au gaz dans un d\u00e9lai de trois ans. Plusieurs compagnies ukrainiennes participeront \u00e9galement au consortium . Cette reconversion, rapide et peu co\u00fbteuse, devrait fournir du travail \u00e0 6000 personnes en Ukraine.<\/em><\/p>\n ABB n’est pas novice en la mati\u00e8re, puisqu’elle a d\u00e9j\u00e0 reconverti deux centrales nucl\u00e9aires en centrales \u00e0 \u00e9nergie fossile, \u00e0 Midland Power Plant et Zimmer Power Plant, aux \u00c9tats-Unis, en r\u00e9utilisant autant que possible l’\u00e9quipement des centrales nucl\u00e9aires pour l’exploitation de la nouvelle centrale. ABB est d\u00e9j\u00e0 install\u00e9e en Russie et dans la CEI, o\u00f9 elle poss\u00e8de 60 usines employant environ 20’000 personnes.<\/p>\n Sources: Tchernobyl 9 ans apr\u00e8s,<\/strong> par l’Institut fran\u00e7ais de s\u00fbret\u00e9 et de protection nucl\u00e9aire. Paris, 1995, et ABB.<\/p>\n CONTREPOINT<\/p>\n <\/p>\n De quelques cons\u00e9quences m\u00e9dicales de la catastrophe<\/strong><\/p>\n Dans la centrale m\u00eame, trois personnes ont p\u00e9ri par traumatisme et br\u00fblures au moment de l’explosion. Parmi les sauveteurs qui sont intervenus juste apr\u00e8s la catastrophe, 237 ont \u00e9t\u00e9 hospitalis\u00e9s pour un syndrome aigu d’irradiation et 28 sont morts quelques semaines plus tard. On ne conna\u00eet pas l’\u00e9tat de sant\u00e9 actuel des survivants.<\/p>\n Les \u00ab\u00a0liquidateurs\u00a0\u00bb<\/strong><\/p>\n Le sort des personnes ayant particip\u00e9 ult\u00e9rieurement aux t\u00e2ches d’assainissement dans le p\u00e9rim\u00e8tre de 30 km autour de la centrale (les liquidateurs) est \u00e9galement incertain. Leur nombre officiel, de 600’000 \u00e0 800’000, originaires d’Ukraine, de Russie, de Bi\u00e9lorussie et des pays baltes, est actuellement revu \u00e0 la baisse par les gouvernements respectifs, le statut de liquidateur, qui donne certains avantages, un suivi m\u00e9dical r\u00e9gulier notamment, co\u00fbtant cher aux autorit\u00e9s. Quelles que soient les populations de r\u00e9f\u00e9rence prises par les diff\u00e9rents experts de la CEI, aucune surmortalit\u00e9 n’est actuellement rapport\u00e9e chez les \u00ab\u00a0liquidateurs\u00a0\u00bb. Un rapport publi\u00e9 en 1994 a m\u00eame trouv\u00e9, dans un groupe de 140 000 liquidateurs, une mortalit\u00e9 inf\u00e9rieure \u00e0 celle de la population t\u00e9moin. En revanche, la plupart des recherches ont mis en \u00e9vidence, dans ces groupes, une augmentation importante des affections habituelles de la population g\u00e9n\u00e9rales (maladies cardio-vasculaires et digestives, bronchites chroniques, rhumatisme articulaire), une fr\u00e9quence inhabituelle de d\u00e9sordres neuro-psychologiques et un vieillissement acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 de l’organisme.<\/p>\n Les enfants<\/strong><\/p>\n L’un des effets marquants de la catastrophe de Tchernobyl est l’augmentation des cancers de la thyro\u00efde en Bi\u00e9lorussie, en Ukraine et en Russie. Une forte augmentation des cancers chez l’enfant a \u00e9t\u00e9 d\u00e9tect\u00e9e en Bi\u00e9lorussie d\u00e8s 1989-1990, ensuite en Ukraine, plus r\u00e9cemment dans une des zones contamin\u00e9es de Russie, la r\u00e9gion de Briansk. De nombreuses recherches m\u00e9dicales et \u00e9pid\u00e9miologiques ont \u00e9t\u00e9 men\u00e9es en Bi\u00e9lorussie, en particulier par le professeur Theodor Abellin, directeur de l’Institut de M\u00e9decine sociale et pr\u00e9ventive de l’Universit\u00e9 de Berne et expert de l’OMS. Parce que le cancer de la thyro\u00efde chez l’enfant est particuli\u00e8rement agressif, qu’il se manifeste rapidement et que sa d\u00e9tection clinique est ais\u00e9e, le professeur Abellin consid\u00e8re que l’on ne saurait attribuer l’augmentation constat\u00e9e \u00e0 la seule mise en place de campagnes de d\u00e9pistage.<\/p>\n Entre 1986 et 1994, les m\u00e9decins ont diagnostiqu\u00e9 dans les r\u00e9gions contamin\u00e9es 333 nouveaux cas de cancer chez l’enfant. Ce qui signifie que le taux de cancer de la thyro\u00efde chez les enfants \u00e2g\u00e9s de moins de 15 ans en 1986 a \u00e9t\u00e9 multipli\u00e9 par 30 depuis la catastrophe de Tchernobyl.<\/p>\n Pour l’ensemble de la Bi\u00e9lorussie, le taux de cancer est actuellement de 3,06 pour 100’000 enfants, alors que le taux naturel (celui des pays baltes par exemple) est de 0,1 cas pour 100’000 enfants. Dans la r\u00e9gion de Gomel, o\u00f9 les retomb\u00e9es radioactives furent particuli\u00e8rement importantes, le taux varie entre 8,39 et 13,08 pour 100 000 enfants. Le taux de cancer de la thyro\u00efde chez les adultes a \u00e9t\u00e9 multipli\u00e9 par trois. En Ukraine, les m\u00e9decins ont diagnostiqu\u00e9 entre 1986 et 1994 quelque 200 cas dans les cinq r\u00e9gions les plus contamin\u00e9es situ\u00e9es au nord du pays, soit un taux 10 fois sup\u00e9rieur \u00e0 celui des ann\u00e9es pr\u00e9c\u00e9dentes. En Russie, 120 nouveaux cancers ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9tect\u00e9es entre 1990 et 1994, mais les donn\u00e9es sont, l\u00e0, plus lacunaires.<\/p>\n Apr\u00e8s la catastrophe, les scientifiques s’attendaient par ailleurs \u00e0 une forte augmentation des cancers solides et des leuc\u00e9mies, en raison de la sensibilit\u00e9 de la moelle osseuse aux rayonnements. A ce jour, cependant, aucun exc\u00e8s de ce type de cancers n’a \u00e9t\u00e9 mis en \u00e9vidence, \u00e9ventuellement \u00e0 cause de l’absence de statistiques fiables et comparables.<\/p>\n En revanche, les cons\u00e9quences psychosociales de la catastrophe de Tchernobyl – insomnies, fatigues chroniques, \u00e9tats d\u00e9pressifs et autres maladies induites par le stress – constituent un probl\u00e8me majeur pour les trois r\u00e9publiques concern\u00e9es.<\/p>\n Point de vue \u00e9troit Le jugement port\u00e9 sur les cons\u00e9quences sanitaires de l’accident de Tchernobyl d\u00e9pend du point de vue adopt\u00e9.<\/p>\n Si, comme les d\u00e9fenseurs du nucl\u00e9aire, l’on compte comme victimes les seules personnes atteintes aujourd’hui dans leur sant\u00e9, les chiffres sont relativement faibles, pas sup\u00e9rieurs en tout cas \u00e0 ceux relev\u00e9s dans d’autres catastrophes technologiques ou naturelles.<\/p>\n Si l’on se fonde en revanche sur la d\u00e9finition de l’OMS selon laquelle \u00ab\u00a0la sant\u00e9 est un \u00e9tat complet de bien-\u00eatre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmit\u00e9\u00a0\u00bb, le nombre de victimes de Tchernobyl est tr\u00e8s \u00e9lev\u00e9: la catastrophe a eu un effet d\u00e9stabilisateur global sur la soci\u00e9t\u00e9; des millions de personnes ont \u00e9t\u00e9 irradi\u00e9es \u00e0 doses faibles, des centaines de milliers \u00e0 doses plus \u00e9lev\u00e9es. Or \u00e0 moyenne ou faible dose, la radioactivit\u00e9 choisit ses victimes au hasard, les risques se transmettant aux g\u00e9n\u00e9rations futures. Une menace plane donc constamment sur la population affect\u00e9e, qui vit dans un \u00e9tat de stress post-traumatique caract\u00e9ris\u00e9 par une grande anxi\u00e9t\u00e9, des d\u00e9pressions, des troubles du sommeil, des fatigues chroniques, des maladies physiques ou psychosomatiques, des r\u00e9alit\u00e9s m\u00e9dicales qui n\u00e9cessitent des soins. A quoi il faut ajouter que 130 000 personnes ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9plac\u00e9es qui, en plus d’avoir tout perdu, y compris l’espoir de retourner chez elles, se sentent ostracis\u00e9es par leurs nouveaux voisins, jaloux des avantages (rations alimentaires suppl\u00e9mentaires, suivi m\u00e9dical) dont elles b\u00e9n\u00e9ficient.<\/p>\n Sources: Tchernobyl 9 ans apr\u00e8s<\/strong> SOCI\u00c9T\u00c9 A Tchernobyl les hommes, les animaux, les plantes vivent mieux qu’avant le d\u00e9sastre Par Eric Voice Eric Voice, docteur \u00e8s sciences, sp\u00e9cialiste en biochimie, radio-chimie et physique nucl\u00e9aire, a visit\u00e9 Tchernobyl pour le compte de l’Acad\u00e9mie russe des sciences, de l’Universit\u00e9 d’Essex et du Comit\u00e9 pour l’\u00e9tude du cheminement \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1771,"parent":596,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-614","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/614","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=614"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/614\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1772,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/614\/revisions\/1772"}],"up":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/596"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1771"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=614"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}Au printemps, Tchernobyl est irr\u00e9sistible. Assis dans les bois, je prends le soleil. Pissenlits et tussilages piquent l’herbe brillante, un pommier sauvage est en fleurs, pins et bouleaux argent\u00e9s portent d\u00e9j\u00e0 leur feuillage d’\u00e9t\u00e9. Au sommet d’un arbre, une cigale lance son chant<\/p>\n
Tchernobyl, 26 avril 1986, 01 h 23…<\/h3>\n
<\/h2>\n
A Tchernobyl,
\naujourd’hui, tout n’est pas si rose<\/h3>\n
\nou point de vue large<\/strong><\/p>\n
\n(Institut de protection et de s\u00fbret\u00e9 nucl\u00e9aire, Paris 1995), et conf\u00e9rence du Dr Jacques Moser (Lausanne) sur\u00ab\u00a0les aspects m\u00e9dicaux et psychosociaux de la catastrophe de Tchernobyl\u00a0\u00bb,<\/em> Universit\u00e9 de Gen\u00e8ve, 1995.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"