{"id":596,"date":"2015-01-05T21:19:46","date_gmt":"2015-01-05T20:19:46","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=596"},"modified":"2015-01-25T01:35:35","modified_gmt":"2015-01-25T00:35:35","slug":"fin-des-grandes-chaines-tv-dossier","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=596","title":{"rendered":"T\u00e9l\u00e9-dissolution"},"content":{"rendered":"
La t\u00e9l\u00e9vision est en train de se dissoudre. Pas de dispara\u00eetre. De se dissoudre.<\/p>\n
Jusqu’ici, seule capable de produire et de diffuser des images, elle \u00e9tait une puissance de plein droit. Un \u00c9tat dans l’\u00c9tat, qui faisait trembler les forts et donnait du courage aux faibles.<\/p>\n
Mais par l’effet d’une technologie de moins en moins co\u00fbteuse et de plus en plus universelle, chacun, ou presque, va pouvoir produire et transmettre des images, dont l’offre explose d\u00e9j\u00e0. Ces images ne sont plus, \u00e0 proprement parler, des \u00ab\u00a0programmes\u00a0\u00bb, mais un mat\u00e9riau brut \u00e0 usage g\u00e9n\u00e9ral, de l’eau sortant d’un robinet.<\/p>\n
De ce mat\u00e9riau, vous ferez ce que vous voudrez… ou ce que vous pourrez. Il est possible qu’affal\u00e9 dans votre fauteuil, vous vous contentiez de le regarder en l’\u00e9tat. Mais aussi que vous vous amusiez \u00e0 le retravailler dans votre ordinateur, histoire d’en d\u00e9tourner les images, que ce soit pour cr\u00e9er vos propres films vid\u00e9o, pour animer vos messages sur Internet, pour imprimer tel visage \u00ab\u00a0piqu\u00e9\u00a0\u00bb au t\u00e9l\u00e9journal dans une bulletin d’association ou en \u00e9gayer le fax que vous envoyez \u00e0 votre vieille tante.<\/p>\n
La vraie nouveaut\u00e9 technologique est que le m\u00eame jus digital est sur le point de couler dans les t\u00e9l\u00e9s, les ordinateurs, les r\u00e9seaux Internet, les t\u00e9l\u00e9phones, les faxes, les enregistreurs audio ou vid\u00e9o, et pourra donc y v\u00e9hiculer \u00e0 bas co\u00fbt les m\u00eames images, le m\u00eame son, les m\u00eames infos.<\/p>\n
Jusqu’au jour o\u00f9 adviendra le grand m\u00e9lange, la grande indistinction, le grand salmigondis. Ce jour-l\u00e0, les \u00ab\u00a0cha\u00eenes de t\u00e9l\u00e9\u00a0\u00bb – programmes complets, g\u00e9n\u00e9ralistes, institutionnels – n’auront pas plus de chances de survivre que les dinosaures de l’\u00e9poque des grands cataclysmes. C’est en tout cas ce que disent ou sous-entendent, ce qu’esp\u00e8rent ou craignent, les auteurs de ce \u00ab\u00a0sp\u00e9cial business\u00a0\u00bb consacr\u00e9 au devenir de la t\u00e9l\u00e9vision.<\/p>\n
A vous de voir… Bonne lecture.<\/p>\n
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A la niche banale<\/strong><\/p>\n Il y a un demi-si\u00e8cle, lorsque la t\u00e9l\u00e9vision est apparue, le fin du fin \u00e9tait de m\u00e9priser ce vilain petit canard, qui venait troubler un monde jusque l\u00e0 ordonn\u00e9 par les grands journaux et les grandes stations de radio.<\/p>\n Une d\u00e9cennie plus tard, cependant, le public tombait amoureux du nouveau m\u00e9dium. Il devint donc un enjeu de pouvoir. \u00ab\u00a0Tenir la t\u00e9l\u00e9\u00a0\u00bb, disait-on, c’est tenir le monde, et l’on entreprit de s’en disputer la ma\u00eetrise symbolique.<\/p>\n Aujourd’hui, nouveau virage: la t\u00e9l\u00e9 est sur le point d’entrer en banalit\u00e9. Lorsque ce sera fait, elle restera certes importante, mais sans plus, comme la presse, comme le fax, comme le turmix, comme les scanners, comme la dance music<\/em>, comme trente-six autres inventions qui, au cours de ce si\u00e8cle, ont bouscul\u00e9 nos vies. Et elle finira un jour par se trouver une niche dans le march\u00e9, banale peut-\u00eatre, mais spacieuse.<\/p>\n Public, publicitaires et gouvernements se sont d\u00e9j\u00e0 faits \u00e0 cette id\u00e9e. Seuls y opposent encore quelque r\u00e9sistance les professionnels de la t\u00e9l\u00e9vision, d\u00e9fris\u00e9s par l’affadissement de leur r\u00f4le social, et les intellos (dont je suis, je le confesse), frustr\u00e9s par la tomb\u00e9e en insignifiance de leur t\u00eate de Turc pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e.<\/p>\n Cette \u00e9volution est naturelle.<\/p>\n Si je puis risquer une m\u00e9taphore: le cerveau de l’homme est comme une bo\u00eete qui ne peut contenir \u00ab\u00a0plus que plus\u00a0\u00bb. Si on la remplit trop, le mat\u00e9riau nouveau chasse le mat\u00e9riau plus ancien. Il y a donc, pour remplir cette bo\u00eete, comp\u00e9tition permanente. Comp\u00e9tition entre nos sensations et nos exp\u00e9riences; les d\u00e9clarations, les cris, les discours de nos coll\u00e8gues ou de nos patrons; les choses que nous lisons dans les rapports, les faxes ou la presse; les bruits que nous entendons \u00e0 la radio ou \u00e0 la caf\u00e9t\u00e9ria; les nouveaut\u00e9s que nous d\u00e9couvrons dans la rue ou \u00e0 la t\u00e9l\u00e9.<\/p>\n Au bout du compte, occupent majoritairement notre cerveau les nouveaut\u00e9s qui nous offrent de bons rapports quantit\u00e9-prix et qualit\u00e9-prix. Comme les abeilles, qui s’efforcent de r\u00e9colter un maximum de nectar en d\u00e9pensant un minimum d’\u00e9nergie, nous sommes en permanence attentifs \u00e0 ne pas d\u00e9penser plus qu’il ne faut pour emplir nos petites t\u00eates.<\/p>\n Si l’on comparait ce que co\u00fbte une heure de \u00ab\u00a0remplissage\u00a0\u00bb de notre cerveau: par la lecture d’un journal; par l’\u00e9coute de la radio; par une demi-\u00e9coute radio combin\u00e9e avec une demi-lecture de journal; par la vision d’un programme de t\u00e9l\u00e9; par des c\u00e2lins partag\u00e9s avec madame; par la participation \u00e0 un congr\u00e8s savant; par une balade dans les champs; par un gai papotis entre amis, on verrait que, pour ce qui est des media, le co\u00fbt d’un \u00ab\u00a0remplissage\u00a0\u00bb par la t\u00e9l\u00e9 est parmi les plus bas qui soient. Cela suffit \u00e0 expliquer le succ\u00e8s d’audience foudroyant de ce m\u00e9dium \u2039 qui n’est pas sans rappeler le d\u00e9marrage fulgurant des ventes de yogourts, du jour o\u00f9 la Migros commen\u00e7a \u00e0 les proposer \u00e0 des prix deux fois plus bas que votre laiterie de quartier.<\/p>\n Mais le temps est r\u00e9volu, je le r\u00e9p\u00e8te, o\u00f9 la t\u00e9l\u00e9, \u00ab\u00a0dominatrice et s\u00fbre d’elle\u00a0\u00bb, occupait dans nos pr\u00e9occupations et dans nos t\u00eates une place pr\u00e9pond\u00e9rante. Je vois au moins deux causes \u00e0 ce recul. Primo, parce que la t\u00e9l\u00e9 augmente sans cesse ses prix et donc d\u00e9pla\u00eet. Secundo, parce que de nouveaux media, plus dr\u00f4les et moins cher, la poussent peu \u00e0 peu dans le foss\u00e9.<\/p>\n Ses prix, la t\u00e9l\u00e9 les augmente de mille mani\u00e8res. Elle exige des pouvoirs publics qu’ils rel\u00e8vent le niveau de la redevance obligatoire. Elle vend au public certains de ses services. Elle fait payer des \u00ab\u00a0suppl\u00e9ments\u00a0\u00bb pour certains de ses programmes (cha\u00eenes crypt\u00e9es, Pay TV). Elle hausse ses tarifs de publicit\u00e9. Dans ces conditions, elle s\u00e9duit \u00e9videmment moins qu’au temps o\u00f9 elle \u00e9tait presque gratuite.<\/p>\n Quant aux media qui commencent \u00e0 lui faire de l’ombre, ils sont eux aussi \u00e9lectroniques: jeux vid\u00e9o, exploration d’espaces virtuels, ou bien s\u00fbr navigation sur Internet, ce r\u00e9seau \u00e0 travers lequel des millions de gens \u00e9parpill\u00e9s sur la surface de la plan\u00e8te peuvent \u00e9changer informations, courriers et points de vue pour un prix d’une modestie effarante. Il est d’ailleurs int\u00e9ressant d’observer qu’Internet suit, quarante ans apr\u00e8s la t\u00e9l\u00e9, la m\u00eame courbe qu’elle, fascinant les journalistes et autres intellectuels, interpellant les foules, attirant sur son pouvoir suppos\u00e9 les foudres des censeurs gouvernementaux…<\/p>\n Au terme de cette \u00e9volution, on pourra parler de t\u00e9l\u00e9 sans sortir drapeaux, principes, insultes et couteaux de boucher. En parler tranquillement, raisonnablement, comme l’on parle des qualit\u00e9s d’un tableau, du prix du mazout ou de la conscience professionnelle des postiers.<\/p>\n Bient\u00f4t, mais pas encore tout \u00e0 fait. A preuve, ce num\u00e9ro.<\/p>\n Claude Monnier<\/p>\n<\/div>\n \u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 66, Gen\u00e8ve, octobre 1995.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" T\u00c9L\u00c9-DISSOLUTION La t\u00e9l\u00e9vision est en train de se dissoudre. Pas de dispara\u00eetre. De se dissoudre. 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