{"id":556,"date":"2015-01-05T11:39:14","date_gmt":"2015-01-05T10:39:14","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=556"},"modified":"2015-01-19T23:29:19","modified_gmt":"2015-01-19T22:29:19","slug":"mefiez-vous-des-predictions-dossier","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=556","title":{"rendered":"M\u00e9fiez-vous des pr\u00e9dictions – dossier"},"content":{"rendered":"
<\/p>\n
Vous \u00eates un industriel fonceur, vous voulez grandir. Vous avez achet\u00e9 une invention sensationnelle. Mais avant de la jeter sur le march\u00e9, vous h\u00e9sitez. Des millions sont en jeu. Si l’affaire marche, ce sera le pactole. Si elle \u00e9choue, la ruine. Vous donneriez n’importe quoi pour savoir ce que l’avenir vous r\u00e9serve.<\/p>\n
<\/p>\n
Mais comment faire? Confier votre probl\u00e8me \u00e0 des gourous-experts? A Dame-Soleil? Ne vous fier qu’\u00e0 votre flair? Foncer \u00e0 l’aveugle (comme Napol\u00e9on qui disait, avant la campagne de Russie: \u00ab\u00a0On s’engage, et puis on voit\u00a0\u00bb)?<\/p>\n
Ou alors, y a-t-il quelque part des techniques permettant de d\u00e9busquer l’avenir malgr\u00e9 tout? De ruser au moins avec lui, de le contourner, de le doubler?<\/p>\n
En un \u00e2ge o\u00f9 tout change tr\u00e8s vite, ces questions sont vitales pour chacun de nous. Ce num\u00e9ro sp\u00e9cial, dont la partie centrale a \u00e9t\u00e9 confi\u00e9e \u00e0 Steven Schnaars, professeur associ\u00e9 de marketing \u00e0 la City University de New York, vous aidera, croyons-nous, \u00e0 forger vos propres r\u00e9ponses, lesquelles, dans la pratique, sont, on le sait bien, les seules qui comptent.<\/p>\n
Alors, bonnes pr\u00e9visions, et bonne lecture.<\/p>\n
R\u00c9FLEXION<\/p>\n
Le titre de ce num\u00e9ro sp\u00e9cial est sans ambigu\u00eft\u00e9. Il dit aux industriels, aux commer\u00e7ants, aux hommes d’affaires, \u00e0 chacun: \u00ab\u00a0M\u00e9fiez-vous des pr\u00e9dictions!\u00a0\u00bb<\/p>\n
Mais peut-on s’en m\u00e9fier vraiment?<\/p>\n
L’Occident tout entier, et sa force, et sa gloire, ont \u00e9t\u00e9 construits sur notre talent sinon \u00e0 pr\u00e9dire du moins \u00e0 pr\u00e9voir, et sur l’art connexe de faire des plans. Comment d\u00e8s lors rayer de notre arsenal des techniques qui nous ont permis de construire des cath\u00e9drales, de conqu\u00e9rir des continents, de cr\u00e9er des empires industriels, d’aller sur la lune, de construire des barrages grands comme des pays, et, de mani\u00e8re plus g\u00e9n\u00e9rale, de ma\u00eetriser le monde et la nature comme jamais personne n’y avait r\u00e9ussi avant nous?<\/p>\n
D’ailleurs, avons-nous le choix? Peut-on renoncer \u00e0 pr\u00e9voir? Le fameux mod\u00e8le Benetton, du nom de ce fabricant italien de v\u00eatements tricot\u00e9s qui est capable, pour satisfaire aux go\u00fbts volatiles du public, de changer compl\u00e8tement sa collection en quelques semaines, au lieu des longs mois dont ses concurrents \u00e0 planification classique ont besoin, est-il un mod\u00e8le de non-pr\u00e9vision? S\u00fbrement pas.<\/p>\n
Car la pr\u00e9vision est inh\u00e9rente \u00e0 l’homme pensant. Ce qui varie, en revanche, et varie au point de faire croire que l’on a affaire \u00e0 des ph\u00e9nom\u00e8nes diff\u00e9rents, c’est la port\u00e9e, la longueur, des pr\u00e9visions. Il y a des pr\u00e9visions courtes (une voiture fonce sur moi, je pr\u00e9vois qu’elle va m’\u00e9craser, je planifie de faire un bond en arri\u00e8re sur le trottoir, j’ex\u00e9cute mon plan, je suis sauv\u00e9!), des pr\u00e9visions longues (sachant qu’un million d’enfants sont n\u00e9s cette ann\u00e9e, je pr\u00e9vois que dans 65 ans ils p\u00e8seront lourdement sur le syst\u00e8me de caisses de pension du pays), et des pr\u00e9visions tr\u00e8s longues (les astronomes pourraient dire sans doute le jour et l’heure \u00e0 laquelle notre bon vieux Soleil, ayant \u00e9puis\u00e9 toutes ses ressources \u00e9nerg\u00e9tiques, sera condamn\u00e9 \u00e0 s’\u00e9teindre).<\/p>\n
Plus l’environnement est dur, mouvant, instable, plus la pr\u00e9vision \u00e0 son propos sera courte. Plus l’environnement est stable, facile, confortable, plus la pr\u00e9vision \u00e0 son propos sera longue. L’\u00eatre humain s’efforcera toujours de pr\u00e9voir aussi loin que l’environnement le lui permet. Voyez ce jeune homme: il entre dans le march\u00e9 du travail en p\u00e9riode de paix et de prosp\u00e9rit\u00e9: il se paie le luxe d’\u00e9tablir un \u00ab\u00a0plan de carri\u00e8re\u00a0\u00bb pour les quarante prochaines ann\u00e9es de sa vie; le m\u00eame jeune homme cependant, pris dans une guerre et envoy\u00e9 au front, n’osera faire aucune pr\u00e9vision au-del\u00e0 de sa prochaine permission, dans le meilleur des cas.<\/p>\n
Dit autrement: on fait les pr\u00e9visions que l’on peut.<\/p>\n
Il se trouve justement que nous autres Occidentaux avons \u00e9t\u00e9 habitu\u00e9s, par un environnement trop longtemps facile, \u00e0 faire des pr\u00e9visions qui fonctionnaient bien. Nous avons donc fini par croire que nos pr\u00e9visions avaient presque valeur de lois scientifiques. Par oublier qu’elles ne sont au mieux que des outils mentaux, et qu’il est toujours malsain d’adorer ses outils. Par perdre de vue que pr\u00e9voir n’est pas une science, mais un travail incessant de l’esprit, une descente r\u00e9it\u00e9r\u00e9e dans l’inconnu -et qu’il ne suffit pas d’embarquer pour cette plong\u00e9e lest\u00e9 des plus fortes statistiques ou des conseils des meilleurs cerveaux pour en r\u00e9duire la nature fondamentalement hasardeuse.<\/p>\n
Endormis par nos succ\u00e8s pass\u00e9s, nous avons fini enfin par ne plus savoir changer la longueur de nos pr\u00e9visions en fonction des changements de circonstances. Pour un Benetton qui a su percevoir que les pr\u00e9visions en mati\u00e8re de mode ne peuvent plus \u00eatre, d\u00e9sormais, que tr\u00e8s courtes, combien de fabricants p\u00e9trifi\u00e9s, croyant encore qu’elles peuvent \u00eatre longues, et proposant \u00e0 leur client\u00e8le des caftans noirs tra\u00eenant par terre au moment m\u00eame o\u00f9 elle se meure pour des mini-jupes rouges?<\/p>\n
Pendant ce temps, d’autres nations, contraintes de vivre depuis des si\u00e8cles dans un environnement hostile, ont d\u00e9velopp\u00e9 un formidable talent pour ajuster leurs pr\u00e9visions aux circonstances. Les Japonais, pour ne parler que d’eux, sont capables de faire des pr\u00e9visions \u00e0 long terme aussi fiables que les n\u00f4tres, mais en outre, lorsque les circonstances changent brutalement, savent changer totalement de plans dix fois plus vite que nous. Apr\u00e8s le choc p\u00e9trolier de 1973, ils ont d\u00e9cid\u00e9 que leur d\u00e9pendance \u00e0 l’\u00e9gard de l’\u00e9nergie fossile devenait intol\u00e9rable. Ils ont donc chang\u00e9 leurs plans, et aujourd’hui, pour une m\u00eame production, d\u00e9pensent trois fois moins de p\u00e9trole que nous. Cependant que nous, incapables de changer nos plans radicalement, nous continuons pour l’essentiel, dix-sept ans plus tard, sur la bonne vieille lanc\u00e9e du gaspillage \u00e9nerg\u00e9tique.<\/p>\n
Le nez \u00e0 g\u00e9om\u00e9trie variable est un talent vital, nous l’avons perdu, nous devons le retrouver.<\/p>\n
<\/p>\n
Claude Monnier<\/p>\n
\u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 36, Gen\u00e8ve, Octobre 1990.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
Message Vous \u00eates un industriel fonceur, vous voulez grandir. Vous avez achet\u00e9 une invention sensationnelle. Mais avant de la jeter sur le march\u00e9, vous h\u00e9sitez. Des millions sont en jeu. Si l’affaire marche, ce sera le pactole. Si elle \u00e9choue, la ruine. Vous donneriez n’importe quoi pour savoir ce \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1431,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-556","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/556","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=556"}],"version-history":[{"count":10,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/556\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":595,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/556\/revisions\/595"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1431"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=556"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}