{"id":501,"date":"2015-01-02T23:09:50","date_gmt":"2015-01-02T22:09:50","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=501"},"modified":"2015-01-25T22:17:40","modified_gmt":"2015-01-25T21:17:40","slug":"le-cygnesigne-noir","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=501","title":{"rendered":"Le Cygne\/Signe noir"},"content":{"rendered":"
Pourquoi les pr\u00e9visionnistes sont-ils pratiquement tous des arnaqueurs ?<\/p>\n Ce livre r\u00e9v\u00e8le tout des Cygnes Noirs, ces \u00e9v\u00e9nements al\u00e9atoires, hautement improbables, qui jalonnent notre vie : ils ont un impact \u00e9norme, sont presque impossibles \u00e0 pr\u00e9voir, et pourtant, a posteriori<\/em>, nous essayons toujours de leur trouver une explication rationnelle.<\/p>\n Dans cet ouvrage, Taleb nous exhorte \u00e0 ne pas tenir compte des propos des \u00ab experts \u00bb, et nous montre comment cesser de tout pr\u00e9voir ou comment tirer parti de l’incertitude.<\/p>\n <\/p>\n Libano-am\u00e9ricain, Nassim Nicholas Taleb est \u00e9crivain et philosophe des sciences du hasard. Depuis 2007, il est l’essayiste le plus lu et le plus traduit dans le monde. Ancien trader<\/em> des march\u00e9s, Taleb se consacre aujourd’hui \u00e0 l’\u00e9criture et enseigne les rapports entre l’\u00e9pist\u00e9mologie et les sciences de l’incertitude \u00e0 l’Institut polytechnique de la New York University<\/em>. Best-seller traduit en vingt-cinq langues, son premier ouvrage, Le Hasard sauvage <\/em>a paru aux Belles Lettres en 2005.<\/p>\n Extraits:<\/strong><\/p>\n \u00ab Prenez une dinde que l\u2019on nourrit tous les jours. Chaque apport de nourriture va la renforcer dans sa croyance que la r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale de la vie est d\u2019\u00eatre nourrie quotidiennement par de sympathiques membres de la race humaine \u00ab soucieux de ses int\u00e9r\u00eats \u00bb, comme le disent les hommes politiques. Le mercredi apr\u00e8s-midi pr\u00e9c\u00e9dant No\u00ebl, quelque chose d\u2019inattendu va arriver \u00e0 la dinde, qui va l\u2019amener \u00e0 r\u00e9viser ses croyances. \u00bb<\/p>\n (…)<\/p>\n Il pourrait sembler \u00e0 un dilettante amateur de citations \u2013 c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 l\u2019un de ces \u00e9crivains et universitaires qui \u00e9maillent leurs textes de formules \u00e9manant de figures d\u2019autorit\u00e9 d\u00e9funtes \u2013 que, selon la formule de Hobbes : \u00ab Tels ant\u00e9c\u00e9dents, telles cons\u00e9quences. \u00bb Que ceux qui croient aux bienfaits inconditionnels de l\u2019exp\u00e9rience pass\u00e9e m\u00e9ditent sur ce petit bijou de sagesse attribu\u00e9 \u00e0 un c\u00e9l\u00e8bre capitaine de vaisseau :<\/p>\n Mais de toute ma carri\u00e8re, je n\u2019ai jamais connu d\u2019accident (E. J. Smith, 1907, capitaine du Titanic.)<\/p>\n Le navire du capitaine Smith sombra en 1912 lors de ce qui devint le naufrage le plus comment\u00e9 de l\u2019histoire.<\/p>\n <\/p>\n Chapitre 4 <\/strong> Surprise, surprise. \u2013 M\u00e9thodes sophistiqu\u00e9es pour apprendre de l\u2019avenir. \u2013 Sextus a toujours \u00e9t\u00e9 en avance. \u2013 L\u2019id\u00e9e principale est de ne pas \u00eatre une dupe. \u2013 Allons au M\u00e9diocristan, si nous arrivons \u00e0 le trouver.<\/em><\/p>\n Ce qui nous ram\u00e8ne au probl\u00e8me du cygne noir dans sa forme initiale.<\/p>\n Imaginez une personne d\u2019un certain niveau hi\u00e9rarchique, qui travaille dans un environnement o\u00f9 la position hi\u00e9rarchique a son importance \u2013 disons un minist\u00e8re ou une tr\u00e8s grande entreprise. Ce pourrait \u00eatre un journaliste politique verbeux de Fox News<\/em> <\/a>[1]<\/sup>viss\u00e9 devant vous au club de remise en forme (impossible d\u2019\u00e9viter de regarder l\u2019\u00e9cran), un pr\u00e9sident de soci\u00e9t\u00e9 discutant du \u00ab brillant avenir qui s\u2019annonce \u00bb, un m\u00e9decin platonique ayant cat\u00e9goriquement exclu l\u2019utilit\u00e9 du lait maternel (parce qu\u2019il ne voit pas ce qu\u2019il contient de sp\u00e9cial), ou un professeur de Harvard que vos blagues laissent absolument de marbre. Il prend ce qu\u2019il sait un peu trop au s\u00e9rieux.<\/p>\n Mettons qu\u2019un jour, un petit plaisantin le surprenne pendant un moment de d\u00e9tente en lui chatouillant subrepticement les narines \u00e0 l\u2019aide d\u2019une plume tr\u00e8s fine. Quelle r\u00e9action sa dignit\u00e9 pleine de morgue opposerait-elle \u00e0 cette surprise? Comparez son attitude autoritaire au choc caus\u00e9 par le fait d\u2019\u00eatre touch\u00e9 par une chose totalement inattendue qu\u2019il ne comprend pas. L\u2019espace d\u2019un bref instant, avant qu\u2019il ne retrouve une contenance, vous verrez que son visage exprime le d\u00e9sarroi.<\/p>\n J\u2019avoue avoir d\u00e9velopp\u00e9 un go\u00fbt incorrigible pour ce genre de plaisanterie au cours de ma premi\u00e8re colonie de vacances. Introduite dans la narine d\u2019un campeur endormi, la plume provoquait chez lui une panique soudaine. J\u2019ai pass\u00e9 une partie de mon enfance \u00e0 imaginer des variantes de ce tour: \u00e0 la place d\u2019une fine plume, on peut confectionner une sorte de cornet avec un mouchoir en papier. J\u2019ai pratiqu\u00e9 cette variante-l\u00e0 sur mon fr\u00e8re cadet. Une plaisanterie tout aussi efficace consisterait \u00e0 glisser un gla\u00e7on dans le col d\u2019une personne au moment o\u00f9 elle s\u2019y attend le moins \u2013 pendant un d\u00eener officiel, par exemple. en prenant de l\u2019\u00e2ge, j\u2019ai bien s\u00fbr \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9 de renoncer \u00e0 ces plaisanteries, mais l\u2019image d\u2019une plume, ou celle d\u2019un gla\u00e7on, me vient souvent \u00e0 l\u2019esprit malgr\u00e9 moi quand je m\u2019ennuie \u00e0 mourir au cours d\u2019une r\u00e9union avec des hommes d\u2019affaires \u00e0 l\u2019air s\u00e9rieux (costumes sombres et esprits format\u00e9s) qui th\u00e9orisent, expliquent, ou parlent d\u2019\u00e9v\u00e9nements al\u00e9atoires en truffant leur conversation de \u00ab parce que \u00bb. je fais mentalement un gros plan sur l\u2019un d\u2019eux et j\u2019imagine le gla\u00e7on glisser le long de son dos \u2013 il serait moins chic mais s\u00fbrement plus spectaculaire de remplacer le gla\u00e7on par une souris vivante, surtout si la personne est chatouilleuse et porte une cravate, laquelle obstruerait le chemin de la sortie normal du rongeur<\/a>[2].<\/p>\n Les petits plaisantins sont capables de compassion. Je me souviens de mes d\u00e9buts de trader; j\u2019avais environ vingt-cinq ans et l\u2019argent commen\u00e7ait \u00e0 devenir facile. je prenais des taxis, et si le chauffeur parlait un anglais tr\u00e8s sommaire et avait l\u2019air particuli\u00e8rement d\u00e9prim\u00e9, je lui laissais un billet de cent dollars en guise de pourboire, juste pour lui causer un petit choc et me r\u00e9jouir de sa surprise. Je le regardais d\u00e9plier le billet et le consid\u00e9rer avec une certaine d\u00e9ception (un million de dollars aurait certainement \u00e9t\u00e9 mieux mais ce n\u2019\u00e9tait pas dans mes moyens). C\u2019\u00e9tait aussi une exp\u00e9rience h\u00e9doniste simple: illuminer la journ\u00e9e de quelqu\u2019un avec la bagatelle de cent dollars me faisait me sentir l\u2019\u00e2me plus \u00e9lev\u00e9e. Je finis n\u00e9anmoins par arr\u00eater; quand nous nous enrichissons et que nous nous mettons \u00e0 prendre l\u2019argent au s\u00e9rieux, nous devenons tous radins et calculateurs.<\/p>\n Je n\u2019ai pas besoin du destin pour me divertir \u00e0 plus grande \u00e9chelle: la r\u00e9alit\u00e9 nous oblige si souvent \u00e0 r\u00e9viser nos croyances \u2013 et la plupart du temps, de fa\u00e7on tout \u00e0 fait spectaculaire. En fait, toute la recherche de la connaissance consiste \u00e0 prendre la sagesse conventionnelle et les croyances scientifiques admises et \u00e0 les mettre en pi\u00e8ces avec de nouvelles preuves contre-intuitives, que ce soit \u00e0 micro\u00e9chelle (chaque d\u00e9couverte scientifique est une tentative de produire un micro-cygne noir) ou \u00e0 plus grande \u00e9chelle (comme avec la relativit\u00e9 de Poincar\u00e9 et d\u2019Einstein). Les scientifiques ont peut-\u00eatre coutume de rire de leurs pr\u00e9d\u00e9cesseurs, mais, eu \u00e9gard \u00e0 toute une s\u00e9rie de dispositions mentales propres aux \u00eatres humains, peu d\u2019entre eux se rendent compte que dans le futur (proche, h\u00e9las!) quelqu\u2019un d\u2019autre rira \u00e0 son tour de leurs croyances. Dans ce cas, mes lecteurs et moi sommes en train de rire de l\u2019\u00e9tat pr\u00e9sent <\/em>de la connaissance sociale. Ces gros bonnets ne voient pas venir l\u2019in\u00e9vitable remaniement de leur travail, ce qui signifie qu\u2019ils ne sont pas le genre de personnes dont on peut attendre qu\u2019elles soient pr\u00e9par\u00e9es \u00e0 une surprise.<\/p>\n Comment tirer la le\u00e7on de la dinde<\/em><\/p>\n Le grand philosophe Bertrand Russell propose une variante particuli\u00e8rement nocive du choc provoqu\u00e9 par la surprise de mon chauffeur de taxi lorsqu\u2019il illustre ce que ses condisciples appellent le \u00ab probl\u00e8me de l\u2019induction \u00bb ou \u00ab probl\u00e8me de la connaissance inductive \u00bb (les majuscules indiquent qu\u2019il s\u2019agit d\u2019un sujet s\u00e9rieux) \u2013 cause indubitable de tous les probl\u00e8mes dans la vie. Comment pouvons-nous logiquement <\/em>partir d\u2019exemples sp\u00e9cifiques pour aboutir \u00e0 des conclusions g\u00e9n\u00e9rales ? Comment savons-nous ce que nous savons ? Comment savons-nous que ce que nous avons observ\u00e9 sur la base d\u2019objets et d\u2019\u00e9v\u00e9nements donn\u00e9s suffit \u00e0 nous permettre de comprendre leurs autres propri\u00e9t\u00e9s? Il y a des pi\u00e8ges inh\u00e9rents \u00e0 toute forme de connaissance tir\u00e9e de l\u2019observation.<\/p>\n Prenez une dinde que l\u2019on nourrit tous les jours. Chaque apport de nourriture va la renforcer dans sa croyance que la r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale de la vie est d\u2019\u00eatre nourrie quotidiennement par de sympathiques membres de la race humaine \u00ab soucieux de ses int\u00e9r\u00eats \u00bb, comme le disent les hommes politiques. le mercredi apr\u00e8s-midi pr\u00e9c\u00e9dant no\u00ebl, quelque chose d\u2019inattendu <\/em>va arriver \u00e0 la dinde, qui va l\u2019amener \u00e0 r\u00e9viser ses croyances<\/a>[3]<\/sup>.<\/p>\n Le reste de ce chapitre va rendre bri\u00e8vement compte du cygne noir dans sa forme originale: comment pouvons-nous conna\u00eetre l\u2019avenir en nous fondant sur ce que nous savons du pass\u00e9? Ou, plus g\u00e9n\u00e9ralement, comment pouvons-nous arriver \u00e0 comprendre les propri\u00e9t\u00e9s de l\u2019inconnu (infini) sur la base du connu (fini) ? Repensez \u00e0 cette histoire de nourriture quotidienne: que peut apprendre une dinde sur ce que lui r\u00e9serve le lendemain en se basant sur les \u00e9v\u00e9nements de la veille? Beaucoup de choses, peut-\u00eatre, mais sans doute un peu moins qu\u2019elle ne le croit, et c\u2019est simplement ce \u00ab un peu moins \u00bb qui fait toute la diff\u00e9rence.<\/p>\n Le probl\u00e8me de la dinde peut \u00eatre g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9 \u00e0 toute situation dans laquelle \u00ab la main qui vous nourrit peut \u00eatre celle qui vous tord le cou \u00bb. Songez au cas des juifs allemands dont l\u2019int\u00e9gration en Allemagne n\u2019avait fait que cro\u00eetre et embellir dans les ann\u00e9es 1930, ou \u00e0 ma description, au chapitre 1, de la fa\u00e7on dont la population libanaise se laissa endormir dans une fausse s\u00e9curit\u00e9 par une amiti\u00e9 et une tol\u00e9rance mutuelle apparentes.<\/p>\n Allons un peu plus loin, et examinons l\u2019aspect le plus inqui\u00e9tant <\/em>de l\u2019induction: le fait d\u2019apprendre de mani\u00e8re analeptique. Consid\u00e9rons qu\u2019au lieu de n\u2019avoir aucune valeur, l\u2019exp\u00e9rience de la dinde puisse avoir une valeur n\u00e9gative<\/em>. Cette volaille a appris par l\u2019observation, comme on nous conseille \u00e0 tous de le faire (apr\u00e8s tout, c\u2019est ce que l\u2019on consid\u00e8re comme la m\u00e9thode scientifique). Sa confiance augmentait en proportion du nombre de fois, de plus en plus important, o\u00f9 on la nourrissait amicalement, et son sentiment de s\u00e9curit\u00e9 s\u2019accroissait alors m\u00eame que l\u2019\u00e9ch\u00e9ance de sa mort approchait. Songez que c\u2019est quand le risque \u00e9tait maximum que ce sentiment de s\u00e9curit\u00e9 \u00e9tait le plus fort! Mais le probl\u00e8me est encore plus g\u00e9n\u00e9ral que cela; il touche la nature m\u00eame de la connaissance empirique. Une chose a fonctionn\u00e9 dans le pass\u00e9, jusqu\u2019\u00e0 ce que\u2026 eh bien, contre toute attente, ce ne soit plus le cas, et que la le\u00e7on du pass\u00e9 se r\u00e9v\u00e8le, au mieux d\u00e9nu\u00e9e de pertinence ou fausse, et au pire, cruellement trompeuse.<\/p>\n La Figure n\u00b0 1 illustre le cas type du probl\u00e8me de l\u2019induction tel qu\u2019on le rencontre dans la vraie vie. On observe une variable hypoth\u00e9tique pour mille jours. Elle pourrait correspondre \u00e0 tout (avec quelques l\u00e9g\u00e8res modifications): les ventes de livres, la pression art\u00e9rielle, les crimes, votre revenu personnel, une action donn\u00e9e, l\u2019int\u00e9r\u00eat sur un pr\u00eat, la fr\u00e9quentation dominicale d\u2019une \u00e9glise orthodoxe grecque bien particuli\u00e8re. Vous tirez par la suite, sur la seule base des donn\u00e9es concernant le pass\u00e9<\/em>, quelques conclusions concernant les propri\u00e9t\u00e9s de ce mod\u00e8le avec des pr\u00e9visions pour les mille, voire les cinq mille jours suivants. Le mille et uni\u00e8me jour, boom! Voil\u00e0 qu\u2019un \u00e9norme changement se produit, auquel le pass\u00e9 n\u2019avait absolument pas permis de se pr\u00e9parer.<\/p>\n Voyez la stup\u00e9faction que provoqua la Grande Guerre. Apr\u00e8s les guerres napol\u00e9oniennes, le monde avait connu une longue p\u00e9riode de paix qui incitait tout observateur \u00e0 croire en la disparition des conflits destructeurs. Et pourtant, surprise! Cette guerre se r\u00e9v\u00e9la la plus meurtri\u00e8re que l\u2019humanit\u00e9 ait connue jusqu\u2019alors. Il pourrait sembler \u00e0 un dilettante amateur de citations \u2013 c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 l\u2019un de ces \u00e9crivains et universitaires qui \u00e9maillent leurs textes de formules \u00e9manant de figures d\u2019autorit\u00e9 d\u00e9funtes \u2013 que, selon la formule de Hobbes: \u00abtels ant\u00e9c\u00e9dents, telles cons\u00e9quences.\u00bb que ceux qui croient aux bienfaits inconditionnels de l\u2019exp\u00e9rience pass\u00e9e m\u00e9ditent sur ce petit bijou de sagesse attribu\u00e9 \u00e0 un c\u00e9l\u00e8bre capitaine de vaisseau:<\/p>\n Mais de toute ma carri\u00e8re, je n\u2019ai jamais connu d\u2019accident [\u2026] d\u2019aucune sorte qui vaille la peine d\u2019\u00eatre mentionn\u00e9. Pendant toutes ces ann\u00e9es pass\u00e9es en mer, je n\u2019ai vu qu\u2019un seul navire en d\u00e9tresse. Je n\u2019ai jamais vu de bateau \u00e9chou\u00e9 et je n\u2019ai jamais \u00e9chou\u00e9 moi-m\u00eame, ni \u00e9t\u00e9 dans une situation difficile qui mena\u00e7ait de tourner au d\u00e9sastre.<\/p>\n (E. J. Smith, 1907, capitaine du Titanic.<\/em>)<\/p><\/blockquote>\n le navire du capitaine Smith sombra en 1912 lors de ce qui devint le naufrage le plus comment\u00e9 de l\u2019histoire<\/a>[4]<\/sup>.<\/p>\n <\/p>\n Form\u00e9s pour \u00eatre ennuyeux<\/em><\/p>\n De m\u00eame, songez \u00e0 un directeur de banque dont l\u2019\u00e9tablissement r\u00e9alise des profits stables sur une longue p\u00e9riode avant de tout perdre en un seul revers de fortune. Les banquiers de la cat\u00e9gorie \u00ab pr\u00eateurs \u00bb sont toujours replets, ras\u00e9s de pr\u00e8s et v\u00eatus de la mani\u00e8re la plus rassurante et la plus monotone qui soit \u2013 costumes sombres, chemises blanches et cravates rouges. De fait, pour prendre en charge l\u2019activit\u00e9 de pr\u00eat, les banques embauchent des gens ennuyeux qu\u2019ils forment \u00e0 le devenir encore plus. Mais ce n\u2019est que pour l\u2019effet. S\u2019ils ont l\u2019air extr\u00eamement prudents, c\u2019est parce que leurs pr\u00eats ne r\u00e9servent que tr\u00e8s, tr\u00e8s rarement de mauvaises surprises. Il n\u2019existe aucun moyen de mesurer l\u2019efficacit\u00e9 de leur activit\u00e9 en l\u2019observant pendant une journ\u00e9e, une semaine, un mois ou m\u00eame\u2026 un si\u00e8cle! Durant l\u2019\u00e9t\u00e9 1982, de grosses banques am\u00e9ricaines perdirent presque tous leurs gains pass\u00e9s, soit tous les profits r\u00e9alis\u00e9s dans l\u2019histoire de la banque am\u00e9ricaine \u2013 absolument tout. Elles avaient pr\u00eat\u00e9 \u00e0 des pays d\u2019Am\u00e9rique centrale et d\u2019Am\u00e9rique du sud qui, tous en m\u00eame temps \u2013 \u00ab fait exceptionnel \u00bb \u2013 ne purent honorer leur dette. Il suffit donc d\u2019un seul \u00e9t\u00e9 pour comprendre que tout cela \u00e9tait une affaire de dupes et que tous leurs gains provenaient d\u2019un jeu tr\u00e8s risqu\u00e9. Et pendant tout ce temps, les banquiers avaient amen\u00e9 tout le monde, surtout eux-m\u00eames, \u00e0 croire qu\u2019ils \u00e9taient \u00ab extr\u00eamement prudents \u00bb. Ils ne le sont pas; ils sont juste incroyablement dou\u00e9s pour s\u2019aveugler en \u00e9vin\u00e7ant la possibilit\u00e9 d\u2019une perte consid\u00e9rable et d\u00e9vastatrice. En fait, la supercherie se reproduisit dix ans plus tard, quand les grandes banques \u00ab sensibilis\u00e9es aux probl\u00e8mes des risques \u00bb, se retrouv\u00e8rent une fois de plus sous pression, certaines d\u2019entre elles, m\u00eame, au bord de la faillite, apr\u00e8s l\u2019effondrement immobilier du d\u00e9but des ann\u00e9es 1990 pour lequel l\u2019industrie du cr\u00e9dit immobilier aujourd\u2019hui d\u00e9funte r\u00e9clama un renflouement de plus d\u2019un demi-trilliard de dollars aux frais du contribuable. La r\u00e9serve f\u00e9d\u00e9rale am\u00e9ricaine prot\u00e9gea ces banques \u00e0 notre d\u00e9triment: quand les banquiers \u00ab extr\u00eamement prudents \u00bb r\u00e9alisent des profits, ce sont eux qui en b\u00e9n\u00e9ficient; quand ils subissent des revers, c\u2019est nous qui en assumons les frais.<\/p>\n Apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 dipl\u00f4m\u00e9 de Wharton, je travaillai d\u2019abord pour le Bankers trust (aujourd\u2019hui disparu). Oubliant un peu vite l\u2019his\u00adtoire de 1982, le bureau du pr\u00e9sident annon\u00e7ait chaque trimestre les r\u00e9sultats de la soci\u00e9t\u00e9 \u00e0 la radio en expliquant \u00e0 quel point ses employ\u00e9s \u00e9taient intelligents, rentables, prudents (et beaux). Il \u00e9tait \u00e9vident que leurs profits n\u2019\u00e9taient que du liquide emprunt\u00e9 \u00e0 la destin\u00e9e avec un d\u00e9lai de remboursement al\u00e9atoire. Je n\u2019ai aucun probl\u00e8me avec la prise de risques, c\u2019est juste que\u2026 de gr\u00e2ce, s\u2019il vous pla\u00eet ! Ne vous dites pas \u00ab extr\u00eamement prudents \u00bb en traitant avec condescendance d\u2019autres structures moins enclines que vous aux cygnes noirs.<\/p>\n Autre \u00e9v\u00e9nement r\u00e9cent: la faillite quasi instantan\u00e9e, en 1998,d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 d\u2019investissement financier (fonds alternatif) appel\u00e9e Gestion de capital \u00e0 long terme (GCLT), qui utilisait les m\u00e9thodes et l\u2019expertise en mati\u00e8re de risque de deux \u00ab prix Nobel d\u2019\u00e9conomie \u00bb, que l\u2019on qualifiait de \u00ab g\u00e9nies \u00bb mais qui recouraient en fait \u00e0 des math\u00e9matiques bidons de type courbe en cloche tout en r\u00e9ussissant \u00e0 se convaincre eux-m\u00eames que c\u2019\u00e9tait de la science de tr\u00e8s grande qualit\u00e9, faisant ainsi de tout l\u2019establishment <\/em>financier une bande de dupes. Une des pertes les plus importantes de toute l\u2019histoire du trading se produisit quasiment en un clin d\u2019\u0153il, sans aucun signe avant-coureur (vous trouverez bien, bien plus d\u2019informations sur ce sujet dans le chapitre 17)<\/a>[5].<\/p>\n Du point de vue de la dinde, la privation de nourriture qui a lieu le mille et uni\u00e8me jour est un cygne noir. en revanche, \u00e7a n\u2019en est pas un pour le boucher; pour lui, cet \u00e9v\u00e9nement n\u2019est pas inattendu. on peut voir ici que le cygne noir est un probl\u00e8me de dupe. en d\u2019autres termes, il se produit en fonction de l\u2019attente que l\u2019on en a. on s\u2019aper\u00e7oit que l\u2019on peut \u00e9liminer un cygne noir en recourant \u00e0 ses connaissances (si l\u2019on en est capable), ou en gardant l\u2019esprit ouvert. bien s\u00fbr, \u00e0 l\u2019instar des gens du GCLT, on peut cr\u00e9er des cygnes noirs avec les connaissances, en assurant aux gens qu\u2019il est impossible qu\u2019ils se produisent \u2013 c\u2019est ainsi que la connaissance transforme des citoyens moyens en dupes.<\/p>\n Notez qu\u2019il n\u2019est pas n\u00e9cessaire que ces \u00e9v\u00e9nements nous surprennent instantan\u00e9ment<\/em>. Certaines fractures historiques que je mentionne au chapitre 1 ont dur\u00e9 quelques d\u00e9cennies \u2013 l\u2019informatique, par exem\u00adple, qui a eu des effets importants sur la soci\u00e9t\u00e9 sans que l\u2019on remarque particuli\u00e8rement le jour o\u00f9 elle a envahi nos vie. Certains cygnes noirs peuvent provenir de la lente accumulation de changements progressifs dans la m\u00eame direction; c\u2019est le cas des livres qui se vendent en grande quantit\u00e9 sur des ann\u00e9es sans jamais figurer sur les listes des best-sellers, ou des technologies qui montent lentement mais s\u00fbrement. de m\u00eame, l\u2019augmentation des titres du Nasdaq \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1990 a pris quelques ann\u00e9es \u2013 mais cette croissance appara\u00eetrait encore plus nette si l\u2019on devait en tracer une courbe historique longue. On devrait consid\u00e9rer les choses sur une \u00e9chelle temps relative et non pas absolue; les tremblements de terre durent des minutes, le 11 septembre a dur\u00e9 des heures, mais les changements historiques et les mises en \u0153uvre technologiques sont des cygnes noirs qui peuvent prendre des d\u00e9cennies. En g\u00e9n\u00e9ral, les effets des cygnes noirs positifs mettent un certain temps \u00e0 se faire sentir, alors que les cygnes noirs n\u00e9gatifs se produisent extr\u00eamement vite \u2013 il est beaucoup plus facile et rapide de d\u00e9truire que de construire. (Pendant la guerre du Liban, la maison de mes parents \u00e0 Amioun et celle de mon grand-p\u00e8re, dans un village proche, furent d\u00e9truites en quelques heures seulement, plastiqu\u00e9es par les ennemis de mon grand-p\u00e8re qui contr\u00f4laient la r\u00e9gion. Il fallut sept mille fois plus de temps \u2013 deux ans \u2013 pour les reconstruire. cette asym\u00e9trie des dur\u00e9es explique la difficult\u00e9 \u00e0 faire marche arri\u00e8re dans le temps.)<\/p>\n Br\u00e8ve histoire du probl\u00e8me du Cygne noir<\/em><\/p>\n Ce probl\u00e8me de dinde (ou probl\u00e8me de l\u2019induction) est tr\u00e8s ancien, mais pour une raison que j\u2019ignore, votre professeur de philosophie \u00e0 l\u2019universit\u00e9 du coin le qualifiera probablement de \u00ab probl\u00e8me de Hume \u00bb.<\/p>\n Les gens nous imaginent, nous les sceptiques et autres empiris\u00adtes, comme moroses, parano\u00efaques et tortur\u00e9s dans le priv\u00e9, ce qui est probablement l\u2019exact oppos\u00e9 de ce que montre l\u2019histoire (et mon exp\u00e9rience personnelle). \u00c0 l\u2019instar de nombreux sceptiques que je fr\u00e9quente, Hume \u00e9tait un homme jovial et un bon vivant en qu\u00eate de c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 litt\u00e9raire, de salons \u00e0 fr\u00e9quenter et de conversations divertissantes. Sa vie n\u2019est pas d\u00e9nu\u00e9e d\u2019anecdotes savoureuses. Un jour, il tomba dans un mar\u00e9cage pr\u00e8s de la maison qu\u2019il se faisait construire \u00e0 \u00c9dimbourg. Eu \u00e9gard \u00e0 sa r\u00e9putation d\u2019ath\u00e9e parmi les gens du cru, une femme refusa de l\u2019aider \u00e0 en sortir s\u2019il ne r\u00e9citait pas le Notre P\u00e8re <\/em>et le Credo <\/em>\u2013 ce qu\u2019il fit, \u00e9tant de nature pragmatique\u2026 mais pas avant d\u2019avoir d\u00e9battu avec elle sur la question de savoir si les chr\u00e9tiens avaient l\u2019obligation d\u2019aider leurs ennemis. Hume paraissait peu avenant. \u00ab Il affichait l\u2019air pr\u00e9occup\u00e9 du savant que les personnes manquant de discernement jugent si souvent idiot \u00bb, \u00e9crit un biographe.<\/p>\n Fait \u00e9trange \u00e0 son \u00e9poque, ce n\u2019est pas pour les \u0153uvres qui ont fait sa r\u00e9putation actuelle que Hume \u00e9tait le plus connu \u2013 il devint riche et c\u00e9l\u00e8bre gr\u00e2ce \u00e0 une histoire de l\u2019Angleterre qui fut un best-seller. En effet, l\u2019ironie du sort veut que de son vivant, les \u0153uvres philosophiques pour lesquelles nous le connaissons aujourd\u2019hui \u00ab tombaient mort-n\u00e9es des presses \u00e0 imprimer \u00bb, tandis que celles qui faisaient sa c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9poque sont aujourd\u2019hui plus difficiles \u00e0 trouver. Ses \u00e9crits sont d\u2019une telle limpidit\u00e9 qu\u2019il est largement sup\u00e9rieur \u00e0 presque tous les penseurs contemporains, et sans aucun doute \u00e0 tous les philosophes allemands inscrits au programme \u00e0 l\u2019universit\u00e9. Contrairement \u00e0 Kant, Fichte, Schopenhauer et Hegel, Hume est le genre de penseur qui est parfois <\/em>lu par la personne qui fait r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 son travail.<\/p>\n J\u2019entends souvent mentionner \u00ab le probl\u00e8me de Hume \u00bb en relation avec celui de l\u2019induction, mais ce probl\u00e8me est ancien, plus ancien que cet int\u00e9ressant \u00c9cossais, peut-\u00eatre aussi ancien que la philosophie elle-m\u00eame \u2013 probablement autant que les discussions d\u2019oliveraies. Revenons maintenant au pass\u00e9, puisque les anciens formulaient ce probl\u00e8me avec tout autant de pr\u00e9cision.<\/p>\n Sextus Empiricus (h\u00e9las)<\/em><\/p>\n \u00c9crivain farouchement antiuniversitaire et activiste antidogma\u00adtique, sextus empiricus officia pr\u00e8s de mille cinq cents ans avant Hume, et \u00e9non\u00e7a le probl\u00e8me de la dinde avec une grande pr\u00e9cision. Nous savons tr\u00e8s peu de chose de lui ; nous ignorons s\u2019il \u00e9tait philosophe ou s\u2019il s\u2019apparentait davantage \u00e0 un copiste de textes philosophiques aujourd\u2019hui inconnus de nous. on suppose qu\u2019il v\u00e9cut \u00e0 Alexandrie au IIe <\/sup>si\u00e8cle de notre \u00e8re. Il appartenait \u00e0 une \u00e9cole de m\u00e9decine appel\u00e9e \u00ab empirique \u00bb car ses membres mettaient en doute les th\u00e9ories et la causalit\u00e9 et s\u2019appuyaient sur l\u2019exp\u00e9rience pass\u00e9e pour les guider dans les traitements qu\u2019ils prescrivaient, sans tou\u00adtefois lui accorder une grande confiance. De plus, ils ne croyaient pas que l\u2019anatomie r\u00e9v\u00e8le le fonctionnement du corps de mani\u00e8re si \u00e9vidente que cela. On dit que le partisan le plus c\u00e9l\u00e8bre de l\u2019\u00e9cole empirique, M\u00e9nodote de Nicom\u00e9die, qui fusionna empirisme et scepticisme philosophique, pratiquait la m\u00e9decine comme un art, non comme une \u00ab science \u00bb, et dissociait son exercice des probl\u00e8mes de la science dogmatique. L\u2019exercice de la m\u00e9decine explique l\u2019ajout d\u2019\u00ab Empiricus \u00bb<\/em> (\u00ab l\u2019empirique \u00bb) au nom de sextus.<\/p>\n Sextus repr\u00e9senta et notifia les id\u00e9es de l\u2019\u00e9cole sceptique de Pyrrhon qui offriraient une certaine forme de th\u00e9rapie intellectuelle r\u00e9sultant d\u2019une suspension de la croyance. \u00eates-vous confront\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9ventualit\u00e9 d\u2019une adversit\u00e9 ? Ne vous inqui\u00e9tez pas. Qui sait, les choses pourraient tourner en votre faveur. Douter des cons\u00e9quences d\u2019une issue vous permettra de conserver un calme imperturbable. Les sceptiques de Pyrrhon \u00e9taient des citoyens dociles qui suivaient les coutumes et les traditions aussi souvent que possible, mais apprenaient \u00e0 douter syst\u00e9matiquement de tout, atteignant ainsi un certain niveau de s\u00e9r\u00e9nit\u00e9. Cependant, bien que de m\u0153urs conservatrices, ils combattaient les dogmes avec fanatisme.<\/p>\n Parmi les \u0153uvres qui nous restent de Sextus se trouve une diatribe portant le beau titre de Adversos mathematicos<\/em>, qui pourrait en grande partie avoir \u00e9t\u00e9 \u00e9crite hier soir!<\/p>\n L\u00e0 o\u00f9 Sextus est surtout int\u00e9ressant pour mes id\u00e9es, c\u2019est qu\u2019il r\u00e9alise dans sa pratique ce m\u00e9lange rare de philosophie et de prise de d\u00e9cision. C\u2019\u00e9tait un homme d\u2019action, c\u2019est pourquoi les universitaires classiques ne disent pas du bien de lui. Les m\u00e9thodes de la m\u00e9decine empirique, qui reposent sur des t\u00e2tonnements apparemment vains, joueront un r\u00f4le central dans mes id\u00e9es sur les pronostics et les pr\u00e9visions, et sur la fa\u00e7on de tirer parti du cygne noir.<\/p>\n <\/p>\n Algazel<\/em><\/p>\n Le troisi\u00e8me grand penseur \u00e0 avoir trait\u00e9 le probl\u00e8me fut, au XIe <\/sup>si\u00e8cle, le sceptique arabophone al-Ghazali, connu en latin sous le nom d\u2019Algazel. il surnommait \u00ab ghabi \u00bb <\/em>une cat\u00e9gorie d\u2019universitaires dogmatiques \u2013 litt\u00e9ralement, \u00ab les imb\u00e9ciles \u00bb \u2013, terme arabe plus amusant que \u00ab cr\u00e9tin \u00bb et plus parlant qu\u2019\u00ab obscurantiste \u00bb. Algazel \u00e9crivit lui aussi son Adversos mathematicos <\/em>sous la forme d\u2019une diatribe intitul\u00e9e Tahafut al-falasifah<\/em>, que je traduirai par \u00ab l\u2019incomp\u00e9tence de la philosophie \u00bb. Elle \u00e9tait dirig\u00e9e contre l\u2019\u00e9cole appel\u00e9e \u00ab fala\u00adsifah \u00bb<\/em> \u2013 l\u2019establishment <\/em>intellectuel arabe \u00e9tait l\u2019h\u00e9ritier direct de la philosophie classique de l\u2019acad\u00e9mie, et il arrivait \u00e0 la r\u00e9concilier avec l\u2019islam \u00e0 travers une argumentation rationnelle.<\/p>\n La critique de la connaissance \u00ab scientifique \u00bb par Algazel fut \u00e0 l\u2019origine d\u2019un d\u00e9bat avec Averro\u00e8s, philosophe m\u00e9di\u00e9val qui, de tous les penseurs de son \u00e9poque, fut finalement celui qui exer\u00e7a l\u2019influence la plus profonde (sur les juifs et les chr\u00e9tiens, mais pas sur les musulmans). Malheureusement, ce d\u00e9bat fut finalement remport\u00e9 par les deux. Peu de temps apr\u00e8s, nombre de penseurs arabes religieux int\u00e9gr\u00e8rent en l\u2019exag\u00e9rant le scepticisme d\u2019Algazel par rapport \u00e0 la m\u00e9thode scientifique, pr\u00e9f\u00e9rant laisser \u00e0 Dieu les consid\u00e9rations causales (c\u2019\u00e9tait en fait une extrapolation de son id\u00e9e). L\u2019occident \u00e9pousa le rationalisme d\u2019Averro\u00e8s, fond\u00e9 sur celui d\u2019Aristote, qui surv\u00e9cut \u00e0 travers Saint Thomas d\u2019Aquin et les philosophes juifs \u2013 lesquels se qualifi\u00e8rent eux-m\u00eames pendant longtemps d\u2019averro\u00e9siens. Nombre de penseurs d\u00e9plorent que, sous l\u2019influence d\u2019Algazel, les arabes aient ensuite abandonn\u00e9 la m\u00e9thode scientifique. Algazel finit par nourrir le mysticisme soufi, dans lequel l\u2019adepte tente d\u2019entrer en communion avec Dieu, cou\u00adpant tout lien avec les pr\u00e9occupations d\u2019ordre terrestre. Tout cela venait du probl\u00e8me du cygne noir.<\/p>\n Alors que les sceptiques anciens professaient l\u2019ignorance \u00e9rudite comme premi\u00e8re \u00e9tape d\u2019une recherche honn\u00eate de la v\u00e9rit\u00e9, les sceptiques tant musulmans que chr\u00e9tiens de la fin du Moyen \u00c2ge se servirent du scepticisme comme d\u2019un outil permettant d\u2019\u00e9viter ce que nous nommons aujourd\u2019hui la science. Croyance \u00e0 l\u2019importance du probl\u00e8me du cygne noir, inqui\u00e9tudes \u00e0 pro\u00adpos du probl\u00e8me de l\u2019induction et scepticisme peuvent rendre cer\u00adtains arguments religieux plus s\u00e9duisants, bien que sous une forme d\u00e9pouill\u00e9e, anticl\u00e9ricale et th\u00e9iste. Cette id\u00e9e de s\u2019en remettre \u00e0 la foi, non \u00e0 la raison, \u00e9tait connue sous le nom de fid\u00e9isme. Il y a donc une tradition de sceptiques croyant aux cygnes noirs qui trouvaient une consolation dans la religion ; le meilleur exemple en est Pierre Bayle, \u00e9rudit, philosophe et th\u00e9ologien protestant fran\u00e7ais qui, exil\u00e9 en Hollande, b\u00e2tit une architecture philosophique compl\u00e8te li\u00e9e aux sceptiques pyrrhoniens. Ses \u00e9crits exerc\u00e8rent une influence consid\u00e9rable sur Hume, l\u2019introduisant au scepticisme ancien \u2013 au point qu\u2019il reprit en bloc certaines id\u00e9es de Bayle. Le Dictionnaire historique et critique <\/em>de Bayle fut l\u2019ouvrage universi\u00adtaire le plus lu au XVIIIe <\/sup>si\u00e8cle, mais comme nombre de mes h\u00e9ros fran\u00e7ais (tel Fr\u00e9d\u00e9ric Bastiat), Bayle ne semble pas faire partie du cursus universitaire et est presque impossible \u00e0 trouver en vieux fran\u00e7ais. Il en va de m\u00eame pour Nicolas d\u2019Autrecourt, disciple d\u2019Algazel au XIVe <\/sup>si\u00e8cle.<\/p>\n De fait, on ignore que l\u2019expos\u00e9 le plus complet des id\u00e9es du scepticisme reste jusqu\u2019\u00e0 une p\u00e9riode r\u00e9cente l\u2019\u0153uvre d\u2019un puissant \u00e9v\u00eaque catholique et auguste membre de l\u2019acad\u00e9mie fran\u00e7aise. C\u2019est en 1690 que Pierre-Daniel Huet \u00e9crivit son Trait\u00e9 philosophi\u00adque de la faiblesse de l\u2019esprit humain<\/em>, ouvrage remarquable qui fustige les dogmes et remet en question la perception humaine. Huet pr\u00e9sente des arguments extr\u00eamement percutants contre la causalit\u00e9, d\u00e9clarant, par exemple, que tout \u00e9v\u00e9nement peut avoir un nombre infini de causes possibles.<\/p>\n Huet et Bayle \u00e9taient tous deux des \u00e9rudits qui pass\u00e8rent leur vie dans les livres. Huet, qui v\u00e9cut jusqu\u2019\u00e0 quatre-vingt-dix ans, avait un domestique qui le suivait avec un livre et lui faisait la lecture pendant ses repas et ses pauses, afin d\u2019\u00e9viter toute perte de temps. Il \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme la personne la plus \u00e9rudite de son temps. Permettez-moi d\u2019insister sur l\u2019importance que j\u2019attache \u00e0 l\u2019\u00e9rudition. C\u2019est un signe de v\u00e9ritable curiosit\u00e9 intellectuelle, qui va de pair avec l\u2019ouverture d\u2019esprit et le d\u00e9sir de sonder les id\u00e9es d\u2019autrui. Surtout, un \u00e9rudit peut \u00eatre insatisfait de son propre savoir, et cette insatisfaction est un merveilleux garde-fou contre la platonicit\u00e9, les simplifications outranci\u00e8res du manager <\/em>press\u00e9 ou le philistinisme de l\u2019universitaire hypersp\u00e9cia\u00adlis\u00e9. De fait, le savoir universitaire sans \u00e9rudition peut avoir des cons\u00e9quences d\u00e9sastreuses.<\/p>\n Toutefois, promouvoir le scepticisme philosophique n\u2019est pas exactement la mission de ce livre. Si la conscience du probl\u00e8me du cygne noir peut inciter au retrait et \u00e0 un extr\u00eame scepticisme, je prends ici la direction diam\u00e9tralement oppos\u00e9e. Je m\u2019int\u00e9resse aux actes et au v\u00e9ritable empirisme. Ce livre n\u2019a donc pas \u00e9t\u00e9 \u00e9crit par un mystique soufi, ni par un sceptique au sens ancien, m\u00e9di\u00e9val ou m\u00eame (ainsi que nous le verrons) philosophique du terme, mais par un praticien dont l\u2019objectif principal est de ne pas \u00eatre une dupe quand il s\u2019agit de choses importantes, point barre.<\/p>\n Hume \u00e9tait d\u2019un scepticisme radical dans son cabinet de philosophie, mais, faute de parvenir \u00e0 les mettre en pratique, il mettait ses id\u00e9es de c\u00f4t\u00e9 dans la vie quotidienne. C\u2019est exactement le contraire que je fais ici: je suis sceptique sur les questions qui ont des r\u00e9percussions dans le quotidien. D\u2019une certaine mani\u00e8re, tout ce qui m\u2019importe, c\u2019est de prendre une d\u00e9cision sans \u00eatre le dindon de la farce.<\/p>\n Cela fait vingt ans que l\u2019on ne cesse de me demander:\u00abTaleb, quand on a comme vous cette conscience extr\u00eame du risque, comment peut-on traverser la rue? \u00bb ou que l\u2019on me fait cette remarque plus stupide encore: \u00abVous nous demandez de ne prendre absolument aucun risque. \u00bb Je ne me fais bien \u00e9videmment pas le champion d\u2019une compl\u00e8te phobie du risque (nous verrons que je suis favorable \u00e0 une forme de prise de risques offensive) : tout ce que je vais vous montrer dans ce livre, c\u2019est comment \u00e9viter de traverser la rueles yeux band\u00e9s<\/em>.<\/p>\n Je viens de pr\u00e9senter le probl\u00e8me du cygne noir sous l\u2019angle histo\u00adrique: la difficult\u00e9 majeure qu\u2019il y a \u00e0 g\u00e9n\u00e9raliser \u00e0 partir des informations dont on dispose ou \u00e0 apprendre du pass\u00e9, de ce que l\u2019on conna\u00eet et voit. J\u2019ai \u00e9galement pr\u00e9sent\u00e9 la liste des personnes que je consid\u00e8re comme les figures historiques les plus importantes.<\/p>\n Comme vous pouvez le voir, il est extr\u00eamement commode pour nous de penser que nous vivons au M\u00e9diocristan. Pourquoi? parce que cela nous permet d\u2019exclure les surprises de type cygnes noirs! si l\u2019on vit au M\u00e9diocristan, ce probl\u00e8me n\u2019existe pas ou n\u2019a pas grande importance.<\/p>\n Une telle supposition \u00e9loigne comme par magie le probl\u00e8me de l\u2019induction, qui accable l\u2019histoire de la pens\u00e9e depuis Sextus Empiricus. Le statisticien peut se passer de l\u2019\u00e9pist\u00e9mologie.<\/p>\n V\u0153ux pieux ! Nous ne vivons pas au M\u00e9diocristan, et le cygne noir n\u00e9cessite une autre mentalit\u00e9. Comme nous ne pouvons \u00e9vacuer le probl\u00e8me, nous allons devoir le creuser davantage. ce n\u2019est pas une difficult\u00e9 insurmontable \u2013 et nous pouvons m\u00eame en retirer des avantages.<\/p>\n Cependant, notre c\u00e9cit\u00e9 face au cygne noir soul\u00e8ve d\u2019autres probl\u00e8mes:<\/p>\n J\u2019aborderai chacun de ces points dans les cinq chapitres qui suivent. Puis, dans la conclusion de la premi\u00e8re partie, je montrerai qu\u2019ils constituent en fait le m\u00eame sujet.<\/p>\n a. l\u2019erreur de confirmation : nous nous focalisons sur des seg\u00adments pr\u00e9s\u00e9lectionn\u00e9s de ce que nous voyons et les g\u00e9n\u00e9rali\u00ad sons \u00e0 ce que nous ne voyons pas ;<\/p>\n b. l\u2019erreur de narration : nous nous leurrons avec des histoires qui \u00e9tanchent notre soif platonique de mod\u00e8les diff\u00e9rents;<\/p>\n c. la nature humaine n\u2019est pas programm\u00e9e pour les cygnes noirs: nous faisons comme s\u2019ils n\u2019existaient pas;<\/p>\n d. le probl\u00e8me de diagoras : ce que nous voyons ne refl\u00e8te pas n\u00e9cessairement toute la r\u00e9alit\u00e9. L\u2019histoire nous cache les cygnes noirs et nous donne une id\u00e9e erron\u00e9e des chances qu\u2019ils ont de se produire;<\/p>\n e. nous avons des \u0153ill\u00e8res : nous nous focalisons sur des sour\u00adces d\u2019incertitude bien d\u00e9finies, sur une liste trop sp\u00e9cifique de cygnes noirs (au d\u00e9triment des autres qui ne viennent pas facilement \u00e0 l\u2019esprit).<\/p>\n <\/a>[1] Cha\u00eene d\u2019information am\u00e9ricaine priv\u00e9e et de droite (N.d.T.)<\/em>.<\/a><\/p>\n Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir. La puissance de l’impr\u00e9visible, Les Belles Lettres, 2008. Pourquoi les pr\u00e9visionnistes sont-ils pratiquement tous des arnaqueurs ? Ce livre r\u00e9v\u00e8le tout des Cygnes Noirs, ces \u00e9v\u00e9nements al\u00e9atoires, hautement improbables, qui jalonnent notre vie : ils ont un impact \u00e9norme, sont presque impossibles \u00e0 pr\u00e9voir, \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1777,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-501","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/501","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=501"}],"version-history":[{"count":5,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/501\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1779,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/501\/revisions\/1779"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1777"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=501"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir. La puissance de l’impr\u00e9visible<\/em>, Les Belles Lettres, 2008.<\/p>\n
\n[\u2026] d\u2019aucune sorte qui vaille la peine d\u2019\u00eatre mentionn\u00e9. Pendant
\ntoutes ces ann\u00e9es pass\u00e9es en mer, je n\u2019ai vu qu\u2019un seul navire
\nen d\u00e9tresse. Je n\u2019ai jamais vu de bateau \u00e9chou\u00e9 et je n\u2019ai jamais
\n\u00e9chou\u00e9 moi-m\u00eame, ni \u00e9t\u00e9 dans une situation difficile qui mena\u00e7ait
\nde tourner au d\u00e9sastre.<\/p>\n
\nMille et un jours, ou comment ne pas \u00eatre une dupe<\/strong><\/p>\n
\nNotez qu\u2019apr\u00e8s que l\u2019\u00e9v\u00e9nement a eu lieu, vous commencez \u00e0 pr\u00e9voir la possibilit\u00e9 que d\u2019autres aberrations se produisent localement, c\u2019est-\u00ad\u00e0-dire, de conna\u00eetre une surprise semblable \u00e0 celle que vous venez de vivre, mais pas d\u2019autres grands \u00e9v\u00e9nements. Apr\u00e8s le krach boursier de 1987, la moiti\u00e9 des traders am\u00e9ricains se mit \u00e0 attendre de pied ferme le prochain tous les ans au mois d\u2019octobre \u2013 sans tenir compte du fait que le premier n\u2019avait eu aucun pr\u00e9c\u00e9dent. Nous nous inqui\u00e9tons trop tard \u2013 a posteriori<\/em>. Le fait de prendre une observation na\u00efve du pass\u00e9 pour quelque chose de d\u00e9finitif ou de repr\u00e9sentatif du futur est la seule et unique raison de notre incapacit\u00e9 \u00e0 comprendre le cygne noir.<\/p>\n
\nUn Cygne Noir est relatif \u00e0 la connaissance<\/em><\/p>\n
\nLe sceptique, ami de la religion<\/em><\/p>\n
\nJe ne veux pas \u00eatre le dindon de la farce<\/em><\/p>\n
\nNous voulons vivre au M\u00e9diocristan<\/em><\/p>\n
\n
\n<\/a>[2] pour ma part, je ne crains rien puisque je ne porte jamais de cravate (except\u00e9 aux enterrements).<\/a>
\n<\/a>
\n<\/a>[3] L\u2019exemple original de Russell portait sur un poulet; j\u2019en livre ici la version nord-am\u00e9ricaine am\u00e9lior\u00e9e.<\/a>
\n<\/a><\/a>
\n<\/a>[4] Les d\u00e9clarations comme celle du capitaine Smith sont tellement courantes qu\u2019elles ne sont m\u00eame pas dr\u00f4les. En septembre 2006, un fonds baptis\u00e9 Amaranthe, du nom \u2013 ironie du sort \u2013 d\u2019une fleur \u00ab immortelle \u00bb, fut oblig\u00e9 de fermer apr\u00e8s avoir perdu pr\u00e8s de 7 milliards de dollars en quelques jours, soit la perte la plus impressionnante de toute l\u2019histoire du trading <\/em>(autre ironie du sort: j\u2019ai partag\u00e9 le m\u00eame bureau que ses traders). Quelques jours avant l\u2019\u00e9v\u00e9nement, la soci\u00e9t\u00e9 avait fait une d\u00e9claration pour expliquer aux investisseurs qu\u2019il ne fallait pas qu\u2019ils s\u2019inqui\u00e8tent, car elle employait douze gestionnaires de risque \u2013 ces gens qui se servent de mod\u00e8les du pass\u00e9 pour mesurer les risques de survenue d\u2019un \u00e9v\u00e9nement de ce genre. M\u00eame si la compagnie avait eu cent douze gestionnaires de risque, cela n\u2019aurait pas fait grande diff\u00e9rence; elle aurait saut\u00e9 quand m\u00eame. Il est clairement impossible de fabriquer plus d\u2019informations que le pass\u00e9 ne peut en fournir; si vous achetiez cent exemplaires du New York Times<\/em>, je ne suis pas s\u00fbr que cela vous aiderait \u00e0 acqu\u00e9rir une connaissance progressive du futur. Nous ne connaissons tout simplement pas la quantit\u00e9 d\u2019informations que rec\u00e8le le pass\u00e9. <\/a>
\n<\/a>
\n<\/a>[5] La trag\u00e9die essentielle de l\u2019\u00e9v\u00e9nement combinant impact \u00e9lev\u00e9 et faible pro\u00adbabilit\u00e9 vient de la disparit\u00e9 entre le temps que l\u2019on prend \u00e0 indemniser une per\u00adsonne et le temps n\u00e9cessaire pour s\u2019assurer qu\u2019elle n\u2019est pas en train de parier que l\u2019\u00e9v\u00e9nement rare n\u2019aura pas lieu. les gens sont encourag\u00e9s financi\u00e8rement \u00e0 parier contre ce dernier, ou \u00e0 profiter du syst\u00e8me; en effet, ils peuvent recevoir une prime refl\u00e9tant leur performance annuelle alors qu\u2019ils ne font en r\u00e9alit\u00e9 que pr\u00e9senter des b\u00e9n\u00e9fices illusoires qu\u2019ils reperdront un jour. de fait, la trag\u00e9die du capitalisme est que, la qualit\u00e9 des b\u00e9n\u00e9fices n\u2019\u00e9tant pas observable sur la base de donn\u00e9es pass\u00e9es, les propri\u00e9taires des soci\u00e9t\u00e9s, c\u2019est-\u00e0-dire les actionnaires, peuvent \u00eatre men\u00e9s en bateau par les directeurs qui font \u00e9tat des b\u00e9n\u00e9fices apparents alors qu\u2019ils prennent peut-\u00eatre des risques cach\u00e9s.<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"