{"id":432,"date":"2015-01-02T12:24:19","date_gmt":"2015-01-02T11:24:19","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=432"},"modified":"2015-01-18T22:00:46","modified_gmt":"2015-01-18T21:00:46","slug":"lespagne-et-lheritage-judeo-arabe","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=432","title":{"rendered":"L’Espagne et l’h\u00e9ritage jud\u00e9o-arabe"},"content":{"rendered":"
PERSPECTIVES HISTORIQUES<\/p>\n
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Pendant des si\u00e8cles et des si\u00e8cles, l’Espagne des Chr\u00e9tiens, des Arabes, et des Juifs, a d\u00e9velopp\u00e9 une des cultures les plus brillantes que le monde ait connu. Puis les Chr\u00e9tiens, ayant pris seul le pouvoir, chass\u00e8rent de la P\u00e9ninsule, sous pr\u00e9texte d’assurer la puret\u00e9 de leur sang et de leur religion, les Juifs puis les Arabes, appauvrissant ainsi leur propre culture, jusqu’\u00e0 la rendre quasiment exsangue… Il y a, pour chacun, quelques le\u00e7ons \u00e0 prendre de ce drame historique.<\/strong><\/p>\n Juan Goytisolo, \u00e9crivain espagnol, qui vit aujourd’hui entre Paris et Marrakech, a \u00e9crit plusieurs romans, parmi lesquels <\/em>Pi\u00e8ces d’identit\u00e9 (Paris, Gallimard, 1968), <\/em>Don Gulian (Paris, Gallimard, 1971) et <\/em>Paysages apr\u00e8s la bataille (Paris, Fayard, 1985). Une premi\u00e8re version de ce texte a paru dans la \u00ab\u00a0Revue d’\u00e9tude palestiniennes\u00a0\u00bb (Washington), No 17, automne 1985.<\/em><\/p>\n Plusieurs si\u00e8cles durant, les Espagnols ont adh\u00e9r\u00e9 avec une belle unanimit\u00e9 \u00e0 la fiction absurde selon laquelle la P\u00e9ninsule aurait \u00e9t\u00e9 habit\u00e9e, depuis ses plus lointaines origines, par des populations d\u00e9j\u00e0 \u00ab\u00a0espagnoles\u00a0\u00bb, les Tartesos, les Ib\u00e9riques, les Celtes ou les Celtib\u00e8res, puis aurait \u00e9t\u00e9 attaqu\u00e9e par les Ph\u00e9niciens, les Grecs et les Carthaginois, qui, apr\u00e8s avoir affront\u00e9 la r\u00e9sistance farouche des autochtones (lors des si\u00e8ges c\u00e9l\u00e8bres de Sagonte et de Numance), auraient fini par devenir \u00ab\u00a0espagnols\u00a0\u00bb eux-m\u00eames: dans cette optique, S\u00e9n\u00e8que, le philosophe sto\u00efcien, pr\u00e9cepteur de N\u00e9ron, serait, parce que n\u00e9 \u00e0 Cordoue, espagnol, comme Martial, le po\u00e8te latin satirique. Et Ortega y Gasset ne dit-il pas de Trajan, l’empereur souverain qui conquit une bonne partie du Proche-Orient et vainquit les Parthes, qu’il est un S\u00e9villan?<\/p>\n Selon cette fiction, la personnalit\u00e9 des Espagnols modernes ne r\u00e9sulterait pas de multiples apports culturels combin\u00e9s au cours des si\u00e8cles, mais d’une \u00ab\u00a0essence\u00a0\u00bb espagnole inchang\u00e9e depuis les origines.<\/p>\n Ce d\u00e9sir d’une origine et d’un lignage historique glorieux ressemble au d\u00e9sir de certains commer\u00e7ants, \u00e0 la fortune d’origine douteuse, de se fabriquer une g\u00e9n\u00e9alogie remontant aux Croisades. Il a pour objet inavou\u00e9 d’effacer un affront: la pr\u00e9sence, huit si\u00e8cles durant, dans la P\u00e9ninsule, de conqu\u00e9rants arabes, et qui rest\u00e8rent arabes.<\/p>\n Dans cette perspective d\u00e9form\u00e9e, la prise de Grenade la Maure par les Rois Catholiques, en 1492, ferme une longue parenth\u00e8se historique et r\u00e9tablit la continuit\u00e9 espagnole. Et lorsque, la m\u00eame ann\u00e9e, la Couronne expulse les Juifs qui ne se sont pas convertis au christianisme, puis cent vingt ans plus tard, en 1610, chasse les Maures d’Espagne, elle entreprend au fait, sous pr\u00e9texte d’assurer l’unit\u00e9 religieuse du pays, d’extirper du \u00ab\u00a0corps vrai\u00a0\u00bb du pays les communaut\u00e9s qui, malgr\u00e9 leur longue cohabitation avec le christianisme, ne s’\u00e9taient, \u00e0 la diff\u00e9rence suppos\u00e9e des Ph\u00e9niciens, des Grecs, des Carthaginois, des Romains, des Wisigoths, jamais hispanis\u00e9es.<\/p>\n Or, comme l’a fort bien d\u00e9montr\u00e9 l’historien espagnol contemporain Am\u00e9rico Castro, les Ib\u00e9riques, les Celtes, les Romains et les Wisigoths ne furent jamais des Espagnols; alors que, tout au contraire, musulmans et juifs ont, d\u00e8s le Xe si\u00e8cle, forg\u00e9 avec les chr\u00e9tiens la tr\u00e8s riche civilisation moderne de l’Espagne, et son identit\u00e9 unique en Europe.<\/p>\n On notera d’ailleurs que les royaumes chr\u00e9tiens espagnols qui combattaient les Maures, adopt\u00e8rent la tol\u00e9rance religieuse traditionnelle de l’islam, puisque, du XIIe au XVe si\u00e8cle, ils n’ont pas h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 associer des Maures et des Juifs \u00e0 la conduite de leurs guerres et \u00e0 la gestion de leurs gouvernements.<\/p>\n Malheureusement les royaumes chr\u00e9tiens ont \u00e9galement emprunt\u00e9 \u00e0 leurs adversaires des id\u00e9es n\u00e9fastes: aux Musulmans l’id\u00e9e de \u00ab\u00a0guerre sainte\u00a0\u00bb, aux Juifs celle de \u00ab\u00a0peuple \u00e9lu\u00a0\u00bb, deux concepts qui ont marqu\u00e9 de fa\u00e7on ind\u00e9l\u00e9bile la volont\u00e9 dominatrice des Castillans chr\u00e9tiens.<\/p>\n La longue p\u00e9riode de cohabitation des trois communaut\u00e9s les vit se sp\u00e9cialiser en m\u00eame temps qu’elles s’enrichissaient culturellement les unes les autres. Les Chr\u00e9tiens se consacraient de pr\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la guerre, les Juifs \u00e0 la culture, les Maures au travail artisanal. L’une des figures intellectuelles les plus prestigieuses du XIIe si\u00e8cle, Ramon Llul, \u00e9crivit en arabe une grande partie de son \u0153uvre, et fondit en un seul creuset, avec audace et originalit\u00e9, les cultures juive, arabe et chr\u00e9tienne.<\/p>\n Cette symbiose appara\u00eet plus clairement encore dans l’architecture des monuments les plus prestigieux de l’islam, la mosqu\u00e9e de Cordoue, la Giralda de S\u00e9ville, l’Alhambra de Grenade, et dans l’art chr\u00e9tien mud\u00e9jar, c’est-\u00e0-dire adoptant le style arabe.<\/p>\n De m\u00eame, du XIIIe au XVe, voire au XVIe si\u00e8cle, les Chr\u00e9tiens firent construire nombre de leurs monuments par des Maures: l’\u00e9glise de la Trinit\u00e9 \u00e0 Saragosse par Mohamet de Belico (1354); la chartreuse de Paular par Abdel Rahman (1440-1443); l’h\u00f4pital de la Latina (aujourd’hui d\u00e9moli) \u00e0 Madrid par Ma\u00eetre Hazan; le portique de la Pavoderia de la Seo, \u00e0 Saragosse, par un architecte nomm\u00e9 Rami. Quant \u00e0 la Tour Pench\u00e9e de Saragosse (d\u00e9truite en 1887), sa construction fut confi\u00e9e \u00e0 cinq architectes: deux Chr\u00e9tiens, deux Musulmans et un Juif. Tout cela en contradiction avec l’interdiction formelle, faite en 1480 \u00e0 tout Musulman et \u00e0 tout Juif par Isabelle la Catholique, \u00ab\u00a0d’avoir l’audace de repr\u00e9senter la figure de Notre Sauveur, ou de Sa glorieuse M\u00e8re, ou de tout autre saint de notre religion\u00a0\u00bb.<\/p>\n D\u00e8s apr\u00e8s la conqu\u00eate de Grenade et la chute de la derni\u00e8re dynastie maure de la P\u00e9ninsule, les Rois Catholiques d\u00e9cr\u00e9t\u00e8rent, je l’ai dit plus haut, l’expulsion des Juifs. D’ordinaire, les historiens espagnols affirment que cette d\u00e9cision cimenta l’unit\u00e9 de la communaut\u00e9 juive. Au contraire, elle la divisa, la traumatisa, l’\u00e9gara. D\u00e8s la fin du XIVe si\u00e8cle, de nombreux Juifs espagnols, pressentant le pogrom, se convertirent au christianisme. En 1492, date de l’Edit d’expulsion, ce furent des communaut\u00e9s enti\u00e8res qui rejoignirent in extremis les rangs des marranes, <\/em>nom donn\u00e9 \u00e0 l’\u00e9poque aux Juifs convertis dont on suspectait qu’ils continuaient \u00e0 pratiquer le juda\u00efsme en secret.<\/p>\n D\u00e8s cette date il y eut en Espagne deux cat\u00e9gories de chr\u00e9tiens, les \u00ab\u00a0anciens\u00a0\u00bb et les \u00ab\u00a0nouveaux\u00a0\u00bb, ces derniers \u00e9tant s\u00e9par\u00e9s des premiers par le fait de n’avoir pas la m\u00eame \u00ab\u00a0puret\u00e9 de sang\u00a0\u00bb (limpieza de sangre) <\/em>qu’eux. Les barri\u00e8res discriminatoires \u00e9lev\u00e9es par la communaut\u00e9 \u00ab\u00a0ancienne\u00a0\u00bb dominante affect\u00e8rent aussi bien, dans l’imm\u00e9diat, les convertis sinc\u00e8res (il y en eut), que, durant quatre ou cinq g\u00e9n\u00e9rations, les descendants de convertis. Telle est d’ailleurs l’origine de la discorde s\u00e9culaire qui fit le malheur des Espagnols. A ce jour les plaies ouvertes par l’Edit d’expulsion ne sont point encore cicatris\u00e9es.<\/p>\n Les Castillans, triomphants, autoritaires, convaincus qu’ils \u00e9taient le peuple \u00e9lu de Dieu pour commander aux destin\u00e9es du monde et instruire l’univers dans la religion chr\u00e9tienne, c\u00e9d\u00e8rent bient\u00f4t \u00e0 leurs pulsions conqu\u00e9rantes, affermies au feu de leur longue lutte contre l’islam, et port\u00e8rent leurs armes jusqu’aux r\u00e9gions les plus recul\u00e9es d’Europe et d’Am\u00e9rique – des Flandres \u00e0 l’Italie, du Mexique au P\u00e9rou. Ils ob\u00e9issaient \u00e0 une notion de l’honneur et de l’orgueil fond\u00e9e enti\u00e8rement sur leur qualit\u00e9 de \u00ab\u00a0vieux chr\u00e9tiens\u00a0\u00bb au \u00ab\u00a0sang propre\u00a0\u00bb, h\u00e9ritiers des castes guerri\u00e8res qui avaient r\u00e9ussi l’exploit de la Reconqu\u00eate (Reconquista) <\/em>sur les Maures. Fiers de leur origine \u00ab\u00a0pure\u00a0\u00bb, ils refusaient d’exercer des fonctions intellectuelles ou techniques, infamantes depuis l’\u00e2ge des Rois Catholiques, et r\u00e9serv\u00e9es, \u00e0 les en croire, aux Espagnols d’origine juive ou musulmane.<\/p>\n Contrairement \u00e0 ce que d’aucuns ont affirm\u00e9, ce m\u00e9pris des Castillans n’a pas pris fin avec le XVIe si\u00e8cle. Un historien de l’\u00e9poque de Philippe V, soit plus de deux si\u00e8cles apr\u00e8s l’\u00c9dit d’expulsion, cit\u00e9 par Dominguez Ortiz, affirme ainsi que \u00ab\u00a0beaucoup de Juifs sont rest\u00e9s en Espagne. Ces chr\u00e9tiens nouveaux, m\u00e9decins, financiers, marchands, confituriers, vivent ordinairement de l’usure; ils sont ambitieux et habiles (…) et se vengent (ainsi) avec force des Chr\u00e9tiens\u00a0\u00bb. En 1787, Valentin Foronda d\u00e9nonce les ravages que provoque \u00ab\u00a0le pr\u00e9jug\u00e9 gothique\u00a0\u00bb selon lequel l’exercice du commerce est d\u00e9shonorant, et raille la noblesse provinciale attach\u00e9e \u00e0 ses vieux parchemins et \u00e0 ses palais en ruines. Au IXe si\u00e8cle m\u00eame, le po\u00e8te Blanco White note dans ses Lettres d’Espagne <\/em>(qui datent de 1822) que, dans la soci\u00e9t\u00e9 espagnole d’avant l’invasion napol\u00e9onienne, \u00ab\u00a0la puret\u00e9 du sang, c’est-\u00e0-dire l’assurance qu’il n’a jamais \u00e9t\u00e9 m\u00e9lang\u00e9 \u00e0 du sang arabe ou juif, \u00e9tait pour tout bon chr\u00e9tien de la P\u00e9ninsule la condition m\u00eame de son honneur, le pi\u00e9destal de sa r\u00e9putation\u00a0\u00bb.<\/p>\n La crainte d’\u00eatre assimil\u00e9s \u00e0 des Juifs amena ainsi les Espagnols chr\u00e9tiens \u00e0 n\u00e9gliger, trois si\u00e8cles durant (du XVIe au XVIIIe), les activit\u00e9s scientifiques et commerciales. Ce m\u00e9pris pr\u00e9cipita la ruine \u00e9conomique du pays, qu’avaient amorc\u00e9e d\u00e9j\u00e0 le d\u00e9peuplement des campagnes, l’importation massive d’or am\u00e9ricain et les guerres religieuses pratiquement ininterrompues. Les intellectuels d’origine juive durent s’expatrier, comme le philosophe Vives, ou se taire. L’Inquisition, cr\u00e9\u00e9e par les Rois Catholiques, veilla jalousement sur la puret\u00e9 de la foi. Et le Saint-Office, bien avant que le luth\u00e9ranisme ne se manifest\u00e2t dans le pays, exer\u00e7a une r\u00e9pression sans piti\u00e9 contre les marranes et les moriscos. <\/em>L’humanisme espagnol, qui avait brill\u00e9 de tous ses feux au XVe si\u00e8cle, finit par s’\u00e9teindre d\u00e9finitivement.<\/p>\n On ne peut comprendre le retard de la bourgeoisie espagnole sur les autres bourgeoisies europ\u00e9ennes si l’on ne remonte \u00e0 ces guerres religieuses et raciales aberrantes, qui en vinrent \u00e0 faire pr\u00e9f\u00e9rer la pauvret\u00e9 et l’analphab\u00e9tisme \u00e0 une occupation risquant de ternir \u00ab\u00a0la puret\u00e9 du sang\u00a0\u00bb.<\/p>\n Cette attitude de rejet radical du savoir et du travail trouve son expression ultime chez Quevedo, le grand \u00e9crivain espagnol du XVIIe si\u00e8cle qui, dans La hora de todos <\/em>et Los suenos, <\/em>exalte la carri\u00e8re des armes comme seule digne d’un Espagnol. Son \u0153uvre dessine l’image d’une Espagne ignorante, orgueilleuse et mis\u00e9rable, o\u00f9 il suffisait d’exprimer quelque inqui\u00e9tude intellectuelle ou religieuse, de savoir le grec ou l’h\u00e9breu, pour \u00eatre soup\u00e7onn\u00e9 de juda\u00efsme. Au point que l’ignorance des premi\u00e8res notions de l’\u00e9criture en vint \u00e0 constituer un titre de gloire. Dans les \u0153uvres de Lope de Vega, notamment, nombreux sont les personnages qui s’enorgueillissent de leur analphab\u00e9tisme. Les auteurs ironisent-ils \u00e0 leur propos? Point du tout! Ils c\u00e9l\u00e8brent au contraire leurs vertus. Et seul Cervantes, l’ironique auteur de Don Quichotte, <\/em>peut faire dire \u00e0 l’un de ses personnages qu’il refuse d’apprendre \u00e0 lire parce que les choses \u00e9crites \u00ab\u00a0sont des chim\u00e8res qui envoient les hommes au b\u00fbcher\u00a0\u00bb.<\/p>\n En m\u00eame temps qu’elle t\u00e9moigne de l’\u00e9touffement de l’inqui\u00e9tude intellectuelle \u00ab\u00a0juda\u00efque\u00a0\u00bb, la litt\u00e9rature espagnole des XVIe et XVIIe si\u00e8cles d\u00e9montre, par omission, \u00e0 quel point la sensibilit\u00e9 hispano-arabe a \u00e9t\u00e9 \u00e0 cette \u00e9poque refoul\u00e9e. Aucun historien n’a, jusqu’\u00e0 ce jour, \u00e9valu\u00e9 l’importance de ce ph\u00e9nom\u00e8ne, et l’impact formidable qu’il a eu sur le caract\u00e8re national espagnol.<\/p>\n Comme l’observe justement Xavier Domingo, \u00ab\u00a0pour l’Arabe, les sentiments et la sexualit\u00e9 sont indissociables. Pour le Chr\u00e9tien (en revanche), tout ce qui a trait au sexe est mauvais et peut contaminer l’\u00e2me. (…) Tout ce que l’Espagnol porte en lui d’arabe est r\u00e9prim\u00e9 impitoyablement, et d’abord la sexualit\u00e9\u00a0\u00bb.<\/p>\n Alors qu’au Moyen Age la litt\u00e9rature \u00e9rotique arabo-andalouse, castillane aussi, avait atteint les plus hauts niveaux de l’art, \u00e0 partir des Rois Catholiques les \u00e9crivains entreprirent de ha\u00efr le sexe, et toute forme de sensualit\u00e9. Dans son Ant\u00e9christ, <\/em>Nietzsche rappelle que la premi\u00e8re mesure prise par les monarques castillans apr\u00e8s la reconqu\u00eate de Cordoue, fut de fermer les trois cents bains publics qui existaient alors dans la ville.<\/p>\n Et une \u0153uvre comme la Celestina, <\/em>attribu\u00e9e \u00e0 Fernando de Rojas (1502), racontant les manigances d’une vieille sorci\u00e8re pour favoriser les amours charnelles d’un couple adolescent, ne put \u00eatre diffus\u00e9e que parce que le Saint-Office ne contr\u00f4lait pas encore compl\u00e8tement la vie et la conscience des Espagnols. Mais d\u00e8s le milieu du XVIe si\u00e8cle, l’amour physique dispara\u00eet de la litt\u00e9rature de la P\u00e9ninsule. Seul l’amour id\u00e9al obtient d\u00e9sormais l’imprimatur; P\u00e9trarque et son amour virginal pour Laure de Noves remplacent Les mille et une nuits.<\/em><\/p>\n Don Quichotte lui-m\u00eame, \u00ab\u00a0le chevalier \u00e0 la triste figure\u00a0\u00bb, est, comme la quasi-totalit\u00e9 des personnages romanesques de l’\u00e9poque, un \u00eatre asexu\u00e9, aux amours purement platoniques. Chez Quevedo, enfin, la haine de la femme atteint des sommets morbides; la description physiologique qu’il en donne est r\u00e9pugnante. Qu’elle est loin l’atmosph\u00e8re sensuelle des nuits d’Andalousie, chant\u00e9es par les po\u00e8tes: nourritures d\u00e9licieuses, vins exquis, esclaves blondes, \u00e9ph\u00e8bes languissants.<\/p>\n Certes, au d\u00e9but de cette r\u00e9pression, les tensions morales et les d\u00e9chirements internes qu’elle provoqua trouv\u00e8rent une expression artistique. Mais l’\u00e9touffement finit par gagner. A la fin du XVIIe si\u00e8cle, l’art et la litt\u00e9rature du \u00ab\u00a0Si\u00e8cle d’or\u00a0\u00bb, qui, avec Velazquez, Cervantes, Goangora, avaient \u00e9tonn\u00e9 le monde, \u00e9taient mourants. Et si l’on excepte Goya, ne connurent aucune renaissance jusqu’au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle.<\/p>\n Personne ne peut nier le r\u00f4le d\u00e9cisif jou\u00e9 par l’Andalousie dans la formation de la culture castillane, et ce d\u00e8s les origines. Pourtant, aujourd’hui encore, nous n’admettons cette v\u00e9rit\u00e9 en Espagne qu’apr\u00e8s r\u00e9serves mentales, marchandages instinctifs, escamotages. Nous continuons \u00e0 r\u00e9duire syst\u00e9matiquement l’Arabe \u00e0 son pass\u00e9 glorieux mais disparu, comme si ce pass\u00e9 n’avait rien \u00e0 voir avec la culture et la vie espagnoles actuelles. Nous \u00e9liminons subrepticement le ph\u00e9nom\u00e8ne d’emprunts \u00e0 la culture arabe, par osmose, par capillarit\u00e9, dans une longue cohabitation qui a produit l’art et la litt\u00e9rature, merveilleux entre tous, de stylemud\u00e9jar.<\/em><\/p>\n Nous continuons \u00e0 \u00e9tudier l’histoire des Arabes et des Juifs de la P\u00e9ninsule comme celle de deux peuples h\u00f4tes mais \u00e9trangers, irr\u00e9ductiblement oppos\u00e9s au peuple espagnol. Parall\u00e8lement \u00e0 cette mutilation historique, nous persistons \u00e0 d\u00e9juda\u00efser et \u00e0 d\u00e9sarabiser les grandes \u0153uvres espagnoles. Alors que la langue nouvelle utilis\u00e9e par les auteurs de la chanson de geste Cantar de mio cid <\/em>(1140), par l’archipr\u00eatre de Hita pour \u00e9crire son po\u00e9tique Libro de buen amor <\/em>(1330), par l’infant don Juan Manuel, le Boccace espagnol, dans son \u0153uvre, t\u00e9moigne de la vitalit\u00e9, de l’\u00e9nergie produites par le m\u00e9tissage d’\u00e9l\u00e9ments latins et arabes \u00e0 partir desquels a grandi l’arbre touffu de la litt\u00e9rature espagnole. Et dans ce m\u00e9lange, le r\u00f4le des Juifs est fondamental: lorsque l’Espagne commence \u00e0 prendre conscience d’elle-m\u00eame, elle est d\u00e9j\u00e0 une terre s\u00e9farade, c\u00e9l\u00e8bre dans tout le monde connu.<\/p>\n Ce sont les Arabes qui ont fait appr\u00e9cier dans la P\u00e9ninsule l’h\u00e9ritage grec et les litt\u00e9ratures orientales, gr\u00e2ce \u00e0 quoi l’Espagne m\u00e9di\u00e9vale devint le creuset de toutes les cultures connues alors et la Castille diffusa dans toute l’Europe le grand savoir classique, d’Aristote \u00e0 Euclide, traduit dans Tol\u00e8de la Maure par des H\u00e9breux…<\/p>\n Et puis, au milieu du XVIIe si\u00e8cle, l’Espagne s’enferme dans ses fronti\u00e8res, cesse de s’int\u00e9resser aux autres peuples, aux autres cultures. Ce repli finit par st\u00e9riliser la culture espagnole, par tuer la production litt\u00e9raire qui avait surgi en un temps de m\u00e9tissage, de transvasement, d’ouverture f\u00e9conde sur l’ext\u00e9rieur. D’ailleurs le monde arabe lui-m\u00eame avait connu une st\u00e9rilisation et une d\u00e9cadence comparables deux si\u00e8cles plus t\u00f4t, d\u00e8s lors qu’enferm\u00e9 sur lui-m\u00eame dans une tentative futile de pr\u00e9server sa puret\u00e9 et son authenticit\u00e9, il avait cess\u00e9 d’absorber, d’int\u00e9grer \u00e0 son g\u00e9nie propre, et de transmettre, les h\u00e9ritages grec, romain, persan, indien.<\/p>\n Voil\u00e0 pourquoi je suis convaincu qu’en M\u00e9diterran\u00e9e notamment, carrefour de cultures et de civilisations nombreuses, il est absurde de chercher d’absolues \u00ab\u00a0identit\u00e9s nationales\u00a0\u00bb, en se fondant sur un pass\u00e9 mythique, falsifi\u00e9, d\u00e9natur\u00e9, et en niant les apports immenses d’autres peuples. Le po\u00e8te syro-libanais Adonis dit tr\u00e8s justement que l’identit\u00e9, loin d’\u00eatre quelque chose de complet et de d\u00e9finitif, est \u00ab\u00a0une possibilit\u00e9 toujours ouverte\u00a0\u00bb. Aujourd’hui comme hier, l’identit\u00e9 vraie est un courant qui ne cesse jamais, aliment\u00e9 par une infinit\u00e9 de ruisseaux et de rivi\u00e8res.<\/p>\n \u00a9 Le Temps strat\u00e9gique, No 17, Gen\u00e8ve.<\/p>\n <\/p>\n Les grands zigs et les grands zags<\/strong><\/em> de l’histoire espagnole<\/strong><\/em><\/p>\n Les origines: un manteau d’Arlequin Ces derniers inflig\u00e8rent une premi\u00e8re d\u00e9faite aux Celtib\u00e8res en 219 avant J.-C., lors de la prise de Sagonte, ville prosp\u00e8re de la c\u00f4te qui avait eu la mauvaise id\u00e9e de s’allier aux Romains. Un malheur ne venant jamais seul, ces derniers firent subir un sort encore plus horrible \u00e0 la ville de Numance en 133 avant J.-C.: ils accul\u00e8rent ses habitants assi\u00e9g\u00e9s et affam\u00e9s \u00e0 se manger entre eux puis \u00e0 se jeter dans le b\u00fbcher g\u00e9ant qu’ils avaient allum\u00e9 pour mettre fin \u00e0 leur supplice.<\/p>\n Ainsi pacifi\u00e9e, l’Hispanie demeura province romaine jusqu’aux invasions barbares. Les Vandales ne firent que passer, mais les Su\u00e8ves et les Wisigoths s’install\u00e8rent d\u00e8s 418. Tol\u00e8de devint capitale du royaume wisigothique, qui prosp\u00e9ra jusqu’\u00e0 la d\u00e9faite du roi Rodrigue contre les musulmans en 711.<\/p>\n Les Maures: l’affaire d’un petit mill\u00e9naire Le si\u00e8cle d’or, si bien nomm\u00e9 La chute lente… jusqu’\u00e0 quand? La faiblesse des monarques et les luttes qui oppos\u00e8rent lib\u00e9raux et conservateurs pendant tout le XIXe si\u00e8cle aboutirent \u00e0 la dictature de Primo de Rivera (1923-1930) puis \u00e0 l’av\u00e8nement de la R\u00e9publique (1931). Celle-ci fut bient\u00f4t noy\u00e9e dans le sang par l’arm\u00e9e putschiste conduite par Franco (1936-1939). La dictature du Caudillo devait durer jusqu’\u00e0 sa mort en 1975, l’Espagne revenant alors \u00e0 la royaut\u00e9 (constitutionnelle) avec Juan Carlos de Bourbon.<\/p>\n Rugueux champions de la foi<\/em><\/strong><\/p>\n Les Rois Catholiques L’union des deux royaumes permit d’achever la reconqu\u00eate de la p\u00e9ninsule encore domin\u00e9e par les Maures. Le bon usage du catholicisme comme banni\u00e8re de la reconqu\u00eate tant \u00e0 l’ext\u00e9rieur – prise de Grenade en 1492 – qu’\u00e0 l’int\u00e9rieur – fondation de l’Inquisition en 1478, expulsion des juifs en 1492 – valut au couple royal le titre de \u00ab\u00a0Rois Catholiques\u00a0\u00bb d\u00e9cern\u00e9 par le pape. Isabelle mourut en 1504. Remari\u00e9, Ferdinand n’eut point d’h\u00e9ritiers m\u00e2les, et lorsqu’il mourut en 1516, vit lui succ\u00e9der sur le tr\u00f4ne son petit-fils Charles de Gand – Charles Quint.<\/p>\n Le Saint-Office <\/p>\n \u00ab\u00a0Dieu qu’elle est jolie, do\u00f1a Endrina!\u00a0\u00bb<\/em><\/strong><\/p>\n La sensualit\u00e9 hispano-arabe de l’archipr\u00eatre de Hita (1290-1350) Cette opposition refl\u00e8te les deux courants de pens\u00e9e contradictoires qui ont influenc\u00e9 le po\u00e8te. D’un c\u00f4t\u00e9, l’auteur puise son inspiration dans la tradition arabe. Les r\u00e9f\u00e9rences au Collier de la Colombe <\/em>du Cordouan Ibn Hazm (994-1064) sont manifestes. Ce dernier, partant de l’id\u00e9e que l’amour \u00ab\u00a0n’est pas r\u00e9prouv\u00e9<\/em> dans la Loi\u00a0\u00bb <\/em>et que \u00ab\u00a0si Dieu, quand il forma l’homme, avait \u00e9prouv\u00e9 que la femme f\u00fbt mal, il ne l’e\u00fbt point donn\u00e9e a l’homme pour compagne\u00a0\u00bb <\/em>et que \u00ab\u00a0m’e\u00fbt-elle \u00e9t\u00e9 un bien, si noble il ne l’e\u00fbt pas cr\u00e9\u00e9e.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n De l’autre, il fait r\u00e9f\u00e9rence au n\u00e9o-platonisme. Cette doctrine, qui doit beaucoup aux penseurs grecs (Aristote et Platon notamment) et \u00e0 la mystique orientale, est pr\u00e9sente dans tout le bassin m\u00e9diterran\u00e9en depuis le IIIe si\u00e8cle apr\u00e8s J.-C. Elle milite en faveur d’un certain asc\u00e9tisme mystique, tr\u00e8s en vogue chez nombre de penseurs arabes. Ce m\u00e9lange subtil d’asc\u00e8se et de sensualit\u00e9 permet de faire coexister pacifiquement \u00e9rotisme et religion. \u00ab\u00a0Pour sainte ou saint qu’on soit je ne connais personne qui, vivant seul, ne souhaite une compagnie\u00a0\u00bb <\/em>affirme l’auteur du Libro de Buen Amor, <\/em>qui ne dissimule pas ses \u00e9motions: \u00ab\u00a0Dieu qu’est jolie dons Endrina sur la place! Sa taille, sa d\u00e9marche et son long col de cygne! Quels cheveux, quelle bouche, quel teint quel maintien gracieux! Avec des dards d’amour elle frappe en levant les yeux.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n R\u00e9alit\u00e9 de l’Espagne par Am\u00e9rico Castro. Paris, Klincksieck, 1963. (Am\u00e9rico Castro, n\u00e9 au Br\u00e9sil en 1885, fut l’un des plus grands critiques litt\u00e9raires espagnols de ce si\u00e8cle. <\/em>La realidad historica de Espana publi\u00e9e en 1954, est son \u0153uvre majeure.)<\/p>\n \u00ab\u00a0Baise-la, ses l\u00e8vres t’empl\u00e2treront\u00a0\u00bb<\/em><\/strong><\/p>\n Le pessimisme caustique de Quevedo (1580-1645) \u00ab\u00a0Si elle lavait son visage, tu ne la reconna\u00eetrais pas. Crois bien qu’il n ‘y a rien de plus travaill\u00e9 au monde que le cuir d’une belle femme ou l’on \u00e9puise, s\u00e8che et fond plus d’enduits qu’elles ne rev\u00eatent d’habits, tant elles se m\u00e9fient de leurs avantages naturels. Quand elles veulent flatter quelque odorat, elles font appel aux pastilles, aux parfums, aux lotions. Elles dissimulent parfois les sueurs de leurs pieds dans des pantoufles ointes d’ambre. Je te dis que nos sens sont \u00e0 jeun de ce qu’est la femme et gav\u00e9s de ce qu’elle para\u00eet. Baise-la, ses l\u00e8vres t’empl\u00e2treront, embrasse-la, tu n’\u00e9treindras qu’une planche et tu cabosseras du carton. Si tu couches avec elle, tu en laisses la moiti\u00e9 au pied du lit dans ses souliers \u00e0 hauts talons. Sa tu la poursuis, tu te fatigues, si tu l’obtiens, tu t’en emp\u00eatres, si tu l’entretiens, elle te ruine, si tu la laisses, elle te poursuit, et si tu l’aimes, elle te laisse tomber.<\/em><\/p>\n \u00ab\u00a0Fais-moi comprendre ce qu’il y a de bon en elle, et consid\u00e8re maintenant cet animal dont la superbe vient de notre faiblesse, la puissance de nos besoins (et il vaut bien mieux qu’ils demeurent r\u00e9prim\u00e9s et insatisfaits) tu verras clairement ta folie. Consid\u00e8re-la au moment de ses r\u00e8gles elle te d\u00e9go\u00fbtera. Quand elle ne les a plus, souviens-toi qu’elle les a eues, et qu’elle en souffrira encore, et tu auras horreur de ce qui te rend \u00e9pris. Rougis d’\u00eatre \u00e9perdu pour des choses que dans n’importe quelle statue de bois ont un fondement moins d\u00e9go\u00fbtant.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n Les Dessous et les dehors du monde.<\/em><\/p>\n Pour en savoir plus<\/strong><\/p>\n Morisques et Chr\u00e9tiens. Un affrontement pol\u00e9mique (1492-1640)<\/strong>, par Louis Cardaillac. Paris, Klincksieck, 1977.<\/p>\n La R\u00e9alit\u00e9 historique de l’Espagne<\/strong>, par Americo Castro. Paris, Klincksieck, 1963.<\/p>\n Floresta de Agendas heroicas espa\u00f1olas<\/strong>, par Ramon Men\u00e9ndes Pidal. Madrid, Espasa Calfe, 1952 (3 vol.).<\/p>\n Structures sociales orientales et occidentales dans l’Espagne musulmane<\/strong>, par Pierre Guichard. Paris, Mouton, 1977.<\/p>\n Les Arabes n’ont jamais envahi l’Espagne<\/strong>, par Ignacio Algue. Paris, Flammarion, 1969.<\/p>\n Histoire d’Espagne<\/strong>, par Jean Descola. Paris, Fayard, 1959.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" PERSPECTIVES HISTORIQUES Cinq si\u00e8cles apr\u00e8s l’Espagne paie encore pour avoir reni\u00e9 son h\u00e9ritage arabe et juif Par Juan Goytisolo Pendant des si\u00e8cles et des si\u00e8cles, l’Espagne des Chr\u00e9tiens, des Arabes, et des Juifs, a d\u00e9velopp\u00e9 une des cultures les plus brillantes que le monde ait connu. 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\ninchang\u00e9e depuis <\/span><\/strong>
\nle fond des \u00e2ges!<\/span><\/strong><\/div>\n
\ndiscorde espagnole <\/span><\/strong>
\ndate de l’expulsion<\/span><\/strong>
\ndes Juifs…en 1492<\/span><\/strong><\/div>\n
\ntu\u00e8rent<\/span><\/strong>
\nen eux-m\u00eames<\/span><\/strong>
\ntoute trace de leur<\/span><\/strong>
\nsensualit\u00e9 arabe…<\/span><\/strong><\/div>\n
\nQue sans m\u00e9tissage,<\/span><\/strong>
\nun peuple devient<\/span><\/strong>
\nvite aussi st\u00e9rile<\/span><\/strong>
\nqu’un caillou…<\/span><\/strong><\/div>\n
\n<\/strong>A l’\u00e9poque n\u00e9olithique, vers le IIe mill\u00e9naire avant J.-C., l’Espagne est envahie par les Ib\u00e8res, lesquels doivent bient\u00f4t faire un peu de place aux Celtes. Les deux races, se fondant en une population celtib\u00e8re, occupent l’int\u00e9rieur de la P\u00e9ninsule, tandis que les c\u00f4tes se peuplent de Ph\u00e9niciens, de Grecs, puis de Carthaginois.<\/p>\n
\n<\/strong>Les Maures, battus en 732 \u00e0 Poitiers par Charles Martel, occup\u00e8rent tout le centre et le sud de l’Espagne et y fond\u00e8rent le califat de Cordoue (IXe-Xe si\u00e8cles) qu’ils appelaient al-Andalus. Se divisant en royaumes ind\u00e9pendants au XIe si\u00e8cle, l’Espagne maure se laissa d\u00e8s lors grignoter par les royaumes chr\u00e9tiens du Nord, malgr\u00e9 les r\u00e9sistances des dynasties Almoravides puis Almohades. A partir de 1260, seul subsista le petit royaume de Grenade, qu’Isabelle et Ferdinand, les Rois catholiques, conqu\u00e9rirent en 1492.<\/p>\n
\n<\/strong>Stimul\u00e9s par quatre si\u00e8cles de croisade contre les Maures, les Espagnols partirent \u00e0 la conqu\u00eate de nouveaux espaces: Nouveau Monde d’abord, puis une partie de l’Europe, gr\u00e2ce \u00e0 l’or ramen\u00e9 d’Am\u00e9rique. Les politiques imp\u00e9riales de Charles-Quint puis de Philippe II (1556-1598), si elle leur permit de gouverner un \u00ab\u00a0empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais\u00a0\u00bb, ruin\u00e8rent d\u00e9finitivement l’\u00e9conomie espagnole. L’or am\u00e9ricain, servant \u00e0 financer les guerres et des achats somptueux plut\u00f4t qu’\u00e0 d\u00e9velopper l’\u00e9conomie du pays, se trouva en effet tr\u00e8s vite dans les poches des fournisseurs hollandais et des mercenaires suisses ou italiens, lesquels s’attach\u00e8rent \u00e0 le faire fructifier mieux que les d\u00e9pensiers Espagnols.<\/p>\n
\n<\/strong>Cette politique pr\u00e9cipita la d\u00e9cadence de l’Espagne qui ne subit plus, des le XVIIe si\u00e8cle, qu’une longue s\u00e9rie de revers: s\u00e9cession du Portugal (1640) et des Pays-Bas (1648), perte de l’Artois et du Roussillon (1659), de Gibraltar et de Minorque (1713), invasion fran\u00e7aise (1808) et ind\u00e9pendance de toutes les colonies d’Am\u00e9rique (1810-1825), le mouvement se terminant en 1898 par la perte de Cuba et des Philippines.<\/p>\n
\n<\/strong>Ferdinand II d’Aragon roi d’Aragon et de Sicile, roi de Castille et roi de Naples scella l’unit\u00e9 espagnole en \u00e9pousant Isabelle de Castille en 1469, associant \u00e0 l’expansion atlantique de la Castille les ambitions m\u00e9diterran\u00e9ennes de l’Aragon.<\/p>\n
\n<\/strong>Institution eccl\u00e9siastique, fond\u00e9e par la cour de Rome, dans le dessein de rechercher et de punir toute atteinte port\u00e9e \u00e0 la foi. On fait g\u00e9n\u00e9ralement remonter l’origine de l’Inquisition \u00e0 l’an 1204, \u00e9poque o\u00f9 le pape Innocent III, voulant arr\u00eater les progr\u00e8s de l’h\u00e9r\u00e9sie des Albigeois, envoya son l\u00e9gat Pierre de Castelnau et plusieurs autres religieux b\u00e9n\u00e9dictins, pr\u00eacher dans le Languedoc. De l’Italie, o\u00f9 elle avait \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9e dans quelques \u00c9tats, l’Inquisition fut apport\u00e9e et \u00e9tablie en France sous le r\u00e8gne de Saint Louis, en 1255 mais elle trouva une opposition persistante dans le pays m\u00eame qui lui avait pour ainsi dire, servi de berceau. I1 n en fut pas de m\u00eame en Espagne, o\u00f9 cette institution, fond\u00e9e en 1232, fut transform\u00e9e plus tard sous Ferdinand le Catholique, et re\u00e7ut, avec une nouvelle organisation, des pouvoirs v\u00e9ritablement formidables. Constitu\u00e9e en 1478, dans l’intention principale de poursuivre les juifs et les Maures relaps, elle prit le nom de Saint Office <\/em>et fut plac\u00e9e, en 1483, sous la direction d’un grand inquisiteur, auquel on adjoignit le conseil, dit la Supr\u00eame, <\/em>et 45 inquisiteurs g\u00e9n\u00e9raux. Le premier grand inquisiteur fut le c\u00e9l\u00e8bre Thomas de Torquemada, prieur des dominicains de S\u00e9govie; Sixte IV le confirma, bien qu’il d\u00e9sapprouv\u00e2t dans ses lettres \u00e0 Ferdinand et \u00e0 Isabelle, l’esprit de rigueur et les pouvoirs trop \u00e9tendus du nouveau tribunal. La proc\u00e9dure inquisitoriale devait \u00eatre secr\u00e8te: le pr\u00e9venu, enferm\u00e9 dans une prison appel\u00e9e casa santa <\/em>(maison sainte), \u00e9tait soumis, dans les cas les moins graves, \u00e0 des peines spirituelles: mais, pour d’autres cas, il pouvait avoir \u00e0 subir l’amende, la prison ou la mort. Livr\u00e9, dans cette derni\u00e8re circonstance, au bras s\u00e9culier, il \u00e9tait ordinairement conduit au supplice, le corps couvert d’un san benito, <\/em>robe jaune en forme de sac, ayant une croix devant et derri\u00e8re, et parsem\u00e9e de diables: sa sentence, publiquement prononc\u00e9e, \u00e9tait appel\u00e9e auto-da-f\u00e9.<\/em> Ce fut surtout sous Philippe II que l’Inquisition signala son z\u00e8le rigoureux en Espagne et aussi dans les Pays Bas, o\u00f9 elle eut \u00e0 combattre l’h\u00e9r\u00e9sie. Au XVIIe si\u00e8cle, Jean VI, roi de Portugal, la supprima dans son royaume: et en 1808, Napol\u00e9on Ier l’abolit en Espagne. Ferdinand VII la r\u00e9tablit en 1814, et les Cort\u00e8s la supprim\u00e8rent d\u00e9finitivement en 1820. L’Inquisition, \u00e9tablie \u00e0 Rome par Pie VII, ne fut qu’un tribunal de discipline pour le clerg\u00e9, appel\u00e9 Congr\u00e9gation du Saint-Office, jusqu’en 1965, et Congr\u00e9gation pour la Doctrine de la foi depuis lors.<\/p>\n
\n<\/strong>Juan Ruiz, archipr\u00eatre de Hita, est l’auteur de nombreux po\u00e8mes burlesques et licencieux qui le firent jeter en prison par l’archev\u00eaque de Tol\u00e8de. Le Libro de Buen Amor, <\/em>qui est son \u0153uvre majeure, est de conception plus classique et d’esprit moins rabelaisien. C’est un long po\u00e8me lyrique qui reprend l’un des th\u00e8mes principaux de la po\u00e9sie m\u00e9di\u00e9vale: l’opposition entre amour humain et amour divin.<\/p>\n
\n<\/strong>Francisco Gomez de Quevedo y Villegas, humoriste impitoyable, excellant dans la satire burlesque et le pamphlet, tourne en ridicule les travers de ses contemporains. Politicien rat\u00e9, il tomba deux fois en disgr\u00e2ce et fut condamn\u00e9 deux fois aux arr\u00eats, dans une prison d’abord, puis dans un monast\u00e8re. Spectateur impuissant des d\u00e9buts du d\u00e9clin de l’Espagne, Quevedo est l’auteur baroque par excellence, d’un pessimisme noir et toujours hant\u00e9 par la mort. Au-del\u00e0 des jeux de mots, de la truculence de ses expressions et de son style, appara\u00eet l’humeur sombre et le moralisme sentencieux de l’ancien \u00e9l\u00e8ve des J\u00e9suites. La description qu’il fait de la femme, toujours fard\u00e9e et artificielle, est \u00e9loquente:<\/p>\n