{"id":393,"date":"2015-01-01T19:23:33","date_gmt":"2015-01-01T18:23:33","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=393"},"modified":"2015-01-01T20:12:20","modified_gmt":"2015-01-01T19:12:20","slug":"soufisme-et-humanisme","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=393","title":{"rendered":"Soufisme et humanisme"},"content":{"rendered":"
par Elias<\/strong><\/p>\n<\/div>\n Ce texte est paru dans la Tribune d’Octobre<\/em> No 19 (El Badil,<\/em> Montreuil, 25 mars 1990)<\/p>\n Le soufisme s’est d\u00e9velopp\u00e9 dans un cadre particuli\u00e8rement difficile. le pouvoir en place, sous les Omeyyades et plus particuli\u00e8rement sous les ‘Abbassides, \u00e9tait tr\u00e8s sourcilleux sur l’orthodoxie sunnite et jetait le discr\u00e9dit sur toute fausse note susceptible de donner plus d’assise au chiisme.<\/em><\/p>\n Il n’est pas du tout surprenant d’assister \u00e0 une lutte sans merci pour la mainmise sur la religion d\u00e8s l’av\u00e8nement du deuxi\u00e8me calife Omar. L’\u00e9laboration de la vulgate coranique sous Othman avait donn\u00e9e le ton de ce qui allait advenir en mati\u00e8re de politisation de la croyance. La volont\u00e9 de r\u00e9genter le culte s’en est davantage accentu\u00e9e.<\/em><\/p>\n<\/div>\n D\u00e8s l’\u00e9poque Omeyyade, il y eut un islam officiel, proche du pouvoir en place et un islam l\u00e9gitimiste incarn\u00e9 par les chi’ites qui r\u00e9clamaient un \u00ab\u00a0juste retour des choses\u00a0\u00bb. Le message coranique subira d\u00e8s lors beaucoup d’avatars pour culminer \u00e0 l’\u00e9poque ‘Abbasside par une volont\u00e9 de faire triompher le courant litt\u00e9-raliste qui s’est non seule-ment attach\u00e9 \u00e0 mettre en avant l’aspect exot\u00e9rique des \u00c9critures Saintes mais en plus selon la technique de l’abrogation, s’est rang\u00e9 sur les positions les plus restrictives voire r\u00e9pressives du message. Cette lecture litt\u00e9raliste \u00e9tait le propre des th\u00e9ologiens de cour occupant des positions pr\u00e9dominantes dans le clerg\u00e9 informel de la judicature islamique.<\/p>\n Face \u00e0 cette formalisation excessive d’une croyance bas\u00e9e sur l’\u00e9mancipation des individus, d’autres cat\u00e9gories ont vu le jour pour mettre les pendules \u00e0 l’heure: les philosophes et les soufis.<\/p>\n Les philosophes hell\u00e9nisants n’avaient pas \u00e0 proprement parler les coud\u00e9es franches. Ils devaient promouvoir leur activit\u00e9 sp\u00e9culative \u00e0 l’ombre du dogme sous peine d’\u00eatre tax\u00e9s d’h\u00e9r\u00e9sie.<\/p>\n Les soufis<\/strong><\/p>\n En sch\u00e9matisant \u00e0 l’extr\u00eame, on pourrait dire que le soufisme est un \u00e9sot\u00e9risme par opposition \u00e0 l’\u00e9sot\u00e9risme. Cette attitude \u00e9sot\u00e9rique (batin<\/em>) n’est pas fortuite, elle plonge ses racines dans le champ ouvert par le Coran. D\u00e8s lors que le soufisme repr\u00e9sente l’aspect int\u00e9rieur de l’Islam, sa doctrine est en substance un commentai-re \u00e9sot\u00e9rique du Coran. Le proph\u00e8te lui-m\u00eame a donn\u00e9 la clef de toute ex\u00e9g\u00e8se coranique dans ses enseignements oralement transmis et v\u00e9rifi\u00e9s par la concordance d’interm\u00e9diaires.<\/p>\n Parmi ces paroles proph\u00e9tiques, certaines sont fondamentales pour le soufisme, \u00e0 savoir celles que le Proph\u00e8te \u00e9non\u00e7ait en sa qualit\u00e9, non de l\u00e9gislateur, mais de saint contemplatif, et qu’il adressait \u00e0 ceux de ses compagnons qui furent, par la suite, les premiers ma\u00eetres soufis, puis celles o\u00f9 Dieu parla directement par la bouche du Proph\u00e8te et qu’on appelle Sentences Saintes (Ahadith Qudsiya<\/em>). Celles-ci rel\u00e8vent du m\u00eame degr\u00e9 d’inspiration que le Coran, mais non du m\u00eame mode \u00ab\u00a0objectif\u00a0\u00bb de r\u00e9v\u00e9lation; elles \u00e9noncent, du reste, des v\u00e9rit\u00e9s qui n’\u00e9taient pas destin\u00e9es \u00e0 toute la communaut\u00e9 religieuse, mais aux seuls contemplatifs. C’est de l\u00e0 que part l’ex\u00e9g\u00e8se soufie du Coran, \u00ab\u00a0se basant sur la parole du Proph\u00e8te selon laquelle chaque parole du Coran comporterait plusieurs sens et sur le fait que chaque lettre a son sens (hadd<\/em>) et que chaque d\u00e9finition implique un lieu d’ascension\u00a0\u00bb (matla’<\/em>) 1<\/strong>.<\/p>\n Le soufisme est n\u00e9 pratiquement avec l’Islam, cependant le terme tasawuf<\/em> n’est apparu qu’aux confins du IIe et IIIe si\u00e8cles de l’h\u00e9gire. Un groupe de spirituels chi’ites aurait \u00e9t\u00e9 le premier d\u00e9sign\u00e9 sous le nom de soufis. Parmi eux un certain ‘Abdak (210\/825) ant\u00e9rieur \u00e0 Jonayd et son ma\u00eetre Sari al-Saqati.<\/p>\n La Tradition du Proph\u00e8te abonde en pr\u00e9ceptes mystiques. N’est-ce pas lui qui incita \u00e0 une lecture \u00e9sot\u00e9rique du Coran. Abou Hurayra disait: \u00ab\u00a0j’ai gard\u00e9 pr\u00e9cieusement dans ma m\u00e9moire deux tr\u00e9sors de connaissance que j’avais re\u00e7u du messager de Dieu; l’un, je l’ai rendu public, mais si je divulguais l’autre, vous me trancheriez la gorge\u00a0\u00bb.<\/p>\n Apr\u00e8s la disparition du dernier calife qui \u00e9tait le chef l\u00e9gal, th\u00e9ologique et mystique, l’autorit\u00e9 se divisa entre les jurisconsultes, les th\u00e9ologiens et les mystiques. Hassan al Basri (mort en 728) \u00e9tait probablement le premier mystique \u00ab\u00a0pur\u00a0\u00bb n’ayant pas de responsabilit\u00e9 dans la direction de l’\u00c9tat. C’est aussi le premier, sans doute, \u00e0 avoir pos\u00e9 explicitement ce qu’allait \u00eatre le fondement du soufisme: \u00ab\u00a0Qui conna\u00eet Dieu l’aime, et qui conna\u00eet le monde y renonce\u00a0\u00bb 2<\/strong>.<\/p>\n Ce renoncement est repris par D\u00e2wad at-T\u00e2’i, disciple et successeur de Habib al ‘Ajami (le persan) lui-m\u00eame disciple de Hassan al Basri: \u00ab\u00a0Fais ton je\u00fbne de ce monde, fais ton d\u00e9jeuner de la mort et fuis les hommes comme tu fuirais les b\u00eates\u00a0\u00bb 3<\/strong>.<\/p>\n Ces principes vont inaugurer toute une lign\u00e9e de mystiques qui ne vont pas se contenter de rechercher lahaqiqa <\/em>(v\u00e9rit\u00e9 spirituelle permanente) au d\u00e9triment de la Shari’a <\/em>(la lettre de la loi divine). Au premier rang desquels Jonayd (mort en 297\/909) surnomm\u00e9 Cheikh at-Taifa<\/em> (le ma\u00eetre du groupe des soufis). Iranien d’origine, il re\u00e7ut l’enseignement des plus grands ma\u00eetres de l’\u00e9poque dont Abu Thawr al Kalbi et f\u00fbt initi\u00e9 par son oncle Sari al Saqati. Il r\u00e9sida toute sa vie \u00e0 Bagdad et laissa une quinzaine de trait\u00e9s dont Kitab at Tawhid<\/em> (le Livre de l’Unicit\u00e9) et Kitab al-Fana’<\/em> (le Livre de l’Extinction). Il disait \u00e0 propos de l’absorption mystique (al Fana<\/em>‘): \u00ab\u00a0le soufisme, c’est que Dieu te fasse mourir \u00e0 toi-m\u00eame et vivre en lui\u00a0\u00bb 4<\/strong>.<\/p>\n Le supplice de Hallaj<\/strong><\/p>\n En 264\/977, Hallaj fait la rencontre de Jonayd et pratique sous sa direction les exercices spirituels. Il re\u00e7oit laKhirqa<\/em> (le manteau de soufi) des mains du ma\u00eetre. Mais d\u00e8s son premier p\u00e8lerinage \u00e0 la Mecque, il rompt ses relations avec les soufis ainsi qu’avec les traditionalistes et les juristes.<\/p>\n L’union avec Dieu r\u00e9alis\u00e9e gr\u00e2ce \u00e0 l’amour \u00e9tait le sujet de ses pr\u00e9dications en public \u00e0 Bagdad. Les canonistes en con\u00e7urent beaucoup de col\u00e8re et l’accus\u00e8rent de panth\u00e9isme. Les soufis ne le soutinrent pas sous pr\u00e9texte qu’il aurait divulgu\u00e9 des secrets qui ne devaient \u00eatre communiqu\u00e9s qu’aux initi\u00e9s. Hallaj avait commis la faute de rompre publiquement \u00ab\u00a0la discipline de l’arcane\u00a0\u00bb. Les politiciens et les juristes r\u00e9clam\u00e8rent une fatwa<\/em> pour l’envoyer au gibet. Il fut mis \u00e0 mort par un jour de printemps en l’an 922, le 24 Du’l-Qa’da<\/em>.<\/p>\n Mais quels qu’aient pu \u00eatre ses effets imm\u00e9diat, son martyre se r\u00e9v\u00e9la finalement comme une source de force pour le statut des mystiques et pour le mysticisme lui-m\u00eame au sein de la communaut\u00e9 dans son ensemble.<\/p>\n Le verdict d\u00e9clarant que personne n’avait le droit de prononcer de telles paroles: \u00ab\u00a0Ana al Haq\u00a0\u00bb <\/em>(je suis la V\u00e9rit\u00e9) fut graduellement oubli\u00e9 en faveur d’une opinion selon laquelle ce n’\u00e9tait pas l’homme dans ce cas qui parlait et maintenant, pour un nombre croissant de musulmans la formule condamn\u00e9e est elle-m\u00eame d’abord un \u00e9l\u00e9ment important de la preuve que Hallaj fut l’un des plus grands saints de l’Islam, alors qu’elle sert, en m\u00eame temps, de d\u00e9monstration g\u00e9n\u00e9rale du fait que les soufis ne sont pas toujours responsables de ce qu’ils expriment.<\/p>\n Cette reconnaissance graduelle et tardive est due en partie \u00e0 des trait\u00e9s de soufisme plus simples. Des ouvrages accessibles \u00e0 la masse comme Ta’aruf<\/em> de Kalabadhi ou Kashf al Mahjub<\/em> (le D\u00e9voilement des choses cach\u00e9es) de Hujwiri.<\/p>\n Les IVe et Ve si\u00e8cles connurent un foisonnement sans pareil de grands ma\u00eetres. Niffari est une des figures les plus int\u00e9ressantes. Auteur de Kitab al Mawaqif <\/em>(Le Livre des Stations) ou il relate les r\u00e9v\u00e9lations qu’il aurait eues en \u00e9tat d’extase:<\/p>\n \u00ab\u00a0Il m’\u00e9tablit dans la Mort; et je vis que les actes, tous sans exception, \u00e9taient mauvais. Et j’appelai: \u00ab\u00a0Connaissance\u00a0\u00bb mais elle ne r\u00e9pondit pas. Il me dit: O\u00f9 est ta connaissance? Il me dit: O\u00f9 est ta gnose? Et il me d\u00e9voila Ses Gnoses d’Unicit\u00e9 et le Feu s’\u00e9teignit. Au-del\u00e0 des propos d’extase qui ne peuvent \u00eatre entendus que par une infime minorit\u00e9 d’initi\u00e9s, il y eut un ph\u00e9nom\u00e8ne qui sauva le soufisme des griffes de ses d\u00e9tracteurs le jour o\u00f9 Ghazali 5<\/strong> se convertit au soufisme.<\/p>\n Ce personnage exceptionnel ayant \u00e9prouv\u00e9 les limites du rationalisme, fit l’exp\u00e9rience intense et providentielle de la n\u00e9cessit\u00e9 du soufisme. Devenu l’un des premiers th\u00e9ologiens et juristes de Bagdad, il parvint \u00e0 un \u00e9tat de crise durant lequel, comme il nous le rapporte, il fut pendant deux mois, en proie \u00e0 des doutes sur la v\u00e9rit\u00e9 de la religion. Le salut lui vint d’un contact avec le soufisme. Il raconte sa conversion (tawba<\/em>) dans son autobiographie: al Munqidh min al Dhalal <\/em>(Celui qui sauve de l’erreur) dont voici un extrait significatif:<\/p>\n \u00ab\u00a0L’examen de ces doctrines termin\u00e9, je m’appliquai \u00e0 l’\u00e9tude de la Voie Soufie. Je vis que, pour la conna\u00eetre parfaitement, il fallait joindre la pratique \u00e0 la th\u00e9orie. Le but que les soufis se proposent est celui-ci: arracher l’\u00e2me au joug tyrannique des passions, la d\u00e9livrer de ses penchants coupables et de ses mauvais instincts, afin que dans le coeur purifi\u00e9 il n’y ait place que pour Dieu; le moyen de cette purification est le dhikr Allah, la comm\u00e9moration de Dieu et la concentration de toute sa pens\u00e9e en lui. Comme il m’\u00e9tait plus facile de conna\u00eetre leur doctrine que de la pratiquer, j’\u00e9tudierai d’abord ceux de leurs livres qui la renferment… les ouvrages… les fragments qui nous sont rest\u00e9s des cheikhs. J’acquis une connaissance approfondie de leurs recherches, et je sus de leur m\u00e9thode tout ce qu’on peut savoir par l’\u00e9tude et l’enseignement oral; il me fut d\u00e9montr\u00e9 que son dernier terme ne pouvait \u00eatre r\u00e9v\u00e9l\u00e9 par l’enseignement, mais seulement par le transport, l’extase et la transformation de l’\u00eatre moral… J’en savais tout ce que l’\u00e9tude peut en apprendre, et ce qui manquait \u00e9tait du domaine, non de l’enseignement, mais de l’extase et de l’initiation… Faisant un s\u00e9rieux retour sur moi-m\u00eame, je me vis enserr\u00e9 de toutes parts dans ces attaches. Examinant mes actions dont les plus honorables \u00e9taient l’enseignement et le professorat, je me surpris plong\u00e9 dans plusieurs \u00e9tudes de peu de valeur et sans profit pour mon salut. Je sondai le fond de mon enseignement et je vis qu’au lieu d’\u00eatre sinc\u00e8rement consacr\u00e9 \u00e0 Dieu, il n’\u00e9tait stimul\u00e9 que par le vain d\u00e9sir de l’honneur et de la r\u00e9putation. Je m’aper\u00e7us que j’\u00e9tais sur le bord de l’ab\u00eeme et que, sans une conversion imm\u00e9diate je serai condamn\u00e9 au feu \u00e9ternel… Enfin sentant la faiblesse et l’accablement de mon \u00e2me, je me r\u00e9fugiai en Dieu comme un homme \u00e0 bout de courage et sans ressources. \u00ab\u00a0Celui qui exauce le malheureux qui l’invoque\u00a0\u00bb daigna m’exaucer; il facilita \u00e0 mon coeur le sacrifice des honneurs, des richesses, de la famille\u00a0\u00bb.<\/em><\/p>\n Si Ghazali, le juriste shaf\u00e9ite, avait donn\u00e9 sa caution en se jetant corps et \u00e2me comme en t\u00e9moignent ses \u00ab\u00a0confessions\u00a0\u00bb dans le soufisme, son jeune contemporain Abd al Qadir al Jilani avait rendu cette reconnaissance pleinement effective. Abd al Qadir r\u00e9ussira \u00e0 faire admettre d\u00e9finitivement le soufisme dans la cit\u00e9. La tariqa qadiriya<\/em> en tant que branche de la jonaydia<\/em> se d\u00e9veloppera dans la majeure partie des pays musulmans.<\/p>\n Avant d’\u00e9voquer le prolongement du soufisme en confr\u00e9ries religieuses, il n’est pas inutile d’\u00e9voquer l’ultime sinon la figure la plus marquante de l’histoire du soufisme: Ibn ‘Arabi.<\/p>\n Al cheikh al akbar<\/strong><\/p>\n Ibn ‘Arabi est sans conteste celui qui donnera tout son sens au soufisme tant par sa pratique que par les centaines d’ouvrages qu’il a r\u00e9dig\u00e9.<\/p>\n N\u00e9 \u00e0 Murcia en Andalousie en 569\/1165, il rencontre \u00e0 l’\u00e2ge de 17 ans Ibn Rochd (Averro\u00e8s) qu’il ne devait jamais revoir. Ibn ‘Arabi peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme un h\u00e9ritier d’Abou Madyan Shu’ayb 6 car il fut en contact \u00e9troit avec plusieurs de ses disciples et parlait toujours de lui avec la plus grande v\u00e9n\u00e9ration, le d\u00e9signant parfois comme son \u00ab\u00a0Cheikh\u00a0\u00bb.<\/p>\n Bien qu’ils ne se soient jamais rencontr\u00e9s de fait, ils communiqu\u00e8rent n\u00e9anmoins gr\u00e2ce au miracle de la l\u00e9vitation. Le lien spirituel existant entre eux fut confirm\u00e9 au temps de la jeunesse d’Ibn ‘Arabi. Ce dernier raconte qu’un soir apr\u00e8s avoir accompli la pri\u00e8re du maghrib <\/em>[coucher du soleil], il se mit \u00e0 penser tr\u00e8s fort \u00e0 Abou Madyan et ressentit un tr\u00e8s vif d\u00e9sir de le voir. Quelques instants plus tard, un messager entra, le salua et l’informa qu’il venait de la part du saint avec lequel il venait d’accomplir la pri\u00e8re \u00e0 Bougie. Abu Madyan l’avait charg\u00e9 de dire \u00e0 Muhyi’d-din: \u00ab\u00a0Pour ce qui est de notre rencontre dans l’esprit, tout est bien, mais Dieu ne permettra pas celle que nous pourrions avoir dans ce monde mat\u00e9riel. Rassurez-vous, cependant, car le temps fix\u00e9 pour une rencontre entre vous et moi se situe dans la s\u00e9curit\u00e9 de la mis\u00e9ricorde divine\u00a0\u00bb 7.<\/p>\n Ce disciple de Abu Madyan, \u00e9crivain d’une prolixit\u00e9 colossale, produisit au cours de son existence quelques huit cent cinquante-six ouvrages dont seulement cinq cent cinquante nous sont parvenus et sont attest\u00e9s dans deux mille neuf cent dix sept manuscrits. Son chef-d’oeuvre le plus c\u00e9l\u00e8bre s’intitule: Kitab al Futuhat al Makkiya<\/em> (Le livre des conqu\u00eates spirituelles de la Mecque ou Illuminations Mecquoises). Cet ouvrage fut r\u00e9dig\u00e9 \u00e0 la Mecque sous l’injonction de l’ange de la r\u00e9v\u00e9lation. Il comporte 565 chapitres r\u00e9partis sur quatre volumes.<\/p>\n Ibn ‘Arabi s’\u00e9teignit paisiblement \u00e0 Damas, entour\u00e9 des siens, le 28 Rabi’ 11638\/16 Novembre 1240 peu avant la prise de Bagdad par les Monghols en 1258.<\/p>\n Depuis la disparition du Khatem Al Awliya’ <\/em>(Sceau des Saints), le soufisme n’a plus connu de th\u00e9oricien de cette envergure. Les ordres soufis ont servi, depuis lors, de relais avec des fortunes diverses \u00e0 ces penseurs qui incarn\u00e8rent la spiritualit\u00e9 de l’Islam.<\/p>\n 1 Burkhardt. Introduction aux doctrines \u00e9sot\u00e9riques de l’islam <\/p>\n Ce disciple d’Ibn Mash\u00eesh fit tant d’adh\u00e9rents \u00e0 Tunis que les autorit\u00e9s en furent inqui\u00e8tes au point o\u00f9 il chercha refuge en Alexandrie. Il re\u00e7ut un accueil si encourageant, qu’il continua son enseignement de la discipline et du rituel soufi. L’ordre des Chadhiliya est encore vivace au Maghreb et au Proche-Orient.<\/p>\n Son oeuvre la plus connue et r\u00e9guli\u00e8rement cit\u00e9e est le Mathnawi<\/em>; un po\u00e8me fleuve de vingt–six mille distiques. Cet ouvrage fait l’apologie de l’imagination active face aux sp\u00e9culations restric-tives des philosophes.<\/p>\n R\u00fbmi surnomm\u00e9 Mawl\u00e2na ou Melvana en turc, fonda l’ordre des Mawlaw\u00eeya qui connut un essor extraordinaire \u00e0 l’\u00e9poque ottomane.<\/p>\n Il \u00e9tait pr\u00e9sent dans tout l’empire jusqu’\u00e0 Belgrade, en Bosnie et dans l’Asie mineure.<\/p>\n Plus pr\u00e8s de nous, en Alg\u00e9rie, le mouvement des ‘Ul\u00e9mas d’inspiration wahhabite, s’empressa de d\u00e9noncer \u00ab\u00a0le maraboutisme obscurantiste\u00a0\u00bb. En Turquie, le champion de la la\u00efcit\u00e9, Attaturk supprima tous les centres religieux en 1925. Le Mawlawiya se r\u00e9fugia un temps \u00e0 Alep en Syrie avant d’\u00eatre de nouveau chass\u00e9e. Apr\u00e8s les salves essuy\u00e9es de la part des puritains (Salafiya, ‘Ul\u00e9mas, etc.) et des \u00ab\u00a0modernistes\u00a0\u00bb version Mustapha Kemal les ordres religieux, loin d’\u00eatre d\u00e9capit\u00e9s, retrouvent sans peine leur l\u00e9gitimit\u00e9 spirituelle et sociale; car quoi qu’on fasse, l’humanisme ne peut \u00eatre jamais d\u00e9pass\u00e9.<\/p>\n Le Maqam (station) <\/em>repr\u00e9sente dans l’itin\u00e9raire vers Dieu, un degr\u00e9 de perfection spirituelle obtenu par l’effort personnel du mystique, alors que le Hal <\/em>(\u00c9tat) consiste en une disposition ne d\u00e9pendant que de Dieu: \u00ab\u00a0Les \u00c9tats, disait Al Qushairi, sont des dons, les stations sont des m\u00e9rites\u00a0\u00bb.<\/strong><\/p>\n La premi\u00e8re station est, suivant l’opinion commune, constitu\u00e9e par la conversion des soufis. Il ne s’agit pas, on le devine, de la profession expplicite de l’Islam mais de la r\u00e9solution m\u00fbrie par laquelle un musulman adulte d\u00e9cide d’abandonner la vie s\u00e9culaire pour se consacrer au service de Dieu. C’est en ce sens qu’Al Ghazali, en pleine possession d’une grande r\u00e9putation de juriste et de th\u00e9ologien, se convertit et donna son adh\u00e9sion au soufisme. Al Qushairi d\u00e9crit ensuite l’itin\u00e9raire du p\u00e9nitent de la mani\u00e8re suivante:<\/p>\n Le terme s’inspire du texte coranique: (C 26\/69). Suivant une tradition, le proph\u00e8te a lui-m\u00eame rang\u00e9 la (al jihad al akbar<\/em>) au-dessus de la guerre contre les infid\u00e8les (al jihad al asghar<\/em>) et a d\u00e9fini la \u00ab\u00a0grande guerre\u00a0\u00bb comme la lutte courageuse contre l’\u00e2me charnelle (mujahadat al nafs<\/em>)<\/p>\n le n\u00e9ophyte doit s’exercer \u00e0 vivre dans l’isolement, pour se d\u00e9barrasser de ses habitudes mauvaises.<\/p>\n pour fortifier sa r\u00e9solution et \u00e9chapper au ch\u00e2timent divin. \u00ab\u00a0Voil\u00e0 le commandement de Dieu, qu’il a fait descendre vers vous. Quiconque craint Dieu cependant lui efface ses fautes et lui agrandit son salaire\u00a0\u00bb (C.65\/5, traduction Hamidullah).<\/p>\n de toute occupation inutile et peu convenable.<\/p>\n m\u00eame aux plaisirs licites.<\/p>\n le Proph\u00e8te a dit: \u00ab\u00a0Quiconque croit en Dieu et au Dernier Jour, qu’il parle bien ou sinon qu’il se taise\u00a0\u00bb. Ce silence doit \u00eatre entendu dans un double sens; sa langue, m\u00e9tamorphiquement, le coeur doit se soumettre sans mot dire \u00e0 tous les D\u00e9crets de Dieu.<\/p>\n le tremblement \u00e0 la pens\u00e9e des cons\u00e9quences possibles et f\u00e2cheuses d’une mauvaise conduite.<\/p>\n attente d’une \u00e9ventualit\u00e9 d\u00e9sir\u00e9e.<\/p>\n des fautes pass\u00e9es.<\/p>\n inspir\u00e9 par le texte coranique: \u00ab\u00a0En v\u00e9rit\u00e9 Nous vous \u00e9prouverons par la frayeur et la faim… Mais donne de bonnes nouvelles aux patients\u00a0\u00bb (C.2\/150).<\/p>\n Mukhalafat al nafs<\/em><\/strong> le Proph\u00e8te a dit: \u00ab\u00a0Le contentement de son sort est un tr\u00e9sor imp\u00e9rissable\u00a0\u00bb.<\/p>\n Dieu a dit: \u00ab\u00a0Quiconque met sa confiance en Allah, \u00e0 celui-l\u00e0 Allah suffira\u00a0\u00bb (C.65\/3)<\/p>\n Dieu a dit: \u00ab\u00a0Si vous \u00eates reconnaissant, je vous donnerai s\u00fbrement de l’accroissement\u00a0\u00bb (C.14\/7).<\/p>\n Sabr<\/em><\/strong> Muraqaba<\/em><\/strong>
\nEt je vis la crainte r\u00e9gnant sur l’esp\u00e9rance;
\net je vis la richesse chang\u00e9e en feu et adh\u00e9rant au feu;
\net je vis la pauvret\u00e9 comme un adversaire qui d\u00e9pose;
\net je vis que, de toutes les choses, aucune n’avait pouvoir sur l’autre;
\net je vis que le monde est une illusion et les cieux en mensonge.<\/em><\/p>\n
\nEt je vis que toute chose m’avait abandonn\u00e9, et que tout \u00eatre cr\u00e9\u00e9 m’avait fui, je restais seul. Alors l’acte vint \u00e0 moi et je vis en lui une imagination secr\u00e8te et cette partie secr\u00e8te \u00e9tait ce qui restait; et rien ne fut de secours que la Mis\u00e9ricorde de mon Seigneur.<\/p>\n
\net je vis le Feu.<\/p>\n
\net je vis le Feu.<\/p>\n
\nEt il me dit: \u00ab\u00a0je suis ton ami\u00a0\u00bb et je fus affermi.
\nEt il me dit: \u00ab\u00a0Je suis ta Gnose\u00a0\u00bb et je parlai. Et il me dit: \u00ab\u00a0je suis Celui que tu cherches\u00a0\u00bb et je sortis\u00a0\u00bb.<\/p>\n
\n<\/em>2 Abu Sa’id al-Kharraz. Kitab a\u00e7-Cidq
\n<\/em>3 Qushair\u00ee. Ris\u00e2lah
\n<\/em>4 Qushair\u00ee. Ris\u00e2lah
\n<\/em>6 Al Ghazali surnomm\u00e9 Hujjat al Islam<\/em> (la Preuve de l’Islam) naquit en 451\/1059 \u00e0 Tus dans le Khorassan. Apr\u00e8s une formation de th\u00e9ologien et de juriste, il est nomm\u00e9 professeur \u00e0 la Madrasa Nizam\u00eeya de Bagdad en 484\/1091. En 488\/1095, il renonce \u00e0 sa chaire et entame une retraite mystique jusqu’\u00e0 sa mort survenue en 505\/1111.
\n7 Abu Madyan Shu’ayb \u00e9tait n\u00e9 \u00e0 S\u00e9ville, mais il se rendit en Orient o\u00f9 il aurait re\u00e7u son investiture (Khirqa<\/em>) des mains d’Abd al-Q\u00e2dir Jilani.<\/p>\nLes turuq\u00a0<\/em>ou \u00a0confr\u00e9ries religieuses<\/h3>\n<\/div>\n<\/div>\n
<\/h3>\n
Les Maqamat\u00a0<\/em>ou stations<\/h3>\n<\/div>\n
\n(la conversion)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(la \u00ab\u00a0guerre sainte\u00a0\u00bb)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(solitude et retraite)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(crainte r\u00e9f\u00e9rentielle de Dieu)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(abstention)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(renoncement)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(silence)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(crainte)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(esp\u00e9rance)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(regret)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(faim, relus de manger)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(timidit\u00e9, humilit\u00e9)<\/em><\/strong><\/div>\n
\nwa-dhikr ‘uyubiha<\/em><\/strong>
\n(r\u00e9sistance \u00e0 l’\u00e2me charnelle, en\u00a0<\/strong>se ressouvenant de ses vices)
\n<\/strong>deux vices sont nomm\u00e9s: l’envie (hasad<\/em> ) et la calomnie (ghiba<\/em>).<\/p>\n
\n(contentement de son sort)<\/em>:<\/strong><\/div>\n
\n(confiance en Dieu)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(gratitude)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(certitude, loi solide)<\/em><\/strong><\/div>\n
\n(patience, force d’\u00e2me).<\/em><\/strong><\/p>\n
\n(pens\u00e9e constante de Dieu)
\n<\/em><\/strong>suivant le Hadith: \u00ab\u00a0La justice consiste \u00e0 adorer Dieu comme si tu le voyais; car si tu ne le vois pas, Lui te voit\u00a0\u00bb.<\/p>\n
\n(satisfaction)<\/em><\/strong><\/div>\n