{"id":362,"date":"2015-01-01T15:57:56","date_gmt":"2015-01-01T14:57:56","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=362"},"modified":"2015-01-18T21:50:06","modified_gmt":"2015-01-18T20:50:06","slug":"serpent-cosmique","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=362","title":{"rendered":"Serpent cosmique"},"content":{"rendered":"
GRANDE ENQU\u00caTE<\/p>\n
Se pourrait-il que les chamanes d’Amazonie dans leurs hallucinations \u00ab\u00a0voient\u00a0\u00bb la double h\u00e9lice (le double serpent) de l’ADN, cette mol\u00e9cule commune \u00e0 tous les \u00eatres vivants, et acc\u00e8dent ainsi aux secrets les plus intimes de la Nature?<\/strong><\/p>\n Jeremy Narby, docteur en anthropologie de l’Universit\u00e9 de Stanford (\u00c9tats-Unis), qui vit en Suisse, a s\u00e9journ\u00e9 chez les Indiens Ashaninca d’Amazonie p\u00e9ruvienne de 1984 \u00e0 1986. Il a \u00e9crit Le serpent cosmique, l’ADN et les origines du savoir<\/em> (Gen\u00e8ve, Georg, 1995), Amazonie: l’espoir est indien<\/em> (Paris, Favre, 1990) et, avec John Beauclerk et Janet Townsend, Indigenous peoples: a fielguide for development<\/em> (Oxford, OXFAM, 1988). Il est actuellement responsable de projets amazoniens pour l’organisation d’entraide Nouvelle Plan\u00e8te<\/em>, bas\u00e9e \u00e0 1042 Assens, en Suisse.<\/p>\n J’ai promis \u00e0 des indig\u00e8nes de l’Amazonie p\u00e9ruvienne, Aguaruna, Shipibo, Bora, une dizaine de peuples en tout, qui suivent \u00e0 Iquitos une formation destin\u00e9e \u00e0 leur permettre d’enseigner \u00e0 la fois leur propre culture et le savoir occidental, d’aller leur parler.<\/p>\n Un an plus t\u00f4t, en juillet 1995, j’avais en effet \u00e9voqu\u00e9 devant eux une hypoth\u00e8se surprenante. Je leur avais dit qu’\u00e0 mon sens il existe une relation entre les serpents entrelac\u00e9s que per\u00e7oivent les chamanes amazoniens dans leurs visions, et la double h\u00e9lice de l’ADN aujourd’hui famili\u00e8re aux biologistes mol\u00e9culaires.<\/p>\n Ils aimeraient savoir o\u00f9 en sont mes recherches.<\/p>\n Mais que puis-je leur dire?<\/p>\n Tandis que le motocarro<\/em> fend l’air nocturne, je regarde Iquitos d\u00e9filer dans le flou br\u00fblant, avec ses vendeurs de rue, ses restaurants chinois, ses vapeurs de gas-oil.<\/p>\n Je me dis que le mieux est, apr\u00e8s tout, de leur raconter l’histoire en entier, depuis le d\u00e9but.<\/p>\n Les choses avaient commenc\u00e9 onze ans plus t\u00f4t. Je venais d’arriver \u00e0 Quirishari, dans la vall\u00e9e du Pichis, en Amazonie p\u00e9ruvienne, dans l’intention d’\u00e9tudier la mani\u00e8re dont les Indiens Ashaninca utilisent leurs ressources naturelles, une recherche de terrain qui devait durer deux ans et me conduire \u00e0 un doctorat en anthropologie de l’Universit\u00e9 de Stanford.<\/p>\n Pour me familiariser avec la vie des habitants du village, je me mis \u00e0 les accompagner dans leurs activit\u00e9s, en for\u00eat notamment. Au cours de ces balades sylvestres, je leur posais souvent des questions sur les plantes que nous rencontrions. Je me rendis compte tr\u00e8s t\u00f4t qu’ils ma\u00eetrisaient un savoir botanique litt\u00e9ralement encyclop\u00e9dique. Ils savaient tout des plantes qui acc\u00e9l\u00e8rent la cicatrisation, gu\u00e9rissent de la diarrh\u00e9e, soignent le mal de dos, neutralisent le venin de tel ou tel serpent. Chaque fois que l’occasion s’en pr\u00e9sentait, j’essayais moi-m\u00eame ces rem\u00e8des, v\u00e9rifiant empiriquement que ce que mes consultants indig\u00e8nes disaient \u00e9tait exact. In\u00e9vitablement, j’en vins \u00e0 leur demander comment ils avaient appris ce qu’ils savaient.<\/p>\n Ils me r\u00e9pondirent, d’une mani\u00e8re qui me parut fort \u00e9nigmatique, que leur savoir leur venait des plantes elles-m\u00eames, que les chamanes, apr\u00e8s avoir bu une mixture hallucinog\u00e8ne, parlaient, au sein de leurs visions, avec les essences anim\u00e9es ou esprits des plantes, qui sont les m\u00eames pour tous les \u00eatres vivants, et en obtenaient de l’information.<\/p>\n Ils ajoutaient que la nature est intelligente et parle un langage visuel, non seulement au travers d’hallucinations et de r\u00eaves, mais aussi de signes concrets quotidiens. C’est ainsi, par exemple, disaient-ils, que la plante qui \u00e0 la base de ses feuilles poss\u00e8de deux crochets blancs similaires \u00e0 ceux du serpent \u00ab\u00a0fer-de-lance\u00a0\u00bb, gu\u00e9rit de la morsure de ce dernier. \u00ab\u00a0Regarde la forme, me disaient-ils. C’est le signe que la nature nous donne\u00a0\u00bb. Comme si une m\u00eame intelligence animait le buisson et le reptile.<\/p>\n Il va sans dire que je me refusais \u00e0 prendre leurs d\u00e9clarations au pied de la lettre. J’avais une formation universitaire et m’estimais capable de distinguer ce qui est r\u00e9el de ce qui ne l’est pas. Ces Indiens des for\u00eats pouvaient me dire tout ce qu’ils voulaient, ils ne r\u00e9ussiraient pas \u00e0 me convaincre qu’ils avaient appris la botanique en dialoguant, au cours de leurs hallucinations, avec je ne sais quelle intelligence cach\u00e9e dans la nature. D’ailleurs, il ne pouvait y avoir aucune information v\u00e9rifiable dans les hallucinations: apr\u00e8s tout, confondre hallucinations et r\u00e9alit\u00e9 s’appelle psychose…<\/p>\n En outre, mes recherches de doctorat sur l’utilisation que les Ashaninca font de leurs ressources naturelles n’\u00e9taient pas neutres. A cette \u00e9poque en effet, c’\u00e9tait au d\u00e9but des ann\u00e9es 1980, de grands organismes internationaux comme la Banque Mondiale r\u00eavaient de \u00ab\u00a0d\u00e9velopper\u00a0\u00bb l’Amazonie p\u00e9ruvienne \u00e0 coups de centaines de millions de dollars. A cette fin, ils tentaient d’obtenir que les territoires des collectivit\u00e9s indig\u00e8nes de la r\u00e9gion soient juridiquement attribu\u00e9s \u00e0 des colons individuels, venant de la partie non-amazonienne du pays, anim\u00e9s d’une mentalit\u00e9 de \u00ab\u00a0march\u00e9\u00a0\u00bb, dans l’espoir qu’ils se mettraient alors \u00e0 ,\u00a0\u00bbd\u00e9velopper la jungle\u00a0\u00bb, c’est-\u00e0-dire \u00e0 la d\u00e9boiser pour la transformer en p\u00e2turages pour le b\u00e9tail. Une expropriation justifi\u00e9e, affirmaient-ils, puisque les Indiens sont incapables d’utiliser rationnellement leurs ressources naturelles. Je voulais, \u00e0 travers mes recherches, d\u00e9montrer le contraire et avais donc le sentiment qu’en mettant en exergue l’origine pr\u00e9tendument hallucinatoire du savoir \u00e9cologique des Ashaninca, j’affaiblirais mon argument.<\/p>\n Un soir, pourtant, apr\u00e8s quatre mois de terrain, alors que je discutais avec quelques Indiens devant le maison en buvant de la bi\u00e8re de manioc, que je faisais l’\u00e9loge de leur savoir botanique et leur posais une fois de plus la question: \u00ab\u00a0Mais comment avez-vous appris tout cela?\u00a0\u00bb, Ruperto me r\u00e9pondit: \u00ab\u00a0Vous savez, fr\u00e8re Jeremy, si vous voulez vraiment le comprendre, vous devez boire de l’ayahuasca\u00a0\u00bb -une mixture hallucinog\u00e8ne, qu’il compara \u00e0 une \u00ab\u00a0t\u00e9l\u00e9vision de la for\u00eat\u00a0\u00bb, ajoutant: \u00ab\u00a0Si vous voulez, je peux vous montrer \u00e7a, \u00e0 l’occasion\u00a0\u00bb. La curiosit\u00e9 me poussa \u00e0 accepter, d’autant plus volontiers d’ailleurs que Ruperto avait suivi une formation compl\u00e8te d’ayahuasquero <\/em>et semblait conna\u00eetre son sujet.<\/p>\n J’avalai le liquide amer, et presque aussit\u00f4t fus pris de naus\u00e9es. Ruperto se mit alors \u00e0 chanter des m\u00e9lodies d’une beaut\u00e9 saisissante. Des images commenc\u00e8rent \u00e0 inonder ma t\u00eate. Je me retrouvai entour\u00e9 de serpents \u00e9normes, aux couleurs vives et fluorescentes. J’\u00e9tais terrifi\u00e9. Les serpents, qui paraissaient plus vrais que nature, m’expliqu\u00e8rent sans mots que je n’\u00e9tais qu’un \u00eatre humain. Je me rendis compte qu’ils disaient profond\u00e9ment vrai, et que ma compr\u00e9hension habituelle et rationnelle de la r\u00e9alit\u00e9 avait des limites -\u00e0 preuve l’incapacit\u00e9 dans laquelle je me trouvais de saisir ce que mes yeux \u00e9taient en train de voir. Je m’\u00e9tais toujours consid\u00e9r\u00e9 capable de tout comprendre, mais, l\u00e0, tout \u00e0 coup, l’arrogance de cette pr\u00e9tention me submergea. Puis je me mis \u00e0 vomir des couleurs et quittai mon corps pour voler au-dessus de la Terre. Je vis \u00e9galement des images d\u00e9filer \u00e0 une vitesse ahurissante, par exemple les nervures d’une main humaine alternant avec les nervures d’une feuille v\u00e9g\u00e9tale. Les visions d\u00e9filaient sans rel\u00e2che, je ne pouvais les retenir toutes. Peu apr\u00e8s minuit, elles s’estomp\u00e8rent, et je m’endormis.<\/p>\n Le lendemain, j’eus, pour la premi\u00e8re fois de ma vie, le sentiment d’appartenir int\u00e9gralement \u00e0 la nature. J’allai me promener au bord de la rivi\u00e8re. La v\u00e9g\u00e9tation scintillait au soleil. Je regardai les veines de ma main et vis qu’elles \u00e9taient aussi belles que celles d’une feuille.<\/p>\n L’exp\u00e9rience \u00e9tait troublante, parce qu’elle confirmait les dires des Ashaninca, \u00e0 savoir qu’il est possible d’apprendre des choses dans la sph\u00e8re hallucinatoire des ayahuasqueros<\/em>. Et puis, qui \u00e9taient ces serpents qui semblaient si bien conna\u00eetre les humains?<\/p>\n J’\u00e9tais jeune alors et craignis que mes coll\u00e8gues ne me prennent point au s\u00e9rieux. Je renon\u00e7ai donc \u00e0 creuser la question et \u00e9vitai soigneusement de la mentionner dans mes recherches . Fin 1986, je regagnai la Suisse pour r\u00e9diger ma th\u00e8se; deux ans plus tard, j’obtenais le titre de docteur en anthropologie.<\/p>\n En 1989, je commen\u00e7ai \u00e0 travailler pour Nouvelle Plan\u00e8te<\/em>, une organisation non-gouvernementale qui s’efforce d’aider les populations locales sur le terrain. Je me mis \u00e0 sillonner le bassin amazonien afin d’enregistrer les projets d’organisations indig\u00e8nes anxieuses de d\u00e9marquer et de titulariser leurs territoires, et \u00e0 parcourir l’Europe afin de r\u00e9colter des fonds pour les y aider. Ce travail m’occupa \u00e0 plein pendant quatre ann\u00e9es. J’\u00e9tais heureux que ma formation d’anthropologue puisse \u00eatre utile \u00e0 ceux qui m’avaient servi de sujets d’\u00e9tude. Je donnais des conf\u00e9rences pour expliquer qu’il est \u00e9cologiquement sens\u00e9 de d\u00e9marquer les territoires des peuples indig\u00e8nes de la for\u00eat amazonienne, et que leurs techniques agricoles, fond\u00e9es sur la polyculture et le d\u00e9boisement de petites surfaces, sont parfaitement rationnelles.<\/p>\n Mais plus je discourais, et plus j’\u00e9tais conscient de taire certaines choses, en particulier que les Indiens affirment tenir leur savoir botanique d’hallucinations provoqu\u00e9es par l’ingestion d’une d\u00e9coction de plantes.<\/p>\n En juin 1992, j’assistai au Sommet de la Terre <\/em>de Rio. Les gouvernements participant \u00e0 cette m\u00e9ga-conf\u00e9rence sur le d\u00e9veloppement et l’environnement manifest\u00e8rent formellement leur intention de prendre en consid\u00e9ration les peuples indig\u00e8nes et leurs connaissances sp\u00e9cifiques. Subitement, tout le monde s’\u00e9tait en effet mis \u00e0 parler du savoir \u00e9cologique des peuples indig\u00e8nes -sans que personne d’ailleurs ne mentionne jamais l’origine \u00e9ventuellement hallucinatoire de ce savoir. Je me sentis donc le devoir de reprendre cette question qui, me dis-je, ne manquerait pas de surgir si, un jour, le dialogue avec les peuples indig\u00e8nes se nouait vraiment. Et puis j’avais, je l’avoue, une autre motivation, personnelle: je voulais \u00e9claircir la question de l’identit\u00e9 des serpents aper\u00e7us dans mes hallucinations, \u00e0 Quirishari, sept ans plus t\u00f4t.<\/p>\n Je me lan\u00e7ai sur la piste du serpent de mani\u00e8re tout \u00e0 fait d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e cette fois-ci.<\/p>\n Douze mois apr\u00e8s la conf\u00e9rence de Rio, je d\u00e9cidai m\u00eame de mener une enqu\u00eate suffisamment approfondie sur l’\u00e9nigme du savoir hallucinatoire amazonien pour en tirer la mati\u00e8re d’un livre, que j’intitulai provisoirement Hallucinations \u00e9cologiques<\/em>. Le directeur de l’organisation qui m’emploie me donna son accord, ajoutant m\u00eame: \u00ab\u00a0Prends ton temps.\u00a0\u00bb J’\u00e9tais pr\u00eat \u00e0 entamer mes recherches.<\/p>\n Mais par o\u00f9 devais-je commencer?<\/p>\n Ma r\u00e9action instinctive e\u00fbt \u00e9t\u00e9 de retourner en Amazonie p\u00e9ruvienne pour y vivre quelque temps encore avec des ayahuasqueros<\/em> . Mais ma vie avait chang\u00e9. Je n’\u00e9tais plus un jeune anthropologue sans attache, mais un p\u00e8re de famille avec deux enfants en bas \u00e2ge. Mon enqu\u00eate allait donc devoir se centrer autour de mon bureau villageois en Suisse et de la biblioth\u00e8que universitaire la plus proche.<\/p>\n Je commen\u00e7ai par me plonger dans la litt\u00e9rature anthropologique sur le chamanisme. Je lus pendant des mois et pris des centaines de pages de notes cat\u00e9goris\u00e9es. Ce travail me fit appara\u00eetre qu’\u00e0 travers l’immensit\u00e9 de l’Amazonie occidentale, des dizaines de peuples indig\u00e8nes utilisent l’ayahuasca et affirment qu’il est la source de leur savoir botanique. Les anthropologues ont souvent signal\u00e9 leurs propos, mais n’y ont jamais vu cependant que des m\u00e9taphores, tant ils \u00e9taient convaincus que les Indiens ne pouvaient avoir acquis leur savoir botanique que par exp\u00e9rimentation al\u00e9atoire.<\/p>\n Or, il suffit de consid\u00e9rer les recettes de certaines mixtures indig\u00e8nes, le curare par exemple, pour se rendre compte que pareille explication est insuffisante. On sait que ce poison, d’origine amazonienne, a r\u00e9volutionn\u00e9 la m\u00e9decine moderne, du jour o\u00f9, dans les ann\u00e9es 1940, les scientifiques ont d\u00e9couvert qu’il paralyse tous les muscles, y compris ceux de la respiration, et facilite donc grandement la chirurgie des organes vitaux. Il existe dans le bassin amazonien quarante sortes de curare, \u00e9labor\u00e9s \u00e0 partir de quelque soixante-dix esp\u00e8ces v\u00e9g\u00e9tales diff\u00e9rentes. Pour fabriquer le curare qu’utilise la m\u00e9decine moderne, il faut combiner plusieurs plantes et les cuire dans de l’eau pendant soixante-douze heures, en \u00e9vitant de respirer les vapeurs parfum\u00e9es mais mortelles qu’elles d\u00e9gagent. Le produit de cette cuisson est une p\u00e2te concentr\u00e9e, active seulement par voie sous-cutan\u00e9e: si on l’avale ou si on l’\u00e9tale sur la peau, ses effets sont anodins. Il est difficile de comprendre comment quelqu’un aurait pu tomber sur une recette aussi compliqu\u00e9e en exp\u00e9rimentant au hasard -surtout si l’on consid\u00e8re qu’il existe dans la for\u00eat amazonienne 80 000 esp\u00e8ces de plantes au moins.<\/p>\n Apr\u00e8s avoir examin\u00e9 de fa\u00e7on relativement d\u00e9taill\u00e9e les donn\u00e9es ethnographiques, botaniques et neurologiques, j’en vins \u00e0 consid\u00e9rer la possibilit\u00e9 que les chamanes amazoniens acc\u00e8dent r\u00e9ellement \u00e0 de l’information dans leurs hallucinations. S’il en \u00e9tait ainsi, me dis-je, l’\u00e9nigme du savoir hallucinatoire se r\u00e9duit \u00e0 une seule question: l’information qu’ils acqui\u00e8rent vient-elle de l’int\u00e9rieur du cerveau (comme la science le dit des hallucinations) ou vient-elle du monde ext\u00e9rieur, du monde des plantes (comme ils le disent eux-m\u00eames)?<\/p>\n De l’int\u00e9rieur ou de l’ext\u00e9rieur? Telle \u00e9tait la question.<\/p>\n Le premier jour de printemps o\u00f9 il fit soleil, je pris cong\u00e9 et partis me promener dans une r\u00e9serve naturelle. En marchant, je r\u00e9fl\u00e9chissais \u00e0 cette question devenue obsessionnelle: de l’int\u00e9rieur ou de l’ext\u00e9rieur? Tout \u00e0 coup, il me vint \u00e0 l’esprit que les deux possibilit\u00e9s \u00e9taient peut-\u00eatre vraies en m\u00eame temps; que l’information pouvait venir \u00e0 la fois de l’int\u00e9rieur de la t\u00eate et du monde ext\u00e9rieur des plantes. Je ne voyais pas encore ce que cette id\u00e9e pouvait bien signifier, mais elle me plaisait, car elle conciliait deux points de vue apparemment divergents.<\/p>\n Le lendemain, de retour dans mon bureau, je me mis \u00e0 parcourir mes notes de lecture. Je venais de lire sans discontinuer pendant six mois, et il ne me restait plus qu’\u00e0 classer mes notes pour pouvoir commencer \u00e0 \u00e9crire mon livre. Avant de m’atteler \u00e0 ce travail syst\u00e9matique, je d\u00e9cidai cependant de consacrer une journ\u00e9e enti\u00e8re \u00e0 feuilleter librement les piles de papier que j’avais amass\u00e9es au cours de l’automne et de l’hiver.<\/p>\n J’examinai mes notes sur les exp\u00e9riences personnelles que certains anthropologues ont faites avec de l’ayahuasca, et relus pour le plaisir le texte complet du premier compte-rendu du genre, celui de Michael Harner.<\/p>\n Harner raconte l’exp\u00e9rience qu’il a v\u00e9cue en 1961 chez les Indiens Conibo de l’Amazonie p\u00e9ruvienne. Lorsqu’il eut ing\u00e9r\u00e9 de l’ayahuasca<\/em>, des cr\u00e9atures reptiliennes g\u00e9antes surgirent dans son cerveau et lui montr\u00e8rent comment elles avaient cr\u00e9\u00e9 la vie sur Terre, insistant qu’une telle information \u00e9tait r\u00e9serv\u00e9e aux mourants et aux morts. Harner vit alors des esp\u00e8ces de dragons arriver du cosmos et cr\u00e9er la vie en se cachant sous des formes multiples. \u00ab\u00a0J’appris, \u00e9crit-il, que les cr\u00e9atures-dragons r\u00e9sidaient \u00e0 l’int\u00e9rieur de toutes les formes de vie, homme y compris\u00a0\u00bb. Par un ast\u00e9risque, Harner renvoie alors le lecteur \u00e0 une note au bas de la page (qui, \u00e9trangement, ne para\u00eet pas dans la traduction fran\u00e7aise originale, mais a \u00e9t\u00e9 int\u00e9gr\u00e9e dans le texte publi\u00e9 dans ce num\u00e9ro du \u00ab\u00a0Temps strat\u00e9gique\u00a0\u00bb) qui affirme ceci: \u00ab\u00a0Je dirais en r\u00e9trospective que [les cr\u00e9atures] \u00e9taient presque comme de l’ADN. Mais en ce temps-l\u00e0, en 1961, je ne savais rien de l’ADN.\u00a0\u00bb.<\/p>\n Je marquai une pause. Il y a effectivement de l’ADN \u00e0 l’int\u00e9rieur<\/em> du cerveau humain, ainsi que dans le mondeext\u00e9rieur<\/em> des plantes, puisque la mol\u00e9cule de la vie qui contient l’information g\u00e9n\u00e9tique est la m\u00eame pour toutes les esp\u00e8ces. L’ADN peut donc \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme une source d’information \u00e0 la fois externe et interne -pr\u00e9cis\u00e9ment ce que je cherchais \u00e0 imaginer la veille, en d\u00e9ambulant dans la for\u00eat.<\/p>\n Harner ne fait aucune autre mention de l’ADN dans son texte. En revanche, quelques pages plus loin, il note que \u00ab\u00a0dragon\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0serpent\u00a0\u00bb sont synonymes, ce qui me fit penser que la double h\u00e9lice ressemblait, par saforme<\/em>, \u00e0 deux serpents entrelac\u00e9s.<\/p>\n C’est ainsi que je suis tomb\u00e9 sur l’id\u00e9e qu’il existe un lien entre l’ADN et le savoir hallucinatoire.<\/p>\n Au d\u00e9but, je ne prenais pas vraiment cette id\u00e9e au s\u00e9rieux. Apr\u00e8s tout, il semblait hautement improbable que des Indiens consommateurs de drogue et vivant dans des for\u00eats profondes aient pu communiquer dans leurs hallucinations avec l’ADN. Mais aucune autre explication concernant le savoir chamanique ne me paraissait satisfaisante. Si les ayahuasqueros<\/em> acc\u00e9daient r\u00e9ellement \u00e0 de l’information botanique, d’o\u00f9 provenait-elle? L’hypoth\u00e8se de l’ADN pr\u00e9sentait au moins l’avantage de r\u00e9pondre \u00e0 la question.<\/p>\n Les jours suivants, je classai l’ensemble de mes notes et rep\u00e9rai plusieurs autres cas o\u00f9 des serpents cosmiques sont associ\u00e9s \u00e0 la cr\u00e9ation de la vie. Mais je n’\u00e9tais pas plus avanc\u00e9 pour autant.<\/p>\n A l’\u00e9poque o\u00f9 je s\u00e9journais \u00e0 Quirishari, je savais d\u00e9j\u00e0 que la croyance animiste selon laquelle tous les \u00eatres vivants sont, pr\u00e9cis\u00e9ment, anim\u00e9s par les m\u00eames essences avait \u00e9t\u00e9 corrobor\u00e9e en 1953 par la d\u00e9couverte de la structure de l’ADN. J’avais appris au coll\u00e8ge, en classe de biologie, que la mol\u00e9cule de la vie est la m\u00eame pour toutes les esp\u00e8ces et que l’information g\u00e9n\u00e9tique n\u00e9cessaire \u00e0 l’\u00e9laboration d’une rose, d’une bact\u00e9rie ou d’un \u00eatre humain est cod\u00e9e dans un langage universel \u00e0 quatre lettres, A, C, G et T, qui d\u00e9signent quatre compos\u00e9s chimiques formant la double h\u00e9lice de l’ADN. La correspondance entre l’ADN et les essences anim\u00e9es per\u00e7ues par les chamanes n’\u00e9tait pas donc pas nouvelle pour moi. Le classement de mes notes ne me r\u00e9v\u00e9la aucune autre correspondance int\u00e9ressante.<\/p>\n Avant de commencer \u00e0 r\u00e9diger mon livre, je tins n\u00e9anmoins \u00e0 v\u00e9rifier en biblioth\u00e8que une derni\u00e8re piste. Dans plusieurs mythes de cr\u00e9ation o\u00f9 j’avais trouv\u00e9 des serpents cosmiques, j’avais \u00e9galement trouv\u00e9 desjumeaux<\/em> -peut-\u00eatre \u00e9tait-ce l\u00e0 une correspondance avec la double <\/em>h\u00e9lice. Je fouillai quelques livres sur la mythologie et d\u00e9couvris avec surprise que le th\u00e8me des jumeaux \u00e9tait tr\u00e8s r\u00e9pandu dans les mythes de cr\u00e9ation, non seulement en Am\u00e9rique du Sud, mais dans le monde entier. Ainsi, le serpent \u00e0 plumes des Azt\u00e8ques, Quetzalco\u00e1tl<\/em>, qui symbolise l’\u00e9nergie vitale sacr\u00e9e, est-il un enfant jumeau du serpent cosmiqueCoatlicue<\/em> -en azt\u00e8que, le mot coatl<\/em> ayant le double sens de \u00ab\u00a0serpent\u00a0\u00bb et de \u00ab\u00a0jumeau\u00a0\u00bb.<\/p>\n Comment se faisait-il que les Azt\u00e8ques parlaient \u00e9galement d’un serpent double, d’origine cosmique, et symbole de l’\u00e9nergie vitale?<\/p>\n Je quittai la biblioth\u00e8que et rentrai \u00e0 la maison. J’avais besoin de r\u00e9fl\u00e9chir. Que signifiait donc tout cela? Je partis \u00e0 nouveau me promener en for\u00eat, afin de mettre de l’ordre dans mes id\u00e9es. Apr\u00e8s avoir r\u00e9capitul\u00e9 les \u00e9l\u00e9ments que j’avais en main, je me rendis compte que j’\u00e9tais dans une impasse. Ruminant sur ce blocage, je songeai tout \u00e0 coup au conseil que m’avaient prodigu\u00e9 les Ashaninca: \u00ab\u00a0Regarde la forme\u00a0\u00bb, m’avaient-ils dit. Le matin m\u00eame, \u00e0 la biblioth\u00e8que, j’avais consult\u00e9 plusieurs encyclop\u00e9dies \u00e0 propos de l’ADN, et not\u00e9 que sa forme y \u00e9tait le plus souvent d\u00e9crite comme une \u00e9chelle, ou une \u00e9chelle de corde torsad\u00e9e, ou un escalier en colima\u00e7on. Le d\u00e9clic eut lieu dans le quart de seconde suivante: \u00ab\u00a0LES \u00c9CHELLES! Les \u00e9chelles des chamanes \u00ab\u00a0symboles de la profession\u00a0\u00bb (selon M\u00e9traux), pr\u00e9sentes dans les th\u00e8mes chamaniques du monde entier (selon Eliade)!\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n Je revins pr\u00e9cipitamment \u00e0 mon bureau et entrepris de parcourir rapidement les livres de Mircea Eliade, en particulier Le chamanisme et les techniques archa\u00efques de l’extase<\/em> (1951). Selon Eliade, il existe \u00ab\u00a0d’innombrables exemples\u00a0\u00bb d’\u00e9chelles chamaniques sur les cinq continents: ici des \u00ab\u00a0\u00e9chelles tournantes\u00a0\u00bb, l\u00e0 des \u00ab\u00a0escaliers\u00a0\u00bb ou des \u00ab\u00a0cordes tress\u00e9es\u00a0\u00bb, impliquant n\u00e9cessairement une communication entre le Ciel et la Terre. Eliade cite \u00e9galement l’Ancien Testament, o\u00f9 l’on voit Jacob r\u00eaver une \u00e9chelle dont le sommet atteint le ciel, par laquelle \u00ab\u00a0les anges du Seigneur montent et descendent\u00a0\u00bb. Eliade mentionne aussi des serpents cosmiques, en Australie cette fois.<\/p>\n Les correspondances que je commen\u00e7ais \u00e0 percevoir d\u00e9passaient de loin la port\u00e9e de mon enqu\u00eate. Mais je ne pouvais plus m’arr\u00eater. Je saisis les quatre tomes de l’oeuvre de Joseph Campbell consacr\u00e9e \u00e0 la mythologie mondiale pour voir s’il mentionnait d’autres serpents cosmiques. Un des premiers dessins que j’aper\u00e7us en ouvrant le volume intitul\u00e9 Mythologie occidentale<\/em> \u00e9tait un sceau m\u00e9sopotamien datant de 2200 av. J.-C. environ, montrant le Dieu Serpent sous forme humaine avec son symbole caduc\u00e9e: deux serpents entrelac\u00e9s en une double h\u00e9lice<\/em>:<\/p>\n Feuilletant fi\u00e9vreusement le livre de Campbell, je trouvai des serpents torsad\u00e9s dans la plupart des images repr\u00e9sentant une sc\u00e8ne sacr\u00e9e. Gr\u00e2ce \u00e0 l’index je d\u00e9couvris qu’il y a des serpents cosmiques cr\u00e9ateurs de vie non seulement en Amazonie, au Mexique et en Australie -mais \u00e0 Sumer, en Egypte, en Perse, dans le Pacifique, chez les Hindous, en Cr\u00e8te, en Gr\u00e8ce et en Scandinavie. Campbell \u00e9crit \u00e0 propos de ce symbolisme omnipr\u00e9sent:\u00a0\u00bbPartout o\u00f9 la nature est v\u00e9n\u00e9r\u00e9e comme \u00e9tant anim\u00e9e en elle-m\u00eame, et donc divine de fa\u00e7on inh\u00e9rente, le serpent est r\u00e9v\u00e9r\u00e9 comme son symbole\u00a0\u00bb.<\/p>\n Je consultai aussit\u00f4t le Dictionnaire des Symboles<\/em> \u00e0 la rubrique \u00ab\u00a0serpent\u00a0\u00bb et lus: \u00ab\u00a0Il joue des sexes comme de tous les contraires; il est femelle et m\u00e2le aussi, jumeau en lui-m\u00eame<\/em>, comme tant de grands dieux cr\u00e9ateurs qui sont toujours, dans leur repr\u00e9sentation premi\u00e8re, des serpents cosmiques. […] Le serpent visible n’appara\u00eet donc que comme une br\u00e8ve incarnation d’un Grand Serpent Invisible, causal et a-temporel, ma\u00eetre du principe vital et de toutes les forces de la nature. C’est un vieux dieu<\/em> premier que nous retrouverons au d\u00e9part de toutes les cosmog\u00e9n\u00e8ses, avant que les religions de l’esprit ne le d\u00e9tr\u00f4nent\u00a0\u00bb (les italiques figurent dans le texte original).<\/p>\n Face \u00e0 l’\u00e9normit\u00e9 de ce que je croyais \u00eatre en train de d\u00e9couvrir, ma t\u00eate se mit \u00e0 tourner. Il apparaissait, en effet, que, partout dans le monde, les chamanes utilisent certaines techniques pour r\u00e9duire leur conscience au niveau mol\u00e9culaire et acc\u00e9der ainsi \u00e0 la connaissance du serpent\/principe vital, alias ADN. Depuis des mois, les indices de cette d\u00e9couverte se trouvaient \u00e0 port\u00e9e de ma main, dans ma propre biblioth\u00e8que, mais je n’avais pas su les voir. D’ailleurs, personne ne semblait les avoir remarqu\u00e9s. Ni Eliade, ni Campbell ne mentionnent l’ADN. Est-ce parce que le savoir occidental s\u00e9pare les choses pour les comprendre: d’un c\u00f4t\u00e9 la mythologie, de l’autre la biologie, et laisse entre deux s’\u00e9tendre un no man’s land?<\/p>\n Il \u00e9tait plus de 20 heures. Je n’avais rien mang\u00e9. Je sortis une bi\u00e8re du frigo et posai un disque de violon sur la platine. Puis je me mis \u00e0 arpenter le bureau en r\u00e9fl\u00e9chissant \u00e0 haute voix. Au bout de quelques minutes, je me rendis compte que je pourrais peut-\u00eatre tester mon hypoth\u00e8se selon laquelle les chamanes voient de l’information mol\u00e9culaire, en examinant les peintures de Pablo Amaringo, un ayahuasquero<\/em> p\u00e9ruvien dou\u00e9 d’une m\u00e9moire photographique, qui peint ses hallucinations de fa\u00e7on hyperr\u00e9aliste.<\/p>\n Ces toiles sont reproduites dans un beau livre intitul\u00e9, en traduction litt\u00e9rale, Visions d’<\/em>ayahuasca:l’iconographie religieuse d’un chamane p\u00e9ruvien. <\/em>Je les avais souvent admir\u00e9es, frapp\u00e9 par leur ressemblance avec mes propres visions hallucinatoires. Mais cette fois-ci, en ouvrant le livre, je restai bouche b\u00e9e. Il y avait non seulement des escaliers en zigzag, des lianes entrelac\u00e9es ou de serpents torsad\u00e9es dans presque chaque image, mais aussi des doubles h\u00e9lices<\/em>, comme celle-ci:<\/p>\n C’\u00e9tait ahurissant. Il y avait l\u00e0, au beau milieu d’une imagerie chamanique r\u00e9put\u00e9e, des doubles h\u00e9lices, mais personne ne semblait avoir remarqu\u00e9 leurs liens possibles avec la biologie mol\u00e9culaire. Une correspondance aussi manifeste devait s\u00fbrement avoir d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 remarqu\u00e9e, me dis-je. Et si tel n’\u00e9tait pas le cas, je n’\u00e9tais s\u00fbrement pas la personne digne de la d\u00e9couvrir. Avais-je entrevu l\u00e0 quelque chose que j’\u00e9tais cens\u00e9 ne pas voir? Je me rappelai que les dragons de Michael Harner l’avaient averti qu’ils lui donnaient une information r\u00e9serv\u00e9e aux mourants et aux morts.<\/p>\n Subitement, une peur irrationnelle m’envahit, et je sentis le besoin urgent de partager mes id\u00e9es avec quelqu’un. Je t\u00e9l\u00e9phonai \u00e0 un vieil ami et me mis \u00e0 lui d\u00e9biter les correspondances que j’avais trouv\u00e9es au cours de la journ\u00e9e: les jumeaux, les serpents cosmiques, les \u00e9chelles d’Eliade, les doubles h\u00e9lices de Campbell et celles d’Amaringo. Mon ami \u00e9couta patiemment, puis me sugg\u00e9ra de tout noter.<\/p>\n Je suivis son conseil. Alors que je jetais sur le papier tout ce que je venais de d\u00e9couvrir sur le langage de l’ADN, je me souvins du premier verset du premier chapitre de saint Jean: \u00ab\u00a0Au d\u00e9but \u00e9tait le logos\u00a0\u00bb -le mot, le verbe, le langage.<\/p>\n Cette nuit-l\u00e0, j’eus de la peine \u00e0 m’endormir.<\/p>\n Au cours des semaines qui suivirent, je fus obs\u00e9d\u00e9 par les serpents et par l’ADN, et me mis \u00e0 voir des \u00e9chelles partout: dans les parquets, dans les carrelages, dans les fen\u00eatres \u00e0 carreaux, dans les rayons des biblioth\u00e8ques, dans les escaliers, dans les cl\u00f4tures, dans les barri\u00e8res, dans les ponts, dans les antennes, dans les pyl\u00f4nes \u00e9lectriques, dans les rails de chemin de fer, dans les claviers de piano et les frettes de guitare. Il m’apparaissait que le motif de la vie se cachait non seulement dans les feuilles et les arbres, mais dans nos symboles et nos artefacts. Mais chaque fois que j’essayais d’en parler aux gens autour de moi, en leur montrant par exemple le motif d’\u00e9chelle form\u00e9 par les fen\u00eatres de la pi\u00e8ce o\u00f9 nous nous trouvions, ils regardaient d’un air incertain, comme s’ils ne voyaient pas.<\/p>\n Je continuai \u00e0 lire des ouvrages de mythologie et de biologie mol\u00e9culaire. Chaque jour apportait un nouveau lot de correspondances. J’\u00e9mergeais de longues s\u00e9ances dans mon bureau en d\u00e9clamant des phrases comme: \u00ab\u00a0La duplication d’une double h\u00e9lice d’ADN donne deux doubles h\u00e9lices qui sont des copies exactes l’une de l’autre, c’est-\u00e0-dire des jumelles, et les peuples indig\u00e8nes associent les jumeaux \u00e0 la cr\u00e9ation de la vie depuis des mill\u00e9naires\u00a0\u00bb. Ou: \u00ab\u00a0Francis Crick, le co-d\u00e9couvreur de la structure de l’ADN, dit que les formes de vie les plus simples sont d’une telle complexit\u00e9 qu’elles n’ont pu \u00e9merger sur Terre par pur hasard. C’est pourquoi il sugg\u00e8re que la vie \u00e0 base d’ADN est d’origine extra-terrestre -tout comme les peuples indig\u00e8nes affirment que le serpent est d’origine cosmique\u00a0\u00bb.<\/p>\n Ma femme \u00e9coutait avec inqui\u00e9tude ces fragments de savoir r\u00e9arrang\u00e9s; ils lui semblaient relever davantage de la folie que d’un bricolage inspir\u00e9.<\/p>\n Mais dans ma folie il y avait de la m\u00e9thode. Alors que le regard rationnel tend \u00e0 s\u00e9parer les choses pour les comprendre, je cherchais au contraire \u00e0 appliquer \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 une vision st\u00e9r\u00e9oscopique, en lisant en parall\u00e8le des livres sur le chamanisme et sur la biologie mol\u00e9culaire. Et \u00e7a marchait! Plus j’avan\u00e7ais, et plus je voyais clair et riche. Seul ennui, cette d\u00e9marche ouvrit les vannes \u00e0 des correspondances \u00e9tranges ou extravagantes, dont le d\u00e9luge m’emporta.<\/p>\n Je ne citerai que quelques exemples.<\/p>\n Les tao\u00efstes chinois repr\u00e9sentent le yin et le yang, principe vital d’origine cosmique, par l’enroulement de deux formes serpentines et compl\u00e9mentaires:<\/p>\n Selon le biologiste mol\u00e9culaire Christopher Wills, \u00ab\u00a0les deux cha\u00eenes d’ADN ressemblent \u00e0 deux serpents enroul\u00e9s autour d’eux-m\u00eames dans une sorte de rituel amoureux\u00a0\u00bb. En effet, l’ADN est une seule mol\u00e9cule constitu\u00e9e de deux cha\u00eenes compl\u00e9mentaires. C’est parce qu’il est \u00e0 la fois simple et double qu’il peut \u00eatre dupliqu\u00e9:<\/p>\n Dans les traditions mythologiques, bon nombre des serpents cosmiques sont figur\u00e9s comme \u00e9tant \u00e0 la fois simples et doubles. Voici, par exemple, le serpent cosmique des anciens \u00c9gyptiens:<\/p>\n Les serpents mythiques sont souvent \u00e9normes. La t\u00eate du monstre-serpent Typhon (mythologie grecque) touche les \u00e9toiles; le poisson-oiseau du tao\u00efste Chuang-Tsu mesure \u00ab\u00a0je ne sais combien de milliers de stades\u00a0\u00bb; certaines repr\u00e9sentations africaines du serpent Ouroboros le montrent faisant le tour de la terre. Mais l’ADN des cellules humaines n’est pas en reste. L’ADN d’une seule cellule aurait, si on le d\u00e9roulait, deux m\u00e8tres de long, soit un fil qui serait un milliard de fois plus long que large -comme si, toutes proportions gard\u00e9es, votre petit doigt s’\u00e9tendait de Paris \u00e0 Los Angeles. Si l’on pouvait attacher tous les fils d’ADN d’un corps humain les uns aux autres, ils formerait un filament de deux cent milliards de kilom\u00e8tres de long -l’\u00e9quivalent de soixante-dix allers et retours entre Saturne et le Soleil.<\/p>\n Sur la piste du serpent, il est facile de se perdre.<\/p>\n Je m’y suis donc perdu, tel un astronaute hypnotis\u00e9 par ce qu’il d\u00e9couvre \u00e0 travers son hublot. Une dizaine de semaines plus tard, cependant, ma femme r\u00e9ussit \u00e0 me convaincre qu’il \u00e9tait temps de redescendre et de rapporter aux autres ce que j’avais vu.<\/p>\n Pour revenir sur Terre, j’entrepris d’\u00e9tudier la biologie mol\u00e9culaire de la m\u00eame mani\u00e8re que j’avais \u00e9tudi\u00e9 le chamanisme: en lisant beaucoup et en prenant des notes cat\u00e9goris\u00e9es. Par ailleurs, je r\u00e9solus qu’apr\u00e8s tant d’ann\u00e9es d’incr\u00e9dulit\u00e9 syst\u00e9matique, j’allais prendre les chamanes au mot. Je me mis donc \u00e0 explorer la biologie mol\u00e9culaire avec le rationalisme comme v\u00e9hicule et le chamanisme comme boussole.<\/p>\n Les chamanes amazoniens affirment que certaines plantes psychoactives [contenant des mol\u00e9cules agissant sur le cerveau humain] influencent les esprits de fa\u00e7on pr\u00e9cise. Ils disent, par exemple, que le tabac donne aux esprits un \u00ab\u00a0app\u00e9tit quasi insatiable\u00a0\u00bb pour leur \u00ab\u00a0feu\u00a0\u00bb. Je partis \u00e0 la recherche d’une connexion analogue entre la nicotine et l’ADN d’une cellule nerveuse du cerveau humain, et trouvai que lorsqu’une mol\u00e9cule de nicotine s’ins\u00e8re dans le r\u00e9cepteur nicotinique d’une cellule c\u00e9r\u00e9brale, elle provoque un influx d’atomes \u00e9lectriquement charg\u00e9s qui incitent l’ADN \u00e0 construire d’autres r\u00e9cepteurs nicotiniques. Donnez de la nicotine \u00e0 l’ADN de votre cerveau, et il en redemande, aussi insatiable de tabac que le sont les esprits!<\/p>\n Il me fallut plusieurs semaines pour trouver, puis comprendre, les diff\u00e9rents fragments de savoir scientifique concernant les r\u00e9cepteurs neurologiques et la stimulation de l’ADN par la nicotine. Mais au bout du compte, je me trouvai avec, en mains, une traduction des notions chamaniques en concepts scientifiques actuels, qui les rendait compr\u00e9hensibles et d\u00e9montrait leur pertinence.<\/p>\n Je passai une ann\u00e9e \u00e0 explorer la biologie mol\u00e9culaire. Il me serait difficile de dire ici tous les points o\u00f9 elle recoupe le chamanisme: ces deux domaines de connaissance, qui semblaient s\u00e9par\u00e9s jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent, s’embo\u00eetent \u00e0 de multiples niveaux. J’ai essay\u00e9 d’en faire la d\u00e9monstration d\u00e9taill\u00e9e dans un livre, Le serpent cosmique, l’ADN et les origines du savoir<\/em>.<\/p>\n Peu apr\u00e8s que j’eus fini de r\u00e9diger cet ouvrage, en juillet 1995, je fis le voyage du P\u00e9rou pour discuter des cons\u00e9quences \u00e9ventuelles de mes hypoth\u00e8ses avec les repr\u00e9sentants de plusieurs organisations indig\u00e8nes. Si elles \u00e9taient v\u00e9rifi\u00e9es, en effet, cela signifierait que les peuples indig\u00e8nes disposent, \u00e0 travers les visions de leurs chamanes, d’un savoir bio-mol\u00e9culaire d’une valeur inestimable.<\/p>\n La premi\u00e8re fois que j’en parlai aux \u00e9tudiants indig\u00e8nes de l’\u00c9cole pour l’\u00e9ducation bilingue et interculturelle d’Iquitos, un seul d’entre eux, du fond de la salle, prit la parole: \u00ab\u00a0Vous avez finalement compris, me dit-il, que ce que nous disons est vrai. Mais si vos coll\u00e8gues scientifiques prennent notre savoir au s\u00e9rieux, qui nous garantit qu’ils agiront de mani\u00e8re \u00e9thique? La fa\u00e7on dont ils se sont comport\u00e9s jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent ne nous rassure gu\u00e8re, d’autant que travailler avec les esprits sans \u00e9thique est suicidaire.\u00a0\u00bb<\/p>\n Je lui r\u00e9pondis que la question \u00e9tait bonne, mais qu’ils allaient devoir y r\u00e9fl\u00e9chir eux-m\u00eames.<\/p>\n C’est en effet l’une des choses que j’ai d\u00e9couvertes au cours de cette enqu\u00eate: que nous soyons biologistes mol\u00e9culaires, Indiens d’Amazonie ou anthropologues, nous avons tous tellement \u00e0 apprendre, et d’abord les uns des autres.<\/p>\n Dix mois plus tard, je retournai \u00e0 nouveau \u00e0 Iquitos. Le motocarro<\/em> me d\u00e9posa devant le dortoir des \u00e9tudiants indig\u00e8nes qui m’avaient invit\u00e9 \u00e0 faire un nouvel expos\u00e9. Je me dirigeai vers la salle de r\u00e9union, o\u00f9 quelque quatre-vingts jeunes hommes et jeunes femmes \u00e9taient en train de s’asseoir sur des bancs align\u00e9s devant un tableau noir. C’\u00e9tait un vendredi soir, la nuit \u00e9tait moite, les \u00e9tudiants me semblaient un peu distraits.<\/p>\n Pour animer l’assistance, je lui demandai d’embl\u00e9e si elle avait des questions. Apr\u00e8s un long silence, quelqu’un lan\u00e7a: \u00ab\u00a0Nous aimerions savoir si vous avez pu tester les hypoth\u00e8ses que vous nous avez pr\u00e9sent\u00e9es ici l’an pass\u00e9\u00a0\u00bb.<\/p>\n Promettant de ne point \u00e9luder la question, je commen\u00e7ai par \u00e9voquer devant les \u00e9tudiants l’histoire de la vie sur Terre telle que la science la pr\u00e9sente aujourd’hui, depuis la naissance de notre plan\u00e8te sous la forme d’une boule de magma, jusqu’\u00e0 l’apparition \u00e0 sa surface, il y a quatre milliards d’ann\u00e9es, de la vie \u00e9volutive: des bact\u00e9ries qui se sont transform\u00e9es peu \u00e0 peu en plantes, en poissons, en amphibiens, en reptiles, en dinosaures, en mammif\u00e8res, et enfin en singes et en hominid\u00e9s. Je leur dis que le cerveau des hominid\u00e9s avait tripl\u00e9 de volume au cours des derniers quatre millions d’ann\u00e9es: de ce que l’on sait de l’histoire de la biologie, jamais un autre organe ne s’est d\u00e9velopp\u00e9 de fa\u00e7on aussi spectaculaire. Je leur parlai de fossiles, des techniques de datation au carbone 14, je leur expliquai que la science elle-m\u00eame est un ph\u00e9nom\u00e8ne r\u00e9cent: la biologie n’a que deux cent ans, la technique du carbone 14 a moins de soixante ans, et le r\u00f4le de l’ADN est compris depuis moins d’un demi-si\u00e8cle.<\/p>\n Je leur dis que la biologie est n\u00e9e par opposition \u00e0 la religion et se fonde sur l’id\u00e9e qu’il n’y a dans la nature aucune intelligence ni aucun plan. Je leur montrai des dizaines de pages de publicit\u00e9 de compagnies pharmaceutiques, arrach\u00e9es dans des num\u00e9ros r\u00e9cents de la revue Nature<\/em>, couvertes de doubles h\u00e9lices et autres r\u00e9f\u00e9rences \u00e0 l’ADN. Dans le monde mat\u00e9rialiste o\u00f9 je vis, leur dis-je, la biologie est un business. Elle consid\u00e8re les deux serpents entrelac\u00e9s comme un simple produit chimique, un vulgaire \u00ab\u00a0acide d\u00e9soxyribonucl\u00e9ique\u00a0\u00bb. Elle ne peut admettre que l’ADN soit anim\u00e9e par une conscience, sauf \u00e0 contredire les pr\u00e9suppos\u00e9s fondateurs de la discipline. Jacques Monod dit que l’on ne peut envisager que la nature ait un but, ,\u00a0\u00bbf\u00fbt-ce provisoirement ou dans un domaine limit\u00e9\u00a0\u00bb, \u00e0 moins de sortir du domaine m\u00eame de la science.<\/p>\n Bref, leur dis-je, il faudrait, pour que mes hypoth\u00e8ses puissent \u00eatre test\u00e9es, que des biologistes mol\u00e9culaires institutionnellement respect\u00e9s trouvent de l’information bio-mol\u00e9culaire dans les hallucinations desayahuasqueros<\/em> -mais comme ces biologistes institutionnels ne peuvent admettre d’y trouver une telle information, mes hypoth\u00e8ses ne peuvent pour l’instant \u00eatre test\u00e9es!<\/p>\n Cette fois-ci, les questions fus\u00e8rent. Par exemple: .\u00a0\u00bbDocteur, est-ce que vous pensez que dans dix mille ans nos t\u00eates seront beaucoup plus grandes qu’aujourd’hui?\u00a0\u00bb. Je r\u00e9pondis que je n’en savais rien, mais que tout \u00e9tait possible. Jusqu’\u00e0 ce qu’une derni\u00e8re question surgisse du fond de la salle: \u00ab\u00a0Est-ce que vous \u00eates en train de nous dire que les scientifiques nous rattrapent? – Oui, r\u00e9pondis-je, exactement\u00a0\u00bb.<\/p>\n Sur la piste du serpent, on finit par s’apercevoir que souvent les choses sont \u00e0 l’envers, ou sens dessus dessous, ou les deux \u00e0 la fois.<\/p>\n Ce texte est paru dans Le Temps strat\u00e9gique<\/em> No 73, d\u00e9cembre 1996.<\/span><\/p>\n <\/p>\n Ce qu’ils pensent de l’hypoth\u00e8se du serpent cosmique <\/strong><\/p>\n \u00ab\u00a0fondamentalement rocambolesque\u00a0\u00bb<\/strong> N.J. (Sciences humaines<\/em>, No 57, janvier 1996)<\/p>\n \u00ab\u00a0une formidable intuition\u00a0\u00bb<\/strong> Vah\u00e9 Zartarian (Carnets de Recherche<\/em>, Recherche spirituelle, Trainou, No 6)<\/p>\n \u00ab\u00a0quelque chose de fondamental\u00a0\u00bb<\/strong> Jean-Pierre Dufaure, biologiste mol\u00e9culaire, CNRS (commentaire pour la revue Les Voies de la Connaissance<\/em>)<\/p>\n \u00ab\u00a0de la bonne science\u00a0\u00bb<\/strong> Jean-Pierre Garel, biologiste mol\u00e9culaire, CNRS (Commentaire pour la revue Vous et votre sant\u00e9,<\/em> 1er octobre 1996)<\/p>\n \u00ab\u00a0assez ing\u00e9nu\u00a0\u00bb<\/strong> Josep Ma Fericgla, Institut de Prospective Anthropologique, Barcelone.<\/p>\n Des voyages de l’\u00e2me et autres termes cit\u00e9s<\/strong><\/p>\n Le chamanisme<\/strong>, de samane <\/em>en langue toungouze (Sib\u00e9rie), d\u00e9signe un ensemble de techniques et d’exp\u00e9riences plurimill\u00e9naires que l’on retrouve dans diverses cultures (dans les Am\u00e9riques, en Sib\u00e9rie, en Scandinavie, en Europe orientale, en Asie centrale, en Afrique du Sud, en Australie arborig\u00e8ne). Le chamane, lui, est l’autorit\u00e9 spirituelle d’une communaut\u00e9, qui gu\u00e9rit les \u00e2mes et les corps en \u00e9quilibrant les forces (spirituelles, humaines, naturelles) pr\u00e9sentes dans les diff\u00e9rents pans de la r\u00e9alit\u00e9, par le biais de l’extase et du sacrifice (animal, v\u00e9g\u00e9tal ou min\u00e9ral). Voyant et th\u00e9rapeute, le chamane ing\u00e8re parfois des susbtances (lepeyotl<\/em> au Mexique et aux Etats-Unis, l’ayahuasca<\/em> en Haute-Amazonie, l’Amanita muscaria<\/em> – amanite tue-mouche – en Sib\u00e9rie) qui acc\u00e9l\u00e8rent son voyage \u00e0 destination du monde non visible. En g\u00e9n\u00e9ral, il se passe cependant de l’usage de ces drogues, leur pr\u00e9f\u00e9rant le tambour dont les rythmes aident l’esprit \u00e0 se d\u00e9pacer vers les diff\u00e9rents niveaux de r\u00e9alit\u00e9 non ordinaire. Le n\u00e9o-chamanisme<\/em>, mouvement qui a succ\u00e9d\u00e9 \u00e0 la contre-culture occidentale des ann\u00e9es 60, s’efforce de prendre en compte la sensibilit\u00e9 \u00e9cologique du monde moderne et son besoin de revitalisation spirituelle. Parmi ses leaders, Michael Harner, fondateur de l'\u00a0\u00bbInstitute for Shamanic Studies\u00a0\u00bb [P.O. Box 1939, Mill Valley, Ca 94942, Etats-Unis, fax 001 415 380 84 16], dont l’ambition est de faire acc\u00e9der chaque <\/em>individu qui le d\u00e9sire aux \u00e9tats modifi\u00e9s de la conscience.<\/p>\n L’ayahuasca<\/strong> (\u00ab\u00a0liane de l’\u00e2me\u00a0\u00bb) est le nom quechua donn\u00e9 au m\u00e9lange, utilis\u00e9 depuis pr\u00e8s de 5000 ans par les peuples amazoniens, de deux plantes: la Banisteriopsis caapi<\/em> – appel\u00e9e commun\u00e9ment ayahuasca – une liane des for\u00eats de l’ouest du bassin de l’Amazone, connue sous plusieurs autres d\u00e9nominations locales (caapi, dapa, mihi, kahi, natema, pind\u00e9, yaj\u00e9), et un additif, en g\u00e9n\u00e9ral la Psychotria viridis<\/em> (chacruna en espagnol), le cawa mentionn\u00e9 par Michael Harner ou la Diplopterys cabrerana<\/em>. L’ingestion du m\u00e9lange, mac\u00e9r\u00e9 et \u00e9ventuellement bouilli, commence par provoquer des naus\u00e9es et des vomissements, puis \u00ab\u00a0lib\u00e8re l’\u00e2me du corps\u00a0\u00bb, permettant au sujet de d\u00e9couvrir, au travers d’hallucinations intenses, des pans de la r\u00e9alit\u00e9 jusque l\u00e0 insoup\u00e7onn\u00e9s. Les m\u00e9langes les plus puissants provoquent des visions de serpents et\/ou de jaguars. L’ayahuasca a la particularit\u00e9 de \u00ab\u00a0r\u00e9v\u00e9ler\u00a0\u00bb les propri\u00e9t\u00e9s des plantes (foug\u00e8res, cactus, roseaux, tabac, plantes psychotropes) que l’on m\u00e9lange avec elle. Les Indiens s’en servent donc comme d’une esp\u00e8ce de \u00ab\u00a0microsocope\u00a0\u00bb pour observer et r\u00e9pertorier les plantes de la for\u00eat amazonienne. Les Europ\u00e9ens ont d\u00e9couvert l’ayahuasca en 1851 gr\u00e2ce au botaniste anglais Spruce, mais ne l’ont analys\u00e9e chimiquement qu’en 1969.<\/p>\n La \u00ab\u00a0m\u00e9decine des signatures\u00a0\u00bb<\/strong> ou m\u00e9decine par analogie pr\u00e9tend \u00e9tablir des concordances entre certains organes du corps ou certaines maladies, et les formes, les couleurs ou les go\u00fbts de certaines plantes. Selon Robert Turner, un botaniste anglais du XVIIe si\u00e8cle, \u00ab\u00a0Dieu a imprim\u00e9 sur les plantes, herbes et fleurs, des hi\u00e9rogyphes, en quelque sorte la signature m\u00eame de leurs vertus\u00a0\u00bb. En 1624, Oswald Crollius explique, dansLa Royale Chimie<\/em> : \u00ab\u00a0Les herbes parlent au curieux m\u00e9decin par leur signature, lui descouvrant par quelque ressemblance leurs vertus int\u00e9rieures, cach\u00e9es sous le voile du silence de la Nature.\u00a0\u00bb La pharmacop\u00e9e traditionnelle recommande par exemple l’an\u00e9mone h\u00e9patique (Hepatica triloba<\/em>), dont les feuilles rappellent la forme du foie, pour soigner les maladies du foie; la ch\u00e9lidoine (Chelidonium majus<\/em>), dont le suc jaune rappelle la bile, pour soigner les affections de la v\u00e9sicule biliaire; la ficaire (Ficaria ranunculoides,<\/em>), dont les tubercules valident l’appellation d’Herbe aux h\u00e9morro\u00efdes<\/em> , comme m\u00e9dicament anti-h\u00e9morro\u00efdaire; etc. Plusieurs de ces m\u00e9dicaments ont \u00e9t\u00e9 valid\u00e9s par la pharmacop\u00e9e moderne.<\/p>\n L’ADN <\/strong>ou acide d\u00e9soxyribonucl\u00e9ique est pr\u00e9sent dans tout organisme vivant. Il contient l’ensemble de ses caract\u00e8res h\u00e9r\u00e9ditaires, et permet donc \u00e0 ses cellules de se reproduire, de se structurer et de fonctionner. La structure mol\u00e9culaire de l’ADN a la forme caract\u00e9ristique d’une \u00e9chelle en spirale. Pour une \u00ab\u00a0visite guid\u00e9e\u00a0\u00bb de l’ADN, on lira, dans Le Temps strat\u00e9gique<\/em> No 67 de d\u00e9cembre 1995: \u00ab\u00a0Les arch\u00e9obact\u00e9ries (qui vivent dans des milieux o\u00f9 toute vie semble impossible) seraient les anc\u00eatres des plantes… et de l’Homme!\u00a0\u00bb, par W. Ford Doolittle.<\/p>\n Sources: Les plantes des Dieux, <\/em>par Richard Evans Schultes et Albert Hofman (Paris, Berger-Levrault, 1981),Le pouvoir des plantes<\/em>, par Brenda Lehane (Paris, Hachette, 1977), Les simples entre nature et soci\u00e9t\u00e9,<\/em> par Pierre Lieutaghi (EPI, Mane, 1983).<\/p>\n<\/div>\n Le Sommet de la Terre<\/strong>, conf\u00e9rence des Nations-Unies qui s’est tenue en juin 1992 \u00e0 Rio de Janeiro pour \u00e9valuer les risques environnementaux qui p\u00e8sent sur la plan\u00e8te, a conduit \u00e0 la signature d’une Convention sur la biodiversit\u00e9<\/em> qui vise \u00e0 prot\u00e9ger les divers esp\u00e8ces (animales et v\u00e9g\u00e9tales) constitutives de la vie. Le Sommet de la Terre fut \u00e9galement l’occasion pour les peuples indig\u00e8nes de faire reconna\u00eetre leurs droits et revendications. La D\u00e9claration de Rio<\/em> insiste en particulier sur leurs droits territoriaux et le libre choix de leur d\u00e9veloppement. La D\u00e9claration de principe concernant la for\u00eat<\/em> mentionne la prise en compte de leur int\u00e9r\u00eat et de leur avis dans toute politique foresti\u00e8re. Enfin, la Convention sur la biodiversit\u00e9<\/em>, marque la n\u00e9cessit\u00e9 de reconna\u00eetre et r\u00e9mun\u00e9rer \u00e0 sa juste valeur leurs connaissances exp\u00e9rimentales ainsi que les technologies traditionnelles auxquelles ils recourent.<\/p>\n Nouvelle Plan\u00e8te<\/strong> est une organisation d’entraide politiquement et confessionnellement neutre qui op\u00e8re depuis une dizaine d’ann\u00e9es dans une vingtaine de pays, en Asie, en Afrique et en Am\u00e9rique du sud. Elle donne des coups de pouce \u00e0 des initiatives venant de la base, soixante actuellement. Il ne s’agit pas de parrainer des projets, ce qui impliquerait une d\u00e9pendance dans le temps, mais plut\u00f4t de fournir une aide ponctuelle au bon moment. L’organisation tourne actuellement sur un budget annuel de deux millions de francs. Cet argent provient des dons des 15 000 lecteurs du journal L’avenir est entre vos mains <\/em>et de contributions de fondations, d’associations et de communes. Nouvelle Plan\u00e8te est d\u00e9centralis\u00e9e. C’est ainsi, par exemple, que Jeremy Narby travaille \u00e0 son domicile, dans le canton de Fribourg, mais a men\u00e9 \u00e0 bien, de 1989 \u00e0 1995, huit projets de d\u00e9marcation et de titularisation de quelque 230’000 km2 de territoires indig\u00e8nes en Amazonie. [Nouvelle Plan\u00e8te, chemin de la For\u00eat, CH-1042 Assens. T\u00e9l: (021) 881 23 80 Fax: (021) 882 10 54.]<\/p>\n R\u00e9f\u00e9rences biographiques et bibliographiques<\/strong><\/p>\n Trois chasseurs de mythes<\/strong><\/p>\n Joseph Campbell<\/strong> (1904-1987), auteur am\u00e9ricain, a \u00e9tabli les principaux arch\u00e9types de la mythologie mondiale. Son oeuvre majeure: The Masks of God<\/em>, 4 volumes, 1959-67, (London, Arkana, 1991).<\/p>\n Mircea Eliade<\/strong> (1907-1986), historien roumain des religions, s’initia tr\u00e8s t\u00f4t, en Inde, aux religions et aux syst\u00e8mes de pens\u00e9e orientaux, et y apprit le sanskrit. Ses \u00e9tudes comparatives \u00e9clairent le mythe et le fait religieux \u00e0 travers les voies et exp\u00e9riences culturelles ou historiques. Il a \u00e9crit notamment Trait\u00e9<\/em> d’histoire des religions<\/em> (Paris, Payot, 1949), Le chamanisme et les techniques archa\u00efques de l’extase<\/em> (Paris, Payot, 1951),Images et symboles<\/em>, (Paris, Gallimard, 1952), Mythes, r\u00eaves et myst\u00e8res<\/em> (Paris, Gallimard, 1957). Jean-Fran\u00e7ois Duval en a bross\u00e9 un portrait dans \u00ab\u00a0Le Temps Strat\u00e9gique\u00a0\u00bb No 19 de l’hiver 1986-87: \u00ab\u00a0Mircea Eliade, grand sourcier du sacr\u00e9\u00a0\u00bb.<\/p>\n Alfred M\u00e9traux<\/strong> (1902-1963), ethnologue suisse devenu am\u00e9ricain, est consid\u00e9r\u00e9 comme l’un des meilleurs connaisseurs des civilisations et des cultures d’Am\u00e9rique du Sud et de Polyn\u00e9sie. Cet \u00ab\u00a0ethnologue complet\u00a0\u00bb a \u00e9crit, notamment, L’Ile de P\u00e2ques<\/em> (Paris, Gallimard, 1941), Le vaudou ha\u00eftien<\/em> (Paris, Gallimard, 1962), Les Incas<\/em> (Paris, Seuil, 1967).<\/p>\n Trois explorateurs de l’ADN<\/strong><\/p>\n Francis Crick (1916), physicien et biochimiste am\u00e9ricain, a d\u00e9couvert, avec James Watson et Maurice Wilkins, la structure mol\u00e9culaire en double h\u00e9lice de l’ADN, et a partag\u00e9 avec eux, en 1962, un prix Nobel de physiologie et m\u00e9decine. Il est actuellement chercheur au Salk Lake Institute de La Jolla \u00e0 San Diego. Ses recherches r\u00e9centes portent sur la localisation de la conscience dans le cerveau humain. Son dernier livre:L’hypoth\u00e8se stup\u00e9fiante. A la recherche scientifique de l’\u00e2me <\/em>(Paris, Plon, 1994)<\/p>\n Christopher Wills<\/strong>, professeur de biologie mol\u00e9culaire \u00e0 l’universit\u00e9 de Californie de San Diego, est connu pour ses livres de vulgarisation scientifique: La sagesse des g\u00e8nes: nouvelles perspectives sur l’\u00e9volution<\/em>(Paris, Flammarion, 1991), Exons, Introns and Talking Genes: The Science Behind the Human Genome Project<\/em> (Oxford, Oxford University Press, 1991) et The Runaway Brain<\/em> (New York, Basic Books, 1993).<\/p>\n Jacques Monod <\/strong>(1910-1976), biochimiste fran\u00e7ais, qui re\u00e7ut en 1965, avec Fran\u00e7ois Jacob et Andr\u00e9 Lwoff, le prix Nobel de physiologie et m\u00e9decine, est connu du grand public gr\u00e2ce \u00e0 son livre Le Hasard et la N\u00e9cessit\u00e9. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne <\/em>(Paris, Seuil, 1973).<\/p>\n Un philosophe chinois<\/strong><\/p>\n Chuang-Tsu, Tchouang-Tseu selon la transcription fran\u00e7aise, est \u00e0 la fois l’auteur et le titre d’une uvre litt\u00e9raire chinoise du IVe si\u00e8cle avant J.-C., qui est l’un des classiques du tao\u00efsme [courant mystico-philosophique cr\u00e9\u00e9 par Lao-Tseu au VIe si\u00e8cle avant J.-C., dont le culte de la libert\u00e9 et l’aspect spontan\u00e9 et intuitif sont souvent oppos\u00e9s aux conservatisme, moralisme et ritualisme du confucianisme, versant \u00ab\u00a0officiel\u00a0\u00bb de la civilisation chinoise]. L’ouvrage \u00e9voque, au travers de dialogues imaginaires et de contes pleins d’humour des voyages chamaniques de \u00ab\u00a0libre errance\u00a0\u00bb au sein de l’univers. On trouvera l’oeuvre compl\u00e8te de Tchouang-Tseu dans Philosophies tao\u00efstes<\/em> (Paris, Gallimard, 1969).<\/p>\n Et un chimiste qui a vu le serpent<\/strong><\/p>\n August Kekule von Stradonitz (1829-1896), chimiste allemand, auteur d’un c\u00e9l\u00e8bre manuel, Lehrbuch des organische Chemie<\/em>, pr\u00e9senta en 1866, dans un m\u00e9moire, pour repr\u00e9senter le benz\u00e8ne, son c\u00e9l\u00e8bre hexagone avec alternance de liaisons simples et de liaisons multiples, affirmant qu’il avait eu la vision de cet \u00e9difice mol\u00e9culaire dans des \u00e9tats de r\u00eaverie durant lesquels il apercevait les atomes mobiles s’associer selon leurs affinit\u00e9s, l’anneau benz\u00e9nique se refermant \u00ab\u00a0comme un serpent qui se mort la queue\u00a0\u00bb. Kekule faisait ainsi allusion \u00e0 l’Ouroboros<\/strong>, serpent embl\u00e9matique de l’Egypte et de la Gr\u00e8ce antiques, qui est repr\u00e9sent\u00e9 se mordant la queue pour signifier qu’il se d\u00e9vore lui-m\u00eame et rena\u00eet de lui-m\u00eame sans cesse. L’Ouroboros est \u00e9galement un symbole gnostique et alchimique signifiant l’unit\u00e9 de toutes choses mat\u00e9rielles et spirituelles, qui jamais ne disparaissent mais changent perp\u00e9tuellement de forme, dans un cycle \u00e9ternel de destruction et de recr\u00e9ation.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" GRANDE ENQU\u00caTE Sur la piste du serpent par Jeremy Narby Se pourrait-il que les chamanes d’Amazonie dans leurs hallucinations \u00ab\u00a0voient\u00a0\u00bb la double h\u00e9lice (le double serpent) de l’ADN, cette mol\u00e9cule commune \u00e0 tous les \u00eatres vivants, et acc\u00e8dent ainsi aux secrets les plus intimes de la Nature? 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Mais \u00e0 chaque feu rouge, la chaleur me rattrape, et le tourbillon des autres motocarros<\/em> m’assourdit.<\/p>\n
\nPeinture de Pablo Amaringo<\/div>\n<\/div>\n
\nBrin d’ADN<\/div>\n<\/div>\n<\/div>\n
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\n\u00ab\u00a0(…) Narby fait l’hypoth\u00e8se que ces hommes [les Ashaninka du P\u00e9rou] auraient une sorte de vision directe de la structure en double h\u00e9lice du g\u00e9nome des organismes vivants et en feraient l’objet de leur croyance. Il sugg\u00e8re ensuite qu’il en irait ainsi un peu partout dans le monde et consolide le maillon faible de son hypoth\u00e8se (comment voir l’ADN sans microscope) en faisant appel \u00e0 certaines \u00e9tudes sur l’\u00e9mission de photons par l’ADN. L’histoire s’arr\u00eate l\u00e0. Ce livre, fondamentalement rocambolesque, peut int\u00e9resser les lecteurs ayant le go\u00fbt du risque. (…) Comprenne qui pourra.\u00a0\u00bb<\/p>\n
\n\u00ab\u00a0Il y derri\u00e8re tout cela une formidable intuition, \u00e0 savoir que notre conscience peut, dans certaines circonstances, entrer en contact direct avec l’\u00e9l\u00e9ment qui est la cl\u00e9 de toute la vie sur terre, l’ADN. (…) Le second point qui m’a frapp\u00e9 dans ce travail est que l’auteur ne se d\u00e9partit jamais d’un regard d’\u00e9pist\u00e9mologue (…) et garde continuellement pr\u00e9sente \u00e0 l’esprit cette question fondamentale: comment connaissons-nous? (…) Un bel exemple de cette \u00ab\u00a0nouvelle science\u00a0\u00bb que j’appelle de mes voeux.\u00a0\u00bb<\/p>\n
\n\u00ab\u00a0Il est probable que le sch\u00e9ma [de Jeremy Narby] soit encore tr\u00e8s imparfait, partiellement ou totalement erron\u00e9, il n’emp\u00eache que l’on est forc\u00e9 de se demander si l’auteur n’a pas mis le doigt sur quelque chose de fondamental. Et je dis bien fondamental, car alors nous n’aurions jamais \u00e9t\u00e9 aussi pr\u00e8s d’aboutir \u00e0 la grande synth\u00e8se, \u00e0 la Connaissance. (…) De quoi travailler, r\u00e9fl\u00e9chir, m\u00e9diter pendant des mois. A lire absolument.\u00a0\u00bb<\/p>\n
\n\u00ab\u00a0C’est de la bonne science, au sens o\u00f9 le corps tout entier est laboratoire, o\u00f9 les plans physique, \u00e9motionnel et mental sont reli\u00e9s, o\u00f9 l’intellect fonctionne en global ou en total. Narby nous relate les conditions de la germination et de l’\u00e9closion de sa th\u00e8se, dans une intrigue quasi polici\u00e8re, bien men\u00e9e et joliment \u00e9crite.\u00a0\u00bb<\/p>\n
\n\u00ab\u00a0En octobre 1994, j’ai eu la chance d’organiser le second Congr\u00e8s International sur les plantes, le chamanisme et les Etats modifi\u00e9s de la conscience.<\/em> (…) A la lecture de ce livre, j’ai eu l’impression qu’il est assez ing\u00e9nu et na\u00eff, dans ce sens qu’il m\u00eale biographie, citations sans liens entre elles (leur abondance r\u00e9v\u00e8le une bonne formation livresque) et un sentiment de culpabilit\u00e9 infantile dans le style de Rousseau, si fr\u00e9quent depuis quelques ann\u00e9es (\u00ab\u00a0les Indiens sont les bons, les purs, les sages, alors que nous, pauvres de nous, anthropologues en particulier, sommes les pervers, les malades, les m\u00e9chants\u00a0\u00bb), ce qui me para\u00eet \u00eatre moins une r\u00e9alit\u00e9 v\u00e9ritable qu’un probl\u00e8me psychologique de nos soci\u00e9t\u00e9s occidentales.\u00a0\u00bb<\/p>\n