{"id":315,"date":"2015-01-01T13:05:26","date_gmt":"2015-01-01T12:05:26","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=315"},"modified":"2015-01-18T11:33:13","modified_gmt":"2015-01-18T10:33:13","slug":"critique-de-la-critique","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=315","title":{"rendered":"Critique de la critique"},"content":{"rendered":"
[extraits]<\/p>\n
Critique du totalitarisme ou crainte de la d\u00e9totalisation?<\/strong> Il est exact que des \u00c9tats et des puissances \u00e9conomiques se livrent \u00e0 des viols de Encore une fois, associer \u00e0 la cyberculture une menace \u00ab\u00a0totalitaire\u00a0\u00bb rel\u00e8ve d’une Ceux dont le r\u00f4le consistait \u00e0 g\u00e9rer des limites et des territoires sont menac\u00e9s par une Des textes circulent \u00e0 grande \u00e9chelle dans le monde entier via le cyberespace sans Comme il est possible de faire conna\u00eetre de nouvelles id\u00e9es et de nouvelles L’appropriation des connaissances s’affranchira de plus en plus des contraintes Les m\u00e9decins devront faire face \u00e0 la concurrence de bases de donn\u00e9es m\u00e9dicales, de Nombre de positions de pouvoir et de \u00ab\u00a0m\u00e9tiers\u00a0\u00bb sont menac\u00e9es. Mais s’ils savent Le cyberespace ne change rien au fait qu’il y a des relations de pouvoir et des Ce lib\u00e9ralisme doit-il \u00eatre entendu au sens le plus noble : l’absence de contraintes La critique se croit fond\u00e9e \u00e0 d\u00e9noncer un \u00ab\u00a0totalitarisme\u00a0\u00bb mena\u00e7ant et \u00e0 se La critique \u00e9tait progressiste. Deviendrait-elle conservatrice?<\/strong> Extraits de Cyberculture, rapport au Conseil de l’Europe de Pierre L\u00e9vy. Paris, Odile Jacob, 1998.<\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Critique de la critique par Pierre L\u00e9vy [extraits] Critique du totalitarisme ou crainte de la d\u00e9totalisation? L’id\u00e9e selon laquelle le d\u00e9veloppement du cyberespace menace la civilisation et les valeurs humanistes repose largement sur la confusion entre universalit\u00e9 et totalit\u00e9. Nous sommes devenus m\u00e9fiants envers ce qui se pr\u00e9sente comme universel \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1191,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-315","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/315","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=315"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/315\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1200,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/315\/revisions\/1200"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1191"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=315"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}
\nL’id\u00e9e selon laquelle le d\u00e9veloppement du cyberespace menace la civilisation et les
\nvaleurs humanistes repose largement sur la confusion entre universalit\u00e9 et totalit\u00e9.
\nNous sommes devenus m\u00e9fiants envers ce qui se pr\u00e9sente comme universel parce
\nque, presque toujours, l’universalisme fut port\u00e9 par des empires conqu\u00e9rants, des
\npr\u00e9tendants \u00e0 la domination, que cette domination fut temporelle ou spirituelle. Or le
\ncyberespace, du moins jusqu’\u00e0 ce jour, est plus accueillant que dominant. Ce n’est
\npas un instrument de diffusion \u00e0 partir de centres (comme la presse, la radio et la
\nt\u00e9l\u00e9vision) mais un dispositif de communication interactive de collectifs humains
\navec eux-m\u00eames et de mise en contact de communaut\u00e9s h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes. Ceux qui
\nvoient dans le cyberespace un danger de \u00ab\u00a0totalitarisme\u00a0\u00bb font tout simplement une
\ndramatique erreur de diagnostic.<\/p>\n
\ncorrespondance, \u00e0 des vols de donn\u00e9es, \u00e0 des manipulations ou \u00e0 des op\u00e9rations de
\nd\u00e9sinformation dans le cyberespace. Rien de radicalement nouveau. Cela se
\npratiquait auparavant et se pratique encore avec d’autres moyens : par effraction
\nphysique, par la poste, par le t\u00e9l\u00e9phone ou par les m\u00e9dias classiques. Les outils de la
\ncommunication num\u00e9rique \u00e9tant plus puissants, ils permettent de faire le mal \u00e0 plus
\ngrande \u00e9chelle. Mais il faut aussi noter que les instruments de cryptage et d\u00e9cryptage
\ntr\u00e8s puissants, d\u00e9sormais accessibles aux particuliers, permettent de fournir une
\nr\u00e9ponse partielle \u00e0 ces menaces. D’autre part, la t\u00e9l\u00e9vision et la presse sont des
\ninstruments de manipulation et de d\u00e9sinformation bien plus efficace que l’Internet
\npuisqu’elles peuvent imposer \u00ab\u00a0une\u00a0\u00bb vision de la r\u00e9alit\u00e9 et interdire la r\u00e9ponse, la
\ncritique et la confrontation entre positions divergentes. On l’a bien vu pendant la
\nguerre du Golfe. En revanche, la diversit\u00e9 des sources et la discussion ouverte est
\ninh\u00e9rente au fonctionnement d’un cyberespace \u00ab\u00a0incontr\u00f4lable\u00a0\u00bb par essence.<\/p>\n
\nm\u00e9compr\u00e9hension profonde de sa nature et du processus qui gouverne son
\nextension. Il est vrai que le cyberespace construit un espace universel mais, comme
\nj’ai tent\u00e9 de le montrer, il s’agit d’un universel sans totalit\u00e9. Ce qui fait vraiment peur
\naux \u00ab\u00a0critiques\u00a0\u00bb professionnels n’est-ce pas pr\u00e9cis\u00e9ment la d\u00e9totalisation en
\ncours? La condamnation des nouveaux moyens de communication interactifs et
\ntransversaux ne fait-elle pas \u00e9cho \u00e0 un bon vieux d\u00e9sir d’ordre et d’autorit\u00e9? Ne
\ndiabolise-t-on pas le virtuel pour conserver inchang\u00e9e une r\u00e9alit\u00e9
\nlourdement institu\u00e9e, l\u00e9gitim\u00e9e par le meilleur \u00ab\u00a0bon sens\u00a0\u00bb \u00e9tatique et m\u00e9diatique?<\/p>\n
\ncommunication d\u00e9cloisonnante, transversale, multipolaire. Les gardiens du bon
\ngo\u00fbt, les garants de la qualit\u00e9, les interm\u00e9diaires oblig\u00e9s, les porte-parole voient
\nleurs positions menac\u00e9es par l’\u00e9tablissement de relations de plus en plus directes
\nentre producteurs et utilisateurs d’information.<\/p>\n
\n\u00eatre jamais pass\u00e9s par les mains d’un quelconque \u00e9diteur ou r\u00e9dacteur en chef.
\nBient\u00f4t, il en sera de m\u00eame pour la musique, les films, les hyperdocuments, les jeux
\ninteractifs ou les mondes virtuels.<\/p>\n
\nexp\u00e9riences sans passer par les comit\u00e9s de lecture des revues sp\u00e9cialis\u00e9es, tout le
\nsyst\u00e8me de r\u00e9gulation de la science est d’ores et d\u00e9j\u00e0 remis en question.<\/p>\n
\npos\u00e9es par les institutions d’enseignement parce que les sources vives du savoir
\nseront directement accessibles et que les individus auront la possibilit\u00e9 de s’int\u00e9grer \u00e0
\ndes communaut\u00e9s virtuelles consacr\u00e9es \u00e0 l’apprentissage coop\u00e9ratif.<\/p>\n
\nforums de discussion, de groupes virtuels d’entraide entre patients atteints de la
\nm\u00eame maladie.<\/p>\n
\nr\u00e9inventer leur fonction et se transformer en animateurs de processus d’intelligence
\ncollective, les individus et les groupes qui jouaient les interm\u00e9diaires peuvent voir
\nleur r\u00f4le dans la nouvelle civilisation devenir encore plus important que par le pass\u00e9.
\nEn revanche, s’ils se crispent sur leurs anciennes identit\u00e9s, il y a fort \u00e0 parier que
\nleur situation se fragilisera.<\/p>\n
\nin\u00e9galit\u00e9s \u00e9conomiques entre les humains. Mais, pour prendre un exemple facilement
\ncompr\u00e9hensible, le pouvoir et la richesse ne se distribuent et ne s’exercent pas de la
\nm\u00eame mani\u00e8re dans une soci\u00e9t\u00e9 de caste, \u00e0 privil\u00e8ges h\u00e9r\u00e9ditaires, \u00e9conomiquement
\nbloqu\u00e9e par les monopoles de corporations et dans une soci\u00e9t\u00e9 dont les citoyens sont
\n\u00e9gaux en droit, dont les lois favorisent la libre entreprise et luttent contre les
\nmonopoles. En augmentant la transparence du march\u00e9, en facilitant les transactions
\ndirectes entre offreurs et demandeurs, le cyberespace accompagne et favorise
\ncertainement une \u00e9volution \u00ab\u00a0lib\u00e9rale\u00a0\u00bb dans l’\u00e9conomie de l’information et de la
\nconnaissance et m\u00eame probablement dans le fonctionnement g\u00e9n\u00e9ral de l’\u00e9conomie.<\/p>\n
\nl\u00e9gales arbitraires, la chance laiss\u00e9e aux talents, la libre concurrence entre un grand
\nnombre de petits producteurs sur le march\u00e9 le plus transparent possible? Ou bien
\nsera-t-il le masque, le pr\u00e9texte id\u00e9ologique \u00e0 la domination de grands groupes de
\ncommunication qui feront la vie dure aux petits producteurs et au foisonnement de la
\ndiversit\u00e9? Les deux voies de cette alternative ne sont pas mutuellement exclusives.
\nL’avenir nous offrira probablement un m\u00e9lange des deux, m\u00e9lange dont les
\nproportions d\u00e9pendent en d\u00e9finitive de la force et de l’orientation du mouvement
\nsocial.<\/p>\n
\nfaire le porte-parole d'\u00a0\u00bbexclus\u00a0\u00bb \u00e0 qui elle ne demande d’ailleurs jamais leur avis.
\nEn fait, la pseudo-\u00e9lite critique a la nostalgie d’une totalit\u00e9 qu’elle ma\u00eetrisait ;
\nmais ce sentiment inavouable est d\u00e9ni\u00e9, invers\u00e9 et projet\u00e9 sur un Autre terrifiant :
\nl’homme de la cyberculture. Les lamentations sur le d\u00e9clin des cl\u00f4tures s\u00e9mantiques
\net la dissolution des totalit\u00e9s ma\u00eetrisables (v\u00e9cues comme d\u00e9litement de la
\n\u00ab\u00a0culture\u00a0\u00bb) cachent la d\u00e9fense de pouvoirs. Tout cela nous retarde dans l’invention
\nde la nouvelle civilisation de l’universel par contact et ne nous aide en rien \u00e0
\nl’orienter dans la direction la plus humaine. Tentons plut\u00f4t de saisir la cyberculture
\nde l’int\u00e9rieur, \u00e0 partir du mouvement social multiforme qui l’entra\u00eene, selon
\nl’originalit\u00e9 de ses dispositifs de communication, en rep\u00e9rant les formes nouvelles de
\nlien social qu’elle noue dans le silence richement peupl\u00e9 du cyberespace, loin de la
\nclameur monotone des m\u00e9dias.<\/p>\n
\nLe scepticisme et l’esprit de critique syst\u00e9matique ont jou\u00e9 un r\u00f4le progressiste au
\nXVIIIe si\u00e8cle, \u00e0 une \u00e9poque d’absolutisme politique o\u00f9 la libert\u00e9 d’expression \u00e9tait
\nencore \u00e0 conqu\u00e9rir. Or, aujourd’hui, le scepticisme et la critique ont peut-\u00eatre chang\u00e9
\nde camp. Ces attitudes deviennent de plus en plus souvent l’alibi d’un conservatisme
\nblas\u00e9, voire des positions les plus r\u00e9actionnaires. \u00c0 la poursuite du spectaculaire et
\nde la sensation, les m\u00e9dias contemporains ne cessent de pr\u00e9senter les aspects les plus
\nsombres de l’actualit\u00e9, mettent constamment les hommes politiques sur la sellette, se
\nfont un devoir de d\u00e9noncer les dangers ou les effets n\u00e9gatifs de la
\nmondialisation \u00e9conomique et du d\u00e9veloppement technologique : ils jouent sur la
\npeur, un des sentiments les plus faciles \u00e0 exciter. D\u00e8s lors, le r\u00f4le des penseurs n’est
\nprobablement pas de contribuer \u00e0 r\u00e9pandre la panique en s’alignant sur les lieux
\ncommuns de la grande presse et de la t\u00e9l\u00e9vision mais d’analyser le monde \u00e0
\nnouveaux frais, de proposer une compr\u00e9hension plus profonde, de nouveaux
\nhorizons mentaux \u00e0 des contemporains baignant dans le discours m\u00e9diatique. Les
\nintellectuels et ceux qui font profession de penser devraient-ils donc abandonner
\ntoute perspective critique? Nullement. Mais il faut comprendre que l’attitude critique
\nen soi, simple r\u00e9miniscence ou parodie de la grande Critique des XVIIe et XIXe
\nsi\u00e8cles, n’est plus une garantie d’ouverture cognitive ni de progr\u00e8s humain. Il faut
\nmaintenant distinguer soigneusement entre, d’une part, la critique r\u00e9flexe,
\nm\u00e9diatique, convenue, conservatrice, alibi des pouvoirs en place et de la paresse
\nintellectuelle et, d’autre part, une critique en acte, imaginative, tourn\u00e9e vers l’avenir,
\naccompagnant le mouvement social. Toute critique n’est pas pensante.<\/p>\n