{"id":1158,"date":"2015-01-15T19:51:14","date_gmt":"2015-01-15T18:51:14","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=1158"},"modified":"2015-01-18T10:45:13","modified_gmt":"2015-01-18T09:45:13","slug":"1158-2","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=1158","title":{"rendered":"La partie et le tout"},"content":{"rendered":"

La partie et le tout,<\/strong>
\n le monde de la physique atomique<\/strong><\/h3>\n

Werner Heisenberg (Paris, Flammarion, 1990)<\/strong><\/p>\n

\n

\u00ab\u00a0Dans cet ouvrage, Heisenberg retrace l’\u00e9volution de la physique au XX\u00e8me si\u00e8cle telle qu’il l’a v\u00e9cue, depuis ses premiers contacts avec la th\u00e9orie atomique (1919-1920) jusqu’aux d\u00e9couvertes de nouvelles particules \u00e9l\u00e9mentaires (1961-1965), en passant par les discussions avec Einstein.\u00a0\u00bb<\/p>\n

L’auteur est n\u00e9 en 1901 en Allemagne. \u00c9l\u00e8ve de Max Planck et Sommerfeld, il travailla avec Born et Niels Bohr. Ses travaux lui ont valu le prix Nobel de physique.<\/p>\n<\/div>\n

\"Extraits significatifs :
\n<\/em>
\np. 28 ; les mots form\u00e9s aux temps pr\u00e9historiques, insuffisants pour d\u00e9crire la r\u00e9alit\u00e9 ; \u00ab\u00a0Appellerais-tu de telles formes math\u00e9matiques \u00ab\u00a0v\u00e9ritables\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0r\u00e9elles\u00a0\u00bb? Si elles sont l’expression des lois naturelles, donc l’expression de l’ordre central des ph\u00e9nom\u00e8nes mat\u00e9riels, il faudrait bien les qualifier de \u00ab\u00a0v\u00e9ritables\u00a0\u00bb, \u00e9tant donn\u00e9 que certains effets d\u00e9coulent d’elles ; mais il ne faudrait pas les appeler \u00ab\u00a0r\u00e9elles\u00a0\u00bb, car elles ne sont pas une \u00ab\u00a0res\u00a0\u00bb, une chose. A vrai dire, on ne sait plus ici comment utiliser les mots ; et ceci n’est pas \u00e9tonnant, car on s’est \u00e9loign\u00e9 consid\u00e9rablement du domaine de notre exp\u00e9rience imm\u00e9diate, domaine dans lequel notre langage s’est form\u00e9 aux temps pr\u00e9historiques.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 44 ; \u00ab\u00a0les moyens techniques de la physique exp\u00e9rimentale actuelle nous permettent de p\u00e9n\u00e9trer dans des domaines de la nature qui ne peuvent plus \u00eatre d\u00e9crits de fa\u00e7on appropri\u00e9e avec les concepts utilis\u00e9s dans la vie quotidienne.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 61 ; l’intuition, le flair chez Niels Bohr ; \u00ab\u00a0On pouvait sentir tr\u00e8s nettement que Bohr avait obtenu ses r\u00e9sultats non par des calculs et des v\u00e9rifications, mais bien plut\u00f4t par l’intuition et le flair, et qu’il \u00e9prouvait maintenant une certaine difficult\u00e9 \u00e0 les d\u00e9fendre devant l’\u00e9cole de G\u00f6ttingen, r\u00e9put\u00e9e pour son haut niveau en math\u00e9matiques.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 64 ; \u00ab\u00a0il ne peut y avoir une description visuelle de la structure de l’atome, car une telle description -parce que visuelle, pr\u00e9cis\u00e9ment- devrait se servir des concepts de la physique classique, concepts qui ne permettent plus de saisir les ph\u00e9nom\u00e8nes. Vous comprenez bien que, en tentant de faire une th\u00e9orie de ce genre, on entreprend une t\u00e2che a priori impossible. Car nous devons dire quelque chose de la structure atomique, mais nous ne poss\u00e9dons aucun langage qui nous permette de nous faire comprendre. En un sens, nous sommes dans la situation d’un navigateur qui a \u00e9chou\u00e9 dans un pays lointain o\u00f9 non seulement les conditions de vie sont tout \u00e0 fait diff\u00e9rentes de celles qu’il connaissait dans sa patrie, mais o\u00f9 il ignore m\u00eame totalement le langage des gens qui y vivent. Il a besoin de communiquer avec ces gens, mais il ne poss\u00e8de aucun moyen en vue d’une telle communication.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 65 , \u00ab\u00a0je le questionnai : \u00ab\u00a0Mais que signifient alors les images d’atomes que vous nous avez montr\u00e9es tous ces derniers jours au cours de vos conf\u00e9rences, en les discutant et en allant jusqu’\u00e0 les justifier ? Que vouliez-vous vraiment dire ?\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Ces images, r\u00e9pondit Bohr, ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9duites ou plut\u00f4t, si vous pr\u00e9f\u00e9rez, \u00ab\u00a0devin\u00e9es\u00a0\u00bb \u00e0 partir de faits exp\u00e9rimentaux ; elles ne sont pas le fruit de quelconques calculs th\u00e9oriques. J’esp\u00e8re que ces images d\u00e9crivent la structure des atomes aussi bien -mais seulement aussi bien- que cela est possible dans le langage visuel de la physique classique. Nous devons nous rendre compte que nous ne pouvons nous servir ici du langage qu’\u00e0 la mani\u00e8re des po\u00e8tes qui, eux aussi, ne cherchent pas \u00e0 repr\u00e9senter les faits de fa\u00e7on pr\u00e9cise, mais seulement \u00e0 cr\u00e9er des images dans l’esprit de leur public, et \u00e0 r\u00e9tablir des connexions sur le plan des id\u00e9es.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 76 ; \u00ab\u00a0…le chant des cavaliers dans le Wallenstein de Schiller. Vous en connaissez les paroles finales : \u00ab\u00a0Et si vous n’engagez pas votre vie, jamais la vie ne vous appartiendra.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 89 ; l’intuition ; \u00ab\u00a0Lorsque, au cours du semestre d’\u00e9t\u00e9 1925, je repris mes occupations \u00e0 G\u00f6ttingen -depuis juillet 1924, j’\u00e9tais charg\u00e9 de cours \u00e0 cette universit\u00e9, -et je me remis \u00e0 mon travail scientifique en essayant de trouver par intuition les formules correctes des intensit\u00e9s des raies spectrales de l’hydrog\u00e8ne, en utilisant les m\u00e9thodes qui avaient fait leurs preuves au cours du calcul que j’avais fait \u00e0 Copenhagen en collaboration avec Kramers.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 98 ; Le langage math\u00e9matique qui explique la m\u00e9canique quantique existe mais manque le lien avec le langage ordinaire qui, lui, ne peut en rendre compte.<\/p>\n

p. 103 ; \u00ab\u00a0Si l’on se pose la question de savoir quel a \u00e9t\u00e9 le plus grand m\u00e9rite de Christophe Colomb d\u00e9couvrant l’Am\u00e9rique, on doit sans doute r\u00e9pondre que ce m\u00e9rite ne consistait pas dans l’id\u00e9e d’utiliser la forme sph\u00e9rique de la terre pour atteindre les Indes par la route occidentale; d’autres, avant lui, y avaient d\u00e9j\u00e0 song\u00e9. il ne consistait pas non plus dans la pr\u00e9paration minutieuse de l’exp\u00e9dition, dans la comp\u00e9tence avec laquelle il avait \u00e9quip\u00e9 ses navires ; tout cela aurait pu \u00eatre fait par d’autres. En r\u00e9alit\u00e9, le plus difficile, dans ce voyage, c’\u00e9tait certainement la d\u00e9cision de quitter toute terre connue et d’aller si loin vers l’ouest que, avec les approvisionnements disponibles, un retour devenait impossible.<\/p>\n

De mani\u00e8re similaire, dans la science, on ne peut gagner une terre nouvelle que si l’on est pr\u00eat, dans une \u00e9tape d\u00e9cisive, \u00e0 quitter le terrain sur lequel reposait la science ant\u00e9rieure et \u00e0 sauter pour ainsi dire dans le vide.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 118-119 ; Pas de contradiction entre Science et religion. Max Planck; \u00ab\u00a0Einstein parle toujours de Dieu, qu’est-ce que cela signifie ? On ne peut gu\u00e8re imaginer qu’un scientifique comme Einstein soit fortement attach\u00e9 \u00e0 une tradition religieuse.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bbEinstein sans doute pas, mais peut-\u00eatre Max Planck\u00a0\u00bb, r\u00e9pondit quelqu’un d’autre. \u00ab\u00a0Planck a fait des remarques sur la relation entre religion et science , dans ces remarques, il a affirm\u00e9 qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux, qu’elles sont au contraire parfaitement compatibles.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Je pr\u00e9sume, dus-je dire, que pour Planck la religion et la science sont compatibles parce que, \u00e0 son avis, elles se r\u00e9f\u00e8rent \u00e0 des domaines tout \u00e0 fait diff\u00e9rents de la r\u00e9alit\u00e9. la science traite du monde mat\u00e9riel objectif. Elle nous place devant une t\u00e2che qui consiste \u00e0 faire des affirmations justes en ce qui concerne cette r\u00e9alit\u00e9 objectivement et \u00e0 comprendre les corr\u00e9lations qu’elle comporte. La religion, au contraire, traite du monde des valeurs. Il y est question de ce qui doit \u00eatre, de ce que nous devons faire, et non de ce qui est . Dans la science, il s’agit de ce qui est juste ou faux ; dans la religion, il s’agit de ce qui est bon ou mauvais, de ce qui a une valeur o un’en a pas. La science est \u00e0 la base de l’action utilitaire, la religion est la base de l’\u00e9thique. le conflit qui se manifeste entre ces deux domaines depuis le XVIIe si\u00e8cle ne para\u00eet ainsi reposer que sur le malentendu que l’on cr\u00e9e si l’on veut interpr\u00e9ter les images et les paraboles de la religion comme des affirmations scientifiques, ce qui est \u00e9videmment absurde.<\/p>\n

(…) les deux domaines sont associ\u00e9s respectivement \u00e0 la face objective et subjective du monde.
\n(…) la face objective et la face subjective du monde- sont tr\u00e8s nettement s\u00e9par\u00e9s , mais je dois avouer pour ma part que cette s\u00e9paration ne me met pas \u00e0 l’aise. je doute que les soci\u00e9t\u00e9s humaines puissent vivre \u00e0 la longue sur la base d’une telle s\u00e9paration nettement tranch\u00e9e entre le savoir et la croyance.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb
\np. 124 ; \u00ab\u00a0La discussion se poursuivit ainsi encore pendant un moment, et nous f\u00fbmes \u00e9tonn\u00e9s de noter que Wolfgang avait cess\u00e9 d’y prendre part. Il \u00e9coutait seulement, avec parfois une expression de m\u00e9contentement, quelque fois aussi avec un sourire malicieux; mais il ne disait rien. Finalement, quelqu’un lui demanda ce qu’il pensait. Il leva alors un regard presque \u00e9tonn\u00e9 et dit : \u00ab\u00a0Oui, notre ami Dirac a lui aussi sa religion. Et cette religion a pour premier commandement : \u00ab\u00a0Dieu n’existe pas, et Dirac est son proph\u00e8te.\u00a0\u00bb Nous \u00e9clat\u00e2mes tous de rire, y compris Dirac, et ceci termina notre discussion nocturne.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 131 ; \u00ab\u00a0Je crois, dit Niels, qu’il \u00e9tait bon que Dirac ait soulign\u00e9 avec tant d’\u00e9nergie le danger de l’illusion et des contradictions interne ; mais sans doute la spirituelle remarque finale de Wolfgang s’imposait-elle \u00e9galement pour rappeler \u00e0 Dirac combien il est difficile d’\u00e9chapper enti\u00e8rement \u00e0 ce danger.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 147 ; le principe d’incertitude, observateur et observ\u00e9 ; \u00ab\u00a0nul ne peut s’\u00e9tonner que nous physiciens soyons oblig\u00e9s dans ce cas de faire de la statistique, un peu comme une soci\u00e9t\u00e9 d’assurances-vie doit faire des calculs statistiques en ce qui concerne l’esp\u00e9rance de vie de ses nombreux assur\u00e9s. Mais, fondamentalement, on avait tendance \u00e0 supposer en physique classique que l’on pouvait, au moins en principe, suivre le mouvement de chaque mol\u00e9cule individuelle et le d\u00e9terminer selon les lois de la m\u00e9canique newtonienne. Autrement dit, du point de vue de la physique classique, il existait apparemment \u00e0 chaque instant un \u00e9tat objectif de la nature dont on pouvait d\u00e9duire l’\u00e9tat qui se pr\u00e9senterait \u00e0 l’instant suivant. En m\u00e9canique quantique, il en va tout autrement. Nous ne pouvons pas effectuer d’observation sans perturber le ph\u00e9nom\u00e8ne \u00e0 observer ; et les effets quantiques, se r\u00e9percutant sur le moyen d’observation utilis\u00e9, entra\u00eenent d’eux-m\u00eames une certaine ind\u00e9termination en ce qui concerne le ph\u00e9nom\u00e8ne \u00e0 observer. Mais c’est \u00e0 quoi Einstein ne veut pas se r\u00e9signer, bien qu’il connaisse parfaitement les faits. Il pense que notre interpr\u00e9tation ne peut pas constituer une analyse compl\u00e8te des ph\u00e9nom\u00e8nes ; que, dans l’avenir, il devrait \u00eatre possible de trouver des param\u00e8tres diff\u00e9rents, suppl\u00e9mentaires, caract\u00e9risant le ph\u00e9nom\u00e8ne, et qui devraient permettre de le d\u00e9terminer objectivement et enti\u00e8rement. Mais cela est certainement inexact.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 159-160-161 ; la structure de l’oeil et la s\u00e9lection naturelle ;\u00a0\u00bbMais m\u00eame si nous comprenons que, gr\u00e2ce \u00e0 ce processus de s\u00e9lection, il se cr\u00e9e des esp\u00e8ces ou vari\u00e9t\u00e9s qui sont particuli\u00e8rement aptes \u00e0 vivre, il est n\u00e9anmoins difficile de croire que des organes aussi compliqu\u00e9s que l’oeil humain par exemple aient pu se cr\u00e9er petit \u00e0 petit uniquement gr\u00e2ce \u00e0 de telles modifications fortuites. Un grand nombre de biologistes pensent apparemment qu’une telle chose est effectivement possible, et ils sont sans doute m\u00eame en mesure d’indiquer quelles sont les \u00e9tapes individuelles qui ont pu conduire, au cours de l’histoire terrestre, \u00e0 ce produit final qu’est l’oeil. mais d’autres paraissent sceptiques \u00e0 ce sujet.<\/p>\n

\u00ab\u00a0(…) Naturellement, cette argumentation ne plut pas beaucoup au biologiste. mais Von Neumann, pour sa part, n’est pas biologiste ; et je n’ose me permettre de juger qui a raison ici. Je pr\u00e9sume que, parmi les biologistes eux-m\u00eames, il n’existe pas d’opinion unique sur cette question, \u00e0 savoir si le processus darwinien de s\u00e9lection suffit ou non \u00e0 expliquer l’existence d’organismes compliqu\u00e9s.\u00a0\u00bb
\n\u00ab\u00a0C’est l\u00e0 sans doute simplement une question d’\u00e9chelle de temps, dit Niels. la th\u00e9orie darwinienne, dans sa forme actuelle, contient \u00e0 vrai dire deux affirmations ind\u00e9pendantes. L’une consiste \u00e0 dire qu’au cours du processus d’h\u00e9r\u00e9dit\u00e9 des formes sans cesse nouvelles sont mises \u00e0 l’\u00e9preuve, et que la plupart d’entre elles sont \u00e9limin\u00e9es comme inutilisables dans les conditions ext\u00e9rieures donn\u00e9es , seulement un petit nombre de formes particuli\u00e8rement aptes subsiste. Empiriquement, ceci est sans doute juste. Mais l’autre affirmation consiste \u00e0 admettre que les formes nouvelles naissent par suite de perturbations purement fortuites de la structure des g\u00e8nes. Cette seconde affirmation est -m\u00eame si nous pouvons difficilement imaginer autre chose- beaucoup plus probl\u00e9matique que la premi\u00e8re. L’argument de Von Neumann est destin\u00e9 \u00e9videmment \u00e0 montrer qu’au bout d’un temps suffisamment long presque tout peut certes se produire fortuitement , mais qu’une telle explication conduit facilement \u00e0 des dur\u00e9es d’une longueur absurde, dur\u00e9es qui ne sont certainement pas disponibles dans la nature. Apr\u00e8s tout, nous savons bien , d’apr\u00e8s les observations faites en physique et en astrophysique, que quelques milliards d’ann\u00e9es tout au plus ont pu passer depuis l’apparition des \u00eatres les plus primitifs sur la terre. Au cours de cette dur\u00e9e a donc d\u00fb se d\u00e9rouler toute l’\u00e9volution depuis ces \u00eatres les plus primitifs jusqu’aux plus \u00e9volu\u00e9s. Lorsque l’on pose la question de savoir si le jeu des mutations fortuites et de la s\u00e9lection suffit pour expliquer la formation, durant ce laps de temps, des organismes hautement d\u00e9velopp\u00e9s et compliqu\u00e9s, la r\u00e9ponse d\u00e9pend donc des dur\u00e9es biologiques n\u00e9cessaires \u00e0 la formation de nouvelles vari\u00e9t\u00e9s. Je pr\u00e9sume que l’on n’en sait pas encore assez sur ces dur\u00e9es biologiques pour donner une r\u00e9ponse certaine. Il faut donc probablement laisser cette question sans r\u00e9ponse pour le moment.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Un autre argument, repris-je de mon c\u00f4t\u00e9, dont on se sert \u00e0 l’occasion pour prouver la n\u00e9cessit\u00e9 d’un \u00e9largissement de la th\u00e9orie quantique, c’est l’existence de la conscience humaine. Il n’y a certes pas de doute que ce concept de \u00ab\u00a0conscience\u00a0\u00bb n’existe pas en physique et en chimie, et l’on ne peut gu\u00e8re imaginer qu’un tel concept pourrait \u00eatre d\u00e9duit de la m\u00e9canique quantique. Cependant, dans une science qui inclut \u00e9galement les organismes vivants, la conscience doit tout de m\u00eame trouver une place, car elle appartient \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Cet argument, dit Niels, a l’air de prime abord tr\u00e8s convaincant, bien s\u00fbr. Nous ne pouvons rien trouver dans les concepts de la physique et de la chimie qui aurait un rapport m\u00eame lointain avec la conscience. Nous savons seulement que la conscience existe parce que nous la poss\u00e9dons nous-m\u00eames. La conscience est donc \u00e9galement une partie de la nature, ou disons plut\u00f4t -de fa\u00e7on plus g\u00e9n\u00e9rale- de la r\u00e9alit\u00e9 , et nous devons, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la physique et de la chimie dont les lois sont fix\u00e9es dans le cadre de la m\u00e9canique quantique, \u00eatre capables \u00e9galement de d\u00e9crire et de comprendre des lois d’une nature tout \u00e0 fait diff\u00e9rente. Mais m\u00eame l\u00e0, je ne sais pas si l’on a besoin de plus de libert\u00e9 que celle qui nous est donn\u00e9e par la compl\u00e9mentarit\u00e9. L\u00e0, \u00e9galement, cela me semble faire assez peu de diff\u00e9rence que l’on adopte l’une ou l’autre des deux attitudes : soit que -comme dans l’interpr\u00e9tation statistique de la thermodynamique- on rattache \u00e0 la m\u00e9canique quantique inchang\u00e9e de nouveaux concepts ; soit que -tout comme cela \u00e9tait n\u00e9cessaire lors du passage de la physique classique \u00e0 la th\u00e9orie quantique- on se trouve amen\u00e9 \u00e0 \u00e9largir la m\u00e9canique quantique elle-m\u00eame de mani\u00e8re \u00e0 cr\u00e9er un formalisme plus g\u00e9n\u00e9ral qui inclue \u00e9galement l’existence de la conscience. le vrai probl\u00e8me est celui-ci : Comment cette part de la r\u00e9alit\u00e9 qui commence par la conscience peut-elle s’ajuster \u00e0 cette autre partie qui est d\u00e9crite par la physique et la chimie ? Comment se fait-il que les lois qui r\u00e9gissent l’une et l’autre partie n’entrent pas en conflit mutuel ? Il s’agit l\u00e0 manifestement d’une authentique situation de compl\u00e9mentarit\u00e9 ; plus tard, lorsqu’on en saura davantage en biologie, il faudra bien s\u00fbr analyser de fa\u00e7on plus pr\u00e9cise, et dans le d\u00e9tail, cette situation.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 171; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbil sera difficile de trouver une expression appropri\u00e9e dans notre langage, car celui-ci s’est form\u00e9 par l’exp\u00e9rience quotidienne; et les atomes, pr\u00e9cis\u00e9ment, ne sont pas des objets de l’exp\u00e9rience quotidienne. Mais si vous voulez bien vous contenter d’une p\u00e9riphrase, je dirai : Ce sont les composantes de situations d’observation ; des composantes qui poss\u00e8dent une haute valeur explicative du point de vue d’une analyse physique des ph\u00e9nom\u00e8nes.\u00a0\u00bb<\/p>\n

Carl Friedrich intervint : \u00ab\u00a0Puisque nous parlerons de la difficult\u00e9 que nous avons \u00e0 nous exprimer dans notre langage, l’enseignement le plus important peut-\u00eatre que l’on puisse tirer de la physique moderne consiste dans le fait que les concepts qui nous servent \u00e0 d\u00e9crire nos connaissances exp\u00e9rimentales n’ont tous qu’un domaine d’application limit\u00e9. Lorsque nous utilisons des concepts tels que \u00ab\u00a0chose\u00a0\u00bb, objet de la perception\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0instant\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0simultan\u00e9it\u00e9\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0extension\u00a0\u00bb, etc., il est toujours possible de d\u00e9finir des situations exp\u00e9rimentales o\u00f9 ces concepts nous conduisent \u00e0 des difficult\u00e9s. Ceci ne signifie pas que ces concepts ne constituent pas tout de m\u00eame le fondement de toutes nos connaissances exp\u00e9rimentales ; mais cela signifie qu’il s’agit d’un fondement qui doit \u00e0 chaque fois \u00eatre analys\u00e9 de fa\u00e7on critique, et qui ne peut justifier des exigences absolues.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 232 ; \u00ab\u00a0En Italie, j’\u00e9tais un grand homme , mais ici, je suis de nouveau un jeune physicien, et cela est incomparablement plus satisfaisant pour moi. Ne voulez-vous pas \u00e0 votre tour vous d\u00e9faire de tout ce lest du pass\u00e9, et recommencer votre vie ici ? Vous pourrez y faire de la bonne physique, et participer au grand essor de la science dans ce pays. Pourquoi donc voulez-vous renoncer \u00e0 ce bonheur?\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Ce que vous me dites, r\u00e9pondis-je, je le comprends parfaitement, et je me suis dit mille fois la m\u00eame chose ; et, en fait, la perspective de quitter l’Europe et ses petitesses pour gagner ce vaste monde nouveau a constitu\u00e9 pour moi une tentation permanente depuis ma premi\u00e8re visite il y a dix ans. Peut-\u00eatre aurais-je d\u00fb en effet \u00e9migrer \u00e0 ce moment-l\u00e0. Mais je me suis par la suite tout de m\u00eame d\u00e9cid\u00e9 \u00e0 former l\u00e0-bas, autour de moi, un groupe de jeunes physiciens qui d\u00e9sirent participer au progr\u00e8s de la physique, et qui peut-\u00eatre pourront faire, apr\u00e8s la guerre, de concert avec d’autres, qu’il y ait de nouveau une bonne science en Allemagne. J’aurais le sentiment de commettre une trahison si j’abandonnais maintenant ces jeunes \u00e0 eux-m\u00eames. Les jeunes ne pourraient pas \u00e9migrer aussi facilement que nous ; ils ne trouveraient pas aussi facilement un emploi. Et cela me semblerait injuste vis-\u00e0-vis d’eux d’utiliser cette solution seulement pour moi. Pour le moment, je garde encore l’espoir que la guerre ne durera pas longtemps. D\u00e9j\u00e0 pendant la crise de l’automne dernier, alors que j’\u00e9tais mobilis\u00e9 comme soldat, j’ai pu me rendre compte que, chez nous, presque personne ne souhaite la guerre. Et le jour o\u00f9 le peuple allemand s’apercevra de la tromperie \u00e9norme que constitue la soit-disant politique de paix du F\u00fchrer, je puis imaginer qu’il se r\u00e9veillera et se d\u00e9tachera d’Hitler et de ses partisans. Mais j’avoue que l’on ne peut rien pr\u00e9dire \u00e0 ce sujet.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 254 ; \u00ab\u00a0Mais m\u00eame si nous devons accepter comme un fait ce curieux penchant des Allemands au r\u00eave et \u00e0 la mystique, je ne vois pas pourquoi beaucoup de nos compatriotes trouvent si d\u00e9cevante une pens\u00e9e scientifique qui n’est prosa\u00efque qu’en apparence. Car il n’est pas vrai que la science soit uniquement bas\u00e9e sur la pens\u00e9e logique et sur la compr\u00e9hension et l’application des lois naturelles fig\u00e9es. En r\u00e9alit\u00e9, l’imagination joue un grand r\u00f4le dans le domaine de la science et plus pr\u00e9cis\u00e9ment dans les sciences naturelles. En effet, s’il est vrai que la d\u00e9termination des faits exige un travail exp\u00e9rimental pouss\u00e9, sobre et soign\u00e9, l’assemblage correct des faits ne peut r\u00e9ussir que si l’on sent intuitivement les ph\u00e9nom\u00e8nes plus qu’on ne les comprend intellectuellement. Peut-\u00eatre que nous autres Allemands avons \u00e0 cet \u00e9gard un r\u00f4le particulier \u00e0 jouer, pr\u00e9cis\u00e9ment parce que l’absolu exerce sur nous une telle fascination. Dans le monde ext\u00e9rieur, la mani\u00e8re pragmatique de penser est tr\u00e8s r\u00e9pandue ; et l’on sait, par ce qui se passe \u00e0 l’heure actuelle comme par l’histoire pass\u00e9e -il suffit de penser aux empires \u00e9gyptien, romain et anglo-saxon,- combien cette mani\u00e8re de penser peut \u00eatre efficace en technique, en \u00e9conomie et en politique. Mais dans la science et dans l’art, la pens\u00e9e fond\u00e9e sur les principes -un type de pens\u00e9e dont l’ancienne Gr\u00e8ce nous a fourni l’exemple le plus grandiose- s’est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e en d\u00e9finitive encore plus efficace. Si, en Allemagne, des travaux scientifiques ou artistiques ont pu \u00eatre accomplis, travaux qui ont transform\u00e9 le monde- et il suffit de penser \u00e0 Hegel ou \u00e0 Marx, \u00e0 Planck et \u00e0 Einstein, ou encore en musique \u00e0 Beethoven et \u00e0 Schubert,- cela n’a \u00e9t\u00e9 possible que gr\u00e2ce \u00e0 cette relation des Allemands avec l’absolu, \u00e0 cette pens\u00e9e fond\u00e9e sur les principes, pouss\u00e9e jusqu’\u00e0 ses cons\u00e9quences ultimes. Donc, ce n’est que l\u00e0 o\u00f9 l’aspiration \u00e0 l’absolu se soumet \u00e0 la contrainte des formes -c’est-\u00e0-dire, en science, \u00e0 la pens\u00e9e logique et r\u00e9aliste et, en musique, aux r\u00e8gles de l’harmonie et du contrepoint,- ce n’est que l\u00e0, dans cette extr\u00eame tension, que cette aspiration peut se manifester dans toute sa force.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 289 ; \u00ab\u00a0Est-il tout \u00e0 fait absurde d’imaginer, derri\u00e8re les structures r\u00e9gulatrices du monde dans son ensemble, une \u00ab\u00a0conscience\u00a0\u00bb dont elles expriment le \u00ab\u00a0dessein\u00a0\u00bb? Bien entendu, poser ainsi la question, c’est encore ramener le probl\u00e8me sur le plan humain, car le mot \u00ab\u00a0conscience\u00a0\u00bb a \u00e9t\u00e9 form\u00e9 \u00e0 partir de l’exp\u00e9rience humaine ; donc, en toute rigueur, il ne faudrait pas l’employer en dehors du domaine humain. Cependant, si l’on se soumettait \u00e0 de telles restrictions, il ne serait pas permis non plus, par exemple, de parler de la conscience d’un animal. Or, on a tout de m\u00eame l’impression que cette fa\u00e7on de parler a un certain sens. On sent, toutefois, que le sens du mot \u00ab\u00a0conscience\u00a0\u00bb devient \u00e0 la fois plus large et plus n\u00e9buleux lorsque l’on cherche \u00e0 l’\u00e9tendre en dehors du domaine humain.<\/p>\n

(…) \u00ab\u00a0Tu as dit tout \u00e0 l’heure que m\u00eame le langage des images et des paraboles qu’utilisent les vieilles religions ne t’est pas \u00e9tranger, et que tu ne peux dont pas accepter les restrictions des positivistes dans ce domaine. Ta as \u00e9galement laiss\u00e9 entendre qu’\u00e0 ton avis les diverses religions, avec leurs images tr\u00e8s vari\u00e9es, tendent en d\u00e9finitive \u00e0 exprimer le m\u00eame \u00e9tat de choses, et que cet \u00e9tat de choses -selon tes paroles- est fondamentalement reli\u00e9 au probl\u00e8me des valeurs. Qu’as-tu voulu dire par l\u00e0 ? Et cet \u00ab\u00a0\u00e9tat de choses\u00a0\u00bb, comme tu dis, qu’a-t-il \u00e0 voir avec ta conception de la v\u00e9rit\u00e9 ?\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Le probl\u00e8me des valeurs, dis-je, c’est l’ensemble des questions : Que devons-nous faire? A quoi devons-nous aspirer? Comment devons-nous nous comporter? Le probl\u00e8me est donc pos\u00e9 par l’homme et par rapport \u00e0 l’homme ; c’est le probl\u00e8me de la boussole qui doit orienter notre chemin \u00e0 travers la vie. Cette boussole a re\u00e7u des noms tr\u00e8s divers dans les diff\u00e9rentes religions et id\u00e9ologies : le \u00ab\u00a0bonheur\u00a0\u00bb, la \u00ab\u00a0volont\u00e9 divine\u00a0\u00bb, le \u00ab\u00a0sens de la vie\u00a0\u00bb, pour n’en citer que quelques-uns. Cette diversit\u00e9 des appellations indique en fait l’existence de diff\u00e9rences tr\u00e8s profondes en ce qui concerne la structure mentale des divers groupes d’hommes. je ne veux certes pas minimiser ces diff\u00e9rences. N\u00e9anmoins, j’ai l’impression que, dans toutes ces formulations, il s’agit des relations des hommes avec l’ordre central du monde. Bien entendu, nous savons que, pour nous, la r\u00e9alit\u00e9 d\u00e9pend de la structure de notre conscience , le domaine objectivable ne constitue qu’une petite partie de notre r\u00e9alit\u00e9. Mais, m\u00eame l\u00e0 o\u00f9 l’on recherche le domaine subjectif, l’ordre central intervient et nous refuse le droit de consid\u00e9rer les structures de ce domaine-l\u00e0 comme le fruit du hasard ou de circonstances arbitraires.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 292 ; \u00ab\u00a0Nous march\u00e2mes en silence pendant un moment et atteign\u00eemes rapidement l’extr\u00e9mit\u00e9 nord de la \u00ab\u00a0Lange Linie<\/em>\u00ab\u00a0. De l\u00e0, nous continu\u00e2mes notre chemin le long de la jet\u00e9e \u00e9troite jusqu’au petit phare. Au nord, une bande rouge\u00e2tre s’\u00e9tendant au-dessus de l’horizon nous indiquait que le soleil, se d\u00e9pla\u00e7ant vers l’est, n’\u00e9tait pas encore descendu trop bas en dessous de la ligne d’horizon. Les contours des b\u00e2tisses, tout autour du bassin du port, \u00e9taient visibles dans toute leur nettet\u00e9. Nous nous \u00e9tions arr\u00eat\u00e9s depuis un moment \u00e0 l’extr\u00e9mit\u00e9 de la jet\u00e9e lorsque Wolfgang me demanda de fa\u00e7on assez abrupte :<\/p>\n

\u00ab\u00a0Au fond, crois-tu \u00e0 un Dieu personnel? Je sais, bien s\u00fbr, qu’il est difficile de donner un sens clair \u00e0 une telle question ; n\u00e9anmoins, tu vois sans doute dans quelle direction elle va.\u00a0\u00bb<\/p>\n

je r\u00e9pondis : \u00ab\u00a0Puis-je formuler diff\u00e9remment la question que tu viens de me poser? Elle serait alors pos\u00e9e comme ceci : Peux-tu, ou peut-on, communiquer aussi directement avec l’ordre central des choses ou des ph\u00e9nom\u00e8nes -ordre dont l’existence n’est pas douteuse -que l’on communique, \u00e9ventuellement, avec l’\u00e2me d’un autre \u00eatre humain? J’emploie ici \u00e0 dessein le mot \u00e2me, difficile \u00e0 interpr\u00e9ter, pour ne pas \u00eatre mal compris. Si ta question est formul\u00e9e ainsi, je r\u00e9ponds : oui. Et je pourrais -puisque ce ne sont pas les \u00e9v\u00e9nements de ma vie personnelle qui entrent en ligne de compte ici -rappeler le c\u00e9l\u00e8bre texte de Pascal que celui-ci portait toujours sur lui et qui commen\u00e7ait par le mot \u00ab\u00a0feu\u00a0\u00bb. Mais ce texte ne serait pas valable pour moi.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Tu veux donc dire que tu pourrais ressentir la pr\u00e9sence de l’ordre central avec la m\u00eame intensit\u00e9 que celle de l’\u00e2me d’autre \u00eatre humain.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Peut-\u00eatre.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Pourquoi as-tu utilis\u00e9 le mot \u00ab\u00a0\u00e2me\u00a0\u00bb au lieu de parler simplement de l’autre \u00eatre?\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Pr\u00e9cis\u00e9ment parce que le mot \u00ab\u00a0\u00e2me\u00a0\u00bb, d\u00e9signe l’ordre central chez un \u00eatre qui, dans ses apparences ext\u00e9rieures, peut para\u00eetre multiforme et difficile \u00e0 analyser.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u00a0Je ne sais pas si, l\u00e0-dessus, je puis \u00eatre enti\u00e8rement d’accord avec toi. Il ne faut pas surestimer l’importance de ce qu’on a v\u00e9cu soi-m\u00eame.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 321 ; \u00ab\u00a0D\u00fcrr : \u00ab\u00a0Nous croyons maintenant avoir compris le d\u00e9doublement au moins dans le cas particulier de la sym\u00e9trie gauche-droite. Il a lieu effectivement du fait que, en th\u00e9orie de la relativit\u00e9, une \u00e9quation du second degr\u00e9 doit exister pour la masse d’une particule \u00e9l\u00e9mentaire, et que cette \u00e9quation a deux solutions. mais au fond, la r\u00e9duction de sym\u00e9trie est beaucoup plus int\u00e9ressante. Car on a l’impression qu’il s’agit de corr\u00e9lations tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9rales et importantes auxquelles on n’avait pas pr\u00eat\u00e9 attention jusqu’ici. Si une propri\u00e9t\u00e9 de sym\u00e9trie rigoureuse des lois de la nature ne se manifeste, dans le spectre des particules \u00e9l\u00e9mentaires, que de fa\u00e7on perturb\u00e9e, cela ne peut \u00eatre d\u00fb qu’au fait que le monde, ou le cosmos, autrement dit le fondement unique \u00e0 partir duquel se cr\u00e9ent les particules \u00e9l\u00e9mentaires, est moins sym\u00e9trique que les lois de la nature. Et ceci est parfaitement possible et compatible avec l’\u00e9quation de champ sym\u00e9trique. Si la situation es r\u00e9ellement celle-l\u00e0, il para\u00eet s’ensuivre n\u00e9cessairement -mais je ne donnerai pas la d\u00e9monstration correspondante maintenant- qu’il doit exister des forces de longue port\u00e9e ou encore des particules \u00e9l\u00e9mentaires de masse nulle. L’\u00e9lectrodynamique peut probablement \u00eatre comprise de cette mani\u00e8re. La gravitation aussi peut \u00e9ventuellement \u00eatre interpr\u00e9t\u00e9e ainsi, et nous esp\u00e9rons que, en ce point, nous pourrons \u00e9tablir un lien avec les hypoth\u00e8ses dont Einstein voulait faire le fondement de sa th\u00e9orie unifi\u00e9e des champs et de sa cosmologie.\u00a0\u00bb<\/p>\n

Extraits de La partie et le tout, le monde de la physique atomique<\/em> par Werner Heisenberg, (Paris, Flammarion, 1990).<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

La partie et le tout, le monde de la physique atomique Werner Heisenberg (Paris, Flammarion, 1990) \u00ab\u00a0Dans cet ouvrage, Heisenberg retrace l’\u00e9volution de la physique au XX\u00e8me si\u00e8cle telle qu’il l’a v\u00e9cue, depuis ses premiers contacts avec la th\u00e9orie atomique (1919-1920) jusqu’aux d\u00e9couvertes de nouvelles particules \u00e9l\u00e9mentaires (1961-1965), en passant \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1173,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-1158","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1158","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=1158"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1158\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1164,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1158\/revisions\/1164"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1173"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=1158"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}