{"id":1148,"date":"2015-01-15T19:44:06","date_gmt":"2015-01-15T18:44:06","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=1148"},"modified":"2015-01-18T11:13:50","modified_gmt":"2015-01-18T10:13:50","slug":"limagination-scientifique","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=1148","title":{"rendered":"L’imagination scientifique"},"content":{"rendered":"
Gerald Holton (Paris, Gallimard, 1981)<\/strong><\/p>\n L’auteur est titulaire \u00e0 la fois d’une chaire de physique et d’une chaire de l’histoire de la science de la physique \u00e0 l’Universit\u00e9 Harvard.<\/p>\n<\/div>\n Extraits significatifs: <\/em><\/p>\n p. 27 ; \u00ab\u00a0Pour traiter de ces questions, j’ai propos\u00e9 une neuvi\u00e8me composante de l’analyse d’une oeuvre scientifique -il s’agit de l’analyse th\u00e9matique (expression \u00e0 laquelle nous ont familiaris\u00e9s des usages voisins en anthropologie, en critique d’art, en musicologie, et d’autres domaines). Dans nombre de concepts, de m\u00e9thodes, et d’hypoth\u00e8ses ou de propositions scientifiques (voire dans la plupart), pass\u00e9s ou actuels, on trouve des \u00e9l\u00e9ments faisant fonction de th\u00eamata, servant de contrainte, ou de stimulant, pour l’individu, d\u00e9terminant parfois une orientation (une norme) ou une polarisation au sein de la communaut\u00e9 scientifique. Dans le cadre des expos\u00e9s publics de leurs travaux par les scientifiques, et, le cas \u00e9ch\u00e9ant, dans les controverses qui s’ensuivent, ces \u00e9l\u00e9ments ne sont d’ordinaire pas explicitement en cause. On ne trouve pas, habituellement, de concepts th\u00e9matiques dans les index des manuels, pas plus qu’ils ne sont d\u00e9clar\u00e9s, en tant que tels, dans les revues et d\u00e9bats de la profession.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 31 ; \u00ab\u00a0La ligne indiquant le d\u00e9veloppement des pr\u00e9occupations de Weinberg recoupe la trajectoire d’un faisceau de d\u00e9veloppements de l’\u00e9lectrodynamique quantique, s’ouvrant en 1934 avec Enrico Fermi, et s’appuyant d\u00e9sormais sur des m\u00e9thodes \u00e9labor\u00e9es s\u00e9par\u00e9ment, \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1940, par R.P. Feynman, Julian Schwinger, Freeman J. Dyson et Sin Itiro Tomonaga. D’autres points de cette trajectoire correspondent \u00e0 des d\u00e9couvertes effectu\u00e9es par des groupes travaillant au CERN, \u00e0 l’Argonne Laboratory et au National Accelerator Laboratory.<\/p>\n (…) En 1967, Weinberg (de m\u00eame qu’Abdus Salam, travaillant ind\u00e9pendamment \u00e0 Londres et \u00e0 Trieste) faisait l’hypoth\u00e8se que la force \u00e9lectromagn\u00e9tique et l’interaction faible sont essentiellement li\u00e9es.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 34 ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbSi ces conjectures devaient \u00eatre corrobor\u00e9es par le travail th\u00e9orique et exp\u00e9rimental qui suivra, d\u00e9clare Weinberg en conclusion de son \u00e9tude, nous aurons avanc\u00e9 consid\u00e9rablement sur la voie d’une vision unitaire de la nature\u00a0\u00bb<\/p>\n (…) L’un des espoirs les plus persistants de l’humanit\u00e9 aura \u00e9t\u00e9 celui de d\u00e9couvrir quelques lois g\u00e9n\u00e9rales de forme simple, expliquant pourquoi la nature, dans toute sa complexit\u00e9 et sa diversit\u00e9, est comme elle est. A l’heure actuelle, ce qui pourrait approcher le plus d’une vision unitaire de la nature est une description, en termes de particules \u00e9l\u00e9mentaires et de leurs interactions r\u00e9ciproques.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 35 ; \u00ab\u00a0Ce qui frappe d\u00e8s l’abord, c’est la constatation que \u00ab\u00a0l’un des espoirs les plus persistants de l’humanit\u00e9 aura \u00e9t\u00e9 celui de d\u00e9couvrir quelques lois g\u00e9n\u00e9rales de forme simple\u00a0\u00bb lui permettant d’acqu\u00e9rir une th\u00e9orie qui sera \u00ab\u00a0unitaire\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 116-117-118 ; \u00ab\u00a0Ce qui est essentiel, pour notre propos, c’est de bien distinguer ce trait fondamental de la \u00ab\u00a0dialectique qualitative\u00a0\u00bb de Kierkegaard, consistant \u00e0 prendre en compte la th\u00e8se et l’antith\u00e8se, sans que cela d\u00e9termine une progression vers un stade ult\u00e9rieur, o\u00f9 la tension se r\u00e9sout en synth\u00e8se. Lisons ce qu’en dit H\u00f6ffding : \u00ab\u00a0M\u00eame si la pens\u00e9e trouve une coh\u00e9rence, il n’est pas dit pour autant que cette coh\u00e9rence puisse se soutenir dans la pratique (Praxis ) de la vie (…). Il y a (…) de si grandes diff\u00e9rences et de si grandes oppositions qu’on ne peut trouver de pens\u00e9e qui puisse les embrasser toutes dans une \u00ab\u00a0unit\u00e9 sup\u00e9rieure\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb \u00ab\u00a0La facult\u00e9 d’embrasser de grandes oppositions et de supporter la souffrance que cet effort comporte, devint de plus en plus pour Kierkegaard le crit\u00e9rium de l’\u00e9l\u00e9vation et de la valeur de la conception de la vie.\u00a0\u00bb<\/p>\n L’insistance de Kierkegaard, sur la discontinuit\u00e9 r\u00e9gnant entre des p\u00f4les incompatibles, sur le \u00ab\u00a0saut\u00a0\u00bb plut\u00f4t que sur une transition progressive, sur la n\u00e9cessit\u00e9 de tenir compte de l’individu, et sur la dichotomie intrins\u00e8que, cette insistance constituait une position \u00ab\u00a0non classique\u00a0\u00bb en philosophie, tout autant que les \u00e9l\u00e9ments de la th\u00e9orie de Copenhague -les sauts quantiques, la causalit\u00e9 probabiliste, la description li\u00e9e \u00e0 l’observateur, et la dualit\u00e9- le feraient par la suite en physique.<\/p>\n (…) Quant au choix, il se produit par saccade, par un bond gr\u00e2ce auquel une chose toute nouvelle (une nouvelle qualit\u00e9) est pos\u00e9e. Il n’y a continuit\u00e9 que dans le monde des possibilit\u00e9s ; dans le monde de la r\u00e9alit\u00e9 la d\u00e9cision s’effectue toujours par une interruption de la continuit\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 184 ; \u00ab\u00a0Ainsi qu’il le d\u00e9clarait \u00e0 Besso, dans sa lettre du 30 novembre 1949, en effet : \u00ab\u00a0Ce que je t’\u00e9cris, tu peux le montrer \u00e0 qui tu veux. Il y a longtemps que je suis au-dessus des cachotteries.\u00a0\u00bb Et, dans cet autre manuscrit in\u00e9dit (n. 17, sans date, non ant\u00e9rieur \u00e0 1931) : \u00ab\u00a0La science, comme (corps de connaissances) en existence, achev\u00e9, est la (chose) la plus objective, la plus impersonnelle, connue des \u00eatres humains, (mais) la science comme chose venant \u00e0 existence, comme projet, est aussi subjective et soumise aux consid\u00e9rations psychologiques que toute autre entreprise humaine (…).\u00a0\u00bb Et c’est l\u00e0 un aspect, poursuivait-il, que l’on pouvait assur\u00e9ment \u00ab\u00a0se permettre \u00e9galement\u00a0\u00bb. il est heureux qu’il ait, de m\u00eame que ses amis et que ses coll\u00e8gues, agi en ce sens. Ils nous ont laiss\u00e9 leur t\u00e9moignage de \u00ab\u00a0la science venant \u00e0 l’existence\u00a0\u00bb et, ce faisant, ils ont enrichi notre compr\u00e9hension de ce qui est l’activit\u00e9 scientifique dans l’acception la plus large.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 185 ; \u00ab\u00a0Mais, f\u00fbt-ce dans cette perspective, la port\u00e9e et l’ampleur m\u00eame des apports dont la science est redevable \u00e0 Einstein, en divers domaines particuliers (ainsi, en m\u00e9canique statistique, en physique quantique, ou portant sur la relativit\u00e9, la cosmologie, etc.), ne sauraient nous faire perdre de vue son adh\u00e9sion \u00e0 un projet plus vaste, en ce qui concerne la science physique, rejoignant le dessein propre \u00e0 la g\u00e9n\u00e9ration de savants-philosophes de son temps : l’instauration, \u00e0 terme, d’une vision scientifique du monde, unitaire, compl\u00e8te et coh\u00e9rente.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 188 ; \u00ab\u00a0Ceci pos\u00e9, il ne serait gu\u00e8re difficile de montrer qu’Einstein \u00e9tait d’avis que la m\u00e9thode permettant d’\u00e9tablir un savoir d’ordre scientifique s’appliquait aussi bien \u00e0 la r\u00e9solution de tous les probl\u00e8mes ou peu s’en faut, y compris les probl\u00e8mes moraux de la vie pratique.<\/p>\n (…) * Qu’on se reporte, par exemple, \u00e0 ce passage des \u00ab\u00a0Notes autobiographiques\u00a0\u00bb d’Einstein (voir n. 2, infra, p. 189), qui pose la question \u00ab\u00a0Qu’est-ce, au juste, que \u00ab\u00a0penser\u00a0\u00bb?\u00a0\u00bb; et au texte d’Einstein sur \u00ab\u00a0Les lois de la morale et les lois de la science\u00a0\u00bb, servant de pr\u00e9face \u00e0 l’ouvrage de Philipp Frank, Relativity, a Richer Truth<\/em>, Boston, Beacon Press, 1950, et repris in Aus meinen sp\u00e4ten Jahren<\/em>, op. cit\u00e9, p p. 53-55 (trad. fran\u00e7. inConceptions scientifiques, morales et sociales<\/em>, op. cit.).<\/p>\n * A. Einstein, \u00ab\u00a0In memoriam Marie Curie\u00a0\u00bb (\u00ab\u00a0A la m\u00e9moire de Marie Curie\u00a0\u00bb), prononc\u00e9 en 1935, repris in Aus meinen sp\u00e4ten Jahren<\/em>, op. cit\u00e9, p. 207 (trad. fran\u00e7., op. cit\u00e9, p. 264). On retrouvera nombre des textes cit\u00e9s dans la pr\u00e9sente \u00e9tude, dans une traduction nouvelle de S. Bargmann, et rendus dans un anglais plus libre, dans le recueil : A. Einstein, Ideas and Opinions<\/em>, New York, Crown Publishers Inc., 1954.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 193 ; \u00ab\u00a0En 1894 encore, Heinrich Hertz devait indiquer : \u00ab\u00a0Tous les physiciens s’accordent l\u00e0 estimer que c’est la t\u00e2che de la physique que de ramener les ph\u00e9nom\u00e8nes de la nature aux lois \u00e9l\u00e9mentaires de la m\u00e9canique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 195 ; \u00ab\u00a0Si bien que \u00ab\u00a0la conception purement m\u00e9caniste du monde en vint (…) \u00e0 \u00eatre abandonn\u00e9e\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 234 ; \u00ab\u00a0Pour reprendre le propos d’Einstein \u00e0 cet \u00e9gard, c’est pour se d\u00e9gager du chaos du monde de l’exp\u00e9rience personnelle que le savant, l’\u00e9rudit, ou l’artiste, met en place une \u00ab\u00a0vision simplifi\u00e9e du monde, s’embrassant d’un coup d’oeil\u00a0\u00bb, y reportant \u00ab\u00a0le centre de gravit\u00e9 de sa vie affective\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 236 ; \u00ab\u00a0Cet arc de la figure 1, cette trajectoire, cet essor, bond ou jaillissement (que nous d\u00e9signerons d\u00e9sormais par J ), a des implications qui demandent qu’on s’y attarde plus longuement. Ainsi qu’Einstein devait lui-m\u00eame le faire valoir, \u00e0 mainte reprise, cette courbe, d’aspect lisse et d’un seul tenant, recouvre en fait, implicitement, deux ensembles de discontinuit\u00e9s d’ordre logique. Nous nous disposons au saut, aboutissant aux A , en nous attachant \u00e0 \u00ab\u00a0certains complexes de perceptions sensorielles, qui se r\u00e9p\u00e8tent\u00a0\u00bb et auxquels nous allons \u00ab\u00a0coordonner un concept\u00a0\u00bb (wird ihnen ein Begriff zugeordnet<\/em>). Le concept forme, d\u00e8s lors, un \u00ab\u00a0lien mental\u00a0\u00bb rattachant des exp\u00e9riences sensibles, noeud de la pens\u00e9e, constituant un concept \u00ab\u00a0premier\u00a0\u00bb (prim\u00e4r<\/em>) pour autant qu’il est intimement li\u00e9 \u00e0 l’exp\u00e9rience sensible. Mais la d\u00e9marche par laquelle nous d\u00e9gageons ce concept ne rel\u00e8ve d’aucun imp\u00e9ratif logique, et proc\u00e8de, en fait, \u00ab\u00a0arbitrairement\u00a0\u00bb en ce que, \u00ab\u00a0\u00e0 l’envisager (du point de vue de la ) logique, ce concept n’est pas identique \u00e0 l’ensemble de ces perceptions sensorielles, mais repr\u00e9sente une libre cr\u00e9ation de l’esprit de l’homme (ou de l’animal)\u00a0\u00bb. (\u00ab\u00a0(…) L’esprit de l’homme, ou de l’animal\u00a0\u00bb : encore une distinction mise au rebut sans phrase.)\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 237 ; \u00ab\u00a0Nous formulons de nouveaux concepts -quitte \u00e0 ne les avancer, dans un premier temps que sous b\u00e9n\u00e9fice d’inventaire-\u00a0\u00bb<\/p>\n p., 238-239 ; \u00ab\u00a0A ces lois \u00e9l\u00e9mentaires ne m\u00e8ne aucune voie logique ; seule (nous y am\u00e8ne) l’intuition, que sous-tend une sympathie imm\u00e9diate avec l’exp\u00e9rience (…).\u00a0\u00bb Cette insistance r\u00e9it\u00e9r\u00e9e me para\u00eet r\u00e9pondre \u00e0 deux consid\u00e9rations. La premi\u00e8re \u00e9tait l’hostilit\u00e9 dont Einstein faisait montre \u00e0 l’\u00e9gard du positivisme, dans la mouture qui avait cours \u00e0 son \u00e9poque, \u00e0 l’\u00e9gard de la th\u00e8se, par exemple, qui attribuait \u00e0 l’activit\u00e9 scientifique la fin essentielle d’exprimer avec la plus grande \u00e9conomie des relations s’\u00e9tablissant entre observables.<\/p>\n (…) Quoiqu’il en soit, le propos d’Einstein \u00e0 cet \u00e9gard ne saurait en aucun cas s’entendre comme hommage \u00e0 l’irrationnel, comme aveu de la primaut\u00e9 de l’intuition, ou autres notions de la m\u00eame eau. A l’encontre, il exprime deux v\u00e9rit\u00e9s dont Einstein s’\u00e9tait p\u00e9n\u00e9tr\u00e9, pour ainsi dire, jusque dans sa chair. La premi\u00e8re consistait en cette proclamation \u00e9mancipatrice, que, du fait m\u00eame que toute th\u00e9orie est, en tant que pens\u00e9e (das Gedankliche<\/em>), \u00ab\u00a0production de l’homme (Menschenwerk<\/em>), r\u00e9sultat d’un proc\u00e8s d’adaptation hautement laborieux\u00a0\u00bb, elle sera \u00ab\u00a0hypoth\u00e9tique, jamais pleinement assur\u00e9e, toujours compromise et mise en question\u00a0\u00bb. Quant \u00e0 la seconde affirmation, elle venait, en contraste avec cette lugubre appr\u00e9hension, prendre le parti du g\u00e9nie novateur et inventif, dans le domaine scientifique comme par ailleurs, fut-ce aux d\u00e9pens des dogmes \u00e9tablis. (Rappelons cette boutade d’Einstein: \u00ab\u00a0Faraday eut-il d\u00e9couvert la loi de l’induction \u00e9lectromagn\u00e9tique, s’il avait b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 d’une formation universitaire en r\u00e8gle ?\u00a0\u00bb.) Au reproche de faire redescendre, de leurs hauteurs olympiennes, \u00ab\u00a0les concepts fondamentaux (dont use) la pens\u00e9e dans les sciences de la nature, et de s’essayer \u00e0 mettre en \u00e9vidence leurs origines de ce monde\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 240 ; \u00ab\u00a0* Einstein, toutefois, devait reprendre Mach, ainsi que W. Ostwald, pour leur \u00ab\u00a0position philosophique positiviste\u00a0\u00bb, qui les avait leurr\u00e9s au point de r\u00e9cuser les th\u00e9ories atomistes. Ils avaient \u00e9t\u00e9 victimes de \u00ab\u00a0pr\u00e9jug\u00e9s d’ordre philosophique\u00a0\u00bb, et sp\u00e9cialement de \u00ab\u00a0la croyance (voulant) que les faits seuls devront- et (que seuls les faits) pourront-, en l’absence d’une libre \u00e9laboration conceptuelle, livrer la connaissance scientifique\u00a0\u00bb. \u00ab\u00a0Autobiographical Notes<\/em>\u00ab\u00a0, loc. cit., p. 49 (trad. fran\u00e7., op. cit., p. 48).\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 257 ; \u00ab\u00a0Aussi bien les th\u00e9ories doivent-elles \u00eatre \u00ab\u00a0hautement perfectionn\u00e9es\u00a0\u00bb et \u00e9labor\u00e9es progressivement- d’abord dans l’esprit de l’innovateur, avant de faire l’objet d’une communication ; puis au sein de la communaut\u00e9 des hommes de science, par le biais de la discussion, ou de la pol\u00e9mique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 263 ; \u00ab\u00a0Maxwell mit en place sa synth\u00e8se de l’\u00e9lectricit\u00e9, du magn\u00e9tisme, et de l’optique.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 265 ; \u00ab\u00a0La gouverne capitale est apport\u00e9e par une contrainte qui informe l’oeuvre de tout homme de science lanc\u00e9 dans une entreprise de quelque port\u00e9e, sur un terrain neuf …\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 266-267 ; les th\u00eamata<\/strong> ; \u00ab\u00a0il est possible de mettre en \u00e9vidence l’intervention, voire, \u00e0 certains stades de la pens\u00e9e scientifique, la n\u00e9cessit\u00e9 d’une postulation et d’une mise en oeuvre rigoureuse de conceptions de cet ordre, inv\u00e9rifiables, irr\u00e9futables, sans \u00eatre pour autant arbitraires : une classe que je d\u00e9signe sous le vocable de th\u00eamata<\/em>. Diff\u00e9rents hommes de science seront sollicit\u00e9s par des th\u00eamata <\/em>diff\u00e9rents, et se laisseront gouverner par eux \u00e0 des degr\u00e9s divers.<\/p>\n Au nombre des th\u00eamata<\/em> ayant gouvern\u00e9 Einstein, dans son oeuvre d’\u00e9laboration th\u00e9orique, se trouvent manifestement ceux-ci : la primaut\u00e9 de l’explication formelle (plut\u00f4t que de l’interpr\u00e9tation mat\u00e9rialiste); l’unit\u00e9 (ou l’unification); l’\u00e9chelle cosmologique (l’aptitude, pour les lois, \u00e0 donner lieu \u00e0 g\u00e9n\u00e9ralisation, et \u00e0 une explication s’\u00e9tendant, au m\u00eame titre, \u00e0 l’ensemble du r\u00e8gne de l’exp\u00e9rience), l’\u00e9conomie et la n\u00e9cessit\u00e9 logiques; la sym\u00e9trie ; la causalit\u00e9 ; le caract\u00e8re complet ; le continu ; et, bien s\u00fbr, l’invariabilit\u00e9 et l’invariance.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 272 ; \u00ab\u00a0Je vais vous dire comment je suis parvenu \u00e0 cette d\u00e9couverte, que je pense \u00eatre la plus importante que j’ai jamais faite. Nous travaillions avec acharnement sur la radioactivit\u00e9 produite par des neutrons, et les r\u00e9sultats que nous obtenions ne rimaient \u00e0 rien. un jour, en arrivant au laboratoire, il me vint l’id\u00e9e d’interposer un morceau de plomb au-devant des neutrons incidents. Et, contrairement \u00e0 mon habitude, je pris grand soin que la pi\u00e8ce de plomb f\u00fbt usin\u00e9e avec pr\u00e9cision. De toute \u00e9vidence, il y avait quelque chose qui ne me satisfaisait pas : je cherchais tous les pr\u00e9textes pour reculer le moment o\u00f9 je devrais poser le morceau de plomb \u00e0 sa place. Et lorsque, non sans rechigner, j’allais enfin le mettre \u00e0 sa place, je me suis dit: \u00ab\u00a0Non, ce n’est pas du plomb qu’il me faut ici ; ce qu’il me faut, c’est un morceau de paraffine.\u00a0\u00bb Ce fut comme \u00e7a, tout simplement : \u00e0 l’improviste, sans raisonnement conscient au pr\u00e9alable. Je pris sur-le champ un bloc de paraffine quelconque (…) et je le mis l\u00e0 o\u00f9 la pi\u00e8ce de plomb aurait d\u00fb venir.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 277 ; \u00ab\u00a0Mme (Joliot-) Curie faisait peu cas de la th\u00e9orie. Un jour, alors que l’un de ses \u00e9tudiants proposait une exp\u00e9rience, ajoutant que les physiciens th\u00e9oriques d’\u00e0 c\u00f4t\u00e9 pensaient que celle-ci \u00e9tait prometteuse, elle r\u00e9pondit : \u00ab\u00a0Ma foi, on pourrait tout de m\u00eame essayer ! \u00a0\u00bb Leur indiff\u00e9rence \u00e0 l’\u00e9gard de la th\u00e9orie leur a sans doute co\u00fbt\u00e9 la d\u00e9couverte du neutron.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 280 ; \u00ab\u00a0Aucun principe, qu’il soit d’ordre esth\u00e9tique, philosophique, ou quasi m\u00e9taphysique n’aurait pu pr\u00e9occuper ou retarder Fermi, si ce n’est celui de la simplicit\u00e9.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 281 ; \u00ab\u00a0D\u00e8s le d\u00e9but, Fermi, tout \u00e0 fait consciemment, a formellement refus\u00e9 l’aspect mystique et trop philosophique de l’approche de Bohr et de quelques autres dont les travaux th\u00e9oriques \u00e9taient au premier plan.<\/p>\n (…) D\u00e8s son adolescence, Fermi avait une vision du monde bien arr\u00eat\u00e9e, positiviste, bien qu’il n’eut sans doute pas accept\u00e9 cette \u00e9tiquette\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 316 ; \u00ab\u00a0C’est ainsi que, par exemple, Lo Surdo, \u00e0 Rome, prit la nomination de Fermi \u00e0 la chaire de Rome comme un affront personnel.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 317 ; \u00ab\u00a0Nous ne nous pr\u00e9occupions pas du tout \u00e0 l’\u00e9poque, de faire carri\u00e8re rapidement. Cela ne m’int\u00e9ressait aucunement, et c’est plus ou moins l’opinion g\u00e9n\u00e9rale. Nous trouvions que c’\u00e9tait si bien, ce que nous faisions, si agr\u00e9able, si merveilleux, qu’il n’y avait aucune raison de partir pour trouver une meilleure situation. je m’en souviens, car nous avions eu de longues discussions \u00e0 ce propos. Et l’un de nous de dire : \u00ab\u00a0Eh bien , apr\u00e8s tout, quelle raison y a-t-il de trouver une meilleure situation, pour aller dans un endroit o\u00f9 on ne travaille pas ! Ici, c’est tellement bien, c’est ce que nous sommes cens\u00e9s faire, c’est ici qu’on vit et qu’on travaille (…).\u00a0\u00bb Nous \u00e9tions tellement convaincus de faire de belles choses.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 319 ; \u00ab\u00a0C’est au cours de ce travail qu’ils tomb\u00e8rent sur un effet qui devait, en derni\u00e8re instance, faire na\u00eetre l’hypoth\u00e8se, dans l’esprit de fermi, que les neutrons lents pourraient avoir une section efficace de capture bien plus importante que ce qu’on avait jamais envisag\u00e9. L’observation clef fut celle de l’effet \u00ab\u00a0miraculeux\u00a0\u00bb qu’exer\u00e7ait une table en bois, situ\u00e9e dans un coin du laboratoire : avec l’\u00e9chantillon plac\u00e9 sur cette table, les exp\u00e9riences d’activation donnaient des valeurs importantes, alors que sur une table en marbre, ces exp\u00e9riences ne produisaient qu’une faible activation. L’effet \u00e9tait d\u00fb au ralentissement et \u00e0 la r\u00e9trodiffusion vers la cible de neutrons qui avaient p\u00e9n\u00e9tr\u00e9 le mat\u00e9riau sous-jacent, contenant de l’hydrog\u00e8ne, en l’occurrence le bois.) Ce fut pr\u00e9cis\u00e9ment cette observation qui conduisit \u00e0 l’explication de l’effet imputable aux neutrons lents, dont d\u00e9pendirent les grands progr\u00e8s de la fin 1934. Mais c’est justement ce genre d'\u00a0\u00bbaubaine\u00a0\u00bb qui, survenant dans un grand laboratoire affair\u00e9, aurait bien pu ne jamais venir \u00e0 la connaissance de l’individu dont l’apport est indispensable pour transformer cette observation, de l’irritante irr\u00e9gularit\u00e9 qu’elle \u00e9tait -et qui, d’ailleurs, aurait bien pu \u00eatre \u00e9vacu\u00e9e sans probl\u00e8me, en proc\u00e9dant, par exemple, \u00e0 n’effectuer les mesures que sur une table donn\u00e9e-, en d\u00e9couverte amenant une mutation du savoir.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 320-321 ; \u00ab\u00a0Segr\u00e8 fut enr\u00f4l\u00e9 en 1927, et son cas illustre de fa\u00e7on frappante comment les relations de connaissance ou d’amiti\u00e9 devaient pr\u00e9c\u00e9der les rapports \u00e9tablis du fait d’une collaboration intense, dans le domaine de la physique- au rebours de l’encha\u00eenement usuel, qui serait plut\u00f4t l’inverse.<\/p>\n (…) Un jour, Segr\u00e8 avait entendu Fermi parler de la th\u00e9orie quantique, ce qui lui avait fait forte impression : \u00ab\u00a0il \u00e9tait absolument \u00e9vident que c’\u00e9tait l\u00e0 quelqu’un qui savait de quoi il parlait.\u00a0\u00bb Ce fut Giovanni Enriques ou Rasetti qui sugg\u00e9ra \u00e0 Fermi que Segr\u00e8 \u00e9tait un candidat envisageable, \u00e0 gagner \u00e0 la physique aux d\u00e9pens de ses \u00e9tudes d’ing\u00e9nieur ; de sorte que fermi et Segr\u00e8, cet \u00e9t\u00e9 de 1927, se rencontr\u00e8rent, de fa\u00e7on caract\u00e9ristique :<\/p>\n Nous all\u00e2mes plusieurs fois au bord de la mer, pour nager et nous baigner, etc. Alors, il me demandait : \u00ab\u00a0Eh bien, comment ferais-tu ceci ?\u00a0\u00bb (…) Il tenait une corde assez lourde, qui se balan\u00e7ait, fix\u00e9e \u00e0 un bout, et il fallait que j’en \u00e9tudie les oscillations (…). Il voulait se rendre compte (…) s’il avait trouv\u00e9 quelqu’un \u00e0 faire entrer, entrer en physique (…). Je le flairais aussi, plus ou moins ; c’\u00e9tait un processus r\u00e9ciproque.<\/p>\n (…) Pontecorvo \u00e9tait un ami proche de la famille de Rasetti, et il demanda son transfert de Pise \u00e0 Rome, afin de poursuivre ses \u00e9tudes sous sa direction.<\/p>\n Amaldi fut recrut\u00e9 en partie gr\u00e2ce \u00e0 l’intervention de Corbino<\/p>\n (…) Fermi passa l’\u00e9t\u00e9 de 1925 dans les Dolomites. comme \u00e0 leur habitude, plusieurs math\u00e9maticiens romains \u00e9taient l\u00e0 avec leur famille, pour \u00e9chapper \u00e0 la chaleur de la plaine : Levi-Civita, Castelnuovo, Bompiani, Ugo Amaldi et Francesco Tricomi (qui \u00e9tait) plus jeune. R. de L. Kronig, un jeune physicien tr\u00e8s dou\u00e9, se joignit \u00e9galement \u00e0 la compagnie, et ils partaient, lui et fermi, en longues randonn\u00e9es avec le fils d’Ugo Amaldi, \u00e2g\u00e9 de dix-sept ans, Edoardo, qui venait de finir son lyc\u00e9e. il \u00e9tait fascin\u00e9 par leur conversation, bien qu’il n’y entend\u00eet pas grand-chose. Plus tard, lorsque Kronig fut parti, Fermi et Edoardo Amaldi, les plus sportifs du groupe, firent tous les deux une randonn\u00e9e \u00e9reintante \u00e0 bicyclette, \u00e0 travers les Dolomites.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 329 : \u00ab\u00a0En comparant les d\u00e9penses pour la recherche et le d\u00e9veloppement (R-D) au sein des pays membres de l’O.C.D.E., et d’autres pays, on s’aper\u00e7oit que l’Italie venait au dernier rang (5,80 dollars par t\u00eate en 1963, et 6,80 dollars par t\u00eate en 1965). Quant au nombre de chercheurs, d’ing\u00e9nieurs et de techniciens qualifi\u00e9s, elle est aussi \u00e0 la derni\u00e8re place . 6 pour 1000 habitants -soit entre le tiers et le quart des taux apparaissant dans les autres pays. En Italie, la part des d\u00e9penses publiques consacr\u00e9es \u00e0 la recherche dans l’ensemble du budget de l’\u00c9tat \u00e9tait de 2,4 % en 1967, soit \u00e0 peu pr\u00e8s la moiti\u00e9 du pourcentage pour des pays tels que la France et l’Allemagne.<\/p>\n (…) les d\u00e9penses pour la recherche et le d\u00e9veloppement en Italie repr\u00e9sentaient 0,6 5 du produit national brut- ce qui correspond \u00e0 la moiti\u00e9 ou moins du pourcentage dans la plupart des autres pays, seule l’Autriche venant apr\u00e8s l’Italie.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 336 ; \u00ab\u00a0Lorsqu’il fut propos\u00e9 pour la L\u00e9gion d’honneur, Pierre Curie \u00e9crivit, en substance, \u00e0 Paul Appell : \u00ab\u00a0Veuillez avoir l’amabilit\u00e9 de remercier le ministre et de lui dire que je ne ressens pas le moindre besoin d’\u00eatre d\u00e9cor\u00e9 mais que, par contre, j’ai le plus grand besoin d’un laboratoire.\u00a0\u00bb<\/p>\n (…) La lettre adress\u00e9e par Einstein au pr\u00e9sident Roosevelt en 1939 fixe la date \u00e0 partir de laquelle le soutien apport\u00e9 \u00e0 la recherche se trouve plus que d\u00e9cupl\u00e9 dans un laps de temps \u00e9tonnamment court. Depuis 1940, les cr\u00e9dits de l’administration f\u00e9d\u00e9rale octroy\u00e9s \u00e0 la science ont fait plus que centupler.\u00a0\u00bb<\/p>\n P. 337 ; \u00ab\u00a0Cette journ\u00e9e d’ao\u00fbt 1945 a chang\u00e9 l’imagination de l’humanit\u00e9 tout enti\u00e8re -et avec elle, comme l’un de ses sous-produits, l’ampleur du soutien apport\u00e9 au travail scientifique y compris sous forme d’acc\u00e9l\u00e9rateurs, de stations exp\u00e9rimentales, d’observatoires et d’autres temples.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 344 ; \u00ab\u00a0Aucun fait concernant la science n’a jamais \u00e9t\u00e9 aussi difficile \u00e0 v\u00e9rifier que le chiffre cens\u00e9 repr\u00e9senter les d\u00e9penses en mati\u00e8re de recherche fondamentale. Par exemple, le budget soumis par le Pr\u00e9sident le 19 janvier 1962 contenait 12,4 milliards de dollars au poste \u00ab\u00a0Recherche et D\u00e9veloppement\u00a0\u00bb (y compris pour le minist\u00e8re de la D\u00e9fense et de la Recherche et de la Technologie spatiales). Sur cette somme, il \u00e9tait dit que 1,6 milliards de dollars \u00e9taient destin\u00e9s \u00e0 la recherche et \u00e0 a formations \u00ab\u00a0fondamentales\u00a0\u00bb y compris les programmes des National Institutes of Health<\/em>, de la National Science Foundation <\/em>et de la recherche agricole, ainsi que des sommes consid\u00e9rables destin\u00e9es \u00e0 la Commission de l’\u00c9nergie atomique, \u00e0 l’Espace ainsi qu’\u00e0 des postes non pr\u00e9cis\u00e9s relevant du minist\u00e8re de la D\u00e9fense. \u00c9tant donn\u00e9 qu’au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es le total des sommes de toutes origines d\u00e9pens\u00e9es pour la recherche fondamentale repr\u00e9sente environ le double des cr\u00e9dits provenant du gouvernement f\u00e9d\u00e9ral, la facture totale se situerait entre 2,5 et 3 milliards de dollars pour la recherche fondamentale dans toutes les sciences pour l’ann\u00e9e fiscale 1962, soit environ 0,5 5 du produit national brut. Cependant, partant d’une interpr\u00e9tation plus stricte du terme \u00ab\u00a0recherche fondamentale\u00a0\u00bb, somme (soit, en moyenne, environ huit dollars par habitant des \u00c9tats-Unis) pour l’ensemble de la recherche scientifique fondamentale en physique, en m\u00e9tallurgie, en psychologie exp\u00e9rimentale, en biologie, etc. (Dix ans plus tard, ce dernier chiffre avait encore diminu\u00e9.)\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 373 ; \u00ab\u00a0Nous avons fait \u00e9tat, \u00e9galement, de l’appel direct aux comp\u00e9tences, ind\u00e9pendamment des barri\u00e8res -r\u00e9elles ou imaginaires- pouvant exister par ailleurs ; de l’aide octroy\u00e9e d\u00e8s les ann\u00e9es d’\u00e9tude en vue d’une formation permanente ; de la majorit\u00e9 de jeunes dans une profession o\u00f9 l’afflux de jeunes gens brillants s’accro\u00eet constamment ; et du sentiment de construire \u00e0 partir des apports d’autrui.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 400 ; \u00ab\u00a0Il est clair, d\u00e9sormais, que le combat men\u00e9 par les grands pr\u00eatres de la contre-culture, dans leur assaut contre une science tax\u00e9e de rationalisme outrancier, tient pour une large part du simulacre : il s’agit essentiellement d’un combat contre un fantoche de leur invention.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 418 ; \u00ab\u00a0Qu’est-ce qui les a men\u00e9s jusqu’au temple ? La r\u00e9ponse n’est pas facile \u00e0 donner, et ne peut certes pas tomber sans nuance. Tout d’abord, je crois, avec Shopenhauer, que l’un des mobiles les plus puissants, conduisant \u00e0 l’Art ou \u00e0 la Science, est d’\u00e9chapper \u00e0 la vie quotidienne, avec ses cruelles rigueurs et sa morne d\u00e9solation, (d’\u00e9chapper) aux entraves des d\u00e9sirs \u00e0 jamais mouvants du particulier. il pousse l’homme d\u00e9licatement accord\u00e9 hors de son existence individuelle, dans le monde de la contemplation et de l’appr\u00e9hension objectives ; il est comparable, ce mobile, \u00e0 cette nostalgie qui retient irr\u00e9sistiblement le citadin, hors de ses banlieues de confusion (un\u00fcbersichtlich<\/em>) et de rumeurs, vers le calme du site de haute montagne, o\u00f9 le regard vole au loin, \u00e0 travers l’air pur et silencieux, pour se poser sur des contours paisibles, qui paraissent cr\u00e9\u00e9s pour l’\u00e9ternit\u00e9. Mais, \u00e0 ce mobile n\u00e9gatif, s’en adjoint un positif. L’homme cherche \u00e0 former, de quelque fa\u00e7on qui lui convienne, une vision du monde simplifi\u00e9e, s’embrassant d’un coup d’oeil (ein<\/em> (…) \u00fcbersichtliches Bild des Welt<\/em>), et \u00e0 d\u00e9passer ainsi le monde du v\u00e9cu, en ce qu’il aspire \u00e0 le suppl\u00e9er, jusqu’\u00e0 un certain point, par cette vision. C’est ce que fait le peintre, le po\u00e8te, le philosophe sp\u00e9culatif, et le chercheur scientifique (Naturforscher), chacun \u00e0 sa fa\u00e7on. C’est dans cette image, et dans sa configuration (Gestaltung<\/em>), qu’il reporte le centre de gravit\u00e9 de sa vie affective, afin de trouver, par l\u00e0, l’aplomb et la s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 qu’il ne peut trouver dans la sph\u00e8re par trop \u00e9triqu\u00e9e de l’exp\u00e9rience (Erlebens<\/em>) personnelle avec ses tourbillons.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 423 ; \u00ab\u00a0Je dirais qu’aux \u00c9tats-Unis le pourcentage de scientifiques ayant une activit\u00e9 dans ce domaine (contribuant par exemple \u00e0 la formulation ou \u00e0 l gestion d’une politique scientifique sur des questions manifestement sociales ou m\u00eame \u00e9crivant ou enseignant \u00e0 l’occasion dans ce domaine) est de l’ordre de 1 %.\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 424 ; \u00ab\u00a0Albert Szent-Gy\u00f6rgyi qui aurait d\u00e9clar\u00e9 r\u00e9cemment : \u00ab\u00a0Si un \u00e9tudiant vient me dire qu’il veut se rendre utile \u00e0 l’humanit\u00e9 et faire de la recherche pour soulager la souffrance humaine, je lui conseille de se consacrer plut\u00f4t aux bonnes oeuvres. la recherche a besoin d’authentiques \u00e9gotistes qui recherchent leur propre plaisir et leur propre satisfaction et les trouvent dans la solution des \u00e9nigmes de la nature.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 433 ; \u00ab\u00a0Beaucoup plus que le reste de la population, ces scientifiques proviennent de familles o\u00f9 \u00ab\u00a0l’on valorise (l’acquisition du savoir) comme fin en soi (…) et non pas pour obtenir des r\u00e9compenses \u00e9conomiques ou sociales\u00a0\u00bb<\/p>\n p. 434 ; \u00ab\u00a0L’absence d’un int\u00e9r\u00eat pr\u00e9coce et durable pour les probl\u00e8mes sociaux fait partie de ce sch\u00e9ma g\u00e9n\u00e9ral aussi bien dans l’histoire de la vie que dans le travail et dans la structure de la personnalit\u00e9<\/p>\n (…) D’autres informations allant dans ce sens ont \u00e9t\u00e9 tir\u00e9es par la suite de la banque de donn\u00e9e du project TALENT, informatis\u00e9e en 1968. Par exemple, les personnes dont les objectifs professionnels (\u00e0 l’\u00e2ge de vingt-trois ans) \u00e9taient de nature scientifique avaient eu, \u00e0 l’\u00e2ge de dix-huit ans, des notes remarquablement basses quant \u00ab\u00a0au d\u00e9sir de servir la communaut\u00e9\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n Extraits de L’imagination scientifique<\/em> par Gerald Holton (Paris, Gallimard, 1981).<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" L’imagination scientifique\u00a0 Gerald Holton (Paris, Gallimard, 1981) La r\u00e9flexion propos\u00e9e \u00ab\u00a0vise \u00e0 d\u00e9gager les moments fondamentaux de la d\u00e9marche scientifique, \u00e0 partir d’\u00e9tudes de cas portant sur des \u00e9pisodes cruciaux de l’histoire de la science, de Kepler \u00e0 Einstein et jusqu’aux recherches les plus actuelles.(…) Par une telle probl\u00e9matique, M. \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1179,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-1148","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1148","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=1148"}],"version-history":[{"count":3,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1148\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1181,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1148\/revisions\/1181"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1179"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=1148"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}<\/h4>\n
<\/a>La r\u00e9flexion propos\u00e9e \u00ab\u00a0vise \u00e0 d\u00e9gager les moments fondamentaux de la d\u00e9marche scientifique, \u00e0 partir d’\u00e9tudes de cas portant sur des \u00e9pisodes cruciaux de l’histoire de la science, de Kepler \u00e0 Einstein et jusqu’aux recherches les plus actuelles.(…) Par une telle probl\u00e9matique, M. Holton pose la science comme un fait culturel total.\u00a0\u00bb<\/p>\n