{"id":1115,"date":"2015-01-15T19:11:01","date_gmt":"2015-01-15T18:11:01","guid":{"rendered":"http:\/\/www.archipress.org\/wp\/?page_id=1115"},"modified":"2015-01-18T11:50:13","modified_gmt":"2015-01-18T10:50:13","slug":"1115-2","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.archipress.org\/?page_id=1115","title":{"rendered":"La science et l’\u00e2me du monde"},"content":{"rendered":"

La science et l’\u00e2me du monde<\/strong><\/h3>\n

Michel Cazenave (Paris, Albin Michel, 1996)<\/strong><\/p>\n

<\/h4>\n

\u00ab\u00a0Dans une vaste enqu\u00eate sur les m\u00e9canismes de l’invention scientifique, sur les nouveaux mod\u00e8les de la physique et de l’astrophysique, sur les th\u00e8mes m\u00e9taphysiques et parfois m\u00eame mythiques qui s’y trouvent mis en jeu, Michel Cazenave tente ici de montrer comment l’on pourrait, aujourd’hui, essayer de repenser une unit\u00e9 fondamentale du monde et de l’homme gr\u00e2ce \u00e0 la reprise en compte de la notion de l’\u00catre, et dans une dialectique essentielle des savoirs de l’inconscient et des processus rationnels.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n

\u00a0<\/em><\/p>\n


\n\"Cazeneuve\"extraits significatifs :
\n<\/em>
\np. 9-10 ; \u00ab\u00a0Nous souffrons de nos jours ; et nos gestes de malades, ce sont la drogue et les sectes, les hallucinations collectives, la lassitude g\u00e9n\u00e9rale d’une civilisation qui s’\u00e9croule, d’une soci\u00e9t\u00e9 qui se dissout et lib\u00e8re comme toujours ce qu’elle a de plus trouble au plus profond de son coeur ; c’est cette esp\u00e8ce de folie qui souffle sur les masses et les entra\u00eene \u00e0 la suite de Staline, de Hitler, ou de Pol Pot au Cambodge, quand ce n’est pas, aujourd’hui de certains chefs religieux qui r\u00e9pandent la mort et la haine au nom d’une religion qu’avaient justifi\u00e9e dans l’histoire la puret\u00e9 de ses penseurs et la pers\u00e9cution s\u00e9culaire dont elle avait \u00e9t\u00e9 la victime\u00a0\u00bb.<\/p>\n

(…) On sait ce que pensait Nietzsche : \u00ab\u00a0Lorsque je vis mon d\u00e9mon, je le trouvai s\u00e9rieux, grave, profond et solennel : c’\u00e9tait l’esprit de lourdeur, c’est par lui que tombent toutes choses.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 11 ; \u00ab\u00a0Pour en venir au fait, je dois bien avouer que, lorsque cet homme fort aimable qui s’appelle Ives Jaigu me demanda d’organiser pour la cha\u00eene France-Culture dont il est le directeur, le Colloque de Cordoue qui r\u00e9unit durant cinq jours des physiciens, des neuro et des psychopsysiologues, des psychanalystes, des anthropologues, des po\u00e8tes et des philosophes, je m’amusai comme un fou \u00e0 remplir sa requ\u00eate. Et le moindre m\u00e9rite de ce Colloque qui, depuis, a donn\u00e9 le pr\u00e9texte \u00e0 tant de contresens, c’est sans doute cet \u00e9tat comme de joie spontan\u00e9e qui le marqua sans arr\u00eat, \u00e0 confronter des points de vue que l’on pouvait croire au d\u00e9part comme tellement \u00e9loign\u00e9s sur la r\u00e9alit\u00e9 de l’univers et la mani\u00e8re dont les hommes la n\u00e9gocient dans leur \u00e2me.<\/p>\n

Or, les r\u00e9actions passionnelles de certains scientifiques me laiss\u00e8rent plut\u00f4t pantois. Quel \u00e9tait, en effet, l’objet de ce colloque ? Essayer d’explorer les voies par lesquelles, un jour peut-\u00eatre, l’homme pourrait se r\u00e9concilier avec lui-m\u00eame, r\u00e9unir dans une grande gerbe la puissance de sa raison et la profondeur de son \u00e2me, -et tendre \u00e0 une harmonie de ses diff\u00e9rentes fonctions, qui prendrait la rel\u00e8ve de cette guerre civile permanente dont il est le th\u00e9\u00e2tre au plus intime de son \u00eatre.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 12 ; \u00ab\u00a0L’ambition \u00e9tait claire, et ce fut Hubert Reeves qui la r\u00e9suma par ces mots : \u00ab\u00a0Ce qu’il faut \u00e0 pr\u00e9sent, c’est de r\u00e9concilier en nous les deux d\u00e9marches (scientifiques et mystique) ; non pas en nier l’une en faveur de l’autre, mais faire en sorte que l’oeil qui scrute, qui analyse et qui diss\u00e8que vive en harmonie et en intelligence avec celui qui contemple et v\u00e9n\u00e8re (…). Nous ne pouvons pas vivre une seule d\u00e9marche, \u00e0 peine de devenir fous ou de nous dess\u00e9cher compl\u00e8tement. Il nous faut apprendre \u00e0 vivre maintenant en pratiquant \u00e0 la fois la science et la po\u00e9sie, il nous faut apprendre \u00e0 garder les deux yeux ouverts en m\u00eame temps*.\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) *H. Reeves, dans Science et Conscience, les deux lectures de l’univers,<\/em> Ed. Stock.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 13 ; \u00ab\u00a0Le math\u00e9maticien G\u00f6del a prouv\u00e9 qu’un syst\u00e8me d’axiomes ne peut jamais se fonder en lui-m\u00eame : afin de prouver sa validit\u00e9, on doit se servir d’assertions qui y sont \u00e9trang\u00e8res.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 14-15-16 ; \u00ab\u00a0D’autres r\u00e9actions, n\u00e9anmoins, for\u00e7aient \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir. Je n’en prendrai qu’un exemple, qui est celui que donne Jean-Marc Levy-Leblond. Cet homme \u00e0 l’esprit libre, ironique et frondeur, n’\u00e9crit-il pas en effet : \u00ab\u00a0La science appara\u00eet peut-\u00eatre moins intimidante et sa hautaine rationalit\u00e9 bien limit\u00e9e, quand on voit des physiciens \u00ab\u00a0marcher\u00a0\u00bb na\u00efvement face \u00e0 des illusionniste, tels Uri Geller ou J.P. Girard, qui cachent leur jeu derri\u00e8re un masque parascientifique, ou s’engouent pour les sous-produits gadg\u00e9tis\u00e9s des mystiques asiatiques : gourous pseudo-boudhistes, comme montres \u00e0 quartz, la main-d’oeuvre orientale est bon march\u00e9 et la demande occidentale en pleine expansion (…) Saluons donc le colloque de Cordoue comme une contribution salutaire, m\u00eame si elle est involontaire, \u00e0 l’autocritique de la science .\u00a0\u00bb Ce \u00e0 quoi il ajoute, quelques pages plus loin, au sujet de Frijtof Capra et de son Tao de la Physique- dont les th\u00e8ses avaient \u00e9t\u00e9 expos\u00e9es \u00e0 Cordoue : \u00ab\u00a0Il est remarquable que dans la science moderne, le formalisme et l’abstraction soient parvenus \u00e0 un degr\u00e9 tel que , lorsqu’il s’agit d’en expliciter le contenu conceptuel, on peut, semble-t-il, le faire \u00e0 partir de n’importe quelle tradition philosophique et culturelle. La survivance du scientisme et le renouveau du mysticisme invitent alors tout naturellement \u00e0 proposer un \u00e9sot\u00e9risme au second degr\u00e9, multipliant celui d’une science moderne par celui d’une mystique traditionnelle. Il y a l\u00e0 tout un filon \u00e0 exploiter. Apr\u00e8s le Tao de la Physique, \u00e0 quand le Soufisme de la biologie, le Vaudou de la sociologie, sans m\u00eame mentionner -trop facile!- la Cabale des math\u00e9matiques?\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) Faut-il se moquer de Niels Bohr quand il prend pour blason le Yin-Yang<\/em> du Tao<\/em>, et pour devise leContraria sunt complementa<\/em> (\u00ab\u00a0les contraires sont compl\u00e9mentaires\u00a0\u00bb) qui renvoie en m\u00eame temps \u00e0 la doctrine du Tao-T\u00f6 King<\/em>, \u00e0 la mystique alchimique et aux avanc\u00e9es les plus vives de la psychologie moderne ? Faut-il donc ignorer les efforts de Schr\u00f6dinger pour tenter de penser une nouvelle image du monde -efforts qui l’amen\u00e8rent \u00e0 chercher du c\u00f4t\u00e9 du corpus de la m\u00e9taphysique v\u00e9dantique ? Faut-il tenir pour rien les rapports avou\u00e9s d’Oppenheimer au boudhisme, ou bien de David Bohm -un adversaire connu de l’\u00c9cole de Copenhague- avec Krishnamurti ? Il semble bien pourtant qu’un certain esprit de l’Orient se trouve pour le moins en consonance avec les th\u00e9ories de la physique moderne.<\/p>\n

(…) Par exemple, la grande contribution apport\u00e9e par le Japon \u00e0 la th\u00e9orie quantique depuis la derni\u00e8re guerre peut \u00eatre un indice d’une certaine parent\u00e9 entre les id\u00e9es philosophiques traditionnelles de l’Extr\u00eame Orient et le contenu philosophique de la th\u00e9orie quantique. Il est possible qu’il soit plus facile de s’adapter au concept quantique de la r\u00e9alit\u00e9 quand on n’est pas pass\u00e9 par le mode de pens\u00e9e du mat\u00e9rialisme na\u00eff qui r\u00e9gnait encore en Europe pendant les premi\u00e8res d\u00e9cennies de notre si\u00e8cle.\u00a0\u00bb A quoi r\u00e9pond pour sa part Hideki Yukawa, prix Nobel de Physique, et justement japonais : \u00ab\u00a0(Dans la relativit\u00e9) le temps se r\u00e9sout dans une quatri\u00e8me dimension, sur un pied d’\u00e9galit\u00e9 avec l’espace, o\u00f9 l’harmonie pr\u00e9vaut dans un \u00e9ternel \u00e9tat de repos (…). On peut trouver quelque chose d’assez proche dans la conception orientale.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 16 ; \u00ab\u00a0L’asym\u00e9trie famili\u00e8re du symbole oriental, si importante dans la culture chinoise, a pu jouer un r\u00f4le subtil et inconscient en mettant Lee et Yang en mesure de s’opposer \u00e0 l’orthodoxie scientifique et de proposer un test auquel leurs coll\u00e8gues occidentaux, adeptes de la sym\u00e9trie, n’auraient trouv\u00e9 grand int\u00e9r\u00eat.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 19 ; \u00ab\u00a0Il faut bien noter de ce point de vue, et j’en suis rassur\u00e9, qu’on n’a pas \u00e9t\u00e9 plus tendre dans ce camp de pens\u00e9e -et que le Colloque de Cordoue, comme il \u00e9tait attaqu\u00e9 par le scientisme absolu, l’a \u00e9t\u00e9 aussi bien par un certain int\u00e9grisme des convictions spirituelles. Qu’on en juge sur ces mots : \u00ab\u00a0L’esprit des professeurs ne passe pas le chas d’une aiguille. Si l’on avait voulu recoudre l’ancien esprit de l’Occident, il e\u00fbt fallu essayer autre chose. Est-ce que, par exemple, le langage pouvait \u00eatre commun entre des savants, venus de l’ext\u00e9rieur de la nature, et des th\u00e9ologiens, des gnostiques, des po\u00e8tes venus de l’int\u00e9rieur -du sens profond ? C’est ce qui \u00e0 Cordoue, n’a pas \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 (…) Aujourd’hui, \u00e0 Cordoue, on a continu\u00e9 \u00e0 promener le cadavre d’Averro\u00e8s (le rationaliste). Ibn’ Arabi (le mystique) n’\u00e9tait pas invit\u00e9*.\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) * P. Camby, Cordoue : Science et Conscience, Aurores,<\/em> n.7, nov. 1980.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 21-22 ; \u00ab\u00a0Engagement si profond qu’il conduit le philosophe qu’est malgr\u00e9 lui Popper \u00e0 d\u00e9clarer tranquillement, que, \u00ab\u00a0\u00e0 l’heure actuelle, notre monde libre, notre Communaut\u00e9 atlantique (…) est la meilleure soci\u00e9t\u00e9 qui ait jamais exist\u00e9!\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) Il est vrai en effet que l’arsenal atomique s’accro\u00eet de jour en jour, et que nous disposons d’assez de bombes pour pouvoir d\u00e8s demain faire dispara\u00eetre la terre. Il est vrai en effet que des savants de toutes opinions par ailleurs, et aussi remarquables, et aussi estimables que Murray Gell-Mann, prix Nobel 1969, Eug\u00e8ne Wigner, prix Nobel 1965, Luis Alvarez, prix Nobel 1968, Donald Glaser, prix Nobel 1960, Charles Townes, prix Nobel 1964, Steven Weinberg, prix Nobel 1980, -que des chercheurs aussi mondialement connus que Freeman Dyson ou John Weeler n’ont pas craint de participer aux \u00c9tats-Unis aux activit\u00e9s paramilitaires du P.S.A.C. ou du Comit\u00e9 Jason, ou des deux \u00e0 la fois*, dont on a pu tout particuli\u00e8rement appr\u00e9cier, par exemple, les merveilleux r\u00e9sultats pendant la guerre du Vietnam.<\/p>\n

(…) \u00ab\u00a0Il y a, dit Roszak, quelque chose de radicalement, de syst\u00e9matiquement vici\u00e9 dans notre culture, une faute qui se situe \u00e0 un niveau bien plus profond que ne saurait explorer quelque analyse de classe ou de race que ce soit, et qui rend vains nos efforts les plus valables pour acc\u00e9der \u00e0 la totalit\u00e9. Je suis convaincu que c’est notre engagement ind\u00e9crottable en faveur d’une vision scientifique de la nature qui nous entrave*.\u00a0\u00bb Et encore prends-je Roszak parce qu’il est, finalement, dans son champ d’attitude, l’un des plus mesur\u00e9s de ces h\u00e9rauts d’un Nouveau Monde… D’o\u00f9 le glissement comme n\u00e9cessaire de la r\u00e9clamation \u00e0 avoir aussi un coeur, vers la d\u00e9n\u00e9gation, puis la condamnation sans nuances de toute objectivit\u00e9. N’est-ce pas le m\u00eame Roszak qui s’appuie de la sorte sur la d\u00e9finition de la \u00ab\u00a0vraie sant\u00e9 mentale\u00a0\u00bb telle que l’avait donn\u00e9e Laing (\u00ab\u00a0Elle implique d’une mani\u00e8re ou d’une autre la dissolution de l’ego normal, de ce faux moi savamment adapt\u00e9 \u00e0 notre r\u00e9alit\u00e9 sociale ali\u00e9n\u00e9e, l’\u00e9mergence d’arch\u00e9types \u00ab\u00a0int\u00e9rieurs\u00a0\u00bb m\u00e9diateurs de la puissance divine, l’aboutissement de cette mort \u00e0 une renaissance et re-cr\u00e9ation d’une nouvelle fonction de l’ego, o\u00f9 le moi ne trahisse plus le divin mais le serve*\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) * Source de documentation : Science against the people,<\/em> S.E.S.P.A., Berkeley, 1972.
\n*T. Roszak, O\u00f9 finit le d\u00e9sert,<\/em> Ed. Stock.<\/p>\n

*R.D. Laing, La politique de l’exp\u00e9rience, <\/em>Ed. Stock.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 23 , \u00ab\u00a0* T. Roszak, Vers une Contre-Culture, <\/em>Ed. Stock.<\/p>\n

C. Reich, Le Regain am\u00e9ricain,<\/em> Ed. Laffont.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 24 ; \u00ab\u00a0Quelque terme o\u00f9 nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et si nous le suivons, il \u00e9chappe \u00e0 nos prises, nous glisse et fuit d’une fuite \u00e9ternelle…*\u00a0\u00bb. C’est ainsi qu’amus\u00e9, L\u00e9vy-Leblond peut \u00e9crire que \u00ab\u00a0la science telle qu’on l’enseigne, non seulement ne permet pas \u00e0 ceux qui croient l’apprendre de transformer le monde, mais elle n’aide m\u00eame plus \u00e0 l’interpr\u00e9ter. Il n’y a donc nul paradoxe, au contraire, dans l’extraordinaire coexistence actuelle d’un n\u00e9o-scientisme et d’un n\u00e9o-irrationalisme : comment se gausser, au nom de la science, du succ\u00e8s des astrologues, quand des informaticiens popularisent leur gr\u00e8ve en tirant des horoscopes sur leurs ordinateurs ?\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 26-27 ; \u00ab\u00a0Je ne cache pas, au contraire, mon arri\u00e8re-pens\u00e9e initiale, qui est de tenter d’\u00e9prouver s’il n’y a pas quelque part une unit\u00e9 du monde et de l’homme, qui r\u00e9instaurerait le dialogue de la science et de l’\u00e2me, et l’\u00e9change mill\u00e9naire que nous avons rompu de nos jours avec la lumi\u00e8re des \u00e9toiles et le murmure des fontaines. A ceci pr\u00e8s, c’est tr\u00e8s clair, que dialogue et \u00e9change ne peuvent plus \u00eatre aujourd’hui ce qu’ils \u00e9taient avant-hier et que si, en effet, selon le beau mot de Prigogine, nous allons au-devant d’une nouvelle alliance qui s’annonce, cette alliance a besoin d’\u00eatre enti\u00e8rement repens\u00e9e.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 32 ; \u00ab\u00a0Autrement dit, nous nourrissons une tendance incoercible \u00e0 nous accorder plus de foi qu’au monde qui nous entoure et dont nous ne sommes qu’une partie ; nous r\u00e9pugnons \u00e0 l’id\u00e9e que l’id\u00e9e folle d’aujourd’hui est la raison de demain, et que la raison a d’in\u00e9puisables raisons que nous n’avons pas fini d’explorer ; nous refusons l’\u00e9vidence des contraintes de nos pens\u00e9es, et que celles-ci se d\u00e9terminent sur un terreau g\u00e9n\u00e9ral qui d\u00e9passe de tr\u00e8s loin cette raison tr\u00e8s restreinte que d\u00e9finit une tradition dont nous n’avons pas encore fini de nous d\u00e9faire -ce qui en revient \u00e0 dire que ce terreau donne naissance aux modes de la raison, et qu’il imprime \u00e0 celle-ci son envol \u00e0 la fois qu’il la limite, dans un seul et m\u00eame mouvement, \u00e0 des routes pr\u00e9fix\u00e9es et des horizons bien pr\u00e9cis.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 33 ; \u00ab\u00a0Lorsque Pythagore d\u00e9clare que le nombre est l’essence de toutes choses, il signifie de toutes choses qui existent et que per\u00e7oivent les sens : c’est d’abord une mesure.<\/p>\n

(…) Ainsi Phillolaos quand il \u00e9crit que \u00ab\u00a0toutes les choses connues ont un nombre. Car rien ne peut \u00eatre pens\u00e9 ni connu sans le nombre\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 34 ; \u00ab\u00a0Pourquoi, nous dira-t-on, ce d\u00e9tour m\u00e9taphysique ? C’est qu’il illustre \u00e0 merveille cette th\u00e8se de Spengler que \u00ab\u00a0la psych\u00e9 antique sentait dans le principe de l’irrationnel, donc dans la destruction de la s\u00e9rie statufi\u00e9e des nombres entiers repr\u00e9sentant un ordre universel parfait en soi, un blasph\u00e8me contre le divin m\u00eame. Chez Platon, dans le Tim\u00e9e, ce sentiment est ind\u00e9niable. La transformation en continuum de la s\u00e9rie discontinue des nombres met en effet en question, non seulement le concept antique du nombre, mais aussi le concept m\u00eame de l’univers antique du nombre\u00a0\u00bb. D’o\u00f9 l’impossibilit\u00e9 de fondation pour un disciple de Pythagore, de Thal\u00e8s ou d’Euclide, de concevoir un nombre n\u00e9gatif, qui ne peut renvoyer \u00e0 aucune concr\u00e9tude ni repr\u00e9senter aucune grandeur, et a fortiori le z\u00e9ro auquel ne peut r\u00e9pondre aucune g\u00e9om\u00e9trie.<\/p>\n

(…) et ce n’est pas pour rien sans doute que c’est l’Occident, et nul autre, qui les a valid\u00e9s\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 35 ;\u00a0\u00bbToute science, de cette mani\u00e8re, est d\u00e9j\u00e0 relative \u00e0 un \u00e9tat de culture et \u00e0 une conception donn\u00e9e du monde.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 36 ; \u00ab\u00a0Bohr s’est appuy\u00e9 sur la philosophie religieuse de Kierkegaard pour fonder la m\u00e9canique quantique, bien s\u00fbr Kepler \u00e9tait astrologue autant qu’astronome…\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 37 ; \u00ab\u00a0(…) ce n’est pas du tout la m\u00eame chose que de partir d’une position th\u00e9ologique ou mystique comme l’on fait par exemple Copernic, Leibniz ou Faraday dans leurs travaux respectifs \u00ab\u00a0<\/p>\n

p. 38-39 ; \u00ab\u00a0(…) je dirai m\u00eame qualitativement cumulative, comprenant de la sorte cette esp\u00e8ce de savoir autre que pointe Levy-Leblond : lorsqu’ils b\u00e2tissent leur math\u00e9matique, et inventent en particulier, malgr\u00e9 toute vraisemblance, la trigonom\u00e9trie sph\u00e9rique avant m\u00eame qu’on ait l’id\u00e9e de la trigonom\u00e9trie plane (mais la trigonom\u00e9trie sph\u00e9rique s’inscrivait dans leur intention cosmique premi\u00e8re, et \u00e9tait command\u00e9e par les r\u00e9alisations pratiques, en particulier architecturales, qui la mettaient en forme), les arabes int\u00e8grent tout l’acquis objectif dont ils ont besoin par ailleurs de la pens\u00e9e math\u00e9matique grecque qui les a pr\u00e9c\u00e9d\u00e9s, en m\u00eame temps qu’ils inventent une nouvelle branche du savoir qui r\u00e9pond organiquement \u00e0 leur n\u00e9cessit\u00e9 mystique int\u00e9rieure.<\/p>\n

(…) comme si l’imagination scientifique ne pouvait se d\u00e9ployer que dans une constante fluctuation des fronti\u00e8res m\u00e9taphysiques \u00e0 l’int\u00e9rieur desquelles elle se forme, et dans la constitution incessante de nouveaux paradigmes qui se donnent par essence comme extra-scientifiques.<\/p>\n

(…) Comme l’\u00e9crit Lakatos avec une \u00e9vidente nostalgie, \u00ab\u00a0\u00e0 consid\u00e9rer l’histoire de la science, si nous entreprenons de voir comment certaines des r\u00e9futations (d’hypoth\u00e8ses) les plus c\u00e9l\u00e8bres se sont produites, nous sommes amen\u00e9s \u00e0 la conclusion, soit que certaines d’entre elles sont manifestement irrationnelles, soit qu’elles reposent sur des principes de rationalit\u00e9 radicalement diff\u00e9rents de ceux que nous avons envisag\u00e9s \u00e0 l’instant.\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) Karl Popper \u00e0 son tour ne peut s’emp\u00eacher d’admettre que, \u00ab\u00a0historiquement parlant, toutes -ou presque toutes- les th\u00e9ories scientifiques trouvent leur origine dans les mythes, et qu’un mythe peut contenir des anticipations importantes de th\u00e9ories scientifiques*\u00a0\u00bb. D’une mani\u00e8re ou d’une autre, on en est ainsi ramen\u00e9 \u00e0 l’\u00e9pist\u00e9mologie de Hume qui pr\u00e9tendait d\u00e9j\u00e0 que \u00ab\u00a0l’homme n’est pas seulement un animal irrationnel, mais (que) de plus, cette part de nous-m\u00eame que nous pensions rationnelle -la connaissance humaine, y compris la connaissance pratique- est de part en part irrationnelle*\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) dans cette zone o\u00f9 l’assimilation de l’irrationnel par la raison ne va pas sans une r\u00e9organisation r\u00e9ciproque du domaine rationnel\u00a0\u00bb, et pour qui, par cons\u00e9quent, \u00ab\u00a0la dualit\u00e9 statique du rationnel et de l’irrationnel est supplant\u00e9e par les dialectiques de la rationalisation active*\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) * K.R. Popper, Conjectures and Refutations, op. cit.
\n<\/em>
\n* Cit\u00e9 par K.R. Popper, La connaissance objective, op. cit.<\/em> Se reporter \u00e0 D. Hume, Enqu\u00eate sur l’entendement humain<\/em> (A. Leroy) Ed. Aubier.<\/p>\n

* G. Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique,<\/em> P.U.F. \u00ab\u00a0<\/p>\n

p. 40 ; \u00ab\u00a0De fait, nous sommes confront\u00e9s l\u00e0 \u00e0 l’hypoth\u00e8se fondamentale selon laquelle la conscience serait articul\u00e9e dans un processus d’\u00e9mergence \u00e0 l’inconscient lui-m\u00eame, et que le rationnel dans le sens que nous donnons \u00e0 ce mot, se b\u00e2tirait \u00e0 partir d’un irrationnel bien plus vaste, \u00e0 la limite \u00ab\u00a0oc\u00e9anique\u00a0\u00bb, et, \u00e0 la lettre, fondateur. Toute raison, dans cette perspective, rel\u00e8ve d’abord du mythe – et comme le note James Hillman, \u00ab\u00a0toutes choses sont pleines de Dieux\u00a0\u00bb, la Raison comme les autres…<\/p>\n

(…) Il serait fastidieux de refaire toute l’histoire des d\u00e9couvertes scientifiques qui, ne fut-ce que depuis quatre si\u00e8cles, plongent ainsi leurs racines au plus profond de l’inconscient -qu’elles en surgissent \u00e0 l’improviste, ou qu’elles aient emprunt\u00e9 des \u00ab\u00a0espaces traditionnels\u00a0\u00bb d’\u00e9laboration projective comme les arts traditionnels de l’alchimie ou de l’astrologie. On sait bien sur ce point comme Copernic, par exemple, se r\u00e9f\u00e8re dans ses travaux \u00e0 la R\u00e9v\u00e9lation d’Herm\u00e8s Trism\u00e9giste qui lui offre les guides de son imagination scientifique ; on sait bien comme Kepler tire certaines de ses intuitions majeures du magn\u00e9tisme alchimiques ou des \u00ab\u00a0lois\u00a0\u00bb astrologiques et d\u00e9ploie sa th\u00e9orie dans un cadre tridimensionnel qui lui semble ind\u00e9passable sous l’influence des arch\u00e9types du nombre qui lui font affirmer que la nature ne peut avoir plus de trois dimensions de par la constitution m\u00eame de la Trinit\u00e9 divine, d\u00e9ploiement dynamique et personnalis\u00e9 de l’unit\u00e9 de l’\u00catre* ; on sait m\u00eame comme Faraday, en plein XIX\u00e8me si\u00e8cle, dans ses recherches sur l’\u00e9lectromagn\u00e9tisme et dans son hypoth\u00e8se g\u00e9niale de la convertibilit\u00e9 des forces, s’est d’abord appuy\u00e9 sur l’id\u00e9e religieuse de la toute puissance divine, que la force exprimait en en repr\u00e9sentant l’\u00e9manation, de sorte qu’elle en devenait ipso facto \u00ab\u00a0le constituant essentiel de l’ordre naturel*\u00a0\u00bb.<\/p>\n

(…) selon les mots de Koyr\u00e9, \u00ab\u00a0il y a quelque chose dont Newton doit \u00eatre tenu pour responsable… : c’est la division de notre monde en deux*\u00a0\u00bb.<\/p>\n

* Voir G. Simon, Kepler astronome astrologue, Ed. Gallimard ; et sur le nombre et la Trinit\u00e9 chez Kepler, C.G. Jung et W. Pauli, Nat\u00fcrerklarung und Psyche,<\/em> Rascher Verlag.<\/p>\n

* Voir P. Thuillier, La Physique et l’irrationnel, La Recherche<\/em> n.III, 1980.<\/p>\n

* A. Koyr\u00e9, \u00c9tudes Newtoniennes,<\/em> Ed. Gallimard -o\u00f9 Koyr\u00e9, par ailleurs, montre bien qu’il n’y aurait pas eu de r\u00e9volution newtonienne sans le socle inconscient de la recherche alchimique.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 43 ; \u00ab\u00a0(…) l’espace et le temps sont des r\u00e9alit\u00e9s absolues en tant qu’ils sont la manifestation de la pr\u00e9sence divine dans le monde, et une repr\u00e9sentation de l’essence divine elle-m\u00eame. Ainsi passe-t-on sans rupture du n\u00e9o-platonisme th\u00e9osophique de Cambridge, exprim\u00e9 \u00e0 merveille dans la seconde lettre d’Henry More \u00e0 Descartes : \u00ab\u00a0(Cela suppos\u00e9), pourquoi ferions-nous difficult\u00e9 d’attribuer (\u00e0 Dieu) une extension qui remplisse des espaces infinis aussi bien qu’une succession infinie de dur\u00e9e ?\u00a0\u00bb, \u00e0 la cosmologie de Newton qui affirme tr\u00e8s clairement : \u00ab\u00a0Existo semper et ubique durationem et spatium constituit (Deus)<\/em> : en existant toujours et en tout lieu, Dieu constitue l’espace et la dur\u00e9e\u00a0\u00bb.
\nL’espace, autrement dit, dans son caract\u00e8re absolu, s’assimile au sensorium Dei, permettant de se d\u00e9ployer \u00e0 la recherche alchimique, et \u00e0 l’intuition de fond de l’art astrologique, selon lesquelles la sympathie universelle s’exerce sous l’inspiration de la divinit\u00e9, et par la cr\u00e9ation de forces qui \u00e9tablissent des Lois universelles de coh\u00e9rence qui sont autant de traductions des structures intimes de l’\u00catre. Reprenant en effet les plus vielles r\u00eaveries humaines sur le ph\u00e9nom\u00e8ne magn\u00e9tique comme indice de l’Amour et signature d’une \u00c9rotologie divine qui assure l’authenticit\u00e9 du processus alchimique (Platon ne disait-il pas d\u00e9j\u00e0 sur cette base que \u00ab\u00a0la Divinit\u00e9, \u00e0 travers tous ces interm\u00e9diaires, attire o\u00f9 il lui pla\u00eet l’\u00e2me des humains, en faisant passer cette force de ‘une \u00e0 l’autre\u00a0\u00bb?), Newton en vient \u00e0 parler de \u00ab\u00a0cette esp\u00e8ce d’esprit tr\u00e8s subtil qui p\u00e9n\u00e8tre \u00e0 travers tous les corps solides et qui est cach\u00e9 dans leur substance ; c’est par la force et l’action de cet esprit que les particules du corps s’attirent mutuellement aux plus petites distances, et qu’elles coh\u00e9rent lorsqu’elles sont contigu\u00ebs\u00a0\u00bb.<\/p>\n

p. 45 ; L’illumination chez Newton ; \u00ab\u00a0Le g\u00e9nie de Newton ne s’est pas manifest\u00e9 du d\u00e9part par un raisonnement, mais par l’intuition que la notion de force, aussi \u00ab\u00a0obscurantiste\u00a0\u00bb et aussi \u00ab\u00a0tautologique\u00a0\u00bb qu’elle fut, pourrait \u00eatre fructueuse\u00a0\u00bb. Les d\u00e9marches ult\u00e9rieures : \u00e9tablissement du formalisme math\u00e9matique, etc., rel\u00e8vent d’op\u00e9rations d’une logique impeccable, mais la d\u00e9marche premi\u00e8re n’est pas \u00ab\u00a0logique\u00a0\u00bb. C’est une illumination soudaine (\u00ab\u00a0c’est ainsi que la nature fonctionne\u00a0\u00bb) qui ne rel\u00e8ve pas de l’\u00eatre rationnel, mais du moi profond, au niveau de son enracinement dans la nature\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 48-49 ; Jung et l’inconscient collectif ; \u00ab\u00a0Est-ce \u00e0 cela que renvoie un Bernard d’Espagnat quand il \u00e9crit par exemple : \u00ab\u00a0La notion d’appels de l’\u00catre fait rapidement penser \u00e0 celle d’arch\u00e9type : et pour ma part, je n’\u00e9carte pas l’hypoth\u00e8se selon laquelle les arch\u00e9types de Jung seraient une forme d’appels de l’\u00catre, bien que lui-m\u00eame, peut-\u00eatre, ne les ait pas con\u00e7us ainsi?\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) L’inconscient collectif n’est donc pas collectif au sens (ou plut\u00f4t, au contresens) social, ethnique ou g\u00e9n\u00e9tique qu’on veut d’habitude lui donner, mais il repr\u00e9sente des structures objectives de la psych\u00e9 humaine en tant que telle, structures en relation avec les structures d’ensemble de l’univers o\u00f9 nous vivons. Comme l’explique clairement Jung, \u00ab\u00a0cet inconscient est comme de l’air, partout le m\u00eame, inspir\u00e9 par tous, n’appartenant \u00e0 personne. Ses contenus (appel\u00e9s arch\u00e9types) sont, sommairement, des conditions pr\u00e9alables ou des esquisses de l’\u00e9tat psychique g\u00e9n\u00e9ral. Ils sont un esse in potentia<\/em> et in actu<\/em>, mais pas in re<\/em>, car comme res <\/em>ils ne sont plus ce qu’ils \u00e9taient, mais sont devenus des contenus psychiques. Ils sont imperceptibles en soi, inimaginables (puisqu’ils pr\u00e9c\u00e8dent toute imagination), partout et \u00e9ternellement les m\u00eames. Il n’y a par cons\u00e9quent qu’un inconscient collectif qui est partout identique \u00e0 lui-m\u00eame et duquel le psychique se forme avant d’\u00eatre personnalis\u00e9, modifi\u00e9 et assimil\u00e9 par des influences ext\u00e9rieures.<\/p>\n

(…) * C.G. Jung, Briefe, T. 1, Ed. Walter Verlag. Voir aussi le m\u00eame exemple dans Les Racines de la conscience, op. cit.<\/em><\/p>\n

* Voir par exemple la mani\u00e8re dont Jean-Marie Benoist parle de l’effroi sacr\u00e9 avec lequel les jungiens se pencheraient selon lui sur les ab\u00eemes d’un inconscient substantifi\u00e9 (dans : La R\u00e9volution Structurale, <\/em>Ed. Grasset).\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 60 ; \u00ab\u00a0On sera peut-\u00eatre \u00e9tonn\u00e9, \u00e0 propos de la science et de la fa\u00e7on dont elle se construit dans la logique de la d\u00e9couverte, dans l’exercice en acte de ce que G\u00e9rald Holton appelle l’imagination scientifique, de nous voir effectuer un d\u00e9tour aussi long par une \u00e9tude de la psych\u00e9, et l’\u00e9vocation \u00e0 grands traits d’une \u00e9pist\u00e9mologie de l’inconscient. L’\u00e9tonnement, il me semble, a d\u00fb cesser \u00e0 pr\u00e9sent -dans la mesure o\u00f9 l’on distingue, dans un large panorama, le contenu que recelait cette phrase d’Hubert Reeves sur quoi se terminait notre exemple de Newton : \u00ab\u00a0C’est une illumination soudaine (\u00ab\u00a0c’est ainsi que la nature fonctionne\u00a0\u00bb), qui ne rel\u00e8ve pas de l’\u00eatre rationnel, mais du moi profond, au niveau de son enracinement dans la nature\u00a0\u00bb- quitte \u00e0 ce que se mettent ensuite en marche tous les processus de la rationalisation active dont parlait Gaston Bachelard, et qui aboutissent \u00e0 l’\u00e9tablissement d’une lecture \u00ab\u00a0objective\u00a0\u00bb de l’univers \u00ab\u00a0objectif\u00a0\u00bb par r\u00e9am\u00e9nagements successifs de la sph\u00e8re rationnelle.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 61 ; \u00ab\u00a0Sans s’aventurer aussi loin, on peut pourtant lui accorder qu’un certain nombre d’id\u00e9es de base sont en effet communes \u00e0 la physique la plus fine et \u00e0 la psychologie des profondeurs : celle de compl\u00e9mentarit\u00e9 par exemple qui est particuli\u00e8rement proche, pour ne pas dire identique en psychologie jungienne \u00e0 celle que d\u00e9veloppait Niels Bohr *<\/p>\n

(…) * voir N. Bohr, Physique atomique et connaissance humaine, Exposition de la similitude par Pauli dansNaturwissenschaftliche… op. cit.<\/em><\/p>\n

* M. L. von Franz, La Science et l’Inconscient, dans C. G. Jung et ali, L’Homme et ses symboles, <\/em>Robert Laffont.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 62 ; \u00ab\u00a0C’est pourquoi aussi Pauli devait normalement \u00e9tendre la notion de compl\u00e9mentarit\u00e9 jusqu’aux relations de la conscience et de l’inconscient -confortant de la sorte l’une des avanc\u00e9es les plus f\u00e9condes de Jung- et r\u00e9pondant du m\u00eame coup au programme de Niels Bohr, qui \u00e9tait bien de faire de la compl\u00e9mentarit\u00e9 l’une des bases essentielles d’une nouvelle \u00e9pist\u00e9mologie . \u00ab\u00a0Nous rencontrons dans bien d’autres domaines de la connaissance des situations qui rappellent celle que nous connaissons en physique quantique. ainsi, l’int\u00e9grit\u00e9 des organismes vivants, et les caract\u00e9ristiques de la conscience des individus, autant que celles des cultures humaines, pr\u00e9sentent les traits d’un tout, qui impliquent, pour en rendre compte, un mode de description typiquement compl\u00e9mentaire (…)\u00a0\u00bb D\u00e8s 1929, en effet, Niels Bohr faisait appel aux \u00ab\u00a0analogies psychologiques\u00a0\u00bb pour asseoir sa th\u00e9orie, et il \u00e9tendait celle-ci \u00e0 la fin de sa vie \u00e0 des domaines aussi divers que ceux de la physique, de la biologie, de la psychologie ou de l’anthropologie sociale* -\u00e0 quoi r\u00e9pondent sans doute ces lignes d’Oppenheimer : \u00ab\u00a0La compr\u00e9hension de la compl\u00e9mentarit\u00e9 de la vie consciente et de son interpr\u00e9tation physique me para\u00eet un \u00e9l\u00e9ment permanent de l’intelligence humaine et l’expression exacte de vieilles conceptions connues sous le nom de parall\u00e9lisme psycho-physique. Car la vie consciente et ses relations avec la description du monde physique offrent bien d’autres exemples. Il y a la relation entre les faces intellectives et affectives de nos vies, entre la connaissance de l’analyse et l’\u00e9motion ou le sentiment (…) La f\u00e9condit\u00e9 et la diversit\u00e9 de la physique, celles, plus consid\u00e9rables, de l’ensemble des sciences de la nature, la richesse plus famili\u00e8re, mais encore \u00e9trange et infiniment plus grande de la vie de l’esprit humain, accrues par des moyens compl\u00e9mentaires, non imm\u00e9diatement compatibles, et irr\u00e9ductibles l’un \u00e0 l’autre, sont plus harmonieuses. Elles sont les \u00e9l\u00e9ments de la peine de l’homme et de sa splendeur, de sa d\u00e9bilit\u00e9 et de sa puissance, de sa mort, de son existence \u00e9ph\u00e9m\u00e8re et de ses immortels exploits*:\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) * N. Bohr, Le Quantum d’action et la description des ph\u00e9nom\u00e8nes,<\/em> Ed. Gauthier Villars.<\/p>\n

* N. Bohr, Atomes et Connaissance, dans Physique atomique…, op. cit.<\/em><\/p>\n

* J. R. Oppenheimer, La Science et le bon sens,<\/em> Gallimard.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 64-65 ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbL’ordre explicite et manifeste de la conscience n’est pas, finalement, distinct de la mati\u00e8re. Fondamentalement, ce sont deux aspects, diff\u00e9rents par essence, d’un m\u00eame ordre global. Cela explique un fait de base…, \u00e0 savoir que l’ordre explicite de la mati\u00e8re est aussi par essence l’ordre sensoriel g\u00e9n\u00e9ral qui imprime dans la conscience l’exp\u00e9rience ordinaire. Non seulement \u00e0 ce point de vue, mais sous d’autres aspects importants, la conscience et l’ensemble de la mati\u00e8re constituent fonci\u00e8rement le m\u00eame ordre (c’est-\u00e0-dire l’ordre impliqu\u00e9 comme globalit\u00e9). Cet ordre est le fondement commun qui rend possibles leurs relations (…). Cette connexion du corps (et de la mati\u00e8re) et de l’esprit est commun\u00e9ment qualifi\u00e9e de psychosomatique (…). Toutefois, l’usage courant de ce terme est de nature \u00e0 impliquer l’existence s\u00e9par\u00e9e de l’esprit et du corps, mais avec certains rapports d’interaction. Une telle sp\u00e9cification n’est pas compatible l’ordre impliqu\u00e9. Celui-ci nous oblige \u00e0 dire que l’esprit involue la mati\u00e8re en g\u00e9n\u00e9ral et le corps en particulier. De m\u00eame le corps involu non seulement l’esprit mais aussi, en g\u00e9n\u00e9ral, la totalit\u00e9 de l’univers mat\u00e9riel. Le corps et l’esprit peuvent donc \u00eatre qualifi\u00e9s de facteurs d’un sous-ensemble plus vaste qui est leur fondement commun.\u00a0\u00bb Ce qui en revient \u00e0 dire que ce sont des facteurs autonomes, et m\u00eames irr\u00e9ductibles, dans leur manifestation, mais unifi\u00e9s dans leurs racines, compl\u00e9mentaires dans leur actualit\u00e9 mais identiques dans leur potentialit\u00e9, et reli\u00e9s de nouveau dans une unit\u00e9 sup\u00e9rieure quand on a pris conscience de ce jeu de l’implicite et de l’explicite, du virtuel unique et de l’actuel multiple et s\u00e9par\u00e9: \u00ab\u00a0L’esprit devient un principe de mouvement de la mati\u00e8re (et vice-versa, puisque la condition de la mati\u00e8re est le principe gr\u00e2ce auquel l’esprit peut agir)… Par cons\u00e9quent, si vous deviez consid\u00e9rer le mouvement total, vous pourriez dire que la mati\u00e8re et l’esprit \u00e9taient identiques au d\u00e9part.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 66 ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbLe mystique peut exp\u00e9rimenter l’immanence (la source fondamentale) et la transcendance (l’unit\u00e9 sup\u00e9rieure des oppos\u00e9s) de la totalit\u00e9, (…) en \u00e9prouvant d’ailleurs de grandes difficult\u00e9s \u00e0 parler de chacun des deux domaines, sauf en termes po\u00e9tiques ou symboliques (…). Certains mystiques ont m\u00eame indiqu\u00e9 que l’ordre impliqu\u00e9 est une notion ad\u00e9quate \u00e0 leurs exp\u00e9riences ou \u00e0 leurs illuminations. Celui d’entre eux qui se rapproche le plus de notre suggestion d’un tel ordre est Nicolas de Cuse, avec l’emploi qu’il effectue des termes d’implicatio<\/em>, d’explicatio <\/em>et de complicatio<\/em>, et encore plus dans son affirmation selon laquelle \u00ab\u00a0l’\u00e9ternit\u00e9 involue et d\u00e9place \u00e0 la fois la dur\u00e9e\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb
\np. 67 ; \u00ab\u00a0Si on y ajoute cette id\u00e9e que nous avons d\u00e9j\u00e0 point\u00e9e (mais qu’il faudra mieux \u00e9tudier), \u00e0 savoir que nous sommes nous-m\u00eames partie de cette r\u00e9alit\u00e9, -comme un \u00e9l\u00e9ment autonome, distanci\u00e9, particulier, et pourtant aussi reli\u00e9,- et que nous sommes en quelque sorte, de ce fait, le vecteur de sa r\u00e9v\u00e9lation (\u00ab\u00a0Nous pouvons participer au Tout et par l\u00e0 aider \u00e0 lui donner un sens… Nous sommes un composant intrins\u00e8que de l’univers, qui serait incomplet sans nous dans un certain sens fondamental\u00a0\u00bb), on comprend alors mieux les consid\u00e9rations de Jung dans l’avant-dernier chapitre du Mysterium Conjunctionis:<\/em> \u00ab\u00a0Notre connaissance ne fait pas le tour de ce qui est, si bien que nous ne sommes pas en mesure de formuler des propositions de quelque genre que ce soit sur sa nature globale. La microphysique s’avance \u00e0 t\u00e2tons dans l’inconnu de la mati\u00e8re comme la psychologie des profondeurs dans l’inconnu de la psych\u00e9. Ces deux voies d’exploration aboutissent \u00e0 des d\u00e9couvertes qui ne se laissent illustrer que par des antinomies et d\u00e9veloppent des id\u00e9es qui pr\u00e9sentent \u00e0 bien des \u00e9gards des analogies remarquables. Si ce d\u00e9veloppement devait s’accentuer encore \u00e0 l’avenir, on en arriverait \u00e0 l’hypoth\u00e8se que ces deux voies d’exploration de la r\u00e9alit\u00e9 ont un seul et m\u00eame objet. Il n’y a gu\u00e8re d’espoir, il est vrai, que l’\u00eatre unitaire puisse jamais \u00eatre repr\u00e9sent\u00e9, puisque la seule ressource de la pens\u00e9e et du langage est, dans ce cas, d’\u00e9tablir des propositions antinomiques. Mais nous savons aujourd’hui d’une fa\u00e7on qui ne laisse aucune place au doute que les ph\u00e9nom\u00e8nes empiriques reposent sur une base transcendantale : c’est l\u00e0 un \u00e9tat de chose qui, comme l’a d\u00e9j\u00e0 montr\u00e9 Sir James Jeans, peut s’exprimer par le mythe platonicien de la caverne. L’arri\u00e8re-plan commun de la micro-physique et de la psychologie dite des profondeurs est autant physique que psychique, c’est-\u00e0-dire qu’il n’est ni l’un ni l’autre, mais constitue un troisi\u00e8me terme, une nature neutre qui ne peut \u00eatre saisie, au mieux, que d’une mani\u00e8re allusive, car son noyau est transcendantal. L’arri\u00e8re-plan de notre univers empirique appara\u00eet en fait comme un unus mundus<\/em>, un \u00ab\u00a0monde un\u00a0\u00bb.
\np. 68-69 ; \u00ab\u00a0On est tr\u00e8s proche ici de l’assertion de Bohm : \u00ab\u00a0La totalit\u00e9 peut \u00eatre d\u00e9crite comme \u00e9tant en un sens, \u00e0 la fois immanence et transcendance, et dans un autre sens comme n’\u00e9tant ni immanence ni transcendance, car elle d\u00e9borde de fait toute possibilit\u00e9 de description. Apr\u00e8s tout, les mots sont limit\u00e9s, ils ne renvoie \u00e0 son tour \u00e0 telles phrases de Nicholas de Cuse dont Bohm se sent si proche : \u00ab\u00a0(Dieu) est l’ineffable au-del\u00e0 de l’affirmation comme de la n\u00e9gation\u00a0\u00bb, -ce qui signifie aussi bien que \u00ab\u00a0le plus haut intellect ne peut saisir l’infini, l’illimit\u00e9, l’Un\u00a0\u00bb (la pens\u00e9e ou l’entendement ne pouvant d\u00e9passer le niveau du contradictoire, et concevant de ce fait la \u00ab\u00a0divinit\u00e9\u00a0\u00bb comme une union des contraires : les antinomies compl\u00e9mentaires de Niels Bohr ou de Jung), et que \u00ab\u00a0toute d\u00e9claration \u00e0 son sujet reste en suspens entre l’affirmation et la n\u00e9gation, de sorte qu’on ne pourrait dire \u00e0 son \u00e9gard qu’il n’est ni \u00eatre, ni non-\u00eatre, ni \u00eatre et non-\u00eatre \u00e0 la fois\u00a0\u00bb. Intuition primordiale que l’on retrouve aussi bien dans le n\u00e9o-platonisme des P\u00e8res Grecs de l’Eglise (\u00ab\u00a0En toi seul tout demeure.\/En toi, d’un m\u00eame \u00e9lan tout d\u00e9ferle.\/De tous les \u00eatres tu est la fin.\/ Tu est unique.\/Tu est chacun et tu n’est aucun.\/Tu n’est pas un \u00eatre, tu n’est pas l’ensemble:\/tu as tous les noms ; comment t’appellerais-je,\/Toi, le seul qu’on ne peut nommer ?\u00a0\u00bb chante Gr\u00e9goire de Nazianze, et Denys l’Ar\u00e9opagite : \u00ab\u00a0Le myst\u00e8re qui est au-del\u00e0 m\u00eame de Dieu, \/l’Ineffable, \/celui que tout nomme,\/la n\u00e9gation totale, \/l’au-del\u00e0 de toute affirmation et de toute n\u00e9gation…\u00a0\u00bb)\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 70 ; \u00ab\u00a0* Voir (…) les mises en garde vigoureuses, et l\u00e9gitimes, de B. de l’Espagnat dans A la recherche du r\u00e9el,<\/em> Ed. Gauthier Villars, et Un atome de sagesse…op.cit.<\/em> \u00ab\u00a0<\/p>\n

p. 71 ; \u00ab\u00a0* B. d’Espagnat, Un atome de sagesse…op. cit\u00e9<\/em>\u00ab\u00a0<\/p>\n

p. 73 ; \u00ab\u00a0Tout comme le reflet du soleil est \u00e0 la fois r\u00e9el et illusoire, ainsi l’\u00eatre contingent est \u00e0 la fois r\u00e9el et illusoire. image, si l’on pr\u00e9tendait l’isoler de l’objet et le r\u00e9duire \u00e0 lui-m\u00eame, il cesserait aussit\u00f4t d’\u00eatre, puisque c’est uniquement la relation actuelle \u00e0 l’objet r\u00e9el qui le pose comme reflet r\u00e9el . (…) Ainsi le monde entendu comme la totalit\u00e9 des existants est \u00e0 la fois r\u00e9alit\u00e9 et illusion (maya ), r\u00e9alit\u00e9 en lui-m\u00eame, illusion au regard de la R\u00e9alit\u00e9 supr\u00eame dont participe tout ce qui a quelque r\u00e9alit\u00e9 et sans laquelle il n’est rien qui soit, sine quo nihil est . On doit bien comprendre, toutefois, que rien n’est illusoire en soi. L’illusion est toute enti\u00e8re en celui qui prend le reflet pour le soleil lui-m\u00eame ou le monde pour la R\u00e9alit\u00e9 . L’illusion, c’est l’ignorance.\u00a0\u00bb Ce que l’on pourrait aussi traduire en disant que la maya est amour d\u00e9ploy\u00e9 de l’\u00catre, et qu’\u00e0 la penser comme elle est, elle se donne comme appel \u00e0 remonter vers l’\u00catre -ou encore en d’autres termes : l’illusion ne repr\u00e9sente pas la non-r\u00e9alit\u00e9, puisque toute r\u00e9alit\u00e9 est effectivement r\u00e9elle (et le monde existe bien, et les autres et moi-m\u00eame, nous existons en effet par-del\u00e0 tout doute possible), elle est la m\u00e9connaissance de ce que les r\u00e9alit\u00e9s s’originent dans la R\u00e9alit\u00e9, elle est l’illusion dramatique qui voudrait d\u00e9nier l’id\u00e9e que l’\u00catre est en toute choses sans que toutes choses soient dans l’\u00catre .\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 75 ; \u00ab\u00a0On voit aussi en fin de compte comme l’univers alors, de l’\u00catre \u00e0 l’homme et de l’homme \u00e0 l’Etre -dans une sorte d’ellipse dont les centres se refl\u00e8tent en s’inversant de l’actuel au potentiel, et du vide au trop-plein- est un univers ternaire qui d\u00e9passe les oppositions st\u00e9riles du dualisme m\u00e9taphysique (la conscience et la mati\u00e8re, le sensible et l’intelligible, etc.) en cr\u00e9ant un tertium<\/em> qui est aussi un novum<\/em> pour reprendre le mot d\u00e9j\u00e0 cit\u00e9 de Jung, ce novum que serait l’\u00e2me entre le corps et l’esprit, ou l’imagination agente entre l’empirie et l’intellect. C’est dans cette r\u00e9gion en effet que se n\u00e9gocie le dialogue de ces deux derniers termes, ou comme l’exprime Shayegan, \u00ab\u00a0aucune r\u00e9gion de l’\u00e9tant n’a de raison d’\u00eatre, si elle n’a une contrepartie arch\u00e9typique dans l’\u00e2me de l’homme.\u00a0\u00bb Qu’est-ce \u00e0 dire r\u00e9ellement, si ce n’est que le lieu de l’imagination, entre le monde des Intelligences et celui des ph\u00e9nom\u00e8nes sensibles, ant\u00e9rieur \u00e0 l’un et post\u00e9rieur \u00e0 l’autre dans une \u00ab\u00a0chronique\u00a0\u00bb ontologique (ou bien vice versa dans le retour vers l’\u00catre), est ce lieu privil\u00e9gi\u00e9, ce topos singulier qui rend possible la coexistence de ces deux mondes, leur \u00ab\u00a0simultan\u00e9it\u00e9 consubstantielle\u00a0\u00bb, dans la mesure o\u00f9 ce lieu est l’endroit ontologique O\u00f9 l’esprit a pris forme et d’o\u00f9 le sensible prend son id\u00e9e avant son d\u00e9ploiement mat\u00e9riel.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 76-77 ; \u00ab\u00a0Comme champ originel des Id\u00e9es divines de Platon ou des Essences-fixes de l’Islam, il est donc source de connaissances -les connaissances crois\u00e9es de la perception et du concept- et fonction connaissante du monde qu’il engendre, qui est le lieu interm\u00e9diaire entre l’\u00catre et le monde, le monde imaginal<\/em> dont parle Henry Corbin. Rappelons-nous la mani\u00e8re dont ce dernier pr\u00e9sentait cette troisi\u00e8me connaissance. Voici des si\u00e8cles, disait-il, \u00ab\u00a0que la philosophie occidentale, entra\u00een\u00e9e dans le sillage des sciences positives, n’admet que deux sources du Conna\u00eetre. Il y a la perception sensible, fournissant les donn\u00e9es que l’on appelle empiriques. Et il y a les concepts de l’entendement, le monde des lois r\u00e9gissant ces donn\u00e9es empiriques. Certes, la ph\u00e9nom\u00e9nologie a modifi\u00e9 et d\u00e9plac\u00e9 cette gnos\u00e9ologie simplificatrice. mais il reste qu’entre les perceptions sensibles et les intuitions ou les cat\u00e9gories de l’intellect, la place est rest\u00e9e vide. Ce qui aurait d\u00fb prendre place entre les uns et les autres, et qui ailleurs occupait cette place m\u00e9diane, \u00e0 savoir l’imagination active, fut laiss\u00e9 aux po\u00e8tes. Que cette imagination active dans l’homme (il faudrait dire imagination agente, comme la philosophie m\u00e9di\u00e9vale parlait de l’Intelligence agente), ait sa fonction no\u00e9tique ou cognitive propre, c’est-\u00e0-dire qu’elle nous donne acc\u00e8s \u00e0 une r\u00e9gion et une r\u00e9alit\u00e9 de l’\u00catre qui sans elle nous reste ferm\u00e9e et interdite, c’est ce qu’une philosophie scientifique, rationnelle et raisonnable, ne pouvait envisager. Il \u00e9tait entendu pour elle que l’Imagination ne s\u00e9cr\u00e8te que de l’imaginaire, c’est-\u00e0-dire de l’irr\u00e9el, du mystique, du merveilleux et de la fiction.\u00a0\u00bb<\/p>\n

(…) * H. Corbin, Pour une charte de l’imaginal , dans Corps spirituel et Terre c\u00e9leste ,<\/em> Buchet-Chastel.<\/p>\n

* H. Corbin, l’Imagination cr\u00e9atrice dans le soufisme d’Ibn’ Arabi ,<\/em> Flammarion.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 78 ; \u00ab\u00a0L’invention survient dans l’inconscient avant de devenir manifeste \u00e0 l’esprit conscient dans un \u00e9clair d’illumination…\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 79 ; \u00ab\u00a0Parmi les savants consult\u00e9s, Albert Einstein souligna combien le champ de la rationalit\u00e9 \u00e9tait \u00e9troit, et comme il \u00e9tait incapable d’embrasser l’ensemble des harmoniques requises par le travail syncr\u00e9tique d’un esprit r\u00e9ellement cr\u00e9ateur. (…) La science de demain ne pourra pas rester longtemps dans l’ignorance de la mani\u00e8re dont se passent ses propres rencontres avec le myst\u00e8re, et des cons\u00e9quences qui doivent en d\u00e9couler. La science devra t\u00f4t ou tard s’embarquer dans ces nouveaux projets, et en agissant ainsi, m\u00eame si elle ne trouve pas de solutions pour apaiser nos anxi\u00e9t\u00e9s actuelles, elle cr\u00e9era un nouveau sentiment \u00e0 son sujet, cette fois r\u00e9ellement universel, parce que la grande aventure scientifique de demain aura alors un \u00e9gal besoin de toutes les cultures, de toutes les mani\u00e8res de penser, d’agir, de prouver, de croire et d’esp\u00e9rer.\u00a0\u00bb<\/p>\n

* On verra plus loin comment Einstein mettait lui-m\u00eame en jeu dans ses propres conceptions une certaine appr\u00e9hension arch\u00e9typique du monde, et comment c’est cette p\u00e9tition de principe de nature inconsciente (beaucoup plus que sa raison ), qui avait d\u00e9j\u00e0 men\u00e9 la physique sur la voie des quanta, qui l’opposa pourtant plus tard \u00e0 l’interpr\u00e9tation par Niels Bohr de la m\u00e9canique quantique.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 81 ; \u00ab\u00a0Ainsi Bohm lui-m\u00eame, jadis porte-drapeau des physiciens \u00ab\u00a0mat\u00e9rialistes\u00a0\u00bb, en est-il venu maintenant \u00e0 dire que les objets per\u00e7us sont seulement des \u00ab\u00a0projections\u00a0\u00bb de ce qui est . Platon, lui, parlait d'\u00a0\u00bbombres\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 95-96 ; \u00ab\u00a0Encore plus claire sur ce point est la confession de Gauss \u00e0 Olbers, quant \u00e0 sa d\u00e9couverte d’une des r\u00e8gles de la th\u00e9orie des nombres : \u00ab\u00a0Finalement, lui \u00e9crit-il, voici deux jours, la solution est venue, non point par de laborieuses recherches, mais par la gr\u00e2ce de Dieu, devrais-je dire. L’\u00e9nigme s’est r\u00e9solue d’elle-m\u00eame comme en un \u00e9clair, sans que je sois capable de montrer le fil conducteur qui relie ce que je savais d\u00e9j\u00e0, les \u00e9l\u00e9ments que m’avaient fournis mes derni\u00e8res recherches, et ce qui produisit le r\u00e9sultat final.\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 101 ; \u00ab\u00a0Lorsque Jean-Pierre Vigier croit pouvoir affirmer que \u00ab\u00a0le proc\u00e8s de la raison s’est ouvert \u00e0 Cordoue : au cours de ce colloque, les sp\u00e9cialistes r\u00e9unis, d\u00e9non\u00e7ant la division entre la pens\u00e9e v\u00e9cue (ou conscience), et la pens\u00e9e analytique (ou raison), ont vivement revendiqu\u00e9 les droits de la conscience, seule capable d’unifier le savoir et d’ordonner la nature\u00a0\u00bb\u00a0\u00bb.<\/p>\n

p. 102 ; \u00ab\u00a0Bernard d’Espagnat, sur ce point, est bien plus ad\u00e9quat quand il aborde par exemple le probl\u00e8me que nous posent les philosophies orientales : \u00ab\u00a0L’une de leurs th\u00e8ses principales, \u00e9crit-il, est celle de l’unit\u00e9 profonde de l’\u00catre (ce qu’il vient juste d’appeler \u00ab\u00a0une r\u00e9alit\u00e9-derri\u00e8re-les-choses myst\u00e9rieuse mais tr\u00e8s pr\u00e9sente\u00a0\u00bb) que la diversit\u00e9 et le chaos des apparences dissimuleraient au regard des sens. Or-comme l’ont bien not\u00e9 nagu\u00e8re les physiciens th\u00e9oriciens Heisenberg et Schr\u00f6dinger et comme il se confirme \u00e0 l’heure actuelle- aux yeux de la nouvelle physique cette profonde unit\u00e9 de l’\u00catre qu’avait entrevue la pens\u00e9e orientale para\u00eet bien \u00eatre une v\u00e9rit\u00e9 profonde.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 109 ; \u00ab\u00a0* A. Koestler, La Qu\u00eate de l’absolu ,<\/em> Calmann-L\u00e9vy.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 111 ; Marx ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbpour l’homme socialiste, toute l’histoire universelle n’\u00e9tant pas autre chose que la procr\u00e9ation de l’homme par le travail humain, le devenir de la nature pour l’homme, il poss\u00e8de la preuve visible de son enfantement par soi-m\u00eame, du processus de sa cr\u00e9ation\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb
\np. 116 , \u00ab\u00a0C’est ce lieu de nos jours qu’il s’agit de reconna\u00eetre, ce topos u-topique , ce pays du non-o\u00f9 , le N\u00e2-Koj\u00e2-\u00e2bad<\/em> dont parlait Sohravardi dans l’Archange empourpr\u00e9 , o\u00f9 l’alchimie s’\u00e9prouve comme alchimie spirituelle .\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 117 ; \u00ab\u00a0* D. Shayegan, Pourquoi le Colloque de Cordoue ?<\/em>, Contrepoint, 37, 1981″<\/p>\n

p. 121 ; \u00ab\u00a0De la m\u00eame mani\u00e8re que les travaux d’optique de Huyghens, les avanc\u00e9es de Descartes et la th\u00e9orie newtonienne (m\u00eame si elles ont \u00e9t\u00e9 v\u00e9cues en leur temps sur le mode antinomique), instaurent \u00e0 l’\u00e9vidence, dans un contre-coup n\u00e9cessaire, \u00ab\u00a0une vision math\u00e9matique du monde qui, d\u00e9truisant le concept organique de nature et le rapport immanent Dieu-Univers (qui s’\u00e9tait install\u00e9 durant la Renaissance ), r\u00e9tablit de plus belle la transcendance du divin en r\u00e9duisant cette fois la nature aux lois math\u00e9matiques du mouvement m\u00e9canique. Dieu devient alors un \u00eatre tout-puissant n’ayant aucune relation directe avec le monde, tandis que le livre de la nature est d\u00e9crit en \u00ab\u00a0lettres math\u00e9matiques\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 138-139 ; \u00ab\u00a0…et de l’autre c\u00f4t\u00e9, rejoignant David Bohm, mais aussi von Neumann ou Werner Heisenberg, que le tout ne peut \u00eatre connu puisque notre connaissance d\u00e9pend per se de la situation exp\u00e9rimentale : \u00ab\u00a0la r\u00e9alit\u00e9 totale nous est non seulement inconnue, mais m\u00eame inconnaissable\u00a0\u00bb. Comme l’exprimait Niels Bohr, \u00ab\u00a0dans la m\u00e9canique quantique, nous n’avons pas \u00e0 faire avec un abandon arbitraire d’une analyse plus pouss\u00e9e des ph\u00e9nom\u00e8nes des ph\u00e9nom\u00e8nes atomiques, mais avec la reconnaissance du fait qu’une telle analyse est par principe exclue*\u00a0\u00bb, ce qui revient \u00e0 poser qu’une \u00ab\u00a0r\u00e9alit\u00e9 ind\u00e9pendante au sens physique ordinaire ne peut \u00eatre attribu\u00e9e ni aux ph\u00e9nom\u00e8nes, ni aux dispositifs d’observation\u00a0\u00bb.<\/p>\n

On s’aper\u00e7oit sur-le-champ des \u00e9normes implications d’une telle fa\u00e7on de voir, qui conduit \u00e0 poser que la r\u00e9alit\u00e9, en fin de compte, est peut-\u00eatre tout \u00e0 fait autre chose que ce que nous avons jamais cru (tout au moins jusqu’ici et dans l’aire occidentale), et qu’elle s’appuie de toute fa\u00e7on sur une totalit\u00e9 indivisible que nous ne pouvons pas dominer, les conditions de la mesure et les relations d’incertitude pos\u00e9es par Heisenberg nous menant \u00e0 penser que \u00ab\u00a0l’ind\u00e9termination des ph\u00e9nom\u00e8nes quantiques est un cas particulier de l’impossibilit\u00e9 de l’auto-connaissance dans les syst\u00e8mes finis\u00a0\u00bb
\n* N. Bohr, Physique atomique …op. cit\u00e9.<\/em> Comme le commente H. Stapp, l’interpr\u00e9tation classique de la physique quantique \u00ab\u00a0repr\u00e9sente dans son ensemble le rejet du pr\u00e9suppos\u00e9 selon lequel la nature pourrait \u00eatre comprise en termes r\u00e9els d’objets \u00e9l\u00e9mentaires pr\u00e9sents dans l’espace-temps (…) Cette description pragmatique contraste avec d’autres qui promettent de regarder \u00ab\u00a0derri\u00e8re le d\u00e9cor\u00a0\u00bb et de nous dire \u00ab\u00a0ce qui se passe en r\u00e9alit\u00e9\u00a0\u00bb ; The Copenhagen Interpretation and The Nature of Space-Time, American Journal of Physics ,<\/em> n. 40, 1972.<\/p>\n

(…) \u00ab\u00a0la chose qu’on a toujours nomm\u00e9e particule et qui est encore par la force de l’habitude appel\u00e9e d’un nom de ce genre, n’est certainement pas une identit\u00e9 individuellement identifiable\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 144 ; Heisenberg ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbl’objet de la recherche n’est plus la nature en soi, mais la nature livr\u00e9e \u00e0 l’interrogation humaine, et dans cette mesure l’homme ne rencontre ici que lui-m\u00eame\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 149 ; Th\u00e9or\u00e8me d’incompl\u00e9tude de G\u00f6del ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbsi un corps d’axiomes est suffisamment riche pour construire l’arithm\u00e9tique, la coh\u00e9rence du syst\u00e8me bas\u00e9 sur ces axiomes ne pourra \u00eatre d\u00e9montr\u00e9e sans faire appel \u00e0 d’autres axiomes. Autrement dit, ayant adopt\u00e9 une telle axiomatique, il sera toujours possible de trouver une proposition P dont on ne pourra d\u00e9montrer qu’elle est juste ou qu’elle est fausse : cette proposition sera ind\u00e9cidable\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 150 ; \u00ab\u00a0Apr\u00e8s G\u00f6del, en effet, \u00ab\u00a0les bases ultimes des math\u00e9matiques et leur signification propre demeurent un probl\u00e8me ouvert\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 157 ; \u00ab\u00a0Le principe d’incertitude se r\u00e9v\u00e8le de ce pas comme encore bien plus riche que ne l’avions suppos\u00e9, car il affirme d\u00e9sormais que le physicien est impliqu\u00e9 dans le monde qu’il observe, et il se pr\u00e9sente par l\u00e0 m\u00eame comme la \u00ab\u00a0mesure\u00a0\u00bb de cet engagement aussi bien que comme celle de l’unit\u00e9 et de l’inter-relation. C’est la position de Niels Bohr selon laquelle la th\u00e9orie quantique interdit de penser que le monde physique est enti\u00e8rement s\u00e9par\u00e9 de son observateur<\/p>\n

(…) \u00ab\u00a0la science retrouve comme un probl\u00e8me la pr\u00e9sence au monde de l’homme qui la fait\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 158 ; Feynman ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbLa nature elle-m\u00eame ne sait pas par quel trou va passer l’\u00e9lectron\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 159 ; B. d’Espagnat ; \u00ab\u00a0\u00a0\u00bbLa richesse du r\u00e9el d\u00e9borde chaque langage, chaque structure logique, chaque \u00e9clairage conceptuel\u00a0\u00bb.<\/p>\n

(…) B. d’Espagnat, Mati\u00e8re et r\u00e9alit\u00e9 ,<\/em> dans La Mati\u00e8re aujourd’hui ,<\/em> ouvrage collectif sous la direction d’E. No\u00ebl, Le Seuil. Voir l’explication d\u00e9taill\u00e9e de la notion d’objectivit\u00e9 faible dans B. d’Espagnat, A la recherche…, op. cit\u00e9<\/em> .\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 163 ; \u00ab\u00a0Il semble bien en effet que Pauli et Niels Bohr, Heisenberg et les autres \u00e9taient tout \u00e0 fait en droit de proclamer que leurs d\u00e9couvertes sonnaient le glas, philosophiquement, des th\u00e9ories mat\u00e9rialistes- sans verser pour autant dans un plat id\u00e9alisme. Comme le note William Beck, si on d\u00e9finit le mat\u00e9rialisme comme l’affirmation que \u00ab\u00a0la vie pourrait \u00eatre expliqu\u00e9e par des combinaisons sophistiqu\u00e9es de lois physiques et chimiques\u00a0\u00bb con\u00e7ues comme absolues, si le mat\u00e9rialisme repose sur le postulat que la nature est totalement objective.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 177-178 ; \u00ab\u00a0Intuition \u00e0 rapprocher de la fameuse phrase de James Jeans : \u00ab\u00a0L’univers commence \u00e0 beaucoup plus ressembler \u00e0 une grande pens\u00e9e qu’\u00e0 une grande machine\u00a0\u00bb. et de la d\u00e9claration fracassante de Sir Arthur Eddington : \u00ab\u00a0La mati\u00e8re du monde est une mati\u00e8re mentale\u00a0\u00bb- qu’il explicite en disant : \u00ab\u00a0En reconnaissant que le monde physique est enti\u00e8rement abstrait et d\u00e9pourvu de toute \u00ab\u00a0r\u00e9alit\u00e9\u00a0\u00bb en-dehors de ses liens avec la conscience, nous repla\u00e7ons la conscience dans sa position fondamentale au lieu de la repr\u00e9senter sous la forme d’une quantit\u00e9 n\u00e9gligeable que l’on trouve parfois dans la nature inorganique \u00e0 un stade avanc\u00e9 de l’\u00e9volution.\u00a0\u00bb En serions-nous revenus au solipsisme de Wigner ?<\/p>\n

* A. S. Eddington, The Nature of The Physical World,<\/em> Cambridge University Press.<\/p>\n

(…) Autrement dit, nous actualisons l’univers, et comme nous en faisons partie, on peut dire derechef que l’univers s’autoactualise et se r\u00e9fl\u00e9chit gr\u00e2ce \u00e0 nous. Comme le demandait Wheeler, \u00ab\u00a0se peut-il que l’Univers, en quelque sens \u00e9trange, soit \u00ab\u00a0amen\u00e9 \u00e0 l’\u00eatre\u00a0\u00bb par la participation de ceux qui en participent ?\u00a0\u00bb. Ou comme il commente plus longuement en se r\u00e9f\u00e9rant \u00e0 Parm\u00e9nide et \u00e0 la vraie pens\u00e9e de Berkeley, au lieu de la caricature qu’on en a toujours faite : \u00ab\u00a0Pas de conscience, pas de communaut\u00e9 qui communique pour \u00e9tablir un sens ? Alors, il n’y a pas de monde! De ce point de vue, on doit comparer l’Univers \u00e0 un circuit auto-excit\u00e9 dans ce sens que l’Univers donne naissance \u00e0 la conscience, et la conscience donne un sens \u00e0 l’Univers. En donnant un sens \u00e0 l’Univers, l’observateur se donne de plus un sens \u00e0 lui-m\u00eame comme partie de cet univers…\u00a0\u00bb, en sorte que l’\u00e9volution devait finir par produire, dans un raisonnement r\u00e9current, l’apparition de \u00ab\u00a0la conscience, de la conscience de la conscience, d’une communaut\u00e9 qui communique et qui donnerait du sens \u00e0 l’univers de son d\u00e9but \u00e0 sa fin\u00a0\u00bb. on aura reconnu l\u00e0 le principe anthropique qui commence \u00e0 conna\u00eetre une telle faveur de nos jours dans les milieux d’astrophysique, gr\u00e2ce \u00e0 l’\u00e9norme \u00e9conomie de moyens qu’il repr\u00e9sente du point de vue de l’explication des conditions initiales \u00e0 l’existence du cosmos\u00a0\u00bb.<\/p>\n

p. 180 ; \u00ab\u00a0…on peut redire aujourd’hui, non plus par l’intuition, mais avec quelque raison, que \u00ab\u00a0le d\u00e9veloppement de la nature est la conscience en devenir, il atteint dans l’homme son point culminant, d’o\u00f9 le fleuve remonte son cours vers son point d’origine\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 181; \u00ab\u00a0Certes, ce n’est pas rien que de dire avec d’Espagnat qu’il y a congruence entre l’unit\u00e9 de l’\u00catre et la distance de l’\u00catre \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 empirique des philosophies orientales, et ce que nous dit aujourd’hui la th\u00e9orie quantique.<\/p>\n

(…) les rapports entre la science et les enseignements que les religions tentent d’exprimer devra changer de nouveau.\u00a0\u00bb<\/p>\n

p. 182 ; \u00ab\u00a0La science se prouve, le myst\u00e8re s’\u00e9prouve.<\/p>\n

(…) ce qui renvoie aussi bien \u00e0 la gnose islamique ou apr\u00e8s la R\u00e9v\u00e9lation de l’Etre \u00ab\u00a0les choses redeviennent autant de choses diff\u00e9rentes, nettement distinctes les unes des autres (…) comme autant de particularisations et d\u00e9terminations de l’Ind\u00e9termin\u00e9 absolu. A cet \u00e9gard, on ne doit pas les consid\u00e9rer comme de pures illusions, car elles sont r\u00e9elles dans la mesure o\u00f9 chacune d’elles est la forme particuli\u00e8re dans laquelle l’Absolu s’est d\u00e9termin\u00e9 lui-m\u00eame et dans laquelle l’Absolu se manifeste lui-m\u00eame\u00a0\u00bb.<\/p>\n

* W. Heisenberg, La Partie et le tout<\/em>.<\/p>\n

T. Izutsu, Unicit\u00e9 de l’existence et cr\u00e9ation perp\u00e9tuelle en mystique islamique <\/em>Les Deux Oc\u00e9ans. Se reporter \u00e0 D. Shayegan, Hindouisme et soufisme,<\/em> Ed. de la Diff\u00e9rence, pour une \u00e9tude d\u00e9taill\u00e9e de la transmutation des symboles, et des discours de l’\u00catre, d’une culture dans une autre.\u00a0\u00bb<\/p>\n

\n

Bibliographie<\/strong><\/p>\n

P. Thuillier, Les biologistes vont-ils prendre le pouvoir ? La sociobiologie en question,<\/em> Ed. Complexe.<\/p>\n

S. Weinberg, Les trois premi\u00e8res minutes de l’univers,<\/em> Le Seuil.<\/p>\n

 <\/p>\n

D. Laing, La politique de l’exp\u00e9rience, <\/em>Stock.<\/p>\n

H. Corbin, L’Imagination cr\u00e9atrice dans le soufisme d’Ibn’ Arabi,<\/em> Flammarion.<\/p>\n

T. Izutsu, Nature et conscience dans les philosophies orientales,<\/em> dans Science et Conscience , Stock.<\/p>\n

Unicit\u00e9 de l’existence et cr\u00e9ation perp\u00e9tuelle en mystique islamique, <\/em>Ed. Les Deux Oc\u00e9ans.<\/p>\n

 <\/p>\n

D. Shayegan, Hindouisme et Soufisme,<\/em> Ed. de la Diff\u00e9rence.<\/p>\n

Pourquoi le Colloque de Cordoue ? <\/em>Contrepoint 37, 1981.<\/p>\n

Qu’est-ce qu’une r\u00e9volution religieuse ?<\/em> Les Presses d’Aujourd’hui.<\/p>\n

 <\/p>\n

Sohravardi, L’archange empourpr\u00e9,<\/em> pr\u00e9sentation H. Corbin, Fayard.<\/p>\n

T. Stcherbatsky, Buddhist Logic,<\/em> Dover Pub.<\/p>\n

 <\/p>\n

T. Roszak, O\u00f9 finit le d\u00e9sert,<\/em> Stock.<\/p>\n

Vers une contre-culture, <\/em>Stock<\/p>\n

S. Sepehri, Oasis d’\u00c9meraude,<\/em> Pr\u00e9face de D. Shayegan, ed. Imago-Payot.
\nExtraits de La science et l’\u00e2me du monde<\/em> par Michel Cazenave (Paris, Albin Michel, 1996).<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

La science et l’\u00e2me du monde Michel Cazenave (Paris, Albin Michel, 1996) \u00ab\u00a0Dans une vaste enqu\u00eate sur les m\u00e9canismes de l’invention scientifique, sur les nouveaux mod\u00e8les de la physique et de l’astrophysique, sur les th\u00e8mes m\u00e9taphysiques et parfois m\u00eame mythiques qui s’y trouvent mis en jeu, Michel Cazenave tente ici \u2026 Lire plus \/ Read more<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":1212,"parent":0,"menu_order":0,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","template":"","meta":{"ngg_post_thumbnail":0,"footnotes":""},"class_list":["post-1115","page","type-page","status-publish","has-post-thumbnail","hentry"],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1115","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/types\/page"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fcomments&post=1115"}],"version-history":[{"count":3,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1115\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1213,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/pages\/1115\/revisions\/1213"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=\/wp\/v2\/media\/1212"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.archipress.org\/index.php?rest_route=%2Fwp%2Fv2%2Fmedia&parent=1115"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}