Peut-être, un
jour, trouverez-vous
René Guénon sur votre chemin...
René-Jean-Marie-Joseph Guénon est né en
1886 à Blois en France. Après des études
de mathématiques, il entreprend la recherche de la "parole
perdue", d'abord en fréquentant les cercles occultistes,
spiristes, maçonniques et autres pseudo-écoles
d'initiation afin de combattre leurs théories, puis en
se frottant aux maîtres des grandes religions traditionnelles
- hindouisme, taoïsme et islam notamment. En 1930, il quitte
Paris pour Le Caire, où il finit par s'installer. Il épouse
une Cairote en secondes noces, s'arabise tout à fait et
mène une existence entièrement musulmane entre
l'Université El-Azhar, la revue El-Marifaah et la poursuite
de son oeuvre sur la tradition universelle. Il meurt en 1951.
Pourquoi restez-vous en dehors de ce que vous êtes?
Selon René Guenon, le but de tout homme est de parvenir
à la réalisation spirituelle (ou réalisation
métaphysique), laquelle consiste à s'identifier
avec sa propre essence, ou, en d'autres termes, à devenir
réellement ce que l'on est (étant entendu que l'homme
actuel se tient "en dehors" de son essence, ce que
signifie très précisément le mot existence
- du latin ex-sistere se tenir hors de).
Cette réalisation, qui s'opère par la prise de
conscience de la réalité de l'Esprit, transforme
radicalement l'être humain et n'est possible que par la
grâce d'une influence spirituelle venue d'En-Haut et communiquée
par un rite d'origine non-humaine: seules l'adhésion à
une religion authentique et la pratique de ses rites peuvent
déboucher sur un résultat spirituel.
Pouvez-vous être initié?
Pour l'homme, deux fins sont concevables: la perfection de l'état
humain et la perfection de l'état divin, puisqu'il y a
en lui quelque chose de Dieu. Toutes les religions se proposent
la première, que Guénon désigne par le terme
de salut. Elles s'adressent a tous les hommes pour sauver tout
l'homme.
Pour atteindre la seconde fin, que l'Inde appelle "délivrance",
il faut un rite spécial, donné seulement à
ceux qui sont "qualifiés", prêts à
le recevoir, et que Guénon appelle un rite initiatique
(de initium commencement) parce qu'il inaugure le début
de la voie spirituelle et qu'il confère le germe de la
déification. Cette initiation n'a donc rien à voir
avec les rites ésotériques vulgaires.
Changez vos repères mentaux!
Les chemins qui conduisent à cette réalisation
spirituelle sont triples, ils passent par la métaphysique,
la tradition et le symbolisme. La métaphysique - le supraphysique
et donc, le surnaturel - n'est pas un exercice profane de la
raison spéculant sur des données empiriques, mais
une doctrine revue - révélée - intrinsèquement
sacrée et toujours encadrée par la forme traditionnelle
(une des religions authentiques, qu'elle soit hindoue, chinoise,
islamique ou chrétienne). L'accès à cette
doctrine sacrée exige une véritable réforme
de l'homme moderne, un changement radical de ses repères
mentaux qui lui fassent oublier les erreurs et les illusions
du monde profane (idéologie du progrès qui fait
condamner tout ce qui a précédé au nom de
la supériorité de ce qui suit: superstition ce
la science qui prétend constituer la seule forme de savoir
authentique: illusion de la vie ordinaire qui survalorise le
travail, la production, la consommation, le plaisir et écarte
la religion) et les séductions des impostures religieuses
et des parodies de l'ésotérisme (spiritisme, théosophisme,
satanisme et autres charlatanismes provoqués par le refus
de la tradition et l'ignorance de la doctrine métaphysique
en Occident).
Tout n'est pas à refaire...
Quant à la tradition (du latin tradere, livrer,
transmettre), elle comprend tout ce que l'homme n'a pas inventé
mais reçu à l'origine des temps. Elle trouve donc
son point de départ dans l'origine suprahumaine de toutes
choses dans le "Paradis terrestre", avant de prendre
des formes multiples au cours des âges, selon les mentalités,
formes qui correspondent à toutes les religions du monde
résultant d'une révélation divine, chacune
d'elles se trouvant donc sur un pied d'égalité
quant à son but qui est de délivrer la vérité
essentielle. La tradition est donc la marque distinctive de toutes
les civilisations non modernes. Mais elle n'est pas fixe ni rigide
pour autant: elle évolue en fonction des cycles cosmiques
qui régissent l'histoire humaine. Les cycles se suivent
mais ne se répètent pas à l'identique, si
bien que la tradition est en somme ce qui reste à travers
ce qui se passe et se perd au cours des cycles. Selon ce point
de vue et les traditions révélées, nous
serions en ce moment à la fin de l'âge de fer -
ou des conflits, selon les Hindous - où l'obscurcissement
spirituel atteint sa limite.
Le mystère a sa force aussi
Les symboles enfin sont un moyen de connaissance et de réalisation
spirituelle. Fondés sur la nature des choses, ils mettent
réellement en relation l'être sensible et corporel
avec les états supérieurs et donc avec Dieu L'existence
du symbolisme sacré - à travers les arts, les textes,
les rites traditionnels - est à l'origine de la distinction
entre ce qu'il y a de relativement extérieur, de public,
d'évident pour tous dans une tradition, et ce qu'il y
a de plus intérieur, de plus caché sous les apparences,
et que seul un enseignement ésotérique permet de
saisir.
D'après J. Borella. Connaissance des religions, N°
3, décembre 1986.
© Le
Temps stratégique, No 22, Genève, automne1987.
le.temps@edipresse.ch
[haut
de la page] |