Pourquoi votre vie ordinaire
est une prison...
Un échantillon du style de René Guénon
[...] En entourant constamment l'homme des produits de l'industrie
moderne, en ne lui permettant pour ainsi dire plus de voir autre
chose (sauf, comme dans les musées par exemple, à
titre de simples "curiosités" n'ayant aucun
rapport avec les circonstances "réelles" de
sa vie, ni par conséquent aucune influence effective sur
celle-ci), on le contraint véritablement à s'enfermer
dans le cercle étroit de la "vie ordinaire"
comme dans une prison sans issue. Dans une civilisation traditionnelle,
au contraire, chaque objet, en même temps qu'il était
aussi parfaitement approprié que possible à l'usage
auquel il était immédiatement destiné, était
fait de telle façon qu'il pouvait à chaque instant
et du fait même qu'on en faisait réellement usage
(au lieu de le traiter en quelque sorte comme une chose morte
ainsi que le font les modernes pour tout ce qu'ils considèrent
comme des ), servir de "support" de méditation
reliant l'individu à quelque chose d'autre que la simple
modalité corporelle et aidant ainsi chacun à s'élever
à un état supérieur selon la mesure de ses
capacités: quel abîme entre ces deux conceptions
de l'existence humaine !
René Guénon, Le règne de la quantité
et les signes des temps. Paris, NRF/Gallimard, 1972.
© Le
Temps stratégique, No 22, Genève, automne1987.
le.temps@edipresse.ch
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