La raison qui m’a conduit à proférer de
la poésie (shi’r) est que j’ai vu en songe un ange qui m’apportait un
morceau de lumière blanche ; on eût dit qu’il provenait du soleil.
« Qu’est-ce que cela ? », demandai-je. « C’est la
sourate al-sh'u’arâ (Les Poètes) » me fut-il répondu. Je
l’avalai et je sentis un cheveu (sha’ra) qui remontait de ma poitrine
à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un animal avec une tête, une langue,
des yeux et des lèvres. Il s’étendit jusqu’à ce que sa tête atteigne les
deux horizons, celui d’Orient et celui d’Occident. Puis il se contracta et
revint dans ma poitrine ; je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient
et l’Occident. Quand je revins à moi, je déclamai des vers qui ne procédaient
d’aucune réflexion ni d’aucune intellection. Depuis lors cette inspiration
n’a jamais cessé.
Ibn ‘Arabi, Diwan al Ma’arif
'Ilm al Yaqin |
Extraits de Ibn Arabî et le voyage sans retour de Claude Addas. Paris, Seuil, 1996.