Allah-qu'II soit exalté!- a dit:
"N'est-ce pas à Allah que toute chose retournera ?"
(Cor. 42: 53)
"C'est à Lui que tout reviendra" (Cor. 11: 123)
"Et vous serez ramenés à Lui" (Cor. 10:
56)
"C'est à Lui que vous reviendrez" (Cor. 6: 60)
ainsi que d'autres paroles analogues.
Sache que le devenir de toute chose la reconduit à Dieu
et que c'est à Lui qu'elle retourne. Ce retour à
Lui des créatures se produit après la Résurrection,
et cette dernière fait suite à l'anéantissement
des créatures. Mais, comme l'a dit le Prophète -
sur lui la Grâce et la Paix !- "Celui qui meurt, pour
lui le jour de la Résurrection s'est déjà
levé."
Or il y a deux sortes de morts: la mort inévitable et commune
à tous les êtres et la mort volontaire et particulière
à certains d'entre eux. C'est cette seconde mort qui nous
est prescrite dans la parole de l'Envoyé d'Allah: "Mourez
avant de mourir." Celui qui meurt de cette mort volontaire,
la résurrection pour lui est accomplie. Ses affaires reviennent
à Dieu et ne sont plus qu'une. Celui-là est revenu
à Dieu et il Le voit par Lui. Ainsi que l'a dit le Prophète
- sur lui la Grâce et la Paix !- selon une tradition mentionnée
par Tabarani: "Vous ne verrez pas votre Seigneur avant d'être
morts"; et cela parce que, dans la contemplation de ce mort-ressuscité,
toutes les créatures se sont anéanties, et que pour
lui ne subsiste qu'une seule chose, une seule Réalité.
Tout ce qui sera le lot des croyants dans leurs états posthumes
est préfiguré à un degré ou à
un autre dès cette vie pour les initiés. Le "retour"
des choses-considérées sous le rapport de [la diversité
de] leurs formes - à Allah, au terme de leur devenir, n'exprime
qu'un changement de statut cognitif et non point une modification
de la réalité. Celui qui meurt et pour qui s'accomplit
la résurrection, pour celui-la, le multiple est Un, en raison
de son unité essentielle; et l'Un est multiple en raison
de la multiplicité en Lui des relations et des aspects.
Les essences (al-a'yan) - que certains appellent aussi
les substances (al-jawahir) - ne disparaissent jamais.
La "création nouvelle", qui est permanente en
ce monde et dans l'autre, concerne seulement les formes, qui ne
sont que des accidents. Et tout ce qui n'est pas l'Être absolu
- qui appartient à Dieu- est accident.
Mawqif 221
'Ilm al Yaqin |
Extraits de Écrits spirituels (Kitab al Mawaqif) de l'Émir Abd el-Kader, présentés et traduits de l'arabe par Michel Chodkiewicz (Paris, Seuil, 1988).