Chaos cérébral

SCIENCE

Le cerveau de l’homme engendre du chaos…

…un chaos qui obéit, comme les phénomènes météorologiques, aux lois de la dynamique non linéaire (ou « chaos déterministe »)

par  Agnessa Baloyantz

Agnessa Baloyantz, docteur en sciences chimiques, agrégée de la Faculté et professeur, était membre du Centre de recherche sur les phénomènes non linéaires et les systèmes complexes (Centre for Non-Linear Phenomena and Complex Systems) de l’Université Libre de Bruxelles.

 Pour comprendre la manière dont fonctionne un système macroscopique, on se contentait, jusqu’à une époque récente, de le décomposer en ses micro-éléments, plus faciles à analyser. Ce n’est donc pas un hasard si les grandes découvertes scientifiques de ce siècle ont porté sur l’atome et ses particules élémentaires, sur les cellules biologiques et leurs structures microscopiques, enfin sur la molécule d’ADN (ou acide désoxyribonucléique), support de l’hérédité.

Mais cette manière de « réduire » la réalité à ses éléments les plus simples a fini par montrer ses limites. Chaque jour, désormais, on découvre de nouveaux phénomènes physiques ou chimiques — les turbulences aérodynamiques ou les réactions chimiques oscillantes par exemple — mais aussi biologiques, écologiques, météorologiques ou économiques, que l’on ne peut comprendre par l’analyse des seuls éléments qui les constituent [On lira, à ce propos, « Et si les prévisions du temps étaient impossibles par principe? », par René Chaboud, dans « Le Temps stratégique » No 25 de l’été 1988]. Pour comprendre ces phénomènes, on doit impérativement étudier leur « comportement d’ensemble ».

Une théorie développée dans les années 1950 suggère que la matière inerte tend à « s’auto-organiser », et que la vie elle-même serait issue de matière inerte qui se serait ainsi auto-organisée, comme que j’ai essayé de le montrer dans mon ouvrage Molecules dynamics and life. An introduction to self-organization of matter, Londres, Wiley, 1986. Les molécules ou les êtres vivants faisant partie d’un ensemble seraient donc condamnés à interagir, à « coopérer ». Cette « coopération » produirait des propriétés collectives nouvelles dépassant la simple addition des propriétés individuelles. [On lira, sur un thème proche, l’article de Jean-Louis Deneubourg: « Individuellement les insectes sont bêtes, collectivement ils sont intelligents… », dans « Le Temps stratégique » No 65 de septembre 1995].

La question que nous nous posons, dans nos recherches actuelles, est de savoir si les principes sous-jacents aux phénomènes d’auto-organisation de la manière inerte permettraient d’expliquer mieux que cela n’a été le cas jusqu’ici la manière dont fonctionne le cerveau humain.

La question est difficile, parce que située sur ce que je crois être la frontière extrême de la science, et ce pour deux raisons.

La première est que sur notre planète le cerveau est le système le plus complexe que l’on connaisse – ce qui promet!

La seconde est que nous ne pouvons comprendre le cerveau qu’avec notre cerveau, une démarche circulaire problématique. Jusqu’ici, en effet, les scientifiques, grâce à leur cerveau, et grâce surtout à la logique et aux mathématiques produits par ce cerveau, « comprenaient » des phénomènes naturels extérieurs au cerveau. Ils peuvent parfaitement faire de même avec le cerveau, s’ils se limitent à le considérer comme un ensemble de tissus cellulaires et étudient, par exemple, de quelle manière, chimique et électrique, ces tissus communiquent entre eux. En revanche s’ils veulent savoir comment cet amas cellulaire permet à l’être humain de « voir », d' »entendre » et de « comprendre », s’ils veulent découvrir de quelle manière les lois ordinaires de la chimie et de la physique gouvernent le fonctionnement du psychisme humain, il risquent de se heurter au problème méthodologique de démarche circulaire évoqué plus haut.

Pour ce qui nous concerne, nous fondons nos recherches actuelles sur l’hypothèse simple que les phénomènes psychologiques et cognitifs [cognitifs: ayant trait à la capacité de connaître] sont le résultat de processus physiques et chimiques se déroulant dans le cerveau. Cette hypothèse paraît « tenir la route » en l’état actuel des connaissances; c’est la seule que je considérerai dans cet article.

Nous posons ensuite une seconde hypothèse: que les activités cérébrales (psychologiques et cognitives) sont des propriétés nouvelles surgissant de l’auto-organisation des divers ensembles de neurones du cortex cérébral. Nous avons démontré que l’activité des neurones elles-mêmes découle de l’auto-organisation de courants ioniques circulant entre elles ou des ions qu’elles échangent [ions: atomes portant une charge électrique, positive ou négative]. Pour simplifier l’explication, je ne considérerai cependant ici les propriétés auto-organisatrices que des seules neurones.

Les études de l’activité cérébrale humaine pourraient, à terme, ouvrir des portes psychiques nouvelles et entraîner des conséquences socioculturelles incalculables. Mais si elles connaissent un tel essor, aujourd’hui, c’est qu’au-delà de leur intérêt scientifique pur, elles font espérer aux industriels des retombées majeures, le développement notamment de robots autonomes et « intelligents », la création de nouveaux ordinateurs, ou encore de « réseaux de neurones » plus performants, inspirés du fonctionnement en parallèle des différentes régions du cerveau. Il suffit, pour le comprendre, de comparer le fonctionnement des ordinateurs les plus modernes avec ce que l’on sait aujourd’hui du fonctionnement du cerveau humain.

Alors que les ordinateurs calculent à l’aide d’algorithmes [ensemble des règles opératoires nécessaires à un calcul] et sont de ce fait très vulnérables aux erreurs introduites en cours de processus, le cerveau, lui, est beaucoup moins vulnérable. Pour la simple raison qu’il est constitué d’un ensemble de systèmes interconnectés, procédant indépendamment au traitement de l’information, de façon certes très peu flexible, mais, de ce fait même, très spécifique et très efficace. Les systèmes cérébraux les plus connus sont les cortex visuel, cortex moteur, cortex auditif, auxquels il faut ajouter de nombreuses autres régions corticales douées de fonctions spécifiques. Il est intéressant de noter que ces cortex, doués de propriétés différentes, sont pourtant constitués de neurones identiques.

Autre différence: alors que la taille des ordinateurs est théoriquement illimitée, le volume du cerveau des mammifères, lui, est limité par les dimensions de la région pelvienne des femelles leur donnant naissance. C’est pourquoi l’être humain, malgré sa longue évolution, doit se contenter d’un volume cérébral moyen de 1.5 litre. En dépit de ce handicap, les connexions entre ses neurones atteignent une longueur totale de quelque 100 millions de mètres.

Troisième différence enfin: le cerveau humain consomme beaucoup moins d’énergie que l’ordinateur. Pour effectuer une opération élémentaire, un neurone utilise 10-15 joules, un ordinateur moderne 10-7 joules, soit 100 millions de fois plus.

Bref, le cerveau humain calcule de manière plus fiable, plus efficace et plus économique que l’ordinateur le plus rapide.

Anatomiquement, le cerveau est constitués de neurones, cellules dont la caractéristique est d’avoir une longue queue, l’axon, et de nombreuses arborescences, les dendrites -d’où l’aspect enchevêtré du tissu des cortex. Cet enchevêtrement permet un nombre extraordinairement élevé de connexions: de 1000 à 100’000 par neurone. Il faut savoir en outre que les mêmes neurones se retrouvent à la fois dans des couches, dans des colonnes et dans des amas appelés noyaux. Ces couches, colonnes et amas sont doués chacun de fonctions spécifiques. Les neurones communiquent entre elles par le biais de processus physico-chimiques et l’échange d’ions chargés électriquement.

Lorsque l’on veut connaître l’activité électrique générale d’un cerveau, on mesure (sur le cuir chevelu du sujet ordinairement) le signal qu’il émet. Ce signal, très faible, présente une amplitude ne dépassant guère quelques dizaines de millivolts (µV); on enregistre sa trace graphique sur un électroencéphalogramme (EEG).

Les électroencéphalogrammes servent depuis longtemps d’instrument de diagnostic, lorsqu’il s’agit d’évaluer notamment les troubles du sommeil, mais depuis quelques années notre groupe de recherche les étudie dans une autre optique, avec les outils conceptuels de la « dynamique non linéaire », et plus spécialement ceux de la « théorie du chaos ».

Pour la bonne compréhension des choses, il faut que je fasse ici deux digressions: l’une pour évoquer les postulats de la théorie du chaos, l’autre pour rappeler les principaux rythmes électroencéphalographies de l’être humain, qui sont l’expression du chaos déterministe de ses neurones.

Jusqu’au milieu de ce siècle, on distinguait deux types de phénomènes naturels. D’un côté, les phénomènes aléatoires, qui sont par conséquent imprévisibles, de l’autre, les phénomènes obéissant à une loi déterministe, qui de ce fait sont prévisibles. D’ailleurs, on estimait que la plupart des phénomènes physiques (le mouvement du balancier d’une pendule, par exemple) obéissaient à une loi déterministe. Connaissant leurs conditions initiales de ces phénomènes (dans l’exemple: la vitesse et la position du balancier) on pouvait prédire leur comportement futur.

Or, il y a quelques années, on a pu démontrer qu’une légère modification des conditions initiales d’un système décrit par des lois déterministes peut suffire à rendre parfaitement imprévisible son comportement. On dit de ces systèmes sensibles aux conditions initiales qu’ils sont « chaotiques ».

Très vite on se rendit compte que ces systèmes chaotiques, malgré leur apparence aléatoire, obéissent à un pseudo-ordre. Les grandeurs qui les définissent, loin de varier dans le temps de manière absolument aléatoire et illimitée, apparaissent en effet confinées, tenues en laisse, maîtrisées, par un élément d’ordre, appelé « attracteur étrange ». La présence d’un attracteur étrange caractérise donc ce que l’on en est venu à appeler le « chaos déterministe ».

Ces systèmes sont donc à la fois aléatoires et déterminés, ce qui n’est pas une mince contradiction. Ils peuvent par ailleurs renfermer en eux-mêmes une infinité de mouvements périodiques instables de fréquences différentes. A telle enseigne que même des systèmes chaotiques simples, ne comportant que trois grandeurs (par exemple le « modèle de Lorenz », décrivant les turbulences atmosphériques), peuvent développer une variété infinie de comportements —ce qui les rend diablement utiles lorsque l’on veut décrire des processus biologiques ou cognitifs, eux aussi chaotiques.

Le chaos, d’ailleurs, n’affecte pas les systèmes seulement dans leur développement temporel, mais aussi dans leur étendue spatiale, des phénomènes cohérents entre eux se produisant au même moment à différents endroits d’un même système. On parle alors de chaos spatio-temporel. [Lire aussi l’article de James Gleick, « Le chaos troisième révolution scientifique du siècle », dans « Le Temps stratégique » No 28 du printemps 1989).

Quelques mots maintenant pour rappeler les principaux rythmes encéphalographiques de l’être humain, que notre équipe de recherche a analysé avec les nouveaux outils de la théorie du chaos déterministe. On en distingue quatre, en gros.

Le rythme d’éveil, souvent appelé rythme bêta (oscillations de fréquence relativement hautes, de 15 à 40 Hz, amplitude basse, de 10 à 30 µV), qui se manifeste lorsque le sujet est attentif et a les yeux ouverts. Dès que le sujet ferme les yeux, les oscillations prennent la forme de « fuseaux », de 8 à 12 Hz, et l’amplitude croît jusqu’à 50 ou 100 µV, principalement dans la région occipitale; on parle alors de rythme alpha.

Le rythme de sommeil. La nuit, le sommeil d’un sujet normal se subdivise en plusieurs cycles de 60 à 90 minutes, qui se décomposent eux-mêmes en sommeil lent, puis en sommeil paradoxal ( REM, pour Rapid-Eye-Movement ou mouvements oculaires rapides), lequel finit par devenir dominant. Au cours du sommeil paradoxal, le sujet rêve beaucoup, son tonus musculaire diminue et son électroencéphalogramme présente des caractéristiques proches de celles de l’éveil actif.

Le sommeil lent est divisé lui-même en quatre stades. Le premier, qui succède directement à l’état d’éveil, est un stade de transition. Le deuxième, qui marque véritablement l’entrée dans le sommeil lent, présente à l’électroencéphalogramme des ondes lentes (10-14 Hz), d’amplitude moyenne, et de courte durée (d’une demi-seconde à deux secondes). Le troisième stade marque l’entrée dans le sommeil profond: les ondes, appelées delta, sont de plus en plus lentes (0.5 à 3 Hz) et de grande amplitude (jusqu’à 200 µV). Le quatrième stade est caractérisé par une abondance d’ondes delta. Le sommeil profond produit donc une activité électrique très importante, mais dont la nature diffère grandement de l’activité électrique produite par l’état d’éveil. Je montrerai plus loin que les hautes amplitudes du sommeil profond sont associées à une synchronisation des neurones, raison pour laquelle on dit que le sommeil profond est synchronisé, par opposition au sommeil paradoxal (REM), désynchronisé.

Il va sans dire que les pathologies cérébrales produisent des électroencéphalogrammes particuliers. Le « petit-mal », par exemple, une forme d’épilepsie généralisée apparaissant dans l’enfance et disparaissant en général à la puberté, provoque des convulsions de courte durée, lesquelles se signalent dans l’électroencéphalogramme par des oscillations régulières, généralisées et de grande amplitude, appelées « complexes pointes-ondes ». La maladie de Creutzfeldt-Jacob, aujourd’hui très médiatisée, se signale elle aussi, mais à son stade terminal, par des oscillations de grande amplitude.

En  étudiant les électroencéphalogrammes avec les outils de la théorie du chaos, nous avons pu montrer que les différents rythmes du cerveau humain obéissent aux « lois » du chaos temporel. Que l’activité du cortex, notamment, devient de plus en plus cohérente à mesure que le sujet s’éloigne de l’état d’éveil. Et que l’activité d’ensemble des neurones atteint une cohérence plus grande encore dans le sommeil profond, et maximale dans le « petit-mal » épileptique et la maladie de Creutzfeldt-Jacob, mentionnés plus haut.

En nous fondant sur ce que nous savons actuellement du cerveau et à partir d’électroencéphalogrammes reflétant la moyenne d’activité de millions de neurones, nous avons donc construit des modèles simples qui nous ont permis de démontrer que l’activité du cortex obéit aux « lois » du chaos spatio-temporel.

A ce point, une question se pose évidemment: comment l’être humain peut-il voir, entendre, mémoriser ou raisonner grâce à une dynamique cérébrale de type chaos déterministe?

Pour donner une première réponse, toute partielle, à cette question centrale, nous avons commencé récemment à nous pencher sur le phénomène de l’attention, qui est l’un des phénomènes fondamentaux du processus cognitif. Aucune expérience sensorielle n’est en effet possible tant que nous ne sommes pas attentifs au flux d’informations qui s’abat sur nous. Nous pouvons fixer une scène champêtre du regard sans rien voir, ou être entourés de bruits ambiants sans rien entendre. Le paysage et les sons trouvent leur signification seulement lorsque nous devenons attentifs.

L’événement qui nous fait passer de l’état d’inattention à celui d’attention a parfois un contenu informationnel très faible: un mouvement suspect dans la scène champêtre, ou la voix d’une amie, quelque part, très loin, à l’autre bout du salon où est offerte une réception animée. Dès que nous sommes attentifs, en revanche, notre cerveau devient capable d’évaluer et d’analyser le flux d’informations qui nous vient de notre environnement.

Pour étudier ce phénomène d’attention, nous avons construit un modèle simple, à l’aide de neurones électroniques élémentaires et en ne retenant du cortex cérébral, dont la complexité est extrême, que quelques éléments-clé: sa structuration en couches multiples (ramenée à deux dans le modèle) et l’existence d’une dynamique de type chaos spatio-temporel dans chacune de ces couches. Dans notre modèle, des oscillateurs réguliers jouent le rôle de neurones; interconnectés, ils donnent naissance à un chaos spatio-temporel. La première couche du modèle fixe l’attention; l’information du monde extérieur arrive au niveau des liens entre les deux couches et, une fois traitée, se lit (se mesure) sur la deuxième couche (appelée « couche de sortie ») sous forme de fréquences et d’amplitudes variées. Si, au cours de l’expérience, la couche d' »attention » n’est pas activée, elle reste chaotique, de même d’ailleurs que la « couche de sortie », avec pour conséquence, alors, que les différentes informations arrivant dans le cortex restent embrouillées et indistinctes.

Comme je l’ai expliqué plus haut, un chaos spatio-temporel renferme en lui-même une infinité d’oscillations, régulières et instables, qui peuvent être stabilisées par de faibles changements de conditions. Nous donnons alors à la première couche de notre modèle un influx sensoriel (c’est-à-dire électrique) très faible, qui l’entraîne dans une dynamique d’oscillations régulières. Le système est alors « attentif », car dans cet état, et dans cet état seulement, il est capable de percevoir les objets statiques ou mobiles qui lui sont présentés, de distinguer leurs formes, de repérer leur mouvement et d’évaluer leur vitesse.

C’est ainsi qu’en nous fondant sur les théories de l’auto-organisation de la matière inerte et du chaos déterministe, et sur les résultats de mesures électroencéphalogrammiques, nous avons pu développer une théorie cohérente de l’état d’attention et entreprendre de la vérifier. Cette théorie nous amène à prédire que l’attention découle de l’activité régulière de l’une des couches du cortex — la quatrième, si l’on en croit certaines de nos expériences récentes.

Ce n’est là, bien sûr, qu’un tout premier pas dans la compréhension des modes de fonctionnement du cerveau, mais sur une piste qui nous paraît extraordinairement prometteuse.

Premièrement, parce que la théorie qui sous-tend cette compréhension est fondée non pas, comme dans la construction de réseaux de neurones, sur des algorithmes difficilement applicables au cerveau humain, mais sur les données dynamiques que les encéphalogrammes mettent en évidence.

Deuxièmement, parce que cette théorie permet d’expliquer aisément la raison pour laquelle nous ne pouvons fixer longuement des yeux un même objet: l’état attentif, en raison de sa nature chaotique, tend à être intermittent ou de courte durée.

Troisièmement, parce que cette théorie permet d’expliquer les capacités infinies du cerveau humain. Le chaos spatio-temporel produit par le cerveau contient en effet en son sein, on l’a vu plus haut, une infinité de mouvements périodiques instables de fréquence différente, et offre donc des possibilités d’ajustements, de mises au point et de rodages infinies.

© Le Temps stratégique, No 73, Genève, Décembre 1996.

ADDENDA

A propos de nos ondes cérébrales

Ce qu’on appelle oscillations. Une oscillation est une « variation d’une grandeur mécanique, électrique, etc., caractérisée par un changement périodique de sens ». Cette variation s’exprime en un aller et retour d’un corps autour d’une position d’équilibre, passant successivement par une valeur maximale et une valeur minimale. Les oscillations peuvent être régulières (périodiques) ou décroissantes (amorties). Le cycle d’une oscillation est le temps écoulé entre deux passages successifs par la position d’équilibre. La fréquence d’une oscillation est le nombre de cycles par seconde exprimé en hertz (Hz). Le hertz est la fréquence d’un courant dont la période est une seconde.

L’amplitude est une grandeur qui exprime l’écart ou l’éloignement d’une oscillation par rapport à son point d’équilibre.

Ondes cérébrales. Le cerveau émet un très faible courant électrique du fait de son activité, même en état de sommeil ou de coma. Pour suivre cette activité, on place des paires d’électrodes à différents endroits du crâne au niveau du scalp. La variation de la différence de potentiel enregistrée entre deux électrodes (exprimé en µv ou millionièmes de volt) est enregistrée et reproduite en courbe EEG. On a pu dresser ainsi différents types de variations correspondant à des oscillations de fréquences et d’états physiologiques particuliers.

Les ondes alpha, captées sur la partie postérieure de la tête, correspondent aux courbes EEG d’une personne éveillée mais au repos, les yeux fermés. Le rythme alpha est régulier, ses fréquences sont assez basses (entre 8 à 12 Hz), son amplitude est faible (de 25 à 60 µv).

Les ondes bêta, captées sur les aires centrales et frontale du cerveau, correspondent à des oscillations de fréquence plus élevées (de 15 à 40 Hz) mais d’amplitude basse (de 10 à 30 µV). Elles révèlent l’état d’un sujet attentif, yeux ouverts.

Les ondes delta, les plus lentes des ondes cérébrales, ont une fréquence faible (2-3 Hz) mais une amplitude forte. Elles sont obtenues chez un sujet en état de sommeil lent.

Les ondes thêta, de fréquences assez basses (4-8 Hz), sont produites lors de la première phase du sommeil lent (l’endormissement) ou dans un état de profonde relaxation.

Le sommeil paradoxal (ou REM) correspond à l’état de sommeil profond pendant lequel se déroule une bonne partie de l’activité onirique. Le sommeil paradoxal représente 20% de la durée totale du sommeil. L’activité cérébrale durant le sommeil paradoxal se traduit par des ondes aux fréquences et amplitudes similaires à celles d’un sujet éveillé. On peut identifier le sommeil paradoxal par trois caractéristiques principales: des ondes cérébrales mixtes de basses amplitudes; une alternance du sommeil REM et des autres phases du sommeil; une suppression du tonus musculaire de la région faciale.

 

Le Chaos ou le sens du désordre

Le chaos est un comportement imprévisible apparaissant dans un système déterministe si sensible aux conditions initiales qu’une légère variation de ces dernières suffit pour que le système global subisse des effets imprévisibles et par là même chaotiques. Les premières réflexions scientifiques sur le chaos remontent aux questions que le mathématicien français Henri Poincaré se posait en 1899 sur la non prévisibilité de systèmes déterministes tel que le mouvement des planètes. Mais il fallut attendre 1963 pour qu’Edward Lorenz, un météorologue du Massachusetts Institute of Technology (MIT), mette en évidence le caractère chaotique des conditions météorologiques. Alors qu’il cherchait à déterminer ces conditions à partir de données initiales (pression atmosphérique, vents, températures, etc.) enregistrées sur son ordinateur, il constata, par pur hasard, au travers d’une nouvelle saisie des données de base, qu’une modification minime de ces dernières (de l’ordre de un pour mille, correspondant à l’oubli des trois derniers chiffres d’un nombre à six décimales!) entraînait des résultats radicalement différents de ceux précédemment définis. Il en tira la conclusion que les conditions météorologiques ne peuvent être prévisibles à long terme en raison de « la dépendance sensible aux conditions initiales ». Lorenz imagina à cette occasion l’image canonique du battement d’ailes de quelques papillons capables de provoquer des tempêtes aux antipodes [on lira à ce propos « Le papillon qui fait les tempêtes », par Nicolas Witkowksi, dans le Forum du « Temps stratégique » No 71 de septembre 1996]. La découverte de Lorenz intrigua un certain nombre de physiciens, mais aussi de mathématiciens, qui fournirent au début des années 70 l’ossature mathématique qui allait permettre l’étude des phénomènes erratiques.

 

Les fractales

Les mathématiques fractales, mises au point en 1971 par Benoît Mandelbrot, un mathématicien d’origine française employé au début des années 60 dans le département de recherche pure d’IBM, ont apporté une aide particulière à la compréhension du chaos. Pour décrire les structures générées par son ordinateur à partir de simples équations, Mandelbrot élabora en effet une nouvelle géométrie appliquée à des espaces fragmentés, rugueux ou enchevêtrés, toutes imperfections négligées par la géométrie classique mais qui servent à décrire et calculer des objets qui vont du flocon de neige aux poussières de galaxies. Pour nommer ces structures extrêmement complexes caractérisées par une invariance d’échelle, Benoît Mandelbrot inventa le mot fractal(e) à partir d’une étymologie latine, fractus, signifiant brisé, de frangere: casser, briser.

Un objet fractal révèle une forme fragmentée qui, lorsqu’elle est subdivisée en parties, reproduit toujours la même forme, indépendamment de l’échelle. Cette structure permet de décrire des formes géométriques compliquées telles que nuages, montagnes, côtes maritimes et phénomènes de turbulence.

Le simple et le complexe

L’étude du chaos a permis de découvrir la structure complexe de phénomènes apparemment simples, et inversement, la structure simple de phénomènes apparemment complexes. Les phénomènes chaotiques s’inscrivent dans les nouveaux champs de la pensée complexe, aux côtés de la science non-linéaire, des systèmes dynamiques, de l’auto-organisation, de la vie artificielle, des réseaux de neurones, etc., que seuls les ordinateurs sont capables d’étudier.

Les attracteurs étranges

L’attracteur étrange est une figure qui représente l’ensemble des trajectoires d’un système donné en proie à un mouvement chaotique. On peut définir l’attracteur étrange comme une carte des états imprévisibles et chaotiques; il révèle un ordre, une contrainte cachés, un « espace des phases » vers lequel convergent des phénomènes chaotiques. On pourrait comparer cet « espace des phases » à une vallée dont toutes les eaux ruisselantes convergeraient vers un cours d’eau unique. La nature fractale et les propriétés de l’attracteur étrange ont été découvertes en 1971 par David Ruelle et Floris Takens.

Le modèle attracteur de Lorenz désigne le premier attracteur étrange, mis en évidence par Edward Lorenz, cité plus haut. Lorenz, ayant simulé la convection de fluides [on appelle convection le mouvement qui anime un fluide soumis à une variation de température] enregistra les variables du système et les transposa dans un espace à trois dimensions. Émergea alors une double spirale en trois dimensions, célèbre pour son évocation de face de hibou ou d’ailes de papillon: le premier attracteur étrange.

Une réaction chimique oscillante est l’expression de phénomènes chaotiques dans la cinétique [le mouvement] de certaines réactions chimiques en réacteur ouvert, où les produits initiaux entrent en continu et les produits finaux sortent aussi en continu -mais sortent dans des concentrations qui oscillent de façon imprévisible.

Notre cerveau et ses dépendances

Le cortex cérébral est la couche externe du cerveau, de substance grise, épaisse de 3 à 4 millimètres. En coupe, le cortex est constitué de six couches de cellules nerveuses appelées neurones. Ces couches de cortex, étagées et fonctionnellement spécialisées, sont la couche moléculaire (1), la couche granuleuse externe ou des petites cellules pyramidales (2), la couche des cellules pyramidales moyennes (3), la couche granuleuse interne (4), la couche des grandes cellules pyramidales (5) et la couche des cellules polymorphes (6).

Coupe du crâne et de l’écorce cérébrale

(figure)

Structure générale du cortex cérébral

(figure)

1 couche moléculaire

2 couche granuleuse externe ou des petites cellules pyramidales

3 couche des cellules pyramidales moyennes

4 couche granuleuse interne

5 couche des grandes cellules pyramidales

6 couche des cellules polymorphes

Source: « Le Soir »

Le cerveau se compose d’un très grand nombre de cellules nerveuses enchevêtrées et de formes différentes suivant leurs localisation.

 

Localisation et fonctions psychomotrices des aires corticales

Le cortex cérébral a une structure multicouches. Les connections émergeant d’une couche donnée ou les projections que celle-ci renvoie sont spécifiques à chaque couche. Le toucher, la vision, le mouvement, la parole, etc., ont leur aire corticale spécifique.

Le neurone est l’unité fondamentale du tissu nerveux. C’est une cellule nerveuse, de forme variable (unipolaire, bi ou multipolaire) dont la fonction principale est d’initier et de conduire les stimuli de l’influx nerveux. Les neurones sont en quelque sorte des unités de réception ou de transmission d’information circulant d’une partie à l’autre du corps. A la différence des autres cellules vivantes, un neurone se forme définitivement lors de la vie fœtale et ne se reproduit pas; sa perte est donc irrémédiable (quelque mille neurones meurent chaque jour chez l’être humain). Le cerveau humain compte une dizaine de milliards de neurones générant un courant électrique et des réactions chimiques, interconnectés en réseau complexe.

La structure du neurone se présente comme une cellule nerveuse de taille variable (4 à 130 millièmes de millimètre) se composant de deux types de prolongements:

l’axone, filament unique et constant, dont la longueur varie de 0,1 millimètre à 2 mètres, où l’influx circule en sens unique, les stimuli étant transportés à l’extérieur de la cellule nerveuse

les dentrites, prolongements plus courts, de nombre variable, ramifiés comme les branches d’un arbre, réceptionnent les stimuli provenant des terminaisons d’axones d’autres neurones.

Entre deux neurones, se trouve la synapse qui est le point de jonction d’un circuit neural: l’axone d’un neurone y affleure le corps cellulaire ou les dentrites d’un autre neurone. Les synapses sont polarisés, c’est-à-dire que les stimuli entre deux neurones circulent dans un sens unique, ce qui implique l’existence d’un neurone excitateur ou moteur et d’un neurone inhibiteur ou sensitif. Les terminaisons synaptiques sont les lieux où sont contenus les neurotransmetteurs, qui sont des molécules qui modulent et régulent le système nerveux. Chaque synapse contient des milliers de molécules de neurotransmetteurs (comme la dopamine, l’adrénaline, l’acetylcholine, etc.).

Liaison entre neurones

Les dentrites sont les parties réceptives des neurones. L’axone, en raison des propriétés chimiques de sa membrane, est le câble de transmission de l’influx nerveux. La synapse est le lieu de transfert des informations entre neurones, les événements chimiques et électriques qui s’y déroulent durent un temps extrêmement court (de l’ordre de la milliseconde).

Le réseau de neurones désigne un ensemble d’automates très simples interconnectés, qui se transmettent les uns aux autres soit des stimulations positives (excitatrices), soit des simulations négatives (inhibitrices). Ce réseau est modelé d’après le système nerveux humain et ses milliards de connexions synaptiques. Le système nerveux humain a évolué pendant 100 millions d’années avant de parvenir à son niveau actuel de complexité et de cohérence. Certains rêvent de pouvoir dupliquer un jour les intelligences humaine et animale.

Sources: Molecules, dynamics & life: an introduction to self-organization of matter, par Agnessa Babloyantz (New York, Wiley, 1986). Anatomie humaine descriptive topographique, par H. Rouvière, tome III, membres, système nerveux central, Paris, Masson et Cie, 1970.

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