Ilya Prigogine. La fin des certitudes

 « Nous pensons nous situer aujourd’hui à un point crucial
de cette aventure, au point de départ d’une nouvelle rationalité
qui n’identifie plus science et certitude,
probabilité et ignorance. »

Ilya Prigogine, La Fin des certitudes.

Le prix Nobel décerné en 1977 à Ilya Prigogine pour sa découverte des structures chimiques dissipatives est venu consacrer de nombreuses années passées à cerner les multiples facettes de l’auto-organisation. Approfondissant une réflexion partie de l’étude des systèmes thermodynamiques loin de l’équilibre, hanté par le rôle du temps, le physicien et chimiste belge Ilya Prigogine est devenu l’un des philosophes majeurs de notre époque.

Du temps à l’état pur
Entretien avec Ilya Prigogine, mené par Réda Benkirane, Université Libre de Bruxelles, mars 1999, 32 mn.
Du temps à l’état pur Entretien avec Ilya Prigogine, mené par Réda Benkirane, Université Libre de Bruxelles, mars 1999, 32 mn.

 

Prigogine et la pensée du non-équilibre

Né en Russie en 1917, Ilya Prigogine étudie la thermodynamique à l’Université libre de Bruxelles. En 1946, il organise une rencontre de mécanique statistique et de thermodynamique ; alors qu’il présente une communication sur les phénomènes irréversibles en thermodynamique, un spécialiste s’étonne que ce jeune chercheur s’intéresse tant au nonéquilibre, aux phénomènes irréversibles et transitoires. Pourquoi ne pas étudier, comme les autres, les processus stables, les choses à l’équilibre ? demande-t-il. C’est que, dès cette époque, le jeune Prigogine, observant que les hommes sont eux-mêmes des systèmes transitoires, avait intériorisé le fait que les lois de la nature affirment à la fois l’être et le devenir. C’est, pense-t-il, le rôle constructif de la flèche du temps que d’assurer ce passage de l’être au devenir ; seul un temps irréversible permet une créativité de la nature et engendre de nouveaux états de la matière. En partant ainsi d’une réflexion théorique sur la chimie et la thermodynamique, réflexion qui a finalement consacré l’école de Bruxelles de l’auto-organisation, Ilya Prigogine en est venu progressivement à une philosophie de la science qui s’intéresse à des « lois du chaos » formulées en termes probabilistes, à un monde fluctuant, bruyant, né de l’existence de particules instables, d’un univers évolutif en expansion et de structures dissipatives, qui vont des ondes chimiques aux cellules cardiaques. Ilya Prigogine est l’auteur de nombreux livres, dont le premier,

La Nouvelle Alliance, a connu un grand retentissement au moment de sa parution en 1979 : le chimiste y exposait à un public extra-scientifique son analyse des phénomènes non linéaires, du chaos et de la complexité. Mais il faut reconnaître que la notoriété d’Ilya Prigogine, son rôle à l’Unesco, ses articles de presse et ses interviews sont plus accessibles que ses livres, qui s’adressent en premier lieu à des lecteurs familiarisés avec les équations de la thermodynamique et la mécanique statistique. Mais, au-delà des formules mathématiques et des passages techniques, les propos de l’auteur manifestent une vision pénétrante de la nature et du rôle du temps qui fait de ces écrits un programme de philosophie riche
et novateur.

Bien entendu, Prigogine a ses détracteurs, notamment dans les milieux scientifiques qui s’intéressent à la complexité, certains considérant qu’il n’est ni un découvreur ni un inventeur et que ses vues sur la science n’ont tout simplement pas de retombées. Mais la conception du temps d’Ilya Prigogine, développée essentiellement dans ses travaux sur la thermodynamique du non-équilibre, est porteuse d’une vision nouvelle. L’histoire des sciences retiendra sa contribution à la compréhension d’un univers post-newtonien, évolutif, historique, où le temps lui-même enfante un possible qui dépasse le réel. Il y aura probablement quelque chose de « prigoginien » dans les sciences à venir.

  Réda Benkirane

 

Ilya Prigogine (1917-2003) a notamment écrit La Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science (en collaboration avec Isabelle Stengers, Gallimard, 1979), Entre le temps et l’éternité (en collaboration avec Isabelle Stengers, Fayard, 1988), À la rencontre du complexe (en collaboration avec Grégoire Nicolis, Presses universitaires de France, 1992), Les Lois du chaos (Flammarion, 1994), La Fin des certitudes. Temps, chaos et les lois de la nature (Odile Jacob, 1996).

 

 

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Réda Benkirane, La Complexité, vertiges et promesses. Dix-huit histoires de sciences.Paris, Le Pommier, 408 pages, 2013.Réda Benkirane, La Complexité, vertiges et promesses. Dix-huit histoires de sciences.Paris, Le Pommier, 408 pages, 2013.

 

 

 
 
 
 
 
 
 

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