Approches du réel

Approches du réel

Ouvrage collectif (Paris, Le Mail, 1986)

Il « s’est tenu en novembre 1984 au Japon un colloque international réunissant des savants et des spécialistes de différentes disciplines, afin d’étudier en commun comment pouvaient être pensés, aujourd’hui, les fondements du réel ; quels pouvaient être les rapports de la pensée scientifique et de la pensée symbolique … C’est pourquoi d’une façon complémentaire aux Actes mêmes du Colloque de Tsukuba, il a paru important de tenter d’en faire le point aujourd’hui, d’en tirer les enseignements possibles et de baliser des voies de recherche et de réflexion »

Extraits significatifs ;
p. 96 ; Needham et la science chinoise ; « Joseph Needham illustre très bien ce que vous disiez. En tant qu’embryologiste, il a lutté pour que soient reconnues, en biologie, les catégories théoriques permettant de comprendre qu’un embryon se développe à partir d’un oeuf pour devenir ensuite un être complet, capable de vivre. or, il se trouve qu’il a été consul en Chine. Il a découvert là-bas un type de pensée qui lui semblait beaucoup plus approprié à la progression de la biologie. Il s’était rendu compte que la pensée occidentale avait privilégié certains domaines dont l’embryologie souffrait, et qu’en donnant à la pensée occidentale le relief que permettait de lui donner la pensée chinoise, on pourrait mieux la comprendre. On pourrait peut-être ainsi se donner la liberté d’inventer de nouvelles catégories théoriques permettant de la faire avancer. D’autre part, il s’est lancé dans l’étude monumentale de la pensée chinoise avec ce sentiment d’urgence de donner aux occidentaux la possibilité de penser différemment. »

p. 162 ; Votre Science est-elle universelle ? ; « Mais pour en arriver au colloque, j’ai été très frappé par quelque chose qui recoupe mes préoccupations. Souvent nos interlocuteurs japonais nous faisaient la réflexion suivante : « Est-ce que la science telle que vous nous la présentez, et telle que nous, Japonais, nous essayons de l’assumer (et nous l’assumons), est une science pleinement universelle ? Est-ce qu’elle ne serait pas un découpage dans la réalité elle-même, qui serait lié à une certaine culture particulière et, en l’occurrence, celle de la modernité occidentale ? ». Or, je me souviens de l’un d’entre eux qui était un historien des sciences. Il disait que jusqu’aux XIIème et XIIIème siècles, c’est-à-dire jusqu’à la fin du Moyen Age, il y avait plusieurs sciences qui chacune correspondait à une certaine vision, une certaine approche du mystère. Il y avait une science chinoise (mais là le Japon doit beaucoup à la Chine), il y avait une science dans le monde musulman, dans le monde chrétien, dans le monde de l’Inde, et d’une certaine façon cela revenait à nous dire : Que vaut votre regard d’occidentaux ? Ce regard est-il vraiment le regard de l’homme sur la nature, ou bien n’est-il pas plutôt le regard d’une certaine culture ? N’est-il pas un regard déterminé et, par conséquent, orienté et limité ? Nous, Japonais, nous pouvons avoir ce regard c’est évident. Quand il faut chercher la distance de la terre à la lune, ceci est valable pour tous les hommes. Mais est-ce qu’il n’y a pas d’autres dimensions de l’être que vous avez, d’une certaine façon, oubliées ?

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